Arsenie Boca, La voie du Royaume, Orthodoxie

Un hiérarque d’attitude

5 juin 2020

Saint Basile le Grand – Un hiérarque d’attitude

père Arsenie Boca (†1989)

Părintele Arsenie Boca, Cuvinte vii, p. 20-24, Editura Charisma, Deva, 2006

 

En l’an 313 après Jésus-Christ, l’empereur Constantin a publié l’édit de Milan, reconnaissant le christianisme parmi les religions d’État. Grande joie dans la chrétienté ! Mais… alors que les chrétiens échappaient à la crainte, en passant de l’illégalité à la liberté, à la personnalité juridique, la vie morale des chrétiens a commencé à s’effilocher. Tandis qu’ils récupéraient leur fortune — les descendants des martyrs —, rares ont été ceux qui n’ont point fait pencher leur amour vers ce monde.

Ainsi, dès qu’ils sont sortis des trous de la terre à la lumière, dès qu’ils ont échappé aux persécutions des Césars, en un mot dès qu’ils sont sortis de la proximité du martyre, quand il n’y avait plus de danger d’avouer ouvertement le christianisme, il est arrivé que l’amour de Dieu et le souci de l’âme se soient tellement refroidis qu’ils ont commencé à suivre un égaré, Arius, qui niait la divinité du Sauveur, — précisément la pierre angulaire par laquelle on tient ou on tombe en tant que chrétiens.
Dès que le christianisme, ou plutôt les chrétiens, ont été libérés, les raisons d’égarement se sont multipliées. (Je ne sais pas comment, mais il semble qu’il n’y ait rien au monde sans raison ; eux, aussi, ont trouvé un commandant à suivre). Il semble que c’est là que commence le jugement, qui sépare les brebis des chèvres. Il aurait été étonnant qu’une telle tentation n’apparaisse pas, puisque, avec l’empereur Constantin, les deux tiers de l’empire ont été convertis de nom au christianisme. Il était « à la mode » d’avoir la même croyance que l’empereur ; – bien que tous ces chrétiens de nom, peu de temps auparavant, aient été terrifiés par les dangers de confesser ouvertement le Christ. Il n’est donc pas surprenant que tous ceux-ci, auxquels s’ajoutent les successeurs de Constantin, et même de nombreux évêques, se trouvent à un moment donné à confesser une foi égarée du christianisme, pareille à l’athéisme. Il n’est pas difficile de comprendre comment les choses sont arrivées là.


 

Fragments de fresques murales de l’église des Trois Hiérarques à Iasi, Roumanie

Lorsque cette vie est stimulée par une richesse constante, par l’insouciance par rapport aux événements, l’homme est corrompu ; et une vie gâchée par les passions abîme également l’esprit, qui, une fois corrompu, ne distingue plus la vérité du mensonge, ni le bien du mal, mais dit exactement le contraire… il appelle bien le mal, et vérité le mensonge.
Quand les persécutions ont cessé, la conduite des chrétiens s’est dégradée, et le déni de la divinité du Sauveur s’était tellement répandu que, dit un historien de l’époque, si Dieu n’avait pas envoyé les saints Basile, Grégoire et Jean, le Christ aurait dû venir une deuxième fois (car les iniquités hâtent le Jugement). Et un philosophe chrétien de notre temps, jetant un regard d’ensemble sur l’histoire du christianisme, trouve également que les chrétiens ont réussi à surmonter la première tentation soulevée contre le christianisme, la tentation de la persécution, mais n’ont pas passé avec le même succès la deuxième tentation, celle du triomphe (sur le paganisme).
Ce qui est explicable : la première tentation a rencontré de vrais chrétiens, qui avaient pris une décision ferme par rapport à cette vie : la sacrifier pour Dieu ; tandis que la deuxième tentation, celle du triomphe, qui exigeait une certaine sagesse pour la contourner, a rencontré un large troupeau de chrétiens figurants.
Mais c’est ainsi que la Providence a démêlé les choses : pour les croyants, elle a envoyé les saints et pour les figurants, et surtout pour les Aryens, elle a envoyé l’empereur Julien l’Apostat, qui, de chrétien, s’est déclaré païen et ennemi du Christ. De plus, afin de se moquer d’une prophétie du Sauveur, il a fait la guerre à Jérusalem pour construire le Temple de Salomon. Au combat, cependant, il s’est trouvé avec une flèche empoisonnée dans sa poitrine, et terrifié il a crié : « Tu m’as vaincu, Galiléen ! ».
Ainsi, tous ceux qui ont nié la divinité du Sauveur, pour plaire à l’empereur apostat, pour être « à la mode », ont renoncé au christianisme.
Mais, on aurait dit une fatalité : tous ceux qui ont renoncé au Christ n’étaient pas satisfaits de leur propre renoncement, mais œuvraient pour le renoncement des autres ; et s’ils s’opposaient à leurs efforts, la dispute était prête et la persécution commençait.
Voici le feu qui teste les fidèles, voici le lien avec leurs prédécesseurs — les martyrs.
Il y a des temps et des circonstances à toute époque où, en disant la vérité et en prêchant la conversion, vous pouvez mettre votre vie en danger. C’est ce qui s’est produit au temps de Jean-Baptiste et d’Hérode, et il en fut ainsi au temps du Saint Jean Chrysostome et de l’impératrice Eudoxie, parce que Jean exigeait le droit de la veuve contre l’impératrice. Saint Jean Chrysostome a prononcé une fois, en défense de la veuve, ces mots : « Hérodiade est de nouveau troublée, et elle demande à nouveau la tête de Jean… ! » Pour son courage à défendre les pauvres contre la cupidité des riches, Saint-Jean a dû emprunter le chemin de l’exil, persécuté par l’impératrice, jusqu’à ce qu’il meure, épuisé, en chemin.
Et Eudoxie était aryenne.


Un christianisme qui ne reconnaît pas Jésus-Christ comme Dieu et Maître du monde ne te force pas à purifier ta vie. Et plus la vie devient impure, plus ta relation avec Dieu s’assombrit, au point de Le renier complètement et de devenir Son ennemi déclaré. La vie vécue de façon terrestre, sans souci, arrive à ce résultat.
Dieu a envoyé les trois Saints Hiérarques afin de mettre un terme à l’avancement du mal. Ils ont été le sel de leur temps, qui a empêché la nature de l’homme de se gâter complètement. Il va sans dire que la nature humaine, encline au péché, ne peut pas les souffrir. Mais ils ne se soucient pas de l’amour du monde. En eux brûle puissamment la mission que Dieu leur a donnée, d’être le sel de la créature et les témoins de Dieu parmi les hommes.
Pour abréger le récit, nous avons choisi dans la vie de saint Basile quelques moments d’une grande hauteur morale à travers lesquels il se révèle être véritablement un grand maître du monde et hiérarque.
C’est vers l’an 372 que l’empereur Valens lui-même est allé à Césarée en Cappadoce, où était pasteur Saint-Basile, avec l’intention de le détourner de la foi orthodoxe vers l’arianisme. Saint Basile lui répondit calmement qu’il gardait la foi que les Saints Pères ont confessée à Nicée (325), et que personne n’avait le pouvoir de prononcer une autre confession de foi.
Recevant une telle réponse, l’empereur Valens chercha une raison pour exiler Saint-Basile, car il savait qu’il était le seul à soutenir la vraie foi en Asie Mineure, et que sans lui, il pourrait facilement convaincre les autres, soit par des leurres soit par des menaces.
L’empereur était accompagné par Modeste, le préfet de la garde prétorienne, et par l’évêque Evippius de Galatie, un arien. Il l’a emmené pour provoquer le scandale afin que le préfet puisse intervenir avec l’armée. Evippius voulut servir dans une église à Césarée, mais Saint-Basile ne le laissa pas avant d’avoir souscrit aux anathèmes prononcées par le concile de Nicée sur les Aryens. Il se plaignit à l’empereur, qui envoya le préfet des prétoriens à Saint-Basile pour l’attirer à l’arianisme, soit par les arguments, soit par les menaces.

Comment oses-tu t’opposer à la religion de l’empereur, déclara le préfet ?
Je ne vois pas d’audace, et je ne connais pas la religion de l’empereur afin de m’y opposer. Je sais que l’empereur, aussi, est créé par Dieu, comme je le suis, et donc il doit avoir la même religion que moi et mes fidèles.
Le préfet a tenté de le séduire :
N’aimerais-tu pas avoir un rang aussi élevé que celui de l’empereur ? Tu pourrais l’avoir à condition que tu confesses la foi de l’empereur.
Saint Basile a répondu :
Nous sommes tous les deux créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, alors je suis semblable à l’empereur. Quant à la gloire, nous ne la connaîtrons que dans la vie future. D’ailleurs, tu peux le juger par toi-même : sera-t-elle accordée à celui qui fera les volontés de Dieu, ou à celui qui travaillera contre lui ?
Mais n’aie-tu pas peur des désagréments qui peuvent t’arriver ? demanda le préfet.
Je n’ai pas peur de souffrir, répondit Basile, car je sais que Dieu ne permettra que les épreuves nécessaires pour expier mes péchés.
Mais ne sais-tu pas que l’empereur peut te faire plus de mal que tu pourrais supporter ?
Qu’est-ce que l’empereur pourrait me faire ? demanda calmement Saint Basile.
Il pourrait te dépouiller de tes biens, t’exiler, même te tuer.
En entendant ces menaces, Saint-Basile répondit en riant :
L’empereur ne peut me faire rien de tout cela.
Ainsi, il ne peut pas me dépouiller de la richesse parce que je me suis depuis longtemps dépouillé moi-même, donc aujourd’hui je n’ai rien.
Il ne peut pas m’exiler là où Dieu n’est pas présent.
Après, par la mort, il ne peut que m’envoyer plus rapidement à la vie que je désire tant.
Dites donc à votre maître, l’empereur, que s’il n’a pas d’autres maux pour m’effrayer, ceux que vous m’avez énumérés ne me font pas peur, et je n’ai aucune intention de faire ses volontés, contre celle de Dieu.

Le préfet des prétoriens a tout raconté à l’empereur et a conclu par ces mots : Nous sommes vaincus par le chef de cette Église. Il est plus fort que nos menaces ; plus dur que nos paroles ; plus puissant que nos séductions. Quand je lui ai dit :
« Je n’ai jamais vu d’homme comme vous », savez-vous ce qu’il a répondu ?
« Peut-être que vous n’avez jamais vu d’évêque ! »
L’empereur s’est mis en colère et a crié avec fureur : « Qu’il soit immédiatement exilé !! »

Il s’est mis lui-même à rédiger le mandat d’exil, mais par trois fois sa plume s’est cassée et il n’a pas pu l’écrire. L’empereur pensa que c’était un signe d’en haut, et cette fois il a laissé la colère pour plus tard.
De retour à Constantinople, il essaya à nouveau d’écrire le mandat d’exil de Saint-Basile, mais subitement son enfant aîné tomba malade et se débattait dans les griffes de la mort. Il ne se calma pas avant l’empereur ait renoncé à sa vengeance envers l’archevêque de Césarée.

Voici le père de l’Église, grand maître du monde et hiérarque.
Voici le disciple marchant tranquillement sur la mer déchaînée.
Voici le pilier de la Vérité, immobile au milieu des vagues
Voici la paix et la modestie insensible aux tempêtes.
Voici un d’entre nous : phare éclairant à travers les âges, soutien dans la quête de la paix au-delà de tout, de la certitude que Dieu est au gouvernail de l’Univers.

Les épreuves ont montré les saints.

Et la sainteté est supérieure à la vie et à la mort.

Amen.

Prislop, le 30 janvier 1949 — Fête de trois Saints Hiérarques


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