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Le vénérable Père PAÏSSY VELITCHKOVSKY [15 novembre]

12 novembre 2020

Notre saint Père Païssy naquit en 1722 au sein de la famille nombreuse d’un prêtre de la ville de Poltava, en Ukraine. Doux, réservé, doué d’une grande capacité de recueillement et d’une vive intelligence, il apprit très vite à lire et se plongea avec passion dans la lecture de l’Écriture sainte, des Vies des saints moines et des écrits des Pères de l’Église, particulièrement ceux qui traitaient de l’ascèse et de la componction.

 

Envoyé à l’Académie Ecclésiastique de Kiev pour y poursuivre ses études, il fut rapidement déçu par son enseignement desséchant, influencé par la scolastique latine et la culture païenne, et par le spectacle des clercs et des moines corrompus par la richesse et l’esprit mondain. Au bout de quatre ans, il abandonna ses études et se mit en quête d’un père spirituel et d’un monastère où il pourrait vivre dans le dépouillement, imitant la pauvreté du Christ. Il séjourna dans divers monastères, devint rasophore sous le nom de Platon ; puis, ayant entendu vanter le mode de vie que l’on menait dans les skites de Moldo-Valachie (la Roumanie actuelle), où s’était réfugié le meilleur des moines russes chassés par les réformes de Pierre le Grand, il s’y rendit en hâte avec quelques compagnons. Platon vécut là quelques années dans les conditions idéales pour la vie monastique, auprès de pères spirituels avisés qui suivaient fidèlement l’enseignement des saints Pères. Il manifesta alors son ardeur pour acquérir les qualités d’un disciple exemplaire : obéissance absolue, humilité, amour des frères, constance et joie dans les épreuves, zèle pour la méditation et la prière. Comme ses supérieurs, à la vue de ses progrès, voulaient le faire ordonner prêtre avant l’âge requis de trente ans, craignant d’enfreindre en quoi que ce fût les saints Canons, il quitta son monastère et la Roumanie pour se diriger vers le terme de ses aspirations : le Mont Athos.

 

Toutefois, en raison de l’occupation turque, la situation de la Sainte Montagne n’était guère brillante : l’ignorance régnait et les hommes spirituels étaient rares, tant parmi les moines grecs que parmi les slaves. N’ayant pu trouver, malgré ses recherches, le père spirituel auquel son âme aspirait, Platon s’installa seul, près du monastère de Pantocrator, n’ayant pour guides que l’Écriture sainte, les écrits des saints Pères et le témoignage de sa conscience. Réduit à la plus extrême pauvreté, il ne mangeait qu’un jour sur deux, luttant chaque jour contre les tentations de découragement, et persévérant dans la prière et la méditation des écrits patristiques.

Au bout de quatre années de luttes, le vénérable Basile de Poïana Marului [Poiana Mărului] [25 avr.], qu’il avait connu en Roumanie, vint en visite à l’Athos (1756). Il le tonsura moine sous le nom de Païssy et lui conseilla de prendre avec lui quelques compagnons, afin d’échapper aux dangers d’une vie érémitique prématurée. Peu de temps après, un jeune moine roumain, Bessarion, qui comme lui n’avait pu trouver de père spirituel, se présenta et lui demanda avec larmes de le recevoir comme disciple. Païssy, se jugeant indigne d’enseigner, accepta de le prendre avec lui, non comme disciple mais comme frère et compagnon d’ascèse. Ils vécurent ainsi dans l’obéissance mutuelle, n’ayant qu’une seule âme et un seul cœur, mus d’un même élan vers Dieu seul. Leur conduite était si agréable à Dieu qu’ils attirèrent bientôt d’autres frères, roumains et slaves, qui désiraient suivre la voie enseignée par les saints Pères. Quand ils atteignirent le nombre de douze, ils adoptèrent le mode de vie communautaire, car la vie cénobitique est l’image de la vie des saints Apôtres rassemblés autour du Seigneur et celle de la liturgie perpétuelle des anges autour du trône du Roi céleste. En 1758, Païssy, qui refusait toujours de se considérer comme leur maître, céda finalement aux instances de ses compagnons et accepta d’être ordonné prêtre et de devenir leur confesseur.

Malgré les difficultés matérielles, la communauté s’accroissait sans cesse. Ils changèrent de demeure pour s’établir dans la skite du prophète Élie et, au bout de quelques années, l’endroit étant devenu trop étroit, ils s’installèrent au monastère de Simonos Pétra, qui se trouvait alors fermé pour dettes. Mais bientôt harcelés par les créanciers, ils décidèrent finalement de quitter l’Athos pour retourner en Roumanie (1763).

Païssy et ses soixante-dix disciples furent accueillis avec joie par le métropolite et le despote de Moldavie qui mirent à leur disposition le petit monastère du Saint-Esprit à Dragomirna. L’Ancien y organisa la vie communautaire selon les usages athonites et en se conformant scrupuleusement aux prescriptions des saints Pères. Dépouillés de tout bien et de tout attachement au monde, retranchant constamment leur volonté propre, les moines se tenaient la conscience à nue devant Dieu, en ayant comme intercesseur et médiateur leur père spirituel, qui était pour tous une vivante image du Christ.

L’obéissance – enseignait Païssy – est l’échelle qui mène de la terre au ciel, la voie qui conduit à l’impassibilité. En renonçant à sa volonté propre dans les multiples occasions que procure la vie commune, avec humilité, paix et crainte de Dieu, le moine peut garder continuellement le « souvenir de Dieu » et invoquer en secret le saint Nom de Jésus. Une fois rentré dans sa cellule, il s’adonne alors à la méditation de l’Écriture et des écrits inspirés des Pères, aux prosternations avec larmes, et s’efforce surtout de faire descendre son intelligence dans son cœur apaisé pour y invoquer sans trouble le Nom du Christ. C’est dans la communauté du bienheureux Païssy qu’on adopta, pour la première fois, les méthodes de la prière intérieure aux conditions de la vie cénobitique. Jusqu’alors, en effet, cette forme de prière contemplative était réservée aux ermites et aux hésychastes. Dans l’église, les offices étaient parfaitement réglés : un chœur chantait en slavon et l’autre répondait en roumain. Chaque soir les moines se confessaient à leur Ancien, de manière à ne pas laisser le soleil se coucher sur la colère (Éph 4, 26) ou la dissension. Si toutefois un frère gardait rancune à un autre frère, il lui était interdit de pénétrer dans l’église et même de réciter le Notre Père.

Le bienheureux Païssy guidait son troupeau sans cesse grandissant, en puisant avec dévotion dans les écrits des grands maîtres du monachisme. Il approchait ces textes avec tout le respect, l’humilité, l’amour d’un disciple pour son père spirituel. Comme, depuis Kiev, il souffrait de l’insuffisance des anciennes traductions slaves, qui rendaient souvent le texte incompréhensible, et qu’il s’était vainement fatigué à les comparer lors de son séjour à l’Athos, il apprit le grec ancien et entreprit avec patience la collation de toute une série de copies des écrits patristiques dans leur langue originale. À Dragomirna, il travailla sans relâche à la correction de ces textes, avec un admirable respect et une méthode d’une parfaite rigueur critique, et s’attacha à traduire à partir du grec des œuvres de nombreux Pères, tels que saints Antoine, Hésychios, Macaire, Diadoque, Philothée du Sinaï, Théodore Stoudite, Syméon le Nouveau Théologien, Grégoire le Sinaïte… et surtout Isaac le Syrien. Aidé par un groupe croissant de collaborateurs, il les corrigeait sans cesse et les éprouvait en les lisant et les commentant à la communauté réunie : un soir en slavon et le lendemain en roumain.

À l’issue de la guerre russo-turque (1774), la partie de la Moldavie du Nord (Bucovine), où se trouvait le monastère, ayant été cédée à l’Autriche, la communauté, craignant les pressions de la part des autorités catholiques, décida de quitter Dragomirna pour s’installer au monastère de Sékou. Ce monastère se trouvant bientôt surchargé, Païssy dut accepter, à contrecœur, de diviser sa famille spirituelle, et il alla s’installer avec le plus grand nombre de ses disciples au monastère proche de Néamts [Neamț] (1779), le centre de la vie spirituelle de Moldavie depuis le XIVe siècle. Son armée monastique atteignit bientôt le nombre de mille moines : sept cents à Néamts et trois cents à Sékou [Secu]. Outre les activités liturgiques et spirituelles, de nombreuses activités de bienfaisance avaient été organisées à Néamts. Les visiteurs venaient de Russie et de toutes les régions des Balkans pour y admirer l’ordre, la paix, la charité mutuelle et la dévotion qui régnaient dans ces monastères, et nombre d’entre eux demandaient à y être reçus comme moines.

De plus en plus absorbé par ses travaux de traduction, saint Païssy restait néanmoins un père attentif envers ses fils spirituels. Il recevait sans distinctions ceux qui venaient solliciter ses conseils et entretenait une vaste correspondance dans tout le monde slave. « Le Bienheureux possédait un tel don – écrit un de ses disciples et biographes –, qu’il pouvait ranimer par ses paroles le zèle du plus indolent parmi les hommes. » Un visiteur grec de Néamts témoignait quant à lui :

« Je vis de mes yeux la sainteté incarnée, un homme libre de toute passion et absolument transparent. Son visage m’apparut d’une très grande douceur, très pâle, comme exsangue. Sa barbe était toute blanche et brillante, très propre… Il se montrait très doux dans la conversation, parlait sans aucune recherche. On eût dit un homme sans corps. »

Saint Païssy s’endormit en paix, le 15 novembre 1794, un an après la publication de la première traduction slave de la Philocalie, publiée en grec onze ans auparavant par saint Macaire de Corinthe [17 avril] et saint Nicodème l’Hagiorite [14 juil.], laquelle était principalement composée de traductions depuis longtemps préparées par Païssy et ses disciples. Ces traductions, diffusées par ses disciples, et le rayonnement de la sainteté du bienheureux starets furent à l’origine d’un vaste mouvement de restauration de la vie spirituelle et du monachisme traditionnel en Russie, qui dura jusqu’à la Révolution de 1917.

Le Synaxaire. Vie de Saints de l’Église orthodoxe

Deuxième édition
par hiéromoine Macaire, monastère de Simonos Pétra au Mont Athos
Troisième volume [novembre], publié par les éditions Simonos Pétra

La vie de saint Païssy Velitchkovsky est publiée ici avec l’aimable autorisation de l’auteur


 

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