Catéchèse, Orthodoxie

Comment le feu de l’enfer, si c’est un feu corporel …

24 septembre 2020

… pourra brûler les malins esprits, c’est-à-dire les démons qui n’ont point de corps.

par le bienheureux Augustin

Ici se présente une question : si le feu de l’enfer n’est pas un feu immatériel, analogue à la douleur de l’âme, mais un feu matériel, brûlant au contact et capable de tourmenter les corps, comment pourra-t-il servir au supplice des démons qui sont des esprits ?

Bamberger Apokalypse – Staatsbibliothek Bamberg Msc.Bibl.140 / Reichenau, circa 1010

 

Car nous savons que le même feu doit servir de supplice aux démons et aux hommes, suivant cette parole de Jésus-Christ « Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges ». Il faut donc que les démons aient aussi, comme l’ont pensé de savants hommes, des corps composés de cet air grossier et humide qui se fait sentir à nous, quand il est agité par le vent. En effet, si cet élément ne pouvait recevoir aucune impression du feu, il ne deviendrait pas brûlant, lorsqu’il est échauffé dans un bain ; pour brûler, il faut qu’il soit brûlé lui-même, et il cause l’impression qu’il subit. Au surplus, si l’on veut que les démons n’aient point de corps, il est inutile de se mettre beaucoup en peine de prouver le contraire. Qui nous empêchera de dire que les esprits, même incorporels, peuvent être tourmentés par un feu corporel d’une manière très-réelle, quoique merveilleuse, du moment que les esprits des hommes, qui certainement sont aussi incorporels, peuvent être actuellement enfermés dans des corps, et y sont unis alors par des liens indissolubles ? Si les démons n’ont point de corps, ils seront attachés à des feux matériels pour en être tourmentés ; non qu’ils animent ces feux de manière à former des animaux composés d’âme et de corps ; mais, comme je l’ai dit, cela se fera d’une manière merveilleuse ; et ils seront tellement unis à ces feux, qu’ils en recevront de la douleur sans leur communiquer la vie. Aussi bien, cette union même qui enchaîne actuellement les esprits aux corps, pour en faire des animaux, n’est-elle pas merveilleuse et incompréhensible à l’homme ? et cependant c’est l’homme même.

Je dirais volontiers que ces esprits brûleront sans corps, comme le mauvais riche brûlait dans les enfers, quand il disait : « Je souffre beaucoup dans cette flamme » (Luc, XVI, 24) ; mais j’entends ce qu’on va m’objecter : que cette flamme était de même nature que les yeux que le mauvais riche éleva sur Lazare, que la langue qu’il voulait rafraîchir d’une goutte d’eau, et que le doigt de Lazare dont il voulait se servir pour cet office, bien que tout cela se fit dans un lieu, où les âmes n’avaient point de corps. Cette flamme qui le brûlait et cette goutte d’eau qu’il demandait étaient donc incorporelles, comme sont les choses que l’on voit en dormant ou dans l’extase, lesquelles, bien qu’incorporelles, apparaissent pourtant comme des corps. L’homme qui est en cet état, quoiqu’il n’y soit qu’en esprit, ne laisse pas de se voir si semblable à son corps qu’il n’y peut trouver de différence. Mais cette géhenne, que l’Écriture appelle aussi un étang de feu et de soufre (Apoc XX, 9), sera un feu corporel, et tourmentera les corps des hommes et des démons ; ou bien, si ceux-ci n’ont point de corps, ils seront unis à ce feu, pour en souffrir de la douleur sans l’animer. Car il n’y aura qu’un feu pour les uns et pour les autres, comme l’a dit la Vérité (Matt XXV, 41).

 


La Cité de Dieu, Livre XXI, Chapitre X, Œuvres complètes de Saint Augustin, tome treizième, p.494-5, L. Guérin & Cie, Éditeurs, Bar-le-Duc, 1869


 

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