Chrysostome, Orthodoxie

Saint Jean Chrysostome, aux chrétiens de France – Au clergé

4 novembre 2020

Bienheureux, vous tous qui avez été jetés en prison, chargés de chaînes et de liens. Oui, vous êtes bienheureux, trois fois bienheureux. Vous vous êtes attiré l’admiration et l’amour de l’univers.

 

 

Partout, sur la terre, sur la mer, on chante vos glorieux exploits, votre courage, votre invincible constance, votre âme vraiment libre et généreuse. Rien n’a pu vous effrayer, ni les tribunaux, ni les bourreaux, ni les plus cruelles tortures, ni la mort dont on vous a menacés. En vain les lèvres du juge lançaient la flamme contre vous, en vain vos ennemis grinçaient les dents, vous dressaient mille embûches, vous calomniaient, vous chargeaient d’impudentes accusations, en vain vous mettaient-ils chaque jour la mort devant les yeux. Vous avez trouvé dans ces supplices mêmes d’abondantes consolations. C’est pourquoi tous vous décernent des couronnes, et publient votre vertu, non-seulement vos amis, mais encore vos ennemis, et ceux qui vous ont persécutés. Vos ennemis ne le font pas ouvertement sans doute ; mais si l’on pouvait lire dans leur conscience, on les trouverait remplis d’admiration pour votre conduite. Telle est en effet la vertu, elle excite l’admiration de ceux-mêmes qui lui font la guerre : la méchanceté est au contraire condamnée même par les méchants. Voilà votre récompense dans cette vie ; mais qui pourrait dire les biens qui vous sont réservés dans les cieux ? Vos noms sont inscrits au livre de vie, avec ceux des martyrs. J’en suis certain. Je ne suis pas monté au ciel, il est vrai, mais les divins oracles me l’ont enseigné. Jean, le fils de la femme stérile, l’habitant du désert, témoin de l’adultère d’Hérode, blâma ce prince, sans pouvoir le convertir ; on le jeta en prison, on lui trancha la tête ; il eut ainsi l’honneur d’être martyr et le premier des martyrs. Quelle récompense n’obtiendrez-vous donc pas, vous qui avez défendu les lois et les constitutions des Pères, quand on les foulait aux pieds, soutenu le sacerdoce audacieusement outragé et profané ; vous qui avez souffert tant de supplices pour la vérité, pour confondre la calomnie ? Il ne vous est point permis d’avoir la femme de votre frère [Mt XIX.4], disait le courageux, le sublime précurseur de Jésus, et c’en fut assez pour prouver son intrépidité. Vous aussi, vous avez dit : voici que nos corps vont être livrés aux supplices et aux tourments ; eh ! bien, faites-les mourir, accablez-les des supplices les plus cruels, vous ne pourrez nous contraindre à proférer des calomnies ; nous aimons mieux mourir mille fois.

On ne vous a point tranché la tête ; mais le traitement qu’on vous a fait subir n’est-il pas encore plus affreux ? Il y a certes moins de mérite à perdre la vie par un supplice d’un instant, que de lutter si longtemps contre de telles douleurs, et de telles menaces, que d’être jeté en prison, trainé devant les tribunaux, livré aux mains des bourreaux, aux langues impudentes des calomniateurs, à leurs injures, à leurs sarcasmes, à leurs railleries. Il n’est point de lutte plus glorieuse que celle-là ; c’est saint Paul qui nous l’apprend en ces termes : Rappelez-vous les jours anciens, où éclairés par la lumière de la foi, vous avez soutenu le glorieux combat des afflictions [Hébr X.32]. Il énumère ensuite les phases diverses de cette lutte : On a donné en spectacle vos opprobres et vos afflictions ; et vous avez compati aux douleurs des affligés [Hébr XXXIII]. Compatir aux douleurs d’autrui, c’est engager un combat ; n’est-ce donc pas combattre aussi que de souffrir soi-même ? Vous êtes morts, non pas une fois ou deux seulement, mais mille fois ; non point dans la réalité, mais par la volonté. Réjouissez-vous donc, et tressaillez d’allégresse. Le Seigneur vous ordonne, non-seulement de ne pas vous attrister, de ne pas vous laisser abattre, mais encore de vous réjouir et de tressaillir d’allégresse, quand on en viendra à proscrire votre nom comme détestable. S’il faut se réjouir à propos des calomnies, songez quelles récompenses, quelles couronnes méritent ceux qui sont non-seulement calomniés, mais encore battus de verges, mis à la torture, percés de glaives acérés, chargés de chaînes, envoyés en exil, menés de pays en pays, assaillis par des légions d’ennemis. Réjouissez-vous donc et tressaillez d’allégresse [Mt V.12] Montrez-vous pleins de courage et de force, songez que par votre exemple vous avez ranimé le courage des chrétiens, raffermi ceux qui chancelaient, les absents comme les présents ; songez que les chrétiens les plus éloignés ont retiré de vos souffrances les plus grands avantages sans en avoir été les témoins, mais pour les avoir entendu raconter. Ayez toujours à la bouche ces paroles de l’Apôtre : Les souffrances de cette vie ne sont point proportionnées à la gloire dont nous serons environnés dans les cieux [Rom VIII.18] Encore un peu de temps : le terme de vos épreuves, le moment de la délivrance approche. Ne vous lassez point de prier pour nous. Une longue distance nous sépare, et il y a longtemps que nous vivons loin de vous ; mais nous vous aimons comme si nous étions près de vous, nous couvrons de nos baisers vos têtes chéries et ornées de couronnes, nous vous serrons affectueusement dans nos bras ; nous savons bien que vous nous offrez en retour cette charité qui ne s’est jamais démentie. Si l’on peut s’attendre à une récompense uniquement parce que l’on vous aime, songez quelles récompenses sont réservées à ceux, qui comme vous, se sont couverts de gloire dans de si nombreux combats.

 

Lettres aux évêques, aux prêtres et aux diacres jetés en prison à cause de leur piété

Saint Jean Chrysostome – Œuvres complètes traduites pour la première fois en français sous la direction de M. Jeannin – t. IV, p. 397-8, Sueur-Charruey, Imprimeur-Libraire-Editeur, Arras, 1887

 

 

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