Orthodoxie

La peste à Néocésarée

24 avril 2020

SUR LA VIE ET LES MIRACLES DE NOTRE PÈRE PARMI LES SAINTS, GRÉGOIRE LE THAUMATURGE

GRÉGOIRE DE NYSSE

Éloge de Grégoire le Thaumaturge / Éloge de Basile, Traduction de Pierre Maraval, collection Sources chrétiennes, no. 573

 

86. Que nul de ceux qui auront connaissance de ce discours ne s’étonne de ce passage rapide de toute la nation de la vanité grecque à la connaissance de la vérité et que nul ne soit incrédule en considérant la disposition providentielle grâce à laquelle a eu lieu une telle transformation de ceux qui sont passés du mensonge à la vérité. Ce qui a eu lieu durant les premiers temps de son sacerdoce, que le discours a omis en privilégiant ses autres miracles, je vais maintenant le reprendre pour le raconter.

Evritania. L’Église diocésaine. Saint Theodoros Tiron, détail

 

87. Il y avait dans la ville une fête de tout le peuple célébrée en l’honneur d’un démon des environs selon un rite traditionnel. A cette fête affluait presque toute la nation de cette région, qui la célébrait avec la ville. Le théâtre était rempli de tous ceux qui étaient accourus, et la multitude de ceux qui affluaient encore se déversait de toutes parts sur les gradins. Comme tous désiraient être près de l’orchestre pour mieux voir et entendre, le bâtiment était plein de vacarme et les acteurs ne pouvaient jouer, ça le tumulte de ceux qui étaient à l’étroit non seulement empêchait de profiter de la musique, mais ne laissait même pas les acteurs faire montre de leur art. Alors une clameur commune jaillit de tout le peuple : ils invoquaient le démon en l’honneur de qui ils faisaient la fête et ils lui demandaient de leur donner de l’espace.

88. Comme tous criaient ensemble à qui mieux mieux, la clameur s’élevait très haut et la parole qui faisait cette prière au démon semblait issu de la ville comme d’une seule bouche. Cette prière, pour en rapporter les termes mêmes, était : Zeus, fais-nous de la place. Ce Grand, ayant entendu la clameur par laquelle ceux qui appelaient le démon par son nom demandaient que la ville ait de l’espace, envoya un de ses proches leur dire que bientôt leur serait donné de l’espace, un plus grand espace que celui que demandait leur prière.

89. Et lorsque cette parole venant de lui eut été prononcée comme une sévère sentence, la peste s’approche de cette fête publique, et soudain le thrène funèbre se mêlait aux chœurs de danse, de sorte que pour eux le plaisir se changeait en deuil et malheur. A la place des flûtes et du tapage, ce fut le chant funèbre ininterrompu qui envahit la ville. Une fois en effet que la maladie fondait sur les gens, elle progressait plus vite qu’attendu, dévorant les maisons à la manière d’un feu, de sorte que les temples étaient remplis de ceux qui, frappés par la maladie, s’y réfugiaient dans l’espoir d’être guéris. Les sources, les fontaines, les puits étaient assiégés par ceux que dévorait la soif provoquée par la rigueur de la maladie. L’eau pour eux était impuissante à apaiser la fièvre intérieure, car ceux qui avaient été atteints par la maladie étaient dans le même état après avoir bu comme avant. Beaucoup se rendaient d’eux-mêmes à leurs tombes, car les vivants ne suffisaient pas pour ensevelir les morts. L’attaque du mal n’était plus inattendue pour les gens, mais dès que son apparition survenait dans la maison qu’elle allait saisir, la ruine suivait de même.

90. Lors donc que la cause de la maladie devint manifeste à tous, car le démon qu’ils avaient invoqué avait funestement exaucé la prière des sots en provoquant par la maladie ce funeste espace dans la ville, ils viennent comme des suppliants auprès du Grand en lui demandant que le cours du mal s’arrête grâce au Dieu connu et prêché par lui, dont ils confessaient qu’il était le seul vrai Dieu et qu’il avait pouvoir sur toutes choses. Car lorsque cette apparition se manifestait, précédant la ruine d’une maison et provoquant aussitôt le désespoir, il n’y avait qu’un seul moyen de salut pour ceux qui étaient en danger : que le grand Grégoire vienne dans cette maison et écarte par la prière la maladie qui fondait sur cette maison. Et comme le bruit s’était rapidement répandu grâce à ceux qui avaient profité les premiers d’une telle guérison, toutes les pratiques que leur sottise leur avait fait pratiquer auparavant cessèrent : oracles, sacrifices expiatoires, fréquentation des idoles. Tous regardaient vers le grand prêtre et chacun cherchait à l’attirer chez lui pour le salut de toute sa famille. Pour lui, la récompense était le salut des âmes de ceux qu’il avait guéris, car dans une telle expérience se manifestait la piété du prêtre, et pour ceux qui avaient appris par les faits la puissance de la foi il n’y avait plus de délai pour donner son assentiment au mystère.

91. C’est ainsi que la maladie, pour ces hommes, fut plus efficace que la santé, car ceux qui étaient en bonne santé, alors qu’ils manquaient de raisons assez fortes pour accepter le mystère, furent rendus forts pour la foi par la maladie du corps. Et ainsi, quand l’erreur des idoles eut été écartée, tous se convertissaient au nom du Christ, les uns conduits à la vérité par la maladie, les autres ayant mis devant eux, comme une protection contre la peste, la foi au Christ.

92. Il y a encore beaucoup de miracles du grand Grégoire qui ont été conservés jusqu’à ce jour par le souvenir. Mais pour épargner les oreilles incrédules, de sorte que ne subissent pas de dommage ceux qui estiment que le vrai est mensonge à cause de la grandeur des faits rapportés, nous ne les avons pas ajoutés à ce récit.

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