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Les vies d’un confesseur contemporain de la foi orthodoxe II / II

18 décembre 2021

Brève biographie de l’archimandrite Justin Pârvu

Rédigée par la moniale Dometiana, le Saint Monastère de Paltin Petru-Vodă

 

L’homme doit être mi-amour, mi-lutte !

 

« Vivre en saint, mais être là où il faut sanctifier ! »

 

À l’instar du saint hiéromartyr Charalambos, le père Justin a confessé le Christ jusqu’à s’identifier au peuple roumain, à ses souffrances. Dieu a donné au Père Justin de nombreux dons, il était porteur de charismes, mais le plus grand de tous fut le don de la liberté, qu’il a utilisé de manière positive même en prison. Il s’agit de la liberté de suivre le Christ, de suivre le chemin que les saints ont tracé.

 

« Vivre en saint, mais être là où il faut sanctifier ! », tel est le seul idéal poursuivi par le Père Justin. La liberté dans l’esprit consiste à vivre en dehors du péché, à vaincre les passions. Tout l’être du Père Justin était continuellement tourné vers Dieu, convertissant l’homme charnel à l’homme spirituel, le moine seul avec son Seigneur se transformant en personne de communion, l’homme mortel en homme immortel, tout comme Melchisédech, dont il a été dit qu’il était « sans père, sans mère, sans généalogie ; qui n’a ni commencement de jours ni fin de sa vie » (Hébreux 7,3).

Et le Père Justin était tellement uni à Dieu dans le réconfort qu’il apportait aux gens que les mots de Saint Silouane lui convenaient également : « Pour être libre, il faut se lier soi-même ». Parce que le Père Justin a beaucoup aimé, il a aussi eu le privilège d’être aimé. Les dons que l’abbé a reçus de Dieu : amour, miséricorde, équilibre, humilité, sagesse, modération, consolation et guérison des maux corporels et spirituels, bonté sans limites, prévoyance, sont attestés par ceux qui sont venus lui demander de l’aide. L’abbé voyait l’âme de l’homme avec des yeux spirituels, il voyait sa vie entière, et c’est pour cette raison que l’aide qu’il apportait aux gens était si efficace. Le Père Justin a nourri spirituellement non seulement les moines, mais aussi les laïcs, leur a révélé la volonté de Dieu et les a «édifiés, exhortés et consolés » (I Cor. 14:3).

L’enseignement de l’abbé Justin peut être assimilé, à un niveau différent, dans le pur esprit de la prédication orthodoxe, à l’enseignement du père Joseph l’Hésychaste, du Mont Athos, ou de l’archimandrite Sophonie de l’Essex. Mais la souffrance a ouvert au père Justin d’autres canaux de perception, différents de ceux des autres pères à la vie sainte. Il ne s’agissait pas, chez le Père Justin, de la souffrance spirituelle pour Dieu, qui ne détruit pas, mais est une source de joie, habituelle pour le moine, mais de cette souffrance ressentie organiquement pour la douleur des autres. Le père disait : « Portons volontairement dans nos vies la croix de la douleur » ou « Notre chance, c’est la souffrance et l’amour pour nos convictions. Et c’est ainsi que nous vainquons ».

L’abbé Justin dégageait une paix rassurante, mais pas une paix insouciante. C’était une paix qui inculquait la responsabilité et la confiance que l’on est capable de faire quelque chose. Le Père Justin a été un combattant jusqu’au dernier moment de sa vie […] : qu’il parle aux gens de la dernière querelle concernant la puce biométrique, ou de la nation, ou de la nécessité de canoniser en Roumanie les martyres de la répression communiste. C’est ainsi que le Père a procédé, pour la nation, avec l’Évangile devant soi. De nombreuses fois le Père a demandé aux Roumains partis à l’étranger de « garder la foi orthodoxe, de la protéger », car « la vie ne peut être heureuse qu’avec Dieu, et celui qui est sans Dieu n’a plus rien ».

En 2012, l’hiéromoine Justin remercia la Sainte Vierge, les martyres et les anciens collègues de souffrance, veilleurs célestes du monde terrestre, pour l’accomplissement de son rêve concernant la construction d’un monastère sur les lieux du camp de Canal, dédié à ceux qui ne sont plus parmi nous. C’est une réalisation de ces vieux jours, afin qu’il puisse dire paisiblement, comme l’ancien Syméon : « Maintenant, Seigneur, vous laisserez Votre serviteur s’en aller en paix, selon Votre parole » (Luc 2 : 29).

LE PÈRE ÉTAIT UN PROFESSEUR, NON SEULEMENT PAR SES PAROLES, MAIS AUSSI PAR CE QU’IL ÉTAIT, PAR SA PRÉSENCE.

 

Le Père Païssi l’Hagiorite a dit que le fondement de la vie spirituelle est de penser d’abord à son prochain et ensuite à soi-même. L’abbé Justin en a fait l’expérience. Plus il se rapprochait de son prochain, plus il se rapprochait de Dieu. Il vivait l’Évangile dans sa relation avec son prochain qui avait besoin qu’on lui mette du baume sur sa blessure.

De son lit de souffrance, alors qu’il luttait contre la maladie, le 7 mai 2013, il a réconforté ses filles spirituelles avec une parole édifiante : « Mes filles spirituelles, nous avons été et restons ensemble jusqu’à la fin de cet âge qui passe. Priez paisiblement chez vous et demeurez dans ce plan de la Mère de Dieu et nous nous retrouverons de nouveau ensemble, et ferons nos pensées de salut pour l’avenir. Que Dieu vous bénisse et qu’Il soulage votre douleur spirituelle et charnelle, la vôtre, la mienne et celle de notre nation chrétienne orthodoxe. Que vous soyez bénies dans ce que vous désirez ! »

Le père enseignait non seulement par les mots, mais par ce qu’il était, par sa présence. Il y a quelques années, Michel Quenot, professeur et « théologien de l’icône », est venu de Suisse et a dit du Père Justin : « Il suffit que je l’aie entendu. À ses côtés on ressent une joie, une chaleur, une bénédiction paternelle que seul un père véritable peut offrir. »  C’était un théophore capable de converser d’égal à égal avec tout le monde, de l’enfant à l’intellectuel, jusqu’au paysan le plus simple, mais aussi un homme qui pouvait partager leurs souffrances et leurs joies, souffrir, mais aussi rire avec eux. Son engagement envers ses fils spirituels et envers ceux qui lui rendaient visite représentait une autre dimension de son existence ; il portait leurs péchés dans son repentir.

Nous ne pouvons pas laisser de côté la lucidité spirituelle acquise par la prière silencieuse, par la simplicité. La vie du Père Justin dans le Christ était cette lucidité ininterrompue. Telle lucidité, telle sainteté. Telle sainteté, telle force. Telle force, telle foi. Telle foi, telle humanité. Mais l’amour est aussi lucidité, pensait le père, car en aimant on perçoit sa dimension humaine.

Interrogé sur la mort, le père Justin a répondu :

« La mort elle-même n’existe pas, même si elle est l’acte le plus certain de la vie d’un homme… ». Le Père Justin reste un combattant terrestre et un triomphateur céleste. De là-haut, il veille sur ses compagnons d’infortune qu’il avait hâte de rencontrer, pour accomplir ce qu’il a commencé ici-bas : voir ces martyrs canonisés. Le saint apôtre Paul écrit dans sa première lettre aux Corinthiens que « Dieu nous traite, nous les Apôtres, comme les derniers des hommes, comme des condamnés à mort, puisque nous sommes donnés en spectacle au monde, et aux Anges, et aux hommes. Nous, nous sommes fous à cause du Christ » (4 : 9-10). Il s’agit de la manière dont le prêtre, par son ministère, va à l’encontre de l’esprit de ce monde, du monde du péché. Lorsque le prêtre encense le Saint Autel, il le fait dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, contre la temporalité du monde. L’abbé Justin a lutté ainsi, avec dignité, dans les temps difficiles du communisme et encore plus ces dernières années, quand la déchristianisation du monde est devenue plus forte.

On dit que Dieu appelle chacun à Lui lorsque ses chances de salut sont les meilleures, lorsque le fruit est mûr. La fin arrive selon nos prières et nos efforts. Mais le Père Justin se tenait prêt, veillant à son propre salut et à celui des autres, soutenant et guidant les autres dans la foi, afin qu’ils se perfectionnent, car les anges mêmes du ciel et les saints grandissent dans leur ressemblance de Dieu et progressent dans la vertu. Le Père était toujours prêt à accueillir l’Époux céleste avec le cierge de son âme allumé. Car notre vie est dans la main de Dieu : « lorsque vous entendrez parler de guerres et de séditions, ne soyez pas effrayés ; car il faut que ces choses arrivent d’abord, mais ce ne sera pas encore aussitôt la fin. » (Luc 21 : 9), comme le dit le Sauveur. Ayons peur que nos âmes ne soient pas prêtes à accueillir le Christ. Rares sont les paroles sur le Père Justin, qui a assumé consciemment la sagesse de son martyre, plus vivantes et plus profondes que toute théorie, que les vers d’un autre martyr, confesseur dans les prisons communistes, Constantin Oprișan, disciple inconnu de Heidegger :

 

« Douloureusement portait-Il son fardeau sur Son corps ensanglanté ;

Je tirais sur le bois de la Croix, quand l’Homme est tombé ;

Il s’est tourné pour me regarder dans les yeux, avec tristesse…

Et Papini, tremblant, me dit : « Je L’ai vu ! »

Et il éclata en sanglots : « Pourquoi ne suis-je pas allé avec Lui,

Supporter son fardeau et grimper la montagne ? »

J’ai pleuré, et Il a essuyé les larmes de mon visage avec Son manteau,

Et depuis, dans mes larmes je porte Son visage.

« Tu ne peux pas savoir », me dit-il, « de quelles profondeurs je pleure,

De quelles obscurités émerge la larme d’une pauvre créature !

Tiens ! Regarde-la ! Tu peux y voir.

Un instant, une douleur, un ciel entier, et l’Homme ».

 

(fragment d’une Épopée noologique, écrite en prison)

 

Le Père nous a quittés physiquement, mais il est présent avec l’âme, il est la force qui grandit en nous, qui ne nous quitte jamais si nous l’avons vraiment écouté. Quatre mots constituent son testament : unité, repentir, obéissance à l’Église et prière. Nous nous devons de les garder !

 


 

Ne vorbește Părintele Justin,  Volumul III, Fundația Justin Pârvu, Monastère de Paltin Petru-Vodă, 2015, p. 242-249

Traduction : hesychia.eu

 


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