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Les vies d’un confesseur contemporain de la foi orthodoxe I / II

5 décembre 2021

Brève biographie de l’archimandrite Justin Pârvu

Rédigée par la moniale Dometiana, le Saint Monastère de Paltin Petru-Vodă

 

L’homme doit être mi-amour, mi-lutte !

 

Le 16 juin 2013 pris fin le voyage terrestre de l’hiéromoine du Grand Habit, Justin Pârvu, du monastère de Petru Vodă, connu par de nombreux croyants du monde entier.
 

 

Le Père Justin est né le jour de la fête du Saint Grand Martyr Charalambos, le 10 février 1919, dans le hameau de Petru Vodă, commune de Poiana Teiului, département de Neamț. « Cette belle et riche enfance que j’ai vécue m’a aidé à supporter de nombreuses épreuves en prison. Dans cette région montagneuse où les hommes sont la plupart du temps partis au travail, les mères étaient celles qui s’occupaient de la mise au monde, de l’éducation, de la formation du caractère et de la nourriture spirituelle de leurs enfants ».

La région de Moldavie où est né le Père Justin est considérée comme l’Athos roumain, grâce aux nombreux monastères de moines et de moniales. Enfant, le Père Justin avait une icône qu’il regardait au lever et au coucher: la Sainte Montagne d’Athos et ses monastères et ermitages, baignée par la mer Égée, avec la Sainte Trinité bénissant les saints ascètes. Sa mère, Ana, l’emmenait les dimanches et les jours de fête aux monastères de Durău, Secu, Sihăstria, Neamț. L’idée de la vie consacrée est venue à l’enfant, alors qu’il dormait chez lui sur la véranda et se réveillait avec les yeux attirés par la montagne de Ceahlău, comme il le raconte lui-même avec amusement. Il y avait aussi le monastère de Neamț avec sa presse à imprimer, et les livres consituaient une attraction pour le futur moine. Plus tard, en quittant le séminaire monastique de Cernica, près de Bucarest, il s’est souvenu des larmes de son père Gheorghe, qu’il devait voir pour la dernière fois.

Le père Justin est entré au monastère à l’âge de 17 ans. Dans le monastère de Durău, il a rencontré de moines très avancés, une Philocalie vivante. Il s’agissait des confesseurs d’une génération qui avait une tradition spirituelle solide, une responsabilité devant le monde, des gens qui aimaient les valeurs orthodoxes, qui mettaient leur vie au service de l’Église, de leur nation et de leur famille. Ces pères étaient entièrement célestes : Le Père Pahomie, un homme de prière, le Père Dometian, un homme d’amour, le Père Irinarh, si détaché des choses du monde, le Père Irimia l’Ermite, un grand ascète, qui leur enseignait la Prière de Jésus.
 

 

Merveilleux présage

 

Après Pâques, vers 1948, après la fête de la Très Sainte Mère de Dieu, Source Vivifiante, l’icône miraculeuse de la Mère de Dieu a été emmenée de Durău et a été transportée dans les villages situés dans la vallée. Alors qu’ils rentraient avec l’icône, le père Justin et un autre prêtre ont aperçu le coin du verre de l’icône brisé. C’était un signe et son arrestation est arrivé deux semaines plus tard. À l’icône, au monastère, il sera de retour 17 ans plus tard. Par leurs pleurs, les icônes sont un rappel de la douleur de la Vierge et du Sauveur qui a pleuré des larmes de sang. Aujourd’hui, ils sont des signes pour les chrétiens qui se perdent dans l’océan du paganisme, dans le matérialisme qui les prive de leur liberté.

Le père a souffert pendant 16 ans dans les prisons communistes pour sa foi en Dieu et en la nation. Ces années ont compté pour beaucoup dans sa vie. Tout d’abord, a dit le Père, il s’agit de vivre l’expérience la plus importante qu’on peut faire dans la vie : se connaître soi-même sur le chemin de la souffrance. En tant que prêtre, il s’est considéré responsable de la vie spirituelle des autres prisonniers et sa prière est devenue ainsi beaucoup plus puissante qu’elle ne l’était avant son emprisonnement. En prison, on ne sentait plus sa propre douleur car à côté quelqu’un était en train d’agoniser. « La mort faisait partie de notre vie. Nous la regardions comme une rédemption, car c’était la porte d’entrée vers l’au-delà que nous souhaitions. Cependant, la mort a été ma compagne même avant, sur le front de l’Est, lorsque je suis allé en tant que prêtre avec les troupes roumaines à Odessa ».
 

 

Les prisons communistes — des fabriques à martyrs

 

Les prisons comme Aiud, Gherla, Canal étaient des usines à martyrs au sens le plus littéral du terme. Lorsqu’on est témoin de la dégradation de son propre corps, on ne voit que la mort devant soi. Usant pleinement de la grâce du sacerdoce, la seule préoccupation du père Justin était de préparer à la mort ces personnes emprisonnées. Il célébrait les Saints Sacrements en secret, à l’abri des regards des gardes : la confession se faisait par code morse et la célébration avait lieu avec des grands efforts et sacrifices.

Dans l’enfer des prisons communistes, où l’on voulait rééduquer l’être humain en annihilant son âme, le père Justin a continué de confesser sa foi en Dieu même après 12 ans d’emprisonnement. Ici, on y trouvait toutes les professions : des professeurs d’université, des ingénieurs, des médecins, des juges et des prêtres. Les uns enseignaient aux autres et la prison s’était transformée en école, en université pou une vie remplie de sens.

« En prison, j’avais toujours en tête la Paraclisis en honneur de la Très Sainte Mère de Dieu et des acathistes qui m’ont beaucoup aidé. Cette souffrance en prison était le véritable état monastique. La souffrance est la fondation de la vie monastique. Voulez-vous vivre une vie chrétienne ? Voulez-vous vous rapprocher de Dieu ? Vous devez vous efforcer de vous approprier les louanges de l’Église, de ne plus les réciter avec de simples mots, mais de les vivre par la chaleur de la grâce. Et de les transformer en esprit. La vie et la souffrance éveillent la prière chez le moine », nous a transmis le Père Justin. Plus d’une fois l’abbé a avoué que c’est en prison qu’il avait appris à prier vraiment, que la beauté de la prière, de la Sainte Liturgie derrière les barreaux, il ne les a plus jamais connues en liberté.
 

 

Libération de la prison et le retour à la vie monastique

 

Après sa sortie de prison en 1964, il travailla un temps comme ouvrier forestier, puis rejoint le monastère Secu comme hiéromoine jusqu’en 1975. Pendant huit ans il ne s’est jamais séparé des conseils chaleureux du grand confesseur, le père Paisie Olaru, auprès duquel il a grandi en humilité et en amour du prochain.

Au monastère de Secu, il eût l’obéissance d’apiculteur et faisait souvent allusion au labeur et au travail des abeilles, servant à quiconque franchissait son seuil un rayon de miel. Parfois, il se rendait l’après-midi au monastère de Sihăstria, où se trouvait le père Ioil, son confesseur, mais aussi certains de ses meilleurs amis : le père Petroniu Tănase, le futur abbé de l’Ermitage roumain Prodromu au Mont Athos, le père Cleopa Ilie, le père Paisie, le père Nazarie, l’apiculteur du monastère de Sihăstria, le père Marcu, qui avait subi 26 ans d’emprisonnement.

Au printemps 1975, il réussit à se rendre au Mont Athos, au Jardin de la Mère de Dieu, mais le « mal du pays » le ramène à la maison, où on peut tout aussi bien trouver le salut.

L’archimandrite Justin ne s’est pas lassé de dire que « nous ne sommes plus à l’époque des grands exploits spirituels, mais nous sommes confrontés à une extrême faiblesse de la nature, dans laquelle Dieu permet que nous soyons un peu seuls et impuissants. L’œuvre de Dieu dans le monde est à peine visible, à tel point qu’Il semble nous avoir quittés. Mais il n’en est rien, car le Christ dit par la bouche de l’Apôtre que sa puissance se manifeste dans la faiblesse, dans l’humilité librement consentie et le constat de l’impuissance de la nature dans toute sa nudité. Comme le dit Saint Silouane l’Athonite, pour notre époque : Garde ton esprit en enfer et ne désespère pas, c’est-à-dire résiste à la dure réalité dans laquelle nous nous trouvons et n’oublie pas que Dieu nous pardonne. »

En 1977, à l’automne, il quitte le monastère de Secu pour le monastère de Bistrita, où est conservée l’icône miraculeuse de sainte Anne. Le père Justin aimait surtout les services religieux et chantait dans le choeur. Toujours au monastère de Bistrita, il rencontra le moine érudit Ioanichie Bălan, l’auteur du Pateric roumain, et ils formèrent une petite communauté missionnaire autour du service, de l’obéissance, de l’humilité et de l’amour du prochain. Pour le père Justin, comme il allait le dire, ce fut la plus belle période de sa vie. Même à cette époque, pendant le communisme, des gens de tout le pays venaient à la cellule du Père, et il priait pour eux, il les guidait, il célébrait des baptêmes et des mariages en secret. La douleur cachée dans les mots des gens frappait toujours au cœur de son être.

Pour le père Justin « le monachisme est la seule arme d’une nation, qui doit toujours se battre en première ligne ».

 


 

Fondateur du monastère de Petru Vodă, dédié aux saints martyres contemporains

 

Après une année passée au monastère de Secu en 1991, il fonda le monastère de Petru Vodă, Neamț, dont il fût le prieur et le confesseur. En 2000, il érigea un centre pour les enfants et une maison pour les personnes âgées, puis le monastère de moniales de Paltin. La plus grande réussite du père Justin a été, après la chute du communisme, la pose des fondations de l’église dédiée aux martyrs des prisons communistes, dans la forêt de son enfance, à Petru Vodă, en 1991. Starets et confesseur dans sa cellule « au milieu de son peuple », le père Justin fût le point d’appui dans la souffrance.

L’œuvre du Père Justin ne peut pas mourir. Elle est fondée sur l’amour et la charité, non pas au sens matériel, mais spirituel. Le monastère de Petru Vodă est ainsi devenu l’un des lieux de pèlerinage les plus populaires de Roumanie.

Dans les temps que nous vivons, l’abbé exhortait les moines et les moniales à rester dans la lumière du monde. « Un moine qui porte dans son âme le rason, les signes de la victoire, doit être conscient que ces victoires ne viennent qu’à travers la souffrance, les épreuves, les tribulations, que tu es venu ici, frère, pour apporter ton sacrifice, pour apporter ta souffrance, ton combat et tes blessures. Ceci — la croix que portaient les milliers de moines tombés devant le Saint Autel. Ceux-ci, avec les martyres des prisons communistes, avec les prières de Valeriu Gafencu, avec les prières du père Gheorghe Calciu, avec les prières du père Ilie Lăcătușu, avec les prières des Saints Pères Antim et Vichentie du monastère Secu et beaucoup d’autres, forment une sorte de levier de la résistance orthodoxe : Tous ceux d’entre vous qui ont été baptisés dans le Christ, se sont aussi revêtus du Christ. C’est la préparation pour l’au-delà ».
 

 


 

Ne vorbește Părintele Justin,  Volumul III, Fundația Justin Pârvu, Monastère de Paltin Petru-Vodă, 2015, p. 235-242

Traduction : hesychia.eu

 


 

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