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Premier discours sur la Dormition de la Très Sainte Enfantrice de Dieu

15 août 2021

Premier discours sur la Dormition de la Très Sainte Enfantrice de Dieu

Du bienheureux Germain, archevêque de Constantinople

 

Que signifie le concours de cette fête, nous voulons bien l’apprendre ; non point que nous l’ignorions tout à fait, mais cela même qui s’est accompli en ce jour ne nous est pas connu mot pour mot ni avec exactitude, puisque cela n’est pas contenu dans la sainte écriture et qu’aucun des saints apôtres et des saints pères de l’antiquité n’a rien laissé par écrit sur le sujet, à part le seul saint Denys l’Aréopagite, dans sa lettre à Timothée sur le transport divin de Hiérothée, et cela même d’une manière assez obscure. Aussi quelques-uns ont osé falsifier à leur gré comme dans les apocryphes ce qui s’est accompli en ce jour.
 

 

Quant à nous, à la fois nous prenons la défense des saints apôtres et des saints docteurs et à la fois nous racontons et nous célébrons, avec la grâce que nous donne le Christ, le récit véridique venu jusqu’à nous par une tradition claire. Or, s’il le faut, expliquons d’abord pourquoi les apôtres n’ont rien laissé par écrit sur la Dormition de la très sainte Mère de Dieu, non plus que, parmi les anciens pères, ceux qui furent leurs compagnons et leurs successeurs.

L’idolâtrie régnait alors partout ; les Hébreux aussi bien que les hérésies infâmes harcelaient la vérité, au point que même la prédication du mystère du Christ, même la confession de la sainte, consubstantielle et vivifiante Trinité n’était pas explicite, — car c’est du lait que distribuaient les divins apôtres et non un aliment solide, parce que les fidèles de ce temps ne pouvaient absorber autre chose, comme le bienheureux apôtre Paul l’a dit aux Corinthiens.

Comment, dans ces conditions, auraient-ils osé recueillir et mettre par écrit les prodigieux miracles au sujet de la sainte Dormition de la très sainte, sans tache, glorieuse et bénie notre Souveraine, en toute propriété et en vérité Mère de Dieu, Marie toujours Vierge, au lieu de les confier seulement à la tradition et au récit qui va de la bouche à l’oreille, selon le mot de l’Écriture : « Interroge ton père et il te répondra ; les vieillards et ils te diront ». Ou bien, comme disait le divin apôtre : « Je vous félicite de vous souvenir de tout de moi ». Ou bien : « Comme je vous ai transmis les traditions, ainsi gardez-les ». Et encore : « Moi-même j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai livré ». Ou comme parle l’évangéliste Luc : « Comme vous ont transmis ceux qui dès le début devinrent témoins et serviteurs de la Parole ».

Beaucoup d’éléments en effet sont venus jusqu’à nous par la tradition dont l’énoncé exprime la même vérité que le contenu de la divine Écriture et qui dès lors méritent la même créance puisqu’ils manifestent eux aussi l’évidence à ceux qui ne savent pas ; c’est pourquoi il faut les recevoir et leur accorder l’assentiment de sa foi. C’est de cette manière, par exemple, que nous avons appris le nombre des trois hypostases dans la Consubstantialité de l’unique nature de la sainte Trinité ; de là nous est venue la claire notion du mystère contenu dans l’économie divine ; nos pères, comme dit l’Écriture, nous ont raconté ce que nous avons entendu, comme dit l’Écriture, de nos oreilles et les preuves de ce que nous avons entendu sont apparues à nos yeux, nous les avons contemplées et nos mains ont touché ce qui concerne le Verbe de vie.

Les témoins de la dormition, c’est en la sainte Gethsémani la tombe qui rivalise de gloire avec les anges ; en la sainte Sion, tel un paradis, le divin emplacement du lit funéraire de la sainte Vierge ; c’est, le long de la route suivie par le cortège funèbre, dans la descente de la vallée de Josaphat, le monument en forme de cube, à cause du juif téméraire et immédiatement puni pour le forfait contre le corps vénérable par l’amputation de ses deux mains ; c’est au milieu de ce cube, la colonne vénérée qui reproduit le prodige accompli de la guérison du juif ci-devant impie ; ce sont, dans la sainte Sion et à la sainte Gethsémani, les cavités de la sainte plaque et du précieux tombeau.

De là aussi la réunion (liturgique) de ceux qui veillent toute la nuit sur le modèle du rassemblement des saints apôtres ; de même pendant les trois nuits qui précèdent, les pannychides des vierges allophones, qui figurent les gens de toute langue qui entouraient les apôtres, fidèles dignes de toutes les nations, enlevés sur la nuée et rassemblés là, parmi lesquels se trouvaient Denys et Hiérothée et Timothée au témoignage de ce même Denys. De là encore s’est étendue à toute la terre où la voix des bienheureux apôtres est parvenue, aux confins de la terre habitée où leurs paroles ont été entendues, la loi émise, pour nous chrétiens, de célébrer ces cérémonies et ces fêtes au même mois et aux mêmes jours, suivant le même rituel venu de la tradition et non d’un récit écrit. Tout cela témoigne que la tradition est véridique, non mensonger le récit, évidente et claire la prédication.

À présent l’idolâtrie ayant débarrassé le terrain et les hérésies ayant disparu en route, tandis que la foi de ceux qui viennent plus tard… (lacune)

Pour (les apôtres) qui l’avaient connue auparavant ce fut une grande joie, après ce long espace de temps, où ils avaient été dispersés en tous lieux pour prêcher l’évangile, de la revoir avant son départ d’ici-bas vers son Fils ; pour les autres, une joie d’avoir été jugés dignes de voir la Mère du Dieu auquel ils avaient cru, de la saluer, de l’embrasser. Pour tous enfin ce fut une allégresse de jouir de la bénédiction et de la sainteté venant d’elle, comme d’un héritage qu’elle leur donnait par testament. Enfin le Fils vint lui-même et se joignit à tous, escorté de la foule des puissances d’en haut. Et de même qu’après avoir conçu sans volupté, elle enfanta sans douleur, ainsi elle remit sans douleur à ce Fils son âme tout à fait pure, étant la seule même par rapport à lui, et sans doute à cause de lui, à être séparée du corps sans souffrance.

Ne vous étonnez pas quand je vous dis, ô dévote assemblée, que celui qui a accepté volontairement de souffrir n’a pas voulu que sa Mère éprouvât de la peine. Lui-même, comme vous savez, a voulu souffrir pour nous, parce qu’il était impossible que nous soyons délivrés de la servitude autrement que par ses souffrances ; mais celle en qui le péché n’a jamais été commis, comment aurait-elle quitté le corps dans la douleur ? Seule en effet depuis Ève, qui pour sa transgression a donné la mort en héritage, elle est jugée digne par son obéissance de ne pas éprouver la peine qu’il y a à goûter la mort. Voilà pourquoi, parce qu’engendrée de l’union de ses parents, elle mourut comme tous les hommes ; mais, parce qu’elle a engendré le Seigneur sans union, elle échappa, comme nul autre, à la peine de la mort.

Néanmoins cela même qui s’est accompli dans cette mort est tout entier redoutable et extraordinaire. Comment le corps de celle qui avait engendré la vie de l’univers était-il à l’état de cadavre ? Comment cette âme qui avait communié à Dieu selon sa maternité avait-elle goûté la mort, même sans douleur ? Grâce à son concours (Dieu) a été uni au corps pour être constitué chair animée, intellectuelle et raisonnable suivant l’humanité parfaite. Mais tout cela est arrivé afin que s’accomplit en elle la troisième merveille en partant du moment où elle connut dans sa conception le Seigneur pour son fils. En effet, de même qu’il était merveilleux qu’elle conçût sans germe, ainsi il était extraordinaire qu’elle enfantât sans corruption ; et de même que cet enfantement fut ineffable, ainsi il est au-dessus de toute expression qu’elle mourût sans douleur.

Voilà pourquoi ces mystères restèrent inaccessibles à ceux qui nous ont précédés. Comment en effet auraient-ils pu les entendre, eux qui ne pouvaient admettre le reste et qui n’avaient pas la force d’entendre clairement le nom de Mère de Dieu ? Aussi « avançant comme prétexte pour son péché » que ce mot n’était pas clairement énoncé dans la divine Écriture, l’impie Nestorius refusa de prononcer ce mot de Théotocos . C’est à juste titre et à bon droit qu’il tombe sous l’anathème pour cela. Anathème et malédiction à lui comme à tous ceux qui refusent de confesser et de croire, d’âme, de pensée et de bouche, que la sainte vierge est théotocos  (Mère de Dieu), réceptacle de Dieu, qui a enfanté Dieu et pour cela est Mère de Dieu.

Mais revenons à notre sujet et voyons les actions qui se sont accomplies. L’âme incorruptible, comme nous l’avons dit, déposée entre les mains de son Fils, monta avec lui aux cieux ; le corps absolument sans souillure attendait d’être enseveli par ceux qui étaient rassemblés là : spectacle étonnant pour ceux qui en étaient les témoins. Comment l’univers ne fut-il pas aussitôt ébranlé puisque sa maîtresse s’en était allée d’ici ? Que firent les assistants ? Ils étaient hors d’eux-mêmes, frappés de crainte et de stupeur, à la vue du spectacle qui s’offrait à leurs yeux. Ils le glorifiaient en louanges et en hymnes, chacun selon la grâce qu’il avait reçue. Étaient présents, communiant dans la louange, les esprits et les âmes des justes et des prophètes, chacun chantant à son sujet ce qu’il en avait annoncé.

« Buisson incombustible, arche de la sainteté du Seigneur, tente du témoignage, vase d’or, rameau fleuri, encensoir d’or, tablette gravée par Dieu, lampe d’or, table, toison, ville du grand roi, montagne de Dieu grasse, boisée, fertile et ombragée, visible au-dessus de toutes les montagnes, que la main n’a pas entamée, échelle et porte céleste, jardin clos et fontaine scellée, couche et litière, épouse, vierge et fille du roi, en toute propriété de terme et en vérité Mère de Dieu, réceptacle de Dieu, fille de Dieu, qui a conçu et enfanté Dieu.

Toujours vierge, au-dessus de toute sainteté, pureté, gloire, vénération, honneur, bénédiction ; glorifiée et louée par-dessus tout, digne de louange, d’admiration, de contemplation, de privilèges, de vénération ; toute honorable, toute sans reproche, ni tache, ni souillure, immaculée, incorruptible, inflétrissable, qui n’a pas connu ni l’homme, ni le mariage, ni le joug ; au-dessus de toute sagesse et vertu, sans expérience du mal, toute réservée, et encore une fois toute immaculée, toute glorieuse, toute auguste, toute honorable, toute bénie et possédant d’une manière unique la suprématie sur tous, anges et hommes et toute nature raisonnable et intellectuelle. »

Comme l’on chantait ces louanges et de plus grandes, ceux qui étaient présents prirent sur leurs épaules la dépouille et portèrent en cortège le corps tout immaculé étendu sur la litière, depuis la sainte Sion au nom glorieux jusqu’à la sainte Gethsémani. Lorsqu’ils furent arrivés dans le fond de la sainte Vallée, un juif audacieux poussa la litière, pensant la renverser. Dans cette tentative audacieuse, il se suspendit par les deux mains à la litière. Mutilé, il lâcha prise. Eux voyant le miracle accompli autour d’elle, avec foi firent à nouveau adhérer ses mains et aussitôt à cause de son repentir il retrouva ses mains ; rétabli en meilleur état qu’auparavant, il escorta en compagnie des théologiens le corps précieux. Celui-ci enfin est enseveli ; là de nouveau, les thiasotes ravis en extases chantaient des hymnes et la mélodie angélique alternait avec leurs chants.

Trois jours durant, les anges firent résonner leurs hymnes, puis le chant s’éteignit. Avertis par la révélation de l’un d’entre eux de l’ascension du corps principe de vie, les apôtres ordonnèrent d’ouvrir le tombeau ; il était vide comme auparavant sans rien contenir, à part les vêtements mortuaires de cette dépouille habitacle de Dieu. Et c’est ainsi, après avoir chanté derechef, qu’ils se séparèrent portés par la nuée à l’endroit d’où chacun était venu. Quant à la Vierge, ayant maintenant recouvré son corps tout immaculé dans les demeures éternelles, elle vit avec son Fils, intercédant auprès de lui pour le monde. Nous les fidèles qui célébrons ces mystères, puissions-nous mériter ses prières et jouir de ses commémoraisons et des brillantes solennités.

Sois dans l’allégresse, désormais, fille de Sion, parce que ces merveilles ont été accomplies en toi. Proclame en tout lieu, fille de Jérusalem, que cela a été réalisé chez toi. Illumine-toi, illumine-toi, Jérusalem, et loue le Seigneur et toi, Sion, célèbre ton Dieu parce qu’il a renforcé les verrous de tes portes ; il a béni tes fils en toi. Qui sont-ils ? Voyez-les qui volent comme des nuages, portés sur la nuée et non point sur les chameaux de Madian et de Gefar ; surtout lorsqu’ils seront enlevés au-devant de ton roi pour être avec lui sans fin. Réjouis-toi, toi surtout, je le répète, réjouis-toi, toujours vierge ; à cause de toi nous félicitons ta ville ; et reçois de nous ce discours avec les autres et après eux. Tu connais en effet mon zèle et ma faiblesse, car l’esprit est prompt, mais la chair est faible et surtout chez moi qui ai composé ceci.

Va donc à ton lieu de repos, va et souviens-toi de nous pour toujours auprès de ton Fils, afin que, quand il voudra et comme il voudra nous soyons délivrés d’ici-bas, des passions de l’âme et des souffrances du corps, des tentations des démons et des épreuves de la part des hommes et des pénibles séductions du monde. Va selon le corps et reste selon l’esprit avec nous tes serfs et tes esclaves. Voici que toute notre espérance repose en toi et que nous avons confiance d’être sauvés par tes prières saintes. Par la grâce et la miséricorde de ton Fils unique notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus Christ à qui revient toute gloire, honneur et adoration, avec son Père sans principe et son très saint, bon et vivifiant Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

 

 


 

Wenger Antoine. Un nouveau témoin de l’Assomption : une homélie attribuée à saint Germain de Constantinople. In: Revue des études byzantines, tome 16, 1958. Mélanges Sévérien Salaville. pp. 54-58;
doi : https://doi.org/10.3406/rebyz.1958.1171
https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1958_num_16_1_1171
Discours disponible également en format numérique [pdf] sur le site des Vrais chrétiens orthodoxes francophones

 


 

 

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