La foi vivante de l’église orthodoxe, Orthodoxie

L’Orthodoxie et la Religion du futur – VIII. Conclusion – l’esprit des derniers temps 2

8 mars 2021

La religion du futur

 

Il est révélateur de l’état spirituel de l’humanité contemporaine que les expériences « charismatiques » et « méditatives » prennent racine parmi les « chrétiens ». Une influence religieuse orientale est indéniablement à l’œuvre chez de tels « chrétiens », mais elle n’est que le résultat de quelque chose de beaucoup plus fondamental : la perte du sentiment et de la saveur mêmes du christianisme, à cause de laquelle quelque chose d’aussi étranger au christianisme que la « méditation orientale » peut s’emparer des âmes « chrétiennes ».

La vie basée sur l’égocentrisme et l’autosatisfaction pratiquée par les « chrétiens » modernes est si dépravante qu’elle les ferme véritablement à toute compréhension réelle de la vie spirituelle ; et lorsque de telles personnes entreprennent « la vie spirituelle », cela n’est qu’une autre forme d’autosatisfaction. Cela apparaît très clairement dans l’idéal religieux totalement falsifié à la fois du mouvement « charismatique » et des formes variées de « méditation chrétienne » : toutes elles promettent, en un temps éclair, une expérience de « contentement » et de « paix ». Mais cela n’est point du tout l’idéal chrétien, où tout se résume en un combat et une lutte acharnés. Le « contentement » et la « paix » décrits dans ces mouvements contemporains « spirituels » sont très manifestement le produit de la déception spirituelle, de l’autosatisfaction spirituelle — ce qui est absolument la mort de la vie orientée vers Dieu. Toutes ces formes de « méditation chrétienne » opèrent seulement à des niveaux psychiques et n’ont rien en commun avec la spiritualité chrétienne. La spiritualité chrétienne  consiste en une lutte ardue visant à acquérir le Royaume éternel des Cieux, qui commence pleinement avec le renoncement au monde temporel, et la véritable lutte chrétienne ne trouve jamais le repos, même dans l’avant-goût de l’éternelle béatitude qui  peut lui être accordé lors de cette vie ; mais les religions orientales, auxquelles le Royaume des Cieux n’a pas été révélé, s’efforcent seulement d’acquérir des états psychiques qui débutent et se terminent en cette vie même.

En notre époque d’apostasie précédant la manifestation de l’Antéchrist, le démon a été libéré pour un temps 1 afin d’opérer ses faux miracles qu’il n’avait pu faire pendant les « mille ans » de Grâce dans l’Église du Christ 2, et pour rassembler en sa moisson infernale les âmes qui ne reçurent point l’amour de la vérité 3. Nous pouvons dire que le temps de l’Antichrist est vraiment proche du fait que cette récolte satanique est en train d’être moissonnée non seulement parmi la population païenne qui n’a pas entendu parler du Christ, mais également, et même d’une manière plus prononcée parmi les « chrétiens » qui ont perdu la saveur du Christianisme. C’est dans la nature innée de l’Antéchrist que de présenter le royaume du diable comme étant celui du Christ. Le mouvement actuel « charismatique » et celui des « méditations chrétiennes », et la « nouvelle conscience religieuse » dont ils sont partis sont sans aucun doute les précurseurs de la religion du futur, la religion de la dernière humanité, la religion de l’Antichrist, et la fonction de leurs chefs « spirituels » est de rendre accessible aux chrétiens l’initiation satanique restreinte jusqu’ici au monde païen. Même si ces « expériences religieuses » sont encore souvent d’une nature expérimentale et tâtonnante, et qu’en elle réside au moins autant de déception psychique spirituelle que de rite d’initiation véritablement diabolique, il n’en est pas moins vrai que quiconque a « médité » avec succès ou pensé qu’il a reçu « le Baptême de l’Esprit », a bien reçu effectivement l’initiation d’entrée au royaume de Satan. Mais les buts de ces « expérimentations » sont que ces techniques deviennent sans aucun doute de plus en plus efficaces à mesure que l’humanité y sera mieux préparée par une attitude de passivité et d’ouverture à toutes les nouvelles « expériences religieuses » inculquées par ces mouvements.

Qu’est-ce qui a amené l’humanité — et en fait la « chrétienté » — à cet état désespéré ? Il ne s’agit certainement pas d’un culte ouvert au diable, qui se limite toujours à quelques personnes ; il s’agit plutôt de quelque chose de beaucoup plus subtil et de redoutable pour un chrétien orthodoxe conscient : c’est la perte de la grâce de Dieu, qui suit la perte de la saveur du christianisme.

À l’Ouest, ce qu’il y a de sûr, c’est que la grâce de Dieu fut perdue il y a plusieurs siècles. Les catholiques et les protestants actuels ne goûtent pas à la grâce de Dieu, aussi n’est-il pas surprenant qu’ils ne puissent distinguer les contrefaçons diaboliques. Mais hélas ! Le succès de spiritualités contrefaites même parmi des chrétiens orthodoxes révèle aujourd’hui combien ils ont perdu eux aussi la saveur du Christianisme et ne peuvent plus distinguer entre le Christianisme véritable et le pseudo-christianisme. Pendant trop longtemps les chrétiens orthodoxes ont pris comme inné le précieux trésor de leur Foi, et négligé de mettre en pratique les paroles si riches de son enseignement. Combien de chrétiens orthodoxes connaissent seulement les textes fondamentaux de la vie spirituelle, qui enseignent avec précision comment distinguer une véritable spiritualité d’une spiritualité contrefaite, les textes qui narrent la vie et l’enseignement des saints hommes et femmes, qui reçurent avec pleine et débordante mesure la Grâce divine dans leur vie ? Combien d’entre eux se sont approprié l’enseignement de l’Histoire Lausiaque, l’Échelle de saint Jean Climaque, les homélies de saint Macaire, la vie des pères théophores du désert, le Combat invisible, Ma vie en Christ de saint Jean de Cronstadt ?

Dans la Vie du grand Père du désert égyptien, saint Païsios le Grand (19 juin), nous voyons un exemple choquant de la facilité avec laquelle il est possible de perdre la grâce de Dieu.

Un certain moine, simple d’esprit, était disciple de saint Païsios, et obéissait bien à tous ses ordres. Un jour qu’il se rendait en Égypte pour vendre son travail manuel, il rencontra en chemin un Juif qui fit route avec lui. Comprenant la simplicité du moine, celui-ci lui versa le poison du serpent destructeur qu’il avait dans son cœur, en lui disant : « moine, pourquoi croyez-vous au Crucifié comme ça par hasard, alors qu’il n’est pas le messie attendu? Car un autre sera le messie, et non celui auquel vous croyez, vous les chrétiens. » À cause de son innocence et de la simplicité de son cœur, le moine fut trompé et dit : « C’est peut-être comme tu le dis » et aussitôt — hélas pour le désastre que subit le malheureux ! — il fut abandonné par la grâce du saint baptême, comme cela se révélera par ce qui suit ; car quand il revint au désert et que le divin Païsios le vit, celui-ci ne le reçut aucunement, et ne voulait même pas le voir, ni l’approcher, ni lui parler, mais il s’en détournait.

Voyant son supérieur se détourner de lui, le disciple s’affligeait amèrement et s’en demandait la raison. D’où, se jetant à ses pieds il lui dit : « Pourquoi, père, te détournes-tu de moi, le malheureux, et ne veux-tu pas me voir? Mais tu es dégoûté de moi comme d’une choses abjecte, ce que tu n’as jamais fait auparavant. »

L’ancien lui dit : « Et qui es-tu toi? je ne te connais pas. »

Et le disciple répondit : « Que vois-tu en moi de si inhabituel, que tu ne me reconnais pas? Ne suis-je pas ton disciple un tel? »

Le vieillard : « Le disciple-là était chrétien et avait le baptême, alors que toi tu n’es pas tel; mais si tu es ce disciple-là, sache que le baptême et les signes des chrétiens sont partis de toi; dis-moi, que t’est-il arrivé en chemin? » celui-ci répondit en gémissant : « Il ne m’est rien arrivé, père. »

L’ancien : « Va, enfant, loin de moi, car je ne supporte pas la voix d’un homme qui a renié le Christ ; car si tu étais mon disciple dont tu parles, je te verrais comme tu étais auparavant. »

Alors ce malheureux moine soupira, et, versant des larmes qui émurent le vieillard, il dit qu’il est le même disciple et non un autre, qu’il ne sait pas quel est son crime, et qu’il n’a fait aucun mal. Et le grand Païsios lui dit :

– «Avec qui as-tu parlé en chemin?

— J’ai parlé avec un Juif, et personne d’autre.

— Que t’a dit ce Juif, et que lui as-tu répondu?

— Il ne m’a rien dit, sinon que le Christ n’est pas celui que nous les chrétiens nous adorons, c’est un autre qui doit venir. Et moi je lui ai dit : ‹C’est peut-être comme tu le dis.›.

— Malheureux, qu’y a-t-il de pire et de plus impur que ce que tu as dit? Avec cela tu as renié le Christ et tu t’es dépouillé du saint baptême! Donc, va et pleure sur toi-même autant que tu peux. Tu n’as plus aucun rapport avec moi, car ton nom est écrit avec ceux qui ont renié le Christ, et tu vas être châtié avec eux. »

Ayant entendu cela, le disciple soupira du fond de l’âme et pleura, puis dit en gémissant : « Aie pitié de moi, le malheureux, mon père, car j’ai enlevé le saint baptême et suis devenu la proie des démons. Cependant c’est vers toi, après Dieu, que je me réfugie. Ne me méprise pas, le misérable. » Soupirant de la sorte, plus avec des larmes qu’avec des paroles, le disciple attira la compassion du vieillard, qui lui dit :

– « Prends patience, mon enfant, le temps que je supplie la Miséricorde et la Pitié du Dieu ami de l’homme, pour toi. »

Ayant dit cela, il supplia Dieu ardemment et Lui demanda le pardon pour son disciple. Et Dieu ne tarda pas, mais pardonna aussitôt le péché de son disciple, le rendant digne de recevoir à nouveau la grâce du saint baptême. En effet, le divin Païsios vit l’Esprit saint comme une colombe entrer dans la bouche du disciple, et l’esprit de blasphème sortir comme une fumée et se dissiper dans l’air. C’est ainsi que le saint fut assuré que sa demande avait été exaucée, et se tournant vers son disciple, il lui dit : « Glorifie Dieu, mon enfant, et remercie-Le avec moi, car l’esprit impur du blasphème est sorti de toi, et à sa place est entré l’Esprit saint, et la grâce du baptême t’a été rendue. Donc, fais bien attention de ne plus tomber dans des pièges de l’impiété par mégarde et par négligence, ni de livrer ton âme, qu’elle ne brûle dans le feu de l’enfer à cause d’aucun autre péché. »

Et ainsi il corrigea le disciple.

La vie de saint Païsios le Grand, fêté le 19 juin

De façon significative, c’est parmi les Chrétiens œcuménistes que les mouvements « charismatiques » et de « méditation » prennent racine. La croyance caractéristique de l’hérésie de l’œcuménisme est ceci : que l’Église Orthodoxe n’est pas la seule et véritable Église du Christ, que la Grâce de Dieu est présente également dans les autres dénominations chrétiennes — et même dans les « églises non-chrétiennes » –  que l’étroit chemin du Salut décrit dans les enseignements des Pères Saints de l’Église Orthodoxe n’est seulement qu’une voie parmi tant d’autres pour accéder au salut ; et que le détail personnel de la croyance en Christ n’a que peu d’importance, pas plus que celle de n’importe laquelle des autres églises ou juridictions. Les Orthodoxes participant au mouvement œcuménique ne croient pas tous en ceci entièrement (quoique les Protestants et les Catholiques certainement si), mais par leur réelle participation à ce mouvement, incluant invariablement des prières en commun avec ceux qui ont une foi fausse envers le Christ et Son Église, ils disent aux hérétiques qui sont près d’eux : « Peut-être ce que vous dites est exact », et font de même que ce malheureux disciple de St Païsios. Il n’est pas nécessaire d’en faire plus pour un Chrétien orthodoxe pour perdre la grâce de Dieu; et ce quelque soit son effort futur pour la ré obtenir.

Dans quelle mesure donc les chrétiens orthodoxes doivent-ils marcher dans la crainte de Dieu, tremblant de perdre sa grâce, qui n’est en aucun cas donnée à tout le monde, mais seulement à ceux qui détiennent la vraie foi, mènent une vie de combat chrétien et chérissent la grâce de Dieu qui les conduit vers le ciel. Et avec quel surcroît de précautions un chrétien orthodoxe, de nos jours, devrait-il marcher, alors qu’il est entouré de toute part par des « chrétiens » contrefaits qui parlent de leur propre expérience de « grâce » et « d’Esprit-Saint », et même commentent abondamment les Écritures et les Pères de l’Église pour appuyer et faire accepter leur point de vue ! Sûrement les temps derniers sont proches, lorsque l’esprit de tromperie spirituelle est si persuasif qu’il peut essayer  de tromper, si cela était possible, même les véritables élus 4.

Les faux prophètes de l’âge moderne, y compris aussi beaucoup « d’Orthodoxes » officiels, annoncent de plus en plus fort l’avènement du  « nouvel âge de l’Esprit-Saint », de la « nouvelle Pentecôte », du « point Oméga » ; c’est précisément cela qui, dans les véritables prophéties orthodoxes, est appelé le règne de l’Antichrist. C’est à notre époque, aujourd’hui, que cette prophétie commence à s’accomplir, grâce aux puissances démoniaques. L’ensemble de l’atmosphère spirituelle contemporaine est en train de se charger du pouvoir d’une expérience d’initiation démoniaque alors que le « mystère de l’iniquité » entre dans son avant-dernier stade et commence à prendre possession de l’âme des hommes — en fait, à prendre possession de l’Église du Christ même, si cela était possible.

Contre la puissance de ces « expériences religieuses » la vraie Orthodoxie chrétienne doit maintenant s’armer dans un effort soutenu, pleinement conscients de ce qu’est le Christianisme orthodoxe et comment son but est radicalement différent de toutes les autres religions, pseudo-chrétiennes ou non-chrétiennes.

Chrétiens orthodoxes ! Accrochez-vous à la grâce que vous avez ; ne laissez jamais cela devenir une question d’habitude ; ne la mesurez jamais par de simples critères humains ou ne vous attendez pas à ce qu’elle soit logique ou compréhensible pour ceux qui ne comprennent rien de plus élevé que ce qui est humain ou qui pensent obtenir la grâce du Saint-Esprit d’une autre manière que celle que l’Église du Christ nous a transmise. La véritable Orthodoxie, de par sa nature même, doit sembler totalement hors de propos en ces temps démoniaques, une minorité de plus en plus faible de méprisés et de « fous », au milieu d’un « renouveau » religieux inspiré par un autre type d’esprit. Mais réconfortons-nous dans les paroles de notre Seigneur Jésus-Christ : Ne crains pas, petit troupeau, car c’est le bon plaisir de ton Père de te donner le Royaume 5.

Que tous les vrais chrétiens orthodoxes se fortifient pour la bataille à venir, sans jamais oublier qu’en Christ, la victoire est déjà la nôtre. Nous avons la promesse certaine de notre Sauveur Jésus-Christ que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre Son Église 6, et  que pour l’amour de Ses élus, Il raccourcira les jours de la grande abomination que le démon suscitera contre les véritables chrétiens orthodoxes 7. Et, en vérité, si Dieu est avec nous, qui craindrions-nous?    8. Même au cœur de la plus cruelle des tentations, il nous est commandé d’être en une bonne disposition d’esprit, par laquelle J’ai triomphé du monde (Jean 16:33) Vivons donc, comme ont vécu les vrais Chrétiens de tous les temps, dans l’attente de la fin de toute chose et la venue de notre Sauveur bien-aimé ; car Celui qui rend témoignage de ces choses, dit : Oui, Je viens bientôt. Amen; venez, Seigneur Jésus. 9.


 

Hieromonk Seraphim Rose, Orthodoxy and The Religion of the Future, pp. 223-229, Saint Herman of Alaska Brotherhood, Platina, California, 1979
Traduit de l’anglais par Thierry Cozon

 


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  1. Ap. XX.7
  2. Ap. XX.3
  3. II Thes. II.10
  4. Matt. XXIV.24
  5. Luc XII.32
  6. Matt.XVI.18
  7. Matt. XXIV.22
  8. Rom.8:31
  9. Ap. XXII.20

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