La foi vivante de l’église orthodoxe, Orthodoxie

L’Orthodoxie et la Religion du futur – II. La foi orthodoxe et l’hindouisme

30 octobre 2020

par hiéromoine Seraphim Rose

 

II. Le pouvoir des dieux païens. L’assaut de l’hindouisme sur le christianisme

Tous les dieux des nations sont des démons     [Psaume XC : 5]

L’article suivant est issu de l’expérience d’une femme qui, après avoir fréquenté le lycée dans un couvent catholique romain, a pratiqué l’hindouisme pendant vingt ans jusqu’à ce que finalement, par la grâce de Dieu, elle se convertisse à la foi orthodoxe, arrivant ainsi à la fin de sa recherche de la vérité dans l’Église russe hors de Russie.

 

 

Elle réside actuellement sur la côte ouest. Puissent ses paroles servir à ouvrir les yeux de ces chrétiens orthodoxes qui pourraient être tentés de suivre les théologiens « libéraux » aveugles qui font maintenant leur apparition même dans l’Église orthodoxe, et dont la réponse à l’assaut du néo-paganisme sur l’Église du Christ doit être le « dialogue » avec ses sorciers et la communion avec eux dans la vénération des mêmes dieux païens.

 

1. Les attraits de l’hindouisme


J’avais seulement seize ans lorsque deux événements marquèrent le cours de ma vie. Je suis venu au couvent catholique dominicain de San Rafael (Californie) et j’ai rencontré le christianisme pour la première fois. La même année, j’ai également rencontré l’hindouisme en la personne d’un moine hindou, un Swami, qui allait bientôt devenir mon gourou, ou mon professeur. Une bataille avait commencé, mais je n’allais pas comprendre cela pendant près de vingt ans.

Au couvent, on m’a enseigné les vérités fondamentales du christianisme. Ici se trouvent la force des humbles et le piège des orgueilleux. Saint Jacques a écrit en vérité : Dieu résiste aux superbes, et Il donne Sa grâce aux humbles. (IV : 6). Et comme j’étais fière ; je n’acceptais ni le péché originel ni l’enfer. Et j’avais beaucoup, beaucoup d’arguments contre ça. Une sœur d’une grande charité m’a donné la solution en me disant : « Priez pour le don de la foi. » Mais déjà la formation du Swami avait commencée à faire ses effets, et je pensais qu’il était dégradant de supplier quiconque, même Dieu, pour quoi que ce soit. Mais beaucoup plus tard, je me suis souvenu de ce qu’elle avait dit. Des années plus tard, la graine de la foi chrétienne qui avait été plantée en moi a émergé d’une mer infinie de désespoir.

Avec le temps, la nature des livres que je ramenai à l’école avec moi, tous couverts dans du papier blanc, a été découverte. Des livres comme la Bhagavad Gita, les Upanishads, le Vedantasara, l’Ashtavahra Samhita… En partie, mon secret était dévoilé, mais rien n’a été dit. Nul doute que les sœurs pensaient que cela passerait, comme en fait la plupart des vanités intellectuelles des jeunes filles. Mais une religieuse audacieuse m’a dit la vérité. C’est une vérité très impopulaire et rarement entendue aujourd’hui. Elle a dit que j’irais en enfer si je mourais dans l’hindouisme après avoir connu la vérité du christianisme. Saint Pierre le présente ainsi : car on est esclave de celui par qui on a été vaincu. En effet, si après s’être retirés des souillures du monde par la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, ils sont vaincus en s’y engageant de nouveau, leur dernière condition devient pire que la première. Car il eût été meilleur pour eux de n’avoir pas connu la voie de la justice, que de se détourner, après l’avoir connue, du saint commandement qui leur avait été transmis. [II Pierre II : 19-21]. Comment j’ai méprisé cette sœur pour son fanatisme. Mais si elle était en vie aujourd’hui, je la remercierais de tout mon cœur. Ce qu’elle m’a dit me tenaillait, comme le fait la vérité, pour me conduire finalement à la plénitude de la sainte Orthodoxie.
La chose importante que j’ai obtenue au couvent était un bâton de mesure, et un jour il me servira pour découvrir la fraude de l’hindouisme.

La situation a tellement changé depuis que j’étais à l’école. Ce qui était un cas isolé d’hindouisme est devenu une épidémie. Maintenant, il faut avoir une compréhension astucieuse de la dogmatique hindoue si l’on veut empêcher les jeunes chrétiens de se suicider spirituellement lorsqu’ils rencontrent les religions orientales.

L’attrait de l’hindouisme est complet ; il y a des flatteries pour chaque dimension de l’esprit et des appels à chaque faiblesse, mais surtout à l’orgueil. Et étant très fière, même à seize ans, c’est à ces derniers que je suis tombé proie la première. Le péché originel, l’enfer et le problème de la souffrance me dérangeaient. Je ne les avais jamais pris au sérieux avant d’arriver au couvent. Ensuite, le Swami m’a présenté une alternative « intellectuellement satisfaisant e » pour chaque dogme chrétien inconfortable. L’enfer n’était, après tout, qu’un état temporaire de l’âme provoqué par notre propre mauvais karma (actions passées) dans cette vie ou dans une vie antérieure. Et, bien sûr, une cause finie ne pourrait pas avoir un effet infini. Le péché originel a été merveilleusement transmuté en Divinité originelle. C’était mon droit d’aînesse, et rien de ce que je pourrais faire n’abrogerait cette fin glorieuse. J’étais Divine. J’étais Dieu : « le rêveur infini rêvant des rêves finis. »

Quant au problème de la souffrance, la philosophie hindoue connue sous le nom de Vedanta a un système philosophique vraiment élégant pour s’en occuper. En un mot, la souffrance était maya ou illusion. Elle n’avait pas d’existence réelle – et de plus, l’Advaitin pouvait prétendre le prouver !

Dans un autre domaine, l’hindouisme fait appel à l’erreur très respectable de supposer que l’homme est perfectible : par l’éducation (dans leurs termes, le système des gourous) et par « l’évolution » (le développement spirituel constant de l’homme). Un argument est également avancé du point de vue de la relativité culturelle ; elle a acquis désormais une telle respectabilité que c’est un véritable péché (pour ceux qui ne croient pas au péché) de contester toute forme de relativité. Qu’y a-t-il de plus raisonnable, disent-ils, que des nations et peuples différents adorant Dieu différemment ? Dieu, après tout, est Dieu, et la variété des modes de culte produit un « enrichissement » religieux général.

Mais l’attrait le plus convaincant généralement est peut-être le pragmatisme. Toute la construction philosophique de l’hindouisme est étayée par les instructions religieuses pratiques données par le gourou au disciple. Avec ces pratiques, le disciple est invité à vérifier la philosophie par sa propre expérience. Rien ne doit être accepté sur la foi. Et contrairement aux notions populaires, il n’y a pas de mystères — juste une énorme quantité de matériel ésotérique — donc il n’y a tout simplement pas besoin de foi. On vous dit : « Essayez-le et voyez si cela fonctionne. » Cette approche pragmatique est extrêmement tentante pour l’esprit occidental. Cela semble tellement « scientifique ». Mais presque tous les étudiants tombent droit dans une sorte d’erreur pragmatique : c’est-à-dire, si les pratiques fonctionnent (et elles fonctionnent réellement), il croit que le système est vrai, et implicitement, qu’il est bon. Ceci, bien sûr, n’est pas prouvé. Tout ce qu’on peut vraiment en dire, c’est : s’ils fonctionnent, alors ils fonctionnent. Mais cela explique comment une petite expérience psychique donne au pauvre élève beaucoup de conviction.

Cela m’amène à la dernière flatterie que je mentionnerai, à savoir les « expériences spirituelles ». Celles-ci sont d’origine psychique et/ou diabolique. Mais qui parmi les pratiquants a un moyen de distinguer l’illusion de la véritable expérience spirituelle ? Ils n’ont pas de bâton de mesure. Mais ne pensez pas que ce qu’ils voient, entendent, sentent et touchent dans ces expériences soient le résultat d’une simple aberration mentale. Ce ne l’est pas. Il s’agit de ce que notre tradition orthodoxe appelle prelest. C’est un mot important, car il fait référence à la condition exacte d’une personne ayant des « expériences spirituelles » hindoues. Il n’y a pas d’équivalent précis du terme prelest dans le lexique anglais. Il couvre toute la gamme des fausses expériences spirituelles : de la simple illusion et séduction à la possession réelle. Dans tous les cas, la contrefaçon est considérée comme authentique et l’effet global est une croissance accélérée de l’orgueil. Un sentiment chaleureux et confortable d’une importance particulière s’installe chez la personne en prelest, et cela compense toutes ses austérités et souffrances.

Dans sa première épître, Saint Jean avertit les premiers chrétiens : Bien-aimés, ne croyez pas à tous les esprits, mais éprouvez les esprits s’ils sont de Dieu… (4 : 1).

Saint Grégoire le Sinaïte a pris soin d’instruire ses moines sur les dangers de ces expériences : « [les démons] ne cessent de tourner autour [de novices], de tendre des pièges et de creuser des fosses pour les faire tomber… » Un moine lui a demandé : « Que faire, quand le diable apparaît comme un ange de lumière et cherche à tromper l’homme ? » Le Saint répondit : « Celui qui voit cela ne doit pas le recevoir sur le champ, mais d’abord éprouver et discerner le bien et le mal, et seulement alors croire. Car ce que peut faire la grâce, et que le démon ne peut pas faire, est évident. Le démon (quand bien même il apparaîtrait comme un ange de lumière) ne saurait susciter dans l’homme ni douceur, ni lumière, ni mépris du monde, ni arrêt des passions et des plaisirs : c’est là l’œuvre de la grâce. Ce qu’il fait est orgueil, lâcheté, présomption, et toute autre malice. À la manière dont elle opère, tu peux donc savoir si la lumière qui brille dans ton âme est de Dieu ou de Satan. La laitue ressemble à la salade amère, et le vinaigre ressemble au vin. Mais quand tu goûtes, tu connais la différence. Il en va de même pour l’âme de l’homme. Si elle a le discernement, elle connaît les charismes du Saint-Esprit et les fantasmes de Satan ». [1]

Le novice spirituel égaré ou orgueilleux est le plus vulnérable au prelest. Et le succès et la longévité de l’hindouisme dépendent très largement de ce faux mysticisme. Comment tout cela est attrayant pour les jeunes toxicomanes, qui ont déjà été initiés à ce genre d’expériences ! Ces dernières années ont vu la floraison et la prolifération des Swamis. Ils ont aperçu l’opportunité de gloire et de richesse sur ce marché prêt à l’emploi, et ils l’ont saisi.

 

2. Une guerre de dogmes

 

Aujourd’hui, la chrétienté reçoit les attaques d’un ennemi qui est presque invisible aux fidèles. Et s’il le peut, il atteindra le cœur avant de déclarer son nom. L’ennemi est l’hindouisme et la guerre menée est une guerre de dogmes.

Lorsque les sociétés Vedanta ont été fondées dans ce pays, au tournant du siècle, les premiers efforts ont été dirigés pour établir qu’il n’y avait pas de réelle différence entre l’hindouisme et le christianisme. Non seulement il n’y avait pas de conflit, mais un bon chrétien serait un meilleur chrétien en étudiant et en pratiquant le Vedanta ; il comprendrait le vrai christianisme.

Dans les premières conférences, les Swamis ont tenté de montrer que les idées qui semblaient propres au christianisme — comme le Logos et la Croix — avaient leur origine en Inde. Et ces idées qui semblaient propres à l’hindouisme — comme la renaissance, la transmigration de l’âme et le samadhi (ou transe) se trouvaient également dans les écritures chrétiennes — lorsqu’elles étaient correctement interprétées.

Ce genre de leurre a attrapé de nombreux chrétiens sincères, mais égarés. La première attaque fut contre ce qu’on pourrait appeler les dogmes « sectaires » et pour une religion dite scientifique basée sur une étude comparative de toutes les religions. L’accent a toujours été mis sur ceci : les différences n’existent pas. Tout est Un. Toutes les différences sont juste à la surface ; elles sont apparentes ou relatives, elles ne sont pas réelles. Tout cela ressort clairement des conférences publiées, prononcées au début des années 1900. Aujourd’hui, nous courons un grand danger car cet effort a été très fructueux.

Maintenant, dans le langage courant le « dogme » est un terme dérisoire. Mais ce mépris ne pouvait pas provenir de ceux qui savent qu’il se réfère à l’héritage le plus précieux de l’Église. Cependant, une fois que la mauvaise connotation est devenue populaire, le timide, qui n’aime jamais être associé à ce qui est impopulaire, a commencé à parler de « dogme rigide », qui est redondant, mais dénote une désapprobation. L’attitude s’est donc transmise à partir des critiques « ouverts d’esprit », qui ne savaient pas que le dogme énonce ce qu’est le christianisme, ou qui n’aimaient tout simplement pas ce qu’est le christianisme.

Cette nouvelle prédisposition de la part de nombreux chrétiens, à reculer face à l’accusation de dogmatisme, a représenté un soutien nouveau aux hindous, qui s’est avéré d’une valeur stratégique, car provenant de l’intérieur.

Le fait incroyable est que peu de gens comprennent que le pouvoir qui vient renverser le dogme chrétien n’est lui-même rien d’autre qu’un système opposé de dogmes. Les deux ne peuvent pas se mélanger ou « s’enrichir » l’un l’autre parce qu’ils sont totalement antithétiques.

Si les chrétiens sont persuadés de rejeter ou (ce qui est stratégiquement plus intelligent) de modifier leurs dogmes pour répondre à la demande d’un christianisme plus actuel ou « universel », ils ont tout perdu, car les croyants sont attachés aux cœurs de leurs dogmes. Et les dogmes hindous sont une répudiation directe des dogmes chrétiens. Cela nous amène à une conclusion stupéfiante : Ce que les chrétiens croient être le mal, les hindous considèrent comme un bien, et inversement : ce que les hindous croient être le mal, les chrétiens le croient bien.

Le vrai combat réside en ceci : que le péché ultime pour le chrétien est le bien suprême pour l’hindou. Les chrétiens ont toujours reconnu l’orgueil comme le péché fondamental — la source de tout péché. Et Lucifer en est l’archétype quand il dit : « Je monterai au ciel, j’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu. Je monterai au-dessus des nuages ; Je serai comme le Très-Haut ». À un niveau inférieur, c’est l’orgueil qui transforme même les vertus de l’homme en péchés. Mais pour l’Hindou en général, et l’Advaitin ou Vedantan en particulier, le seul « péché » est de ne pas se considérer soi-même et l’Humanité comme Dieu lui-même. Dans les mots de Swami Vivekananda (qui fut le plus grand avocat moderne du Vedanta) : « Vous ne comprenez pas encore l’Inde ! Nous, les Indiens, sommes des adorateurs de l’Homme, après tout. Notre Dieu est l’Homme ! » La doctrine du mukti, ou du salut, consiste en ceci : « L’homme doit devenir Divin en réalisant le Divin ».

Ainsi, on peut voir les dogmes de l’hindouisme et du christianisme se tenir face à face, chacun défiant l’autre sur la nature de Dieu, la nature de l’homme et le but de l’existence humaine.

Mais lorsque les chrétiens acceptent la propagande hindoue selon laquelle il n’y a pas de combat en cours et les différences entre le christianisme et l’hindouisme ne sont qu’apparentes et irréelles — alors les idées hindoues sont libres de prendre le contrôle de l’âme des chrétiens, remportant la bataille sans résistance. Et le résultat final de cette bataille est vraiment choquant ; la puissance corruptrice de l’hindouisme est immense. Dans mon cas, malgré toute la formation solide que j’ai reçue au couvent, vingt ans dans l’hindouisme m’ont amené aux portes mêmes de la vénération du malin. Vous voyez, en Inde, « Dieu » est également vénéré comme le malin, sous la forme de la déesse Kali. Mais j’en parlerai dans la section suivante, au sujet des pratiques hindoues.

C’est la fin qui nous attend quand il n’y a plus de dogme chrétien. Je dis cela par expérience personnelle, parce que j’ai adoré Kali en Inde et dans ce pays. Et elle, qui est satan, n’est pas une plaisanterie. Si vous abandonnez le Dieu vivant, le trône ne restera pas vide.

 

3. Lieux et pratiques hindous


En 1956 j’ai fait une enquête sur le terrain auprès des chasseurs de têtes aux Philippines. Mon intérêt était pour la religion primitive — en particulier dans ce que l’on appelle une région « non civilisée » — où il y avait eu peu de missionnaires. Quand je suis arrivé à Ifugao (c’est le nom de la tribu), je ne croyais pas à la magie noire ; quand je suis parti, j’y croyais. Un prêtre Ifugao (un munbaki), nommé Talupa, est devenu mon meilleur ami et collaborateur. Avec le temps, j’ai appris qu’il était fameux pour son talent dans l’art noir. Il m’a emmené au baki, cérémonie de magie rituelle, qui a lieu presque tous les soirs pendant la saison des récoltes. Une dizaine de prêtres s’étaient rassemblés dans une hutte et ils ont passé la nuit à invoquer les divinités et les ancêtres, à boire du vin de riz et à faire des sacrifices aux deux petites images connues sous le nom de bulol. Elles étaient lavées dans du sang de poulet, recueilli dans un plat et utilisé pour deviner l’avenir avant qu’il ne soit utilisé sur les images. Ils ont étudié le sang en regardant la taille et le nombre de bulles, le temps qu’il fallait pour coaguler ; ils tiraient aussi des informations de la couleur et la configuration des organes du poulet. Chaque soir, je prenais consciencieusement des notes. Mais ce n’était que le début. Je n’élaborerai pas sur la magie d’Ifugao ; il suffit de dire qu’au moment où je suis parti, j’avais vu une telle variété et quantité d’événements surnaturels que toute explication scientifique était pratiquement impossible. Si j’avais été prédisposé à croire quoi que ce soit quand je suis arrivé, c’était que la magie avait une explication tout à fait naturelle. Aussi, permettez-moi de dire que je n’ai pas peur très facilement. Mais le fait est que j’ai quitté Ifugao parce que j’ai vu que leurs rituels non seulement fonctionnaient, mais qu’ils avaient des effets sur moi — au moins deux fois.
Je dis tout cela pour que ce que je dis sur les pratiques et les lieux de culte hindous ne semble pas invraisemblable, comme de simples inventions d’un « cerveau échauffé ».

Onze ans après l’épisode d’Ifugao, j’ai fait un pèlerinage à la grotte d’Amarnath, au cœur de l’Himalaya. La tradition hindoue la considère comme le lieu le plus sacré du culte de Siva, où il se manifeste à ses fidèles et leur accorde des faveurs. C’est un voyage long et difficile au-delà Mahaguna, un col à 4 250 m, et à travers un glacier ; j’ai pu ainsi consacrer beaucoup de temps en chemin à son adoration, d’autant plus que le garçon qui dirigeait le poney de tête ne parlait pas anglais, et je ne parlais pas d’hindi. Cette fois, j’étais prédisposé à croire que le dieu que j’avais adoré et médité pendant des années se manifesterait gracieusement à moi.

L’image de Siva dans la grotte est en elle-même une curiosité : une image de glace formée par le ruissellement de l’eau. Elle croît et décroît avec la Lune. Quand c’est la pleine lune, l’image naturelle atteint le plafond de la grotte — environ 4,5 mètres — et à la pleine lune il n’en reste presque plus rien. Et ainsi elle grandit et diminue chaque mois. À ma connaissance, personne n’a expliqué ce phénomène. Je me suis approché de la grotte à un moment propice, lorsque l’image était à son maximum. Je devais bientôt adorer mon dieu avec de la noix de coco verte, de l’encens, des morceaux de tissu rouges et blancs, des noix, des raisins secs et du sucre — tous les articles prescrits par le rituel. Je suis entré dans la grotte avec des larmes de dévotion. Ce qui s’est passé alors est difficile à décrire. L’endroit était animé — tout comme une hutte Ifugao avec baki en plein essor. Stupéfaite de me retrouver dans un lieu rempli d’une immoralité inexplicable, je suis parti en vomissant avant que le prêtre ne puisse finir mon offrande à la grande image de glace.

La façade de l’hindouisme s’était fissurée lorsque je suis entré dans la grotte de Siva, mais il y eut encore un certain temps avant que je me libère. Pendant cette période, j’ai cherché quelque chose pour soutenir l’édifice en train de s’effondrer, mais je n’ai rien trouvé. Rétrospectivement, il me semble que nous savons souvent que quelque chose est vraiment mauvais, bien avant de pouvoir vraiment y croire. Cela vaut autant pour les « pratiques spirituelles » hindoues que pour les soi-disant « lieux saints ».

Lorsqu’un élève est initié par le gourou, il reçoit un mantra sanscrit (une formule magique personnelle) et des conseils pratiques religieux spécifiques. Ceux-ci sont entièrement ésotériques et sont transmis par la tradition orale. Vous ne les trouverez pas sous forme imprimée et il est très peu probable de les apprendre d’un initié, à cause des fortes sanctions protégeant ce secret. En effet, le gourou invite son disciple à prouver la philosophie par sa propre expérience. Le fait est que ces pratiques fonctionnent réellement. L’étudiant peut obtient des pouvoirs ou « siddhis ». Il s’agit de la capacité de lire les esprits, du pouvoir de guérir ou de détruire, de produire des objets, de raconter l’avenir et ainsi de suite — toute la gamme de trucs psychiques mortels. Mais bien pire que cela, il tombe invariablement dans un état de prelest, où il prend l’illusion pour la réalité. Il a des « expériences spirituelles » d’harmonie et de paix illimitées. Il a des visions de divinités et de lumière. (On pourrait se rappeler que Lucifer lui-même peut apparaître comme un ange de lumière.) Par « illusion », je ne veux pas dire qu’il ne fait pas l’expérience réelle de ces choses ; je veux dire plutôt qu’elles ne viennent pas de Dieu. Il y a, bien sûr, le système philosophique qui soutient chaque expérience, donc les pratiques et la philosophie se soutiennent mutuellement et le système devient très fort.

En fait, l’hindouisme n’est pas tant une recherche intellectuelle qu’un système de pratiques, et ce sont littéralement de la magie noire. C’est à dire, si vous faites x, vous obtenez y : un contrat simple. Mais les termes ne sont pas précisés et l’étudiant demande rarement quelle est la source de ces expériences ou qui lui accorde du crédit — sous la forme de pouvoirs et de « belles » expériences. C’est la situation faustienne classique, mais ce que le pratiquant ne sait pas, c’est que le prix à payer pourrait bien être son âme immortelle.

Il existe une vaste gamme de pratiques — des pratiques adaptées à tous les tempérament. La divinité choisie peut avoir une forme : un dieu ou une déesse ; ou être sans forme : le Brahman Absolu. La relation avec l’Idéal choisi varie également — ce peut être celle d’un enfant, d’une mère, d’un père, d’un ami, d’un bien-aimé, d’un serviteur ou, dans le cas de l’Advaita Vedanta, la « relation » est l’identité. Au moment de l’initiation, le gourou donne à son disciple un mantra et cela détermine le chemin qu’il suivra et les pratiques qu’il aura à entreprendre. Le gourou dicte également comment le disciple vivra sa vie quotidienne. Dans le Vedanta (ou système moniste), les disciples célibataires ne doivent pas se marier ; tous leurs pouvoirs doivent être dirigés vers la réussite des pratiques. Un disciple sincère n’est pas non plus un mangeur de viande, car la viande émousse la lame bien affilée de la perception. Le gourou est littéralement considéré comme Dieu lui-même — il est le Rédempteur du disciple.

À la base, les nombreux exercices « spirituels » ne découlent que de quelques pratiques fondamentales. Je vais juste les survoler.

Premièrement, il y a l’idolâtrie. Ce peut être le culte d’une image ou d’un portrait, avec des offrandes de lumière, de camphre, d’encens, d’eau et de bonbons. L’image peut être éventée avec une queue de yack, baignée, habillée et mise au lit. Cela semble très enfantin, mais il est prudent de ne pas sous-estimer les expériences psychiques qu’ils peuvent susciter. L’idolâtrie védantique prend la forme de l’adoration de soi — soit mentalement, soit extérieurement, avec tous les accessoires rituels. Un dicton aphoristique courant en Inde illustre cette adoration de soi. C’est So Ham, So Ham, ou « Je suis Lui, je suis Lui ».

Puis il y a Japa, ou la répétition du mantra sanskrit donné au disciple lors de son initiation. En fait, c’est la récitation d’une formule magique.

Le pranayama consiste en des exercices de respiration utilisés en conjonction avec Japa. Il existe d’autres pratiques qui sont propres au Tantra ou à l’adoration de Dieu comme Mère, principe féminin, pouvoir, énergie, principe d’évolution et d’action. On les appelle les cinq M. Ils sont ouvertement méchants et plutôt maladifs, donc je ne les décrirai pas. Mais eux aussi ont trouvé leur chemin vers ce pays. Swami Vivekananda a prescrit cette marque d’hindouisme avec le Vedanta. Il a dit : « J’adore la Terrible ! C’est une erreur de croire que tous les hommes trouvent leur raison dans le plaisir. Autant sont nés pour rechercher la douleur. Adorons la Terreur pour elle-même. Combien peu ont osé adorer la Mort, ou Kali ! Adorons la mort ! » Encore une fois, les paroles du Swami sur la déesse Kali : « Il y en a qui se moquent de l’existence de Kali. Pourtant, aujourd’hui, elle est là-bas parmi les gens. Ils sont affolés par la peur et les soldats ont été appelés à affronter la mort. Qui peut dire que Dieu ne se manifeste pas autant comme le mal que comme le bien ? Mais seul l’hindou ose l’adorer comme le mal. » [2]

Le plus grand dommage est que cette pratique ponctuelle du mal se poursuit avec la ferme conviction qu’il est bon. Et le salut qui est vainement recherché par un effort personnel ardu dans l’hindouisme ne peut être opéré par Dieu qu’à travers l’effacement chrétien.

 

4. Évangéliser l’Occident


En 1893, un moine hindou inconnu arriva au Parlement des religions de Chicago. C’était Swami Vivekananda, que j’ai déjà mentionné. Il a fait une impression étonnante sur ceux qui l’ont entendu, à la fois par son apparence — habillé et vêtu d’orange et cramoisi — et par ce qu’il a dit. Il a été immédiatement adulé par la haute société de Boston et de New York. Les philosophes de Harvard ont été très impressionnés. Et il ne fallut pas longtemps avant qu’il ait rassemblé un noyau dur de disciples qui l’ont soutenu lui et son rêve grandiose : l’évangélisation du monde occidental par l’hindouisme, et plus particulièrement, par l’hindouisme védantique (ou moniste). Des sociétés Vedanta ont été établies dans les grandes villes de ce pays et en Europe. Mais ces centres n’étaient qu’une partie de son travail. Le plus important était l’infusion des idées védantiques dans les circuits intellectuels de la pensée académique. Son but était leur diffusion. Peu importait à Vivekananda que le crédit soit accordé ou non à l’hindouisme, du moment que le message du Vedanta atteignait tout le monde. À plusieurs reprises, il a dit : frappez à toutes les portes. Dites à chacun qu’il est Divin.

Aujourd’hui, certaines parties de son message sont présentées dans des livres de poche que vous pouvez trouver dans n’importe quelle librairie — dans les livres d’Aldous Huxley, Christopher Isherwood, Somerset Maugham, Teilhard de Chardin et même Thomas Merton.

Thomas Merton, bien sûr, constitue une menace particulière pour les chrétiens, car il se présente comme un moine chrétien contemplatif, et son travail a déjà affecté une partie vitale du catholicisme romain, son monachisme. Peu de temps avant sa mort, le Père Merton a écrit une introduction approbatrice à une nouvelle traduction de la Bhagavad Gita, qui est le manuel spirituel ou « la Bible » de tous les hindous, et l’un des fondements du monisme ou Advaita Vedanta. La Gita, il faut le rappeler, s’oppose à presque tous les enseignements importants du christianisme. Son livre sur les Maîtres Zen, publié à titre posthume, est également remarquable, car tout l’ouvrage est basé sur une erreur perfide : l’hypothèse que toutes les soi-disant « expériences mystiques » dans toutes les religions sont vraies. Il aurait dû savoir mieux. Les avertissements contre cela sont forts et clairs, à la fois dans les Saintes Écritures et dans les Saints Pères.

Aujourd’hui, je connais un monastère catholique en Californie où des moines cloîtrés expérimentent des pratiques religieuses hindoues. Ils ont été formés par un Indien devenu prêtre catholique. À moins que le terrain n’ait été préparé, je pense que ce genre de chose ne pourrait pas se produire. Mais, après tout, c’était le but de la venue de Vivekananda en Occident : préparer le terrain.
Le message de Vivekananda sur le Vedanta est assez simple. Il a l’air plus complexe à cause de ses ornements, seulement : le jargon sanscrit éblouissant et la structure philosophique très élaborée. Le message est essentiellement le suivant : toutes les religions sont vraies, mais le Vedanta est la vérité ultime. Les différences ne sont qu’une question de « niveaux de vérité ». Pour reprendre les mots de Vivekananda : « L’homme ne voyage pas de l’erreur à la vérité, mais grimpe d’une vérité à une autre, de la vérité inférieure à la vérité supérieure. La matière d’aujourd’hui est l’esprit du futur. Le ver d’aujourd’hui — le Dieu de demain. » Le Vedanta repose sur ceci : l’homme est Dieu. C’est donc à l’homme de travailler à son propre salut. Vivekananda l’a exprimé ainsi : « Qui peut aider l’Infini ? Même la main qui vient à vous à travers les ténèbres devra être la vôtre ».

Vivekananda était assez malin pour savoir que le Vedanta dans sa forme pure serait trop difficile à suivre pour les chrétiens, dès le départ. Mais les « niveaux de vérité » ont fourni une belle passerelle vers un œcuménisme parfait — là où il n’y a pas de conflit parce que tout le monde a raison. Dans les mots de Swami : « Si une religion est vraie, alors toutes les autres doivent l’être également. Ainsi, la foi hindoue est la vôtre autant que la mienne. Nous, hindous, ne tolérons pas seulement, nous nous unissons à toutes les religions, priant dans la mosquée du mahométan, adorant devant le feu du zoroastrien et nous agenouillant au pied de la croix du chrétien. Nous savons que toutes les religions, du fétichisme le plus bas à l’absolutisme radical, ne sont qu’autant de tentatives de l’âme humaine pour saisir et réaliser l’Infini. Nous rassemblons donc toutes ces fleurs et, les liant ensemble avec les cordons de l’amour, nous en faisons un merveilleux bouquet d’adoration. »

Pourtant, toutes les religions n’étaient que des étapes vers la religion ultime, qui est l’Advaita Vedanta. Il avait un mépris particulier pour le christianisme, qui au mieux était une « vérité partielle » — une vérité dualiste. Dans ses conversations privées, il a dit que seul un lâche tendrait l’autre joue. Mais quoi qu’il dise des autres religions, il est toujours revenu sur la nécessité de l’Advaita Vedanta. « L’art, la science et la religion », a-t-il dit, « ne sont que trois manières différentes d’exprimer une seule vérité. Mais pour comprendre cela, nous devons avoir la théorie de l’Advaita. »

Son attrait pour la jeunesse d’aujourd’hui est indéniable. Le Vedanta déclare que la liberté parfaite de chaque âme est d’être elle-même. Elle nie toute distinction entre sacré et profane : ce ne sont que des manières différentes d’exprimer la vérité unique. Et le seul but de la religion est de pourvoir aux besoins de différents tempéraments : un dieu et une pratique adaptés à chacun. En un mot, la religion c’est « faire sa vie à soi ».

Tout cela semble exagéré ; mais Vivekananda a fait un travail remarquable. Je vais maintenant montrer à quel point il a réussi à introduire ces idées hindoues dans le catholicisme romain, où son succès a été le plus frappant.
Swami Vivekananda est venu pour la première fois en Amérique pour représenter l’hindouisme au Parlement des religions de 1893. En 1968 on a célébré le 75e anniversaire de cet événement, et à ce moment-là un Symposium sur les religions a eu lieu sous les auspices de la Vivekananda Vedanta Society de Chicago. Le catholicisme romain était représenté par un théologien dominicain de l’Université De Paul, le père Robert Campbell. Swami Bhashyananda a ouvert la réunion par la lecture des messages de bonne volonté de la part de trois personnes très importantes. La seconde était un cardinal américain.

Le Père Campbell a commencé la séance de l’après-midi par une conférence sur le conflit entre le traditionalisme et le modernisme dans le catholicisme moderne. Il a déclaré : « Dans ma propre université, les enquêtes menées sur les attitudes des étudiants catholiques montrent un grand basculement vers les opinions libérales au cours des cinq ou six dernières années. Je sais que le grand Swami Vivekananda serait lui-même en faveur de la plupart des tendances du christianisme libéral. » Ce que le père Campbell ne savait apparemment pas, c’était que les doctrines modernistes qu’il décrivait n’étaient pas du tout chrétiennes ; il s’agissait tout simplement de Vedanta.

Afin d’éliminer toute question d’interprétation, je citerai les paroles du Père sur l’interprétation moderniste de cinq sujets, tels qu’ils sont parus dans trois revues internationales : le Prabuddha Bharata publié à Calcutta, le Vedanta Kesheri publié à Madras, et Vedanta and the West, publié à Londres.

Sur les doctrines : « La vérité est une chose relative, ces doctrines et dogmes (c’est-à-dire la nature de Dieu, comment l’homme devrait vivre et l’après-vie) ne sont pas des choses fixes, elles changent, et nous en arrivons au point où nous nions certaines choses que nous affirmions autrefois comme des vérités sacrées. »

Sur Dieu : « Jésus est divin, c’est vrai, mais chacun de nous peut l’être, également. En fait, sur de nombreux points, je pense que vous constaterez que la perspective chrétienne libérale évolue dans la direction de l’Orient dans une grande partie de sa philosophie — à la fois dans sa conception d’un Dieu impersonnel et dans la notion que nous sommes tous divins. »

Sur le péché originel : « Ce concept est très offensant pour le christianisme libéral, qui soutient que l’homme est perfectible par une formation et une éducation appropriées. »

Sur le monde : « … Le libéral affirme que le monde peut être amélioré et que nous devons nous consacrer à la construction d’une société plus humaine au lieu de vouloir aller au paradis. »

Sur les autres religions : « Le groupe libéral dit : ‹ Ne vous inquiétez pas de sujets d’un autre temps, tels que la recherche de convertis, etc., mais développons de meilleures relations avec les autres religions. › »

Voilà les paroles du père Campbell au nom des catholiques modernistes. Le moderniste a été conduit comme un enfant par l’offre généreuse d’une vérité supérieure, d’une philosophie plus profonde et plus sublime — qui peut être obtenue en subordonnant simplement le Christ vivant à l’homme moderne.

Ici, alors, nous voyons le succès spectaculaire de l’hindouisme, ou de Swami Vivekananda, ou du pouvoir qui se trouve derrière Vivekananda. Cela a balayé entièrement le catholicisme romain. Ses chiens de garde ont pris le voleur pour l’ami du maître, et la maison est dévastée sous leurs yeux. Le voleur a dit : « Ayons une compréhension interreligieuse », et il passa la porte. Et l’expédient était si simple. Les hindous chrétiens (les Swamis) n’avaient qu’à réciter la philosophie du Vedanta en utilisant des termes chrétiens. Mais les chrétiens hindous (les catholiques modernistes) ont dû extrapoler leur religion pour inclure l’hindouisme. Alors nécessairement, la vérité est devenue erreur et l’erreur, vérité. Hélas, certains entraîneraient maintenant l’Église orthodoxe dans cette maison ravagée. Mais que les modernistes se souviennent des paroles d’Isaïe : Malheur à vous, qui dites que le mal est bien, et que le bien est mal ; qui changez les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres ; qui changez l’amertume en douceur, et la douceur en amertume. Malheur à vous, qui êtes sages à vos propres yeux, et qui êtes prudents selon vous-mêmes. [Is. V : 20–21]

 

5. Le but de l’hindouisme : la religion universelle


J’ai été étonné de voir les incursions que l’hindouisme avait faites pendant mon absence du christianisme. Il semble étrange que j’aie fait leur découverte en même temps. C’était parce que mon gourou dominait chacune de mes actions et pendant tout ce temps j’étais, littéralement, « cloîtrée », tout en vivant dans le monde. Les sévères injonctions du Swami m’ont empêché de lire des livres chrétiens ou de parler avec des chrétiens. Pour tous leurs discours prétentieux que toutes les religions sont vraies, les Swamis savent que Christ est leur ennemi juré. Donc pendant vingt ans j’ai été totalement immergée dans l’étude de la philosophie orientale et dans la pratique de ses disciplines. Mon gourou m’a ordonné d’obtenir un diplôme en philosophie et en anthropologie, mais ce n’étaient que des activités qui remplissaient le temps entre les parties importantes de ma vie : le temps avec Swami et le temps avec les enseignements et les pratiques du Vedanta.

La mission de Swami Vivekananda a été remplie à bien des égards, mais une partie n’a pas encore été accomplie. C’est l’établissement d’une religion universelle. En cela repose la victoire ultime du diable. Parce que la Religion Universelle ne peut pas contenir des idées « individualistes, sectaires », elle n’aura rien en commun avec le christianisme, sauf dans sa sémantique. Le Monde et la Chair peuvent être des feux dans le poêle et la cheminée, mais la Religion Universelle sera un incendie complet du christianisme. Les signes de ce but sont que le prêtre jésuite Teilhard de Chardin a déjà jeté les bases d’un « nouveau christianisme », et c’est précisément selon les spécifications de Swami Vivekananda pour cette religion universelle.

Teilhard de Chardin est une anomalie car, contrairement aux théologiens romains traditionnels, il est très apprécié par le clergé savant qui, pour leur excuse, je crois qu’ils ne savent pas de quoi il parle. Parce que les idées de Teilhard sont dans une large mesure des plagiats du Vedanta et du Tantra collés ensemble avec un jargon à consonance chrétienne et teints fortement d’évolutionnisme.

Permettez-moi de citer un exemple de lui : « Le monde dans lequel je vis devient divin. Pourtant ces flammes ne me consument pas, et ces eaux ne me dissolvent pas ; car, à la différence des fausses formes de monisme qui nous poussent par passivité à l’inconscience, le panchristianisme que je trouve place l’union au terme d’un difficile processus de différenciation. Je n’atteindrai l’esprit qu’en libérant complètement et exhaustivement toutes les puissances de la matière… Je reconnais qu’à l’exemple du Dieu incarné qui m’a été révélé par la foi catholique, je ne peux être sauvé qu’en devenant un avec l’univers. » C’est purement et simplement de l’hindouisme. Il contient un peu de tout — un verset reconnaissable d’un Upanishad et des fragments de quelques systèmes philosophiques avec leurs pratiques.

Lors d’une conférence de presse donnée par le Père Arrupe, Général de la Compagnie de Jésus, au mois de juin, 1965, Teilhard de Chardin a été défendu au motif qu’« il n’était ni un théologien ni un philosophe professionnel, de sorte qu’il lui était possible d’ignorer toutes les implications philosophiques et théologiques attachées à certaines de ses intuitions. » Puis le père Arrupe le félicita : « Le père Teilhard est l’un des grands maîtres de la pensée contemporaine, et son succès n’est pas étonnant. Il a mené, en fait, une grande tentative pour réconcilier le monde de la science avec le monde de la foi. » Le résultat de cette réconciliation est une nouvelle religion. Et selon les mots de Teilhard : « La nouvelle religion sera exactement la même que notre christianisme ancien, mais avec une vie nouvelle issue de l’évolution légitime de ses dogmes au fur et à mesure qu’ils entreront en contact avec de nouvelles idées. »

 

Après cette présentation du contexte, regardons maintenant la religion universelle de Vivekananda et le « nouveau christianisme » de Teilhard.


La religion universelle telle que proposée par Vivekananda doit avoir cinq caractéristiques.

Premièrement, elle doit être scientifique. Elle sera érigée sur des lois spirituelles. Il s’agira ainsi d’une religion vraie et scientifique. En effet, Vivekananda et Teilhard utilisent tous les deux le scientisme théorique comme un article de leur foi.

Deuxièmement, son fondement est l’évolution. Selon Teilhard : « Une forme de religion jusque-là inconnue — que personne n’aurait encore pu imaginer ou décrire, faute d’un univers suffisamment grand et suffisamment organique pour la contenir — fleurit dans le cœur des hommes, à partir d’une graine semée par l’idée de l’évolution. » Et encore : « Le péché originel… nous lie pieds et mains et nous draine le sang » parce que « tel qu’il est maintenant exprimé, il représente une survivance de concepts statiques qui sont un anachronisme dans notre système de pensée évolutionniste ». Un tel concept pseudo-religieux d’« évolution », qui a été consciemment rejeté par la pensée chrétienne, est à la base de la pensée hindoue depuis des millénaires ; toute pratique religieuse hindoue l’assume.

Troisièmement, la religion universelle ne sera pas construite autour d’une personnalité particulière, mais sera fondée sur des « principes éternels ». Teilhard est en bonne voie vers le Dieu impersonnel lorsqu’il écrit : « Le Christ m’est de plus en plus indispensable… mais en même temps la figure du Christ historique me devient de moins en moins substantielle et distincte. » « … Ma vision de lui me porte continuellement de plus en plus haut le long de l’axe (j’espère !) de l’orthodoxie. » Triste à dire, cet esprit du « Christ » non historique est celui de l’orthodoxie hindoue, et non pas du christianisme.

Quatrièmement, le but principal de la religion universelle sera de satisfaire les besoins spirituels des hommes et des femmes de types divers. Les religions individualistes et sectaires ne peuvent pas offrir cela. Teilhard pensait que le christianisme ne correspondait pas aux aspirations religieuses de tout le monde. Il enregistre son mécontentement en ces termes : « Le christianisme est encore dans une certaine mesure un refuge, mais il n’embrasse pas, ne satisfait pas ou même ne conduit plus ‹ l’âme moderne ›. ».

Et finalement, cinquièmement, au sein de la religion universelle (ou nouveau christianisme), nous nous dirigeons tous vers la même destination. Pour Teilhard de Chardin, c’est le Point Omega, qui appartient à quelque chose qui est au-delà de la représentation. Pour Vivekananda, c’est l’Om, la syllabe sacrée des hindous : « L’humanité entière convergeant au pied de ce lieu sacré où est posé le symbole qui n’est pas un symbole, le nom qui est au-delà de tout son. »

Où va-t-elle finir, cette déformation du christianisme et le triomphe de l’hindouisme ? Aurons-nous l’Om ou aurons-nous l’Oméga ?

 

 

[1] Grégoire le Sinaïte, Comment chacun doit prier, in Philocalie des Pères neptiques, tome second, p.824, 826-7, Jean-Claude Lattès, Paris, 1995

[2] Rares sont ceux qui, même parmi les plus désireux d’entrer en « dialogue » avec les religions orientales et d’exprimer leur unité religieuse fondamentale avec elles, ont une conception précise des pratiques et croyances religieuses païennes, dont le joug béni et léger du Christ a délivré l’humanité. La déesse Kali, l’une des divinités hindoues les plus populaires, est le plus souvent représentée au milieu d’une débauche de sang et de carnage, des crânes et des têtes coupées suspendues à son cou, sa langue sortant de façon grotesque de sa bouche assoiffée de plus de sang ; elle est apaisée dans les temples hindous par des offrandes sanglantes de chèvres (Swami Vivekananda les justifie ainsi : « Pourquoi pas un peu de sang pour compléter le tableau ? »). À son propos, Swami Vivekananda, déclarait, tel qu’enregistré par son disciple, « sœur Nivedita » : « Je crois qu’elle me guide dans chaque petite chose que je fais, et fait de moi ce qu’elle veut, » et à chaque pas il était conscient de sa présence comme si elle était présente à ses côtés. Il l’invoquait : « Viens, Mère, viens ! car Terreur est ton nom ; » et c’était son idéal religieux « de ne faire qu’un avec la Terrible pour toujours. » Est-ce, comme le métropolite Georges Khodre tente de nous convaincre, un exemple que nous devons accepter de « vie authentiquement spirituelle des non-baptisés », une partie des « richesses » spirituelles que nous devons emprunter aux religions non chrétiennes ? Ou n’est-ce pas plutôt une preuve des paroles du psalmiste : Tous les dieux des nations sont des démons ?

 


 

Hieromonk Seraphim Rose, Orthodoxy and The Religion of the Future, p. 32-55, Saint Herman of Alaska Brotherhood, Platina, California, 1979

traduction: hesychia.eu

 

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