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Le pèlerin russe – Premier récit

19 octobre 2023

Par la grâce de Dieu je suis homme et chrétien, par actions grand pécheur, par état pèlerin sans abri, de la plus basse condition, toujours errant de lieu en lieu. Pour avoir, j’ai sur le dos un sac avec du pain sec, dans ma blouse la sainte Bible et c’est tout. Le vingt-quatrième dimanche après la Trinité, j’entrai à l’église pour y prier pendant l’office ; on lisait l’Épître de l’Apôtre aux Thessaloniciens, au passage [1] dans lequel il est dit : Priez sans cesse. Cette parole pénétra profondément dans mon esprit et je me demandai comment il est possible de prier sans cesse alors que chacun doit s’occuper à de nombreux travaux pour subvenir à sa propre vie. Je cherchai dans la Bible et j’y lus de mes yeux exactement ce que j’avais entendu — il faut prier sans cesse [2], prier par l’esprit en toute occasion [3], élever en tout lieu des mains suppliantes [4]. J’avais beau réfléchir, je ne savais que décider.

Que faire — pensai-je — où trouver quelqu’un qui puisse m’expliquer ces paroles ? J’irai par les églises où prêchent des hommes en renom, et, là peut-être, je trouverai ce que je cherche. Et je me mis en route. J’ai entendu beaucoup d’excellents sermons sur la prière. Mais ils étaient tous des instructions sur la prière en général : ce qu’est la prière, pourquoi il est nécessaire de prier, quels sont les fruits de la prière. Mais comment arriver à prier véritablement — là-dessus on ne disait rien. J’entendis un sermon sur la prière en esprit et sur la prière perpétuelle ; mais on n’indiquait pas comment parvenir à cette prière. Ainsi la fréquentation des sermons ne m’avait pas donné ce que je désirais. Je cessai donc d’aller aux prêches et je décidai de chercher avec l’aide de Dieu un homme savant et expérimenté qui m’expliquerait ce mystère puisque c’était là que mon esprit était invinciblement attiré.

Longtemps je cheminai ; je lisais la Bible et je demandais s’il ne se trouvait pas quelque part un maître spirituel ou un guide sage et plein d’expérience. Une fois l’on me dit que dans un village vivait depuis longtemps un monsieur [5] qui faisait son salut : il a chez lui une chapelle, il ne bouge jamais et sans cesse il prie Dieu ou lit des livres spirituels. A ces mots, je ne marchai plus, je me mis à courir vers ce village ; j’y arrivai et me rendis chez ce monsieur.

– Que désires-tu de moi ? me demanda-t-il.

– J’ai appris que vous étiez un homme pieux et sage ; c’est pourquoi je vous demande au nom de Dieu de m’expliquer ce que veut dire cette parole de l’Apôtre : Priez sans cesse et comment il est possible de prier ainsi. Voilà ce que je désire comprendre et je ne peux cependant y parvenir.

Le monsieur resta silencieux, me regarda attentivement et dit :

– La prière intérieure perpétuelle est l’effort incessant de l’esprit humain pour atteindre Dieu. Pour réussir en ce bienfaisant exercice, il convient de demander très souvent au Seigneur de nous enseigner à prier sans cesse. Prie plus et avec plus de zèle, la prière te fera comprendre d’elle-même comment elle peut devenir perpétuelle ; pour cela il faut beaucoup de temps.

Sur ces paroles, il me fit servir à manger, me donna quelque chose pour la route et me laissa. Mais il n’avait rien expliqué.

Je repris ma route ; je pensais, je lisais, je réfléchissais comme je pouvais à ce que m’avait dit le monsieur et pourtant il m’était impossible de comprendre ; mais j’avais tant envie d’y parvenir que mes nuits étaient sans sommeil. Après avoir parcouru deux cents verstes [6], j’arrivai à un chef-lieu de gouvernement. J’y aperçus un monastère. A l’auberge, on me dit que dans ce monastère vivait un supérieur pieux, charitable et hospitalier. J’allai à lui. Il me reçut avec bonté, me fit asseoir et m’offrit à manger.

– Père très saint ! dis-je, je n’ai pas besoin d’un repas, mais je voudrais que vous me donniez un enseignement spirituel : comment faire son salut [7] ?

– Comment faire son salut ? Eh bien, vis selon les commandements, prie Dieu et tu seras sauvé !

– J’ai appris qu’il faut prier sans cesse, mais je ne sais comment prier sans cesse et ne puis même comprendre ce que signifie la prière perpétuelle. Je vous prie, mon père, de m’expliquer cela.

– Je ne sais, mon frère, comment t’expliquer mieux. Mais attends ! J’ai un petit livre où cela est exposé ; et il sortit l’Instruction spirituelle de l’homme intérieur [8] de saint Dimitri. Tiens, lis donc à cette page.

Je commençai à lire ce qui suit :

« Ces paroles de l’Apôtre : il faut prier sans cesse, s’appliquent à la prière faite par l’intelligence ; l’intelligence, en effet, peut être toujours plongée en Dieu et Le prier sans cesse. »

– Expliquez-moi comment l’intelligence peut être toujours plongée en Dieu sans distraction et le prier sans cesse.

– C’est là chose fort difficile, si Dieu n’en fait pas don lui-même, dit le supérieur.

Mais il n’avait rien expliqué.

Je passai la nuit chez lui et, l’ayant remercié au matin pour son aimable accueil, je me remis en route sans trop savoir où aller. J’étais triste de mon incompréhension et pour consolation, je lisais la sainte Bible. J’allai ainsi cinq jours par la grand’route ; enfin, un soir, je rencontrai un petit vieillard qui avait quelque chose d’un religieux.

A ma question, il répondit qu’il était moine et que la solitude où il vivait avec quelques frères était à dix verstes de la route ; il m’invita à m’arrêter chez eux.

– Chez nous, me dit-il, on reçoit les pèlerins, on les soigne et les nourrit à l’hôtellerie.

Je n’avais guère envie d’y aller et je lui dis :

– Mon repos ne dépend pas d’un logement, mais d’un enseignement spirituel ; je ne cherche pas de nourriture, j’ai beaucoup de pain sec dans mon sac.

– Mais quel genre d’enseignement cherches-tu et que désires-tu mieux comprendre ? Viens, viens chez nous, mon cher frère ; nous avons des starets [9] expérimentés qui peuvent te donner une direction spirituelle et te guider sur la voie véritable à la lumière de la parole de Dieu et des enseignements des Pères.

– Voyez-vous, mon père, il y a un an environ qu’étant à l’office, j’entendis ce commandement de l’Apôtre : Priez sans cesse. Ne sachant comment comprendre cette parole, je me suis mis à lire la Bible. Et là aussi, en beaucoup de passages, j’ai trouvé le commandement de Dieu : il faut prier sans cesse, toujours, en toute occasion, en tout lieu, non seulement pendant les travaux journaliers, non seulement en état de veille, mais aussi dans le sommeil : je dors, mais mon cœur veille [10][11]. Cela m’étonna beaucoup et je ne pus comprendre comment on peut accomplir une telle chose et quels sont les moyens d’y parvenir ; un violent désir et la curiosité s’éveillèrent en moi : ni jour ni nuit ces paroles ne sortirent plus de mon esprit. Aussi je me mis à fréquenter les églises – j’entendis des sermons sur la prière ; mais j’ai eu beau en écouter, jamais je n’y ai appris comment prier sans cesse ; on parlait toujours de la préparation à la prière ou de ses fruits, sans enseigner comment prier sans cesse et ce que signifie une telle prière. J’ai lu souvent la Bible et j’y ai retrouvé ce que j’avais entendu ; mais cependant je n’ai pas atteint la compréhension que je désire. Et depuis ce temps, je demeure incertain et inquiet.

Le starets se signa et prit la parole : – Remercie Dieu, frère bien-aimé, de ce qu’il t’a révélé une attirance invincible en toi vers la prière intérieure perpétuelle.

Reconnais là l’appel de Dieu et calme-toi en pensant qu’ainsi l’accord de ta volonté avec la parole divine a été dûment éprouvé ; il t’a été donné de comprendre que ce n’est pas la sagesse de ce monde ni un vain désir de connaissances qui conduisent à la lumière céleste – la prière intérieure perpétuelle – mais au contraire la pauvreté d’esprit et l’expérience active dans la simplicité du cœur.

C’est pourquoi il n’est pas étonnant que tu n’aies rien entendu de profond sur l’acte de prier et que tu n’aies pu apprendre comment parvenir à cette activité perpétuelle. En vérité, on prêche beaucoup sur la prière et il existe là-dessus de nombreux ouvrages récents, mais tous les jugements de leurs auteurs sont fondés sur la spéculation intellectuelle, sur les concepts de la raison naturelle et non sur l’expérience nourrie par l’action ; ils parlent plus des accessoires de la prière que de son essence même. L’un explique fort bien pourquoi il est nécessaire de prier ; un autre parle de la puissance et des effets bienfaisants de la prière ; un troisième, des conditions nécessaires pour bien prier, c’est-à-dire du zèle, de l’attention, de la chaleur de cœur, de la pureté d’esprit, de l’humilité, du repentir, qu’il faut avoir pour se mettre à prier. Mais qu’est-ce que la prière et comment on apprend à prier – à ces questions pourtant essentielles et fondamentales, on trouve bien rarement réponse chez les prédicateurs de ce temps ; car elles sont plus difficiles que toutes leurs explications et demandent non un savoir scolaire, mais une connaissance mystique. Et, chose beaucoup plus triste, cette sagesse élémentaire et vaine conduit à mesurer Dieu avec une mesure humaine. Beaucoup commettent une grande erreur, lorsqu’ils pensent que les moyens préparatoires et les bonnes actions engendrent la prière, alors qu’en réalité c’est la prière qui est la source des œuvres et des vertus. Ils prennent à tort les fruits ou les conséquences de la prière pour les moyens d’y parvenir, et diminuent ainsi sa force. C’est un point de vue entièrement opposé à l’Écriture : car l’apôtre Paul parle ainsi de la prière : Je vous conjure avant tout de prier [12].

Ainsi l’Apôtre place la prière au-dessus de tout : je vous conjure avant tout de prier. Beaucoup de bonnes œuvres sont demandées au chrétien, mais l’œuvre de prière est au-dessus de toutes les autres, car, sans elle, rien de bien ne peut s’accomplir. Sans la prière fréquente, on ne peut trouver la voie qui conduit au Seigneur, connaître la Vérité, crucifier la chair avec ses passions et ses désirs, être illuminé dans le cœur par la lumière du Christ et s’unir à Lui dans le salut. Je dis fréquente, car la perfection et la correction de notre prière ne dépendent pas de nous, comme le dit encore l’apôtre Paul : Nous ne savons pas ce qu’il faut demander [13]. Seule la fréquence a été laissée en notre pouvoir comme moyen pour atteindre la pureté de prière qui est la mère de tout bien spirituel. Acquiers la mère et tu auras une descendance, dit saint Isaac le Syrien [14], enseignant qu’il faut acquérir d’abord la prière pour pouvoir mettre en pratique toutes les vertus. Mais ils connaissent mal ces questions et ils en parlent peu, ceux qui ne sont pas familiers avec la pratique et les enseignements mystérieux des Pères.

En conversant ainsi, nous étions insensiblement arrivés jusqu’à la solitude. Pour ne pas me séparer de ce sage vieillard et satisfaire plus tôt mon désir, je m’empressai de lui dire :

— Je vous en prie, père vénérable, expliquez-moi ce qu’est la prière intérieure perpétuelle et comment on peut l’apprendre : je vois que vous en avez une expérience profonde et sûre.

Le starets accueillit ma demande avec bonté et m’invita chez lui :

—Viens chez moi, je te donnerai un livre des Pères qui te permettra de comprendre clairement ce qu’est la prière et de l’apprendre avec l’aide de Dieu.

Nous entrâmes dans sa cellule et le starets m’adressa les paroles suivantes :

—La prière de Jésus intérieure et constante est l’invocation continuelle et ininterrompue du nom de Jésus par les lèvres, le cœur et l’intelligence, dans le sentiment de sa présence, en tout lieu, en tout temps, même pendant le sommeil. Elle s’exprime par ces mots : Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi !  [15] Celui qui s’habitue à cette invocation ressent une grande consolation et le besoin de dire toujours cette prière ; au bout de quelque temps, il ne peut plus demeurer sans elle et c’est d’elle-même qu’elle coule en lui.

Comprends-tu maintenant ce qu’est la prière perpétuelle ?

—Je le comprends parfaitement, mon père ! Au nom de Dieu, enseignez-moi maintenant comment y parvenir, m’écriai-je plein de joie.

—Comment on apprend la prière, nous le verrons dans ce livre. Il s’appelle Philocalie [16]. Il contient la science complète et détaillée de la prière intérieure perpétuelle exposée par vingt-cinq Pères ; il est si utile et si parfait qu’il est considéré comme le guide essentiel de la vie contemplative et, comme le dit le bienheureux Nicéphore [17], « il conduit au salut sans peine et sans douleur ».

—Est-il donc plus haut que la sainte Bible ? demandai-je.

—Non, il n’est ni plus haut, ni plus saint que la Bible, mais il contient les explications lumineuses de tout ce qui reste mystérieux dans la Bible en raison de la faiblesse de notre esprit, dont la vue ne parvient pas jusqu’à ces hauteurs. Voici une image : le soleil est un astre majestueux, étincelant et superbe ; mais on ne peut le regarder à l’œil nu. Pour contempler ce roi des astres et supporter ses rayons enflammés, il faut employer un verre artificiel, infiniment plus petit et plus terne que le soleil. Eh bien, l’Écriture est ce soleil resplendissant et la Philocalie ce morceau de verre.

Écoute, maintenant, je vais te lire comment s’exercer à la prière intérieure perpétuelle.

Le starets ouvrit la Philocalie, choisit un passage de saint Syméon le Nouveau Théologien [18] et commença :

« Demeure assis dans le silence et dans la solitude, incline » la tête, ferme les yeux ; respire plus doucement, regarde par » l’imagination, à l’intérieur de ton cœur, rassemble ton » intelligence, c’est-à-dire ta pensée, de ta tête dans ton cœur. » Dis sur la respiration : « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de » moi », à voix basse, ou simplement en esprit. Efforce-toi de » chasser toutes pensées, sois patient et répète souvent cet » exercice. »

Puis le starets m’expliqua tout ceci avec des exemples et nous lûmes encore dans la Philocalie les paroles de saint Grégoire le Sinaïte [19] et des bienheureux Calliste et Ignace [20]. Tout ce que nous lisions, le starets me l’expliquait en des termes à lui. J’écoutais avec attention et ravissement et m’efforçais de fixer toutes ces paroles dans ma mémoire avec la plus grande exactitude. Nous passâmes ainsi toute la nuit et allâmes aux matines sans avoir dormi.

Le starets, en me renvoyant, me bénit et me dit de venir chez lui, pendant mon étude de la prière, pour me confesser avec franchise et simplicité de cœur, car il est vain de s’attaquer sans guide à l’œuvre spirituelle.

À l’église, je sentis en moi un zèle ardent qui me poussait à étudier avec soin la prière intérieure perpétuelle, et je demandai à Dieu de vouloir bien m’aider. Puis, je pensai qu’il me serait difficile d’aller voir le starets pour me confesser ou lui demander conseil ; à l’hôtellerie, on ne me gardera pas plus de trois jours et près de la solitude, il n’y a pas de logis… Heureusement, j’appris qu’un village se trouvait à quatre verstes. J’y allai pour chercher une place et pour mon bonheur, Dieu me favorisa. Je pus me louer comme gardien chez un paysan, à condition de passer l’été tout seul dans une hutte au fond du potager. Dieu merci – j’avais trouvé un endroit tranquille. C’est ainsi que je me mis à vivre et à étudier par les moyens indiqués la prière intérieure, en allant souvent voir le starets.

Pendant une semaine, je m’exerçai dans la solitude de mon jardin à l’étude de la prière intérieure, en suivant exactement les conseils du starets. Au début, tout semblait aller bien. Puis je ressentis une grande lourdeur, de la paresse, de l’ennui, un sommeil insurmontable et les pensées s’abattirent sur moi comme les nuages. J’allai chez le starets plein de chagrin et lui exposai mon état. Il me reçut avec bonté et me dit :

— Frère bien-aimé, c’est la lutte que mène contre toi le monde obscur, car il n’est rien qu’il redoute tant que la prière du cœur. Il essaye de te gêner et de te donner du dégoût pour la prière. Mais l’ennemi n’agit que selon la volonté et la permission de Dieu, dans la mesure où cela nous est nécessaire. Il faut sans doute que ton humilité soit encore mise à l’épreuve : il est trop tôt pour atteindre par un zèle excessif au seuil même du cœur, car tu risquerais de tomber dans l’avarice spirituelle. Je vais te lire ce que dit la Philocalie à ce sujet.

Le starets chercha dans les enseignements du moine Nicéphore et lut :

« Si, malgré tes efforts, mon frère, tu ne peux entrer dans la région du cœur, comme je te l’ai recommandé, fais ce que je te dis et, Dieu aidant, tu trouveras ce que tu cherches.

Tu sais que la raison de tout homme est dans sa poitrine… A cette raison enlève donc toute pensée (tu le peux si tu veux) et donne-lui le « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi ». Efforce-toi de remplacer par cette invocation intérieure toute autre pensée et, à la longue, cela t’ouvrira sûrement le seuil du cœur, c’est là un fait prouvé par l’expérience [21]. »

—Tu vois ce qu’enseignent les Pères dans ce cas, me dit le starets. C’est pourquoi tu dois accepter ce commandement avec confiance et réciter autant que tu le peux la prière de Jésus. Voici un rosaire avec lequel tu pourras faire au début trois mille oraisons par jour. Debout, assis, couché ou en marchant dis sans cesse : Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi ! doucement et sans hâte. Et récite exactement trois mille oraisons par jour sans en ajouter ou en retrancher aucune. C’est ainsi que tu parviendras à l’activité perpétuelle du cœur.

Je reçus avec joie ces paroles du starets et m’en retournai chez moi. Je me mis à faire exactement et fidèlement ce qu’il m’avait enseigné. Pendant deux jours, j’y eus quelque difficulté, puis cela devint si facile que lorsque je ne disais pas la prière, je sentais comme un besoin de la reprendre et elle coulait avec facilité et légèreté sans rien de la contrainte du début.

Je racontai cela au starets, qui m’ordonna de réciter six mille oraisons par jour et me dit :

—Sois sans trouble et efforce-toi seulement de t’en tenir fidèlement au nombre d’oraisons qui t’est prescrit : Dieu te fera miséricorde.

Pendant toute une semaine, je demeurai dans ma cabane solitaire à réciter chaque jour mes six mille oraisons sans me soucier de rien autre et sans avoir à lutter contre les pensées ; j’essayais seulement d’observer exactement le commandement du starets. Qu’arriva-t-il ? Je m’habituai si bien à la prière que, si je m’arrêtais un court instant, je sentais un vide comme si j’avais perdu quelque chose – dès que je reprenais ma prière, j’étais de nouveau léger et heureux. Si je rencontrais quelqu’un, je n’avais plus envie de parler, je désirais seulement être dans la solitude et réciter la prière ; tellement je m’y trouvais habitué au bout d’une semaine.

Le starets qui ne m’avait pas vu depuis dix jours vint lui-même prendre de mes nouvelles ; je lui expliquai ce qui m’arrivait. Après m’avoir écouté, il dit :

— Te voilà habitué à la prière. Vois-tu, il faut maintenant garder cette habitude et la fortifier : ne perds pas de temps et, avec l’aide de Dieu, prends la résolution de réciter douze mille oraisons par jour ; demeure dans la solitude, lève-toi un peu plus tôt, couche-toi un peu plus tard et viens me voir deux fois par mois.

Je me conformai aux ordres du starets et, le premier jour, c’est à peine si je parvins à réciter mes douze mille oraisons que j’achevai tard dans la soirée. Le lendemain je le fis plus facilement et avec plaisir. Je ressentis d’abord de la fatigue, une sorte de durcissement de la langue et une raideur dans les mâchoires, mais sans rien de désagréable ; ensuite j’eus légèrement mal au palais, puis au pouce de la main gauche qui égrenait le rosaire, tandis que mon bras s’échauffait jusqu’au coude, ce qui produisait une sensation délicieuse. Et cela ne faisait que m’inciter à réciter encore mieux la prière. Ainsi, pendant cinq jours, j’exécutai fidèlement les douze mille oraisons et, en même temps que l’habitude, je reçus l’agrément et le goût de la prière.

Un matin de bonne heure, je fus comme réveillé par la prière. Je commençais à dire mes oraisons du matin, mais ma langue s’y embarrassait et je n’avais d’autre désir que de réciter la prière de Jésus. Dès que je m’y fus mis, je devins tout heureux, mes lèvres remuaient d’elles-mêmes et sans effort. Je passai toute la journée dans la joie. J’étais comme retranché de tout et me sentais dans un autre monde : Je terminai sans difficulté mes douze mille oraisons avant la fin du jour. J’aurais beaucoup voulu continuer, mais je n’osais dépasser le chiffre indiqué par le starets. Les jours suivants, je continuai à invoquer le nom de Jésus-Christ avec facilité et sans jamais me lasser.

J’allai voir le starets et lui racontai tout cela en détail. Lorsque j’eus fini, il me dit :

— Dieu t’a donné le désir de prier et la possibilité de le faire sans peine. C’est là un effet naturel, produit par l’exercice et l’application constante, de même qu’une machine dont on lance peu à peu le volant continue ensuite à tourner d’elle-même ; mais, pour qu’elle reste en mouvement, il faut la graisser et lui donner parfois un nouvel élan. Tu vois maintenant de quelles facultés merveilleuses le Dieu ami des hommes a doué notre nature sensible elle-même ; et tu as connu les sensations extraordinaires qui peuvent naître même dans l’âme pécheresse, dans la nature impure que n’illumine pas encore la grâce. Mais quel degré de perfection, de joie et de ravissement n’atteint pas l’homme lorsque le Seigneur veut bien lui révéler la prière spirituelle spontanée et purifier son âme des passions ! C’est un état inexprimable et la révélation de ce mystère est un avant-goût de la douceur céleste. C’est le don que reçoivent ceux qui cherchent le Seigneur dans la simplicité d’un cœur débordant d’amour !

Désormais, je te permets de réciter autant d’oraisons que tu le veux, essaie de consacrer tout le temps de la veille à la prière et invoque le nom de Jésus sans plus compter, t’en remettant humblement à la volonté de Dieu, et espérant en Son secours ; Il ne t’abandonnera pas et dirigera ta route.

Obéissant à cette règle, je passai tout l’été à réciter sans cesse la prière de Jésus et je fus tout à fait tranquille. Durant mon sommeil, je rêvais parfois que je récitais la prière. Et pendant la journée, lorsqu’il m’arrivait de rencontrer des gens, ils me semblaient aussi aimables que s’ils avaient été de ma famille. Les pensées s’étaient apaisées et je ne vivais qu’avec la prière ; je commençais à incliner mon esprit à l’écouter et parfois mon cœur ressentait de lui-même comme une chaleur et une grande joie. Lorsqu’il m’arrivait d’entrer à l’église, le long service de la solitude me paraissait court et ne me lassait plus comme auparavant. Ma cabane solitaire me semblait un palais splendide et je ne savais comment remercier Dieu de m’avoir envoyé, à moi pauvre pécheur, un starets à l’enseignement si bienfaisant.

Mais je n’eus pas longtemps à jouir de la direction de mon starets bien-aimé et sage – il mourut à la fin de l’été. Je lui dis adieu avec des larmes et, en le remerciant pour son enseignement paternel, je lui demandai de me laisser comme bénédiction le rosaire avec lequel il priait toujours. Ainsi je restai seul. L’été s’acheva, on récolta les fruits du jardin. Je n’avais plus où vivre. Le paysan me donna deux roubles d’argent comme salaire, remplit mon sac de pain pour la route et je repris ma vie errante ; mais je n’étais plus dans le besoin comme jadis : l’invocation du nom de Jésus-Christ me réjouissait tout le long du chemin et tout le monde me traitait avec bonté ; il semblait que tous s’étaient mis à m’aimer.

Un jour je me demandai que faire avec les roubles que m’avait donnés le paysan. A quoi me servent-ils ? Oui !

Eh bien, je n’ai plus de starets, personne pour me guider ; je vais acheter une Philocalie et j’y apprendrai la prière intérieure. J’arrivai dans un chef-lieu de gouvernement et me mis à chercher par les boutiques une Philocalie ; j’en trouvai bien une, mais le marchand en voulait trois roubles et je n’en avais que deux ; j’eus beau marchander, il ne voulut rien rabattre ; enfin, il me dit :

— Va donc voir dans cette église, demande au sacristain ; il a un vieux livre comme ça, qu’il te cédera peut-être pour tes deux roubles.

J’y allai et achetai en effet pour deux roubles une Philocalie fort vieille et abîmée ; j’en fus tout heureux. Je la raccommodai comme je pus avec de l’étoffe et la mise dans mon sac avec la Bible.

Voilà comment je vais maintenant, disant sans cesse la prière de Jésus, qui m’est plus chère et plus douce que tout au monde. Parfois, je fais plus de soixante-dix verstes en un jour et je ne sens pas que je vais ; je sens seulement que je dis la prière. Quand un froid violent me saisit, je récite la prière avec plus d’attention et bientôt je suis tout réchauffé. Si la faim devient trop forte, j’invoque plus souvent le nom de Jésus-Christ et je ne me rappelle plus avoir eu faim. Si je me sens malade et que mon dos ou mes jambes me fassent mal, je me concentre dans la prière et je ne sens plus la douleur. Lorsque quelqu’un m’offense, je ne pense qu’à la bienfaisante prière de Jésus ; aussitôt, colère ou peine disparaissent et j’oublie tout. Mon esprit est devenu tout simple. Je n’ai souci de rien, rien ne m’occupe, rien de ce qui est extérieur ne me retient, je voudrais être toujours dans la solitude ; par habitude, je n’ai qu’un seul besoin : réciter sans cesse la prière, et, quand je le fais, je deviens tout gai. Dieu sait ce qui se fait en moi. Naturellement, ce ne sont là que des impressions sensibles ou, comme disait le starets, l’effet de la nature et d’une habitude acquise ; mais je n’ose encore me mettre à l’étude de la prière spirituelle à l’intérieur du cœur, je suis trop indigne et trop bête. J’attends l’heure de Dieu, espérant en la prière de mon défunt starets. Ainsi, je ne suis pas encore parvenu à la prière spirituelle du cœur, spontanée [22] et perpétuelle ; mais, grâce à Dieu, je comprends clairement maintenant ce que signifie la parole de l’Apôtre que j’entendis jadis : « Priez sans cesse [23] »


[1] Au passage. Littéralement : péricope 253. Ce terme désigne les textes de la Bible, tels qu’ils sont lus au cours des offices ou de la messe.

[2] I Thess, V, 16

[3] Eph. VI, 18.

[4]  I Thim. II, 8

[5] Un monsieur. Autrement dit : un « pomiéchtchik », gentilhomme appartenant à la petite noblesse rurale.

[6] Verste. 1 verste = 1,067 km.

[7] Comment faire son salut. C’est la question traditionnelle adressée par le disciple à son maître dans les monastères et solitudes  d’Orient.

[8] L’instruction spirituelle de l’homme intérieur (page 21). Petit traité sur l’efficacité de la prière, écrit par Saint Dimitri de Rostov (1651-1709) (cf. Œuvres. Moscou, 1895, pp. 107-114). Dimitri (dans le siècle Daniel Savitch Touptalo) fils d’un officier de cosaques, prit l’habit en 1668. Nommé par Pierre le Grand au siège épiscopal de Rostov (près Moscou) en 1701, il lutta énergiquement contre le relâchement du clergé et des fidèles, et restaura la discipline dans son éparchie. Auteur de nombreux sermons et traités, ainsi que d’une enquête sur les sectes, il a consacré la plus grande partie de sa vie à rédiger le Ménologe russe, calendrier liturgique contenant la vie des saints dans l’ordre de leurs fêtes, que Pierre Mohila n’avait pu mener à bien. L’édition, commencée en 1684, ne fut achevée qu’en 1705 à Kiev. Dans cet ouvrage, ainsi que dans un sermon, il s’est prononcé en faveur de l’Immaculée Conception, ce qui lui valut les remontrances de Joachim, métropolite de Moscou. Son corps ayant été retrouvé intact en 1752, il fut canonisé en 1757. Sa fête est célébrée le 21 septembre. Il est le premier saint canonisé par le Saint-Synode.

[9] Des starets. Le starets ou l’Ancien est un moine ou un solitaire menant une vie d’ascèse et de prière, et qui, sans occuper une fonction particulière dans le monastère, est choisi par les jeunes moines ou par les laïcs comme maître spirituel. La charité de la part du maître, l’humilité de la part du disciple sont les vertus sur lesquelles se fonde un rapport spirituel plus intime et profond par son contenu que ce qu’on appelle en Occident la « direction de conscience ». Outre la description du starets Zosime dans les Frères Karamazov, on trouvera les meilleurs détails à ce sujet dans le livre très complet d’Igor Smolitsch : Moines de la Sainte Russie, Mame, 1967.

[10] Je dors mais mon cœur veille. Cette citation par le pèlerin d’un texte fondamental pour l’hésychasme, à une époque où il ignore encore cette école mystique semble bien prouver que les récits ont été rédigés, à la suite des entretiens, par un moine qui, tout en reproduisant les paroles du pèlerin, y ajoute les citations qui lui sont familières.

[11] Cant. cant. V, 2.

[12] I Thim. II, 1.

[13] Rom. VIII, 26.

[14] Isaac de Ninive, appelé également le Syrien. Ascète et mystique nestorien de la fin du VIIe siècle. Originaire de l’Arabie (région du Beith Qataraye, sur la côte du Golfe persique en face des îles de Bahreïn), il entra dès son jeune âge au couvent de Mar Mattai dans le djebel Makkoub, à une trentaine de kilomètres au nord de Mossoul. Élevé au siège épiscopal de Ninive par le patriarche nestorien George, qui siégea de 660 à 680, il ne put s’y maintenir, sans doute à cause de la jalousie du clergé local contre un étranger, et se retira au bout de cinq mois. Il mourut à un âge très avancé au couvent de Rabban Schabor, devenu aveugle à la suite de ses austérités et de ses lectures. De ses œuvres traduites en grec au XVIIIe siècle et publiées par Nicéphore Theotoki (2me éd., Athènes, 1895) on trouve quelques extraits dans Migne, Patrologie grecque (P. G.), t. 86, col. 811-886. Sous le titre de Liber de contemptu mundi sont ainsi réunis 25 sermons différents découpés arbitrairement en 53 chapitres. Le même recueil a été placé dans les Philocalies grecque et slavonne. C’est ainsi qu’il a passé en Russie. On se rappelle que dans les Frères Karamazov, Smerdiakov est un lecteur assidu d’Isaac le Syrien. Cf.  Wensinck, De Vita Contemplativa d’Isaac de Ninive. Traduction anglaise. 1930. Cf. également Marius Besson, Un recueil de sentences attribuées à Isaac le Syrien. Oriens Christianus. Rome, 1901, t. 1, pp. 46-60 et 288-298.

[15] Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi. Cette définition de la prière perpétuelle, qui constitue avec la « recherche du lieu du cœur » le fondement de l’hésychasme, remonte aux premiers temps de la spiritualité en Orient. Elle se retrouve chez Evagre du Pont (mort en 401), Diadoque de Photikè (Ve s.), Jean Climaque (VIe s.), Maxime le Confesseur (VIIe s.) et Syméon le Nouveau Théologien (XIe s.). La tradition de la prière perpétuelle se perd ensuite. Elle reparaît au XIVe siècle, avec l’arrivée au mont Athos de Grégoire le Sinaïte, sous une forme technique et même « scientifique », comme disent ses partisans, qui donne lieu à de grandes déformations.

Introduite en Russie par le starets Nil Sorski (1433-1508) qui a séjourné à l’Athos, elle se développe dans les solitudes du Nord. Après une nouvelle éclipse, elle est remise en vigueur à la fin du XVIIIe siècle, dans le monde grec, par Nicodème l’Hagiorite qui publie la Philocalie à Venise en 1782, et dans le monde slave par le starets Païsius Velitchkovski.

Elle inspirera les grands solitaires russes du XIXe siècle. Les quelques textes ci-dessous permettent de saisir le sens de cette tradition : Evagre du Pont. Prácticos, II, 49. « Le travail des mains, la veille, le jeûne ne nous sont pas commandés en tout temps ; mais c’est une loi que nous priions sans cesse… La prière (en effet) rend notre esprit robuste et pur en vue de la lutte… » (D’après Hausherr, Traité de l’oraison d’Evagre le Pontique. Rev. Asc. et Mystique, t. XV, janv.-avril 1934, p. 53.[une autre traduction disponible ici])

Diadoque de Photikè. Cent chapitres sur la vie de l’esprit. Ch. 59. « Notre esprit, lorsque nous lui fermons toute issue par la constante pensée de Dieu, réclame quelque chose sur quoi agir, car, par nature, il a besoin d’être toujours en mouvement. Il convient donc de lui donner le nom très saint du Seigneur Jésus, lequel peut satisfaire entièrement son zèle. Mais il importe de savoir que personne ne peut dire : Jésus est le Seigneur, si ce n’est par l’Esprit-Saint… » (1 Cor. 12,3). Ch. 97. « … Celui qui veut chasser de lui toute humeur mauvaise ne doit point se contenter de prier un peu et à de grands intervalles, mais il lui faut s’exercer à la prière en esprit… » Car, de même que celui qui veut purifier de l’or ne doit point laisser un instant le creuset refroidir, sous peine de voir la pépite purifiée redevenir brute, de même celui qui ne pense à Dieu que par intervalles, ce qu’il a acquis par sa prière, il le perd dès qu’elle s’affaiblit et cesse. » L’homme qui aime la vertu doit consumer par la pensée de Dieu toute la matérialité de son cœur pour que, par l’évaporation progressive du mal au contact de ce feu ardent, son âme apparaisse enfin au-dessus des collines éternelles dans tout l’éclat de son aurore. » (D’après la Philocalie. Traduction russe complétée. Moscou, 1889. [Édition de 2010 disponible ici])

[16] La Philocalie. Venise, 1782. Recueil de textes patristiques sur la « prière spirituelle » et la garde du cœur ou sobriété, assemblés et publiés à Venise par un moine grec de l’Athos, Nicodème de Naxos ou l’Hagiorite. Presque au même moment le starets Païsius Velitchkovski (1722-94) établissait une Philocalie slavonne (Dobrotolioubié) publiée en 1794. La traduction russe, œuvre de Théophane, évêque de Tambov, a paru à Moscou en 1889.

[17] Le bienheureux Nicéphore. Moine de l’Athos (XIVe siècle). Auteur d’un traité sur la garde du cœur (Migne, P. G., p. 147, col. 988-966) et peut-être du Traité sur les trois formes de la prière ou Méthode d’oraison hésychaste, attribué à tort à saint Syméon le Nouveau Théologien (cf. Hausherr, La méthode d’oraison hésychaste. Or. Christiana, vol. IX, 2, juin-juillet 1927). Ces écrits sont à l’origine des excès quiétistes des hésychastes du XIVe siècle.

[18] Syméon le Nouveau Théologien (949-1022). Un des plus grands mystiques de l’église grecque. Introduit à dix-neuf ans à la cour impériale, il entra bientôt au monastère de Stoudion, puis au bout de six ans à Saint-Mamas dont il fut l’higoumène pendant vingt-cinq ans. Après un conflit avec le syncelle du patriarche, Etienne de Nicomédie, il dut quitter Constantinople un certain temps, mais fut réhabilité avant sa mort. Gratifié de visions dès l’âge de quatorze ans, il a composé des hymnes en vers d’un lyrisme lumineux, les Amours des hymnes divins dont il existe une traduction allemande : Symeon der Neue Theologe, Licht vom Licht, Hymnen. Uebersetzt von P. K. Kirchhoff, O. F. L., bei J. Hegner in Hellerau, 1930. Sa théologie, par l’importance excessive qu’elle accorde aux visions et phénomènes mystiques sensibles, est à l’origine de la déviation de l’hésychasme au XIVe siècle. Cf. en français : Vie de saint Syméon le Nouveau Théologien, par Nicétas Stethatos, éditée par le père Hausherr. Or. Christiana, juillet-oct. 1928.

En allemand : K. Holl, Enthusiasmus und Bussgewalt. Leipzig, 1898. N. Arseniev, Ostkirche und Mystik. Munich, 1925.

En russe : Lodychenski, Lumière invisible. Pétersbourg, 1912. P. Anikiev, Apologie de la Mystique chez saint Syméon le Nouveau Théologien. Pétersbourg, 1915.

[19] Grégoire le Sinaïte. Moine de l’Athos (XIVe siècle). Né dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, mort vers 1346. Originaire d’Asie Mineure. Venu du Sinaï, il a restauré sur l’Athos la tradition hésychaste et remis en vigueur la « prière perpétuelle ». Au cours des grandes querelles hésychastes (1320-1340), il dut quitter l’Athos et s’installer en Bulgarie où il fonda un monastère près de la ville actuelle de Kavaklu. Le texte grec de sa vie a été publié par Pomialovski à Pétersbourg en 1894 (dans Publications de la Faculté d’Histoire et de Philologie de l’Université de Pétersbourg, t. 35), texte slavon par P. Syrku, Pétersbourg, 1909. Œuvres dans Migne, P. G., t. 150.

[20] Calliste et Ignace Xanthopoulos. Calliste Xanthopoulos, patriarche de Constantinople pendant quelques mois en 1397, avait reçu comme moine l’enseignement ascétique de l’Athos. Il a composé avec son ami Ignace Xanthopoulos un traité sur la vie ascétique [P. G., t. 147).

[21] … « prouvé par l’expérience ». Extrait du traité de la Garde du Cœur (De Cordis Custodia. Migne, P. G., t. 147, col. 963-966). La traduction russe commet ici un contre-sens. Elle donne à – « la raison », le sens de « faculté d’élocution » (govorenie).

[22] Spontanée. Littéralement : automatique.

[23] Priez sans cesse. Ainsi le pèlerin ne connaît encore que le premier degré de la prière. Dans les récits suivants il va exposer ses progrès et la découverte progressive de la « prière spontanée du cœur ». Il faut donc admettre ou bien que le premier entretien n’a pas eu lieu à Irkoutsk mais à une époque antérieure de la vie du pèlerin, ou plutôt qu’il a été rédigé de façon didactique, avec un certain sens de la composition, en rassemblant tous les détails donnés par le pèlerin sur son initiation à la prière. C’est un nouvel argument pour attribuer la rédaction des récits à un religieux, ami du pèlerin.

 


Récits d’un pèlerin russe, traduits et présentés par Jean Laloy, Éditions de la Baconnière / du Seuil, 1978, Paris

 


 

 

 

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