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« Honorons les martyrs en les imitant… » I / III

9 avril 2022

Béni sois-tu et glorifié dans tous les siècles, ô Jésus-Christ notre Seigneur, martyrisé sous Ponce-Pilate, devant qui tu as fait ta belle confession (I Tim.12,6). Tu es, en vérité, le premier de tous les martyrs, le premier de tous les athlètes, toi qui, en ces derniers temps, as bien voulu que de Nouveaux-Martyrs souffrent pour ton nom.

 

Celui qui aura en mains et lira ce livre récemment publié devra, de tout son cœur, te glorifier et te remercier, non pas une, deux ou trois fois, mais autant de fois qu’il compte de martyrs. Et comment ne pas glorifier des myriades de fois le Seigneur, en voyant, encore en nos temps, surgir en diverses parties du monde, au firmament spirituel de l’Église, des nouveaux athlètes du Christ, des astres nouveaux, des comètes nouvelles, des soldats invincibles qui brillent sur le plérôme de tous les orthodoxes, par les rayons très doux et lumineux de leur martyre et de leurs miracles ? Comment ne pas rendre grâce à Dieu, quand on voit captifs, sous le joug impitoyable des puissants du jour, tant d’athlètes qui, pour garder la liberté et la noblesse de notre foi chrétienne, ont méprisé richesses, gloire, plaisirs et tout bien-être corporel, pour se livrer, empressés, à la mort ? Comment ne pas glorifier Dieu, en voyant la crainte du Jugement Dernier s’emparer de ces vaillants martyrs, la foi affermie dans leur âme ? L’espérance croître dans leur imagination ? Et le feu de l’amour divin brûler si fort dans leur cœur, faire courir ces bienheureux au martyre, comme des brebis à l’immolation ? Considérer les châtiments comme un festin ? Les prisons comme des palais ? Les chaînes comme des ornements d’or ? Le déshonneur comme un honneur ? Les afflictions comme un délassement ? La flamme de feu comme une rosée rafraîchissante ? Les glaives comme des jouets et enfin, la terrible mort comme vie éternelle ?

Et quand tout cela ? Quand la crainte de Dieu a disparu, quand la foi a faibli, quand l’espérance a diminué, quand la vertu a fui et que le mal a surabondé ; quand la foi n’a plus été pratiquée et que l’Évangile a été sans effet ; quand « tous les hommes ont cherché leurs propres intérêts et non ceux du Christ » (Phil. 2, 21). En un mot, « quand l’iniquité s’est accrue et que la charité du grand nombre s’est refroidie» (Mat. 24, 12). Miracle en vérité que tout cela ! C’est comme si on voyait, au cœur de l’hiver, des fleurs printanières et des roses, dans la profonde nuit, le jour et le soleil ; dans l’épaisse obscurité, des lumières éblouissantes ; en pleine captivité, la liberté et, dans le temps de la présente faiblesse, la force surnaturelle. Aussi je me vois obligé de dire que ce changement est dû à la droite du Très-Haut (Ps.76, 11), au doigt de Dieu (Ex.8, 15), à la force divine qui s’accomplit dans la faiblesse (2 Cor. 12, 9). Si quelqu’un me demandait pour quelles raisons Dieu a permis que des Nouveaux Martyrs apparussent en nos jours, je répondrais :

A. Pour que la foi orthodoxe soit renouvelée.

B. Pour que les impies soient confondus au Jour du Jugement.

C. Pour la gloire et la fierté de l’Eglise Orthodoxe et la confusion des hétérodoxes.

D. Pour que ces martyrs soient un exemple pour tous les chrétiens orthodoxes maltraités sous le joug pesant de la captivité.

E. Pour que tous les chrétiens prennent courage et soient exhortés à imiter, par l’œuvre, leur fin martyrique, et pour qu’ils deviennent, à leur tour, martyrs, si les circonstances l’exigent, surtout ceux qui ont cédé, jusqu’à renier leur foi orthodoxe.


Et parce que je voudrais reprendre un à un tous ces points dans ce préambule, je demande au lecteur de patienter.

A. Ces nouveaux martyrs sont le renouvellement de toute la foi orthodoxe.

Le propre du temps, en effet, c’est de faire vieillir, au cours de sa durée, les choses nouvelles et jeunes pour les jeter ensuite dans l’abîme de l’incroyable et de l’oubli, pour les faire disparaître comme si elles n’avaient jamais existé. « Ce qui est ancien, dit l’Apôtre, ce qui a vieilli est près de disparaître» (Heb. 8, 13). Les chrétiens du temps présent, qui lisent dans l’Histoire Ecclésiastique les martyres et les châtiments endurés sous le nom du Christ : des Dimitris, des Georges, des Théodores, des Jacques, en un mot de tous les vaillants martyrs, depuis la venue du Christ jusqu’à Constantin le Grand, sont tenus de les croire pour vrais comme l’exige leur foi qui est « une démonstration des choses qu’on ne voit pas» (Héb.11, 1). L’ancienneté du temps qui s’est écoulé jusqu’à nos jours, a pu, chez certains, susciter sinon l’incrédulité, du moins l’étonnement et le doute : comment ces hommes faibles et timides ont-ils enduré tant de terribles et redoutables souffrances ? Mais ces nouveaux martyrs, donnés en spectacle sur le théâtre du monde, déracinent du cœur des chrétiens tout étonnement et tout doute, et sèment et renouvellent en eux la foi dans les martyrs anciens. Comme la nourriture nouvelle fortifie tous les corps affaiblis par la faim, comme la pluie nouvelle fait reverdir les arbres desséchés par la soif, comme les secondes ailes renouvellent l’aigle vieilli : « Ta jeunesse est renouvelée comme celle de l’aigle» (Ps. 102, 5), de même ces Nouveaux-Martyrs fortifient, renouvellent, font reverdir la foi affaiblie, fanée et vieillie des chrétiens d’aujourd’hui. Ainsi les chrétiens contemporains ne doutent plus. Ils voient maintenant, de leurs propres yeux, dans les souffrances endurées par les Nouveaux-Martyrs, celles subies par les Anciens-Martyrs du Christ. L’œil est plus crédible que l’oreille, dit un vieux proverbe. Que dis-je — ils voient…? Mais beaucoup de chrétiens actuels ont eu pour amis bon nombre de ces Nouveaux-Martyrs qui étaient encore en cette vie ; ils ont mangé et bu avec eux, ils ont assisté à leur martyre, ils se sont partagés leur sang et leurs vêtements qu’ils gardent comme bénédiction ; de leurs propres mains, ils ont inhumé leurs dépouilles. Par ces nouveaux martyrs, ils ont été rigoureusement instruits sur les Anciens-Martyrs, ou plutôt, ils ont vu les Anciens-Martyrs témoigner encore aujourd’hui dans la personne de ces Nouveaux Georges, Dimitris, Théodores, non seulement par l’identité des noms, mais aussi et surtout par la ressemblance des souffrances. En outre, ces Nouveaux-Martyrs raniment dans les cœurs des chrétiens contemporains, la prédication des saints Apôtres, confirment le saint Evangile, attestent la divinité du Christ, à savoir qu’il est le vrai Fils de Dieu, consubstantiel au Père sans commencement et à l’Esprit qui donne la vie, et proclament le mystère de la Sainte Trinité. En un mot, ils scellent toute la foi des chrétiens orthodoxes, non seulement en paroles, mais aussi par toutes sortes de terribles souffrances endurées jusqu’au sang, jusqu’à la mort du martyre. Comme autrefois, le bâton de Moïse qui devint serpent : « Il le jeta à terre et il devint serpent» (Ex.4, 3), de même la foi en Christ, jeune, chaleureuse, ardente au temps des apôtres et des martyrs se tiédit par la suite, se rétrécit et vieillit. Puis, dit encore l’Ecriture, Moïse prit le serpent par son extrémité, c’est-à-dire par la queue, et le serpent devint à nouveau bâton : « Il étendit la main et le saisit, et le serpent redevint un bâton dans sa main » (Ex.4,4). Dieu, en ces derniers temps et par les Nouveaux-Martyrs, a ranimé, réchauffé, rajeuni et renouvelé toute la foi des orthodoxes, vieille de deux mille ans. Voilà pour le premier point.

B. Ces Nouveaux-Martyrs confondront les impies au Jour du Jugement.

Dieu a placé les Nouveaux-Martyrs au milieu des impies, pour amener ces derniers à la connaissance de la Vérité, comme le levain qui, mêlé à la farine, transmet toute sa force à la pâte, dit le divin Chrysostome dans une homélie sur Matthieu : « Dieu a mêlé à la multitude ceux qui croient en Lui, pour que fût transmise, par nous, notre connaissance ». Et c’est ce que Dieu a fait, tout particulièrement, avec les Nouveaux-Martyrs. Tous sont nés, tous ont grandi dans la foules des impies, où, tout récemment encore, devant leurs princes et leurs juges, avec beaucoup de courage, ils ont confessé et proclamé la foi des chrétiens, qui est la vraie, l’authentique, et ont confessé d’une voix éclatante que Jésus — Christ était le Fils de Dieu et le vrai Dieu, « la Sagesse et le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait » (Jean.1, 2) ; et leur confession a été scellée par leur sang versé et par tous les miracles que Dieu a faits par eux, tant au moment de leur martyre que par la suite. J’ajouterai que beaucoup de ces Martyrs, par pitié pour les impies égarés, sont allés d’eux-mêmes au martyre, pour pouvoir ainsi leur annoncer la Vérité, les exhorter à sortir des ténèbres où ils se trouvaient pour aller à la lumière de la piété divine, de la foi en Christ et pour n’être pas livrés au feu inextinguible du châtiment. Mais hélas ! Ces misérables aveuglés par le prince de ce monde et par ses passions n’ont pu ouvrir les yeux de leur âme pour voir la Vérité de l’Évangile et de la foi des chrétiens, comme Paul nous le dit : « pour les incrédules dont le Dieu de ce siècle aveugla l’intelligence, afin qu’ils ne vissent pas briller la splendeur de l’Évangile de la Gloire du Christ » (2 Cor.4,4). Aussi seront-ils sans défense au Jour du Jugement, car après avoir entendu la prédication de ces Nouveaux-Martyrs, après avoir vu leurs terribles souffrances et les merveilles que Dieu a faites par eux, ils n’ont pas cru et sont restés dans les ténèbres. « Aveuglés par leur méchanceté, ils n’ont pas connu les mystères de Dieu » (Sag. Sal.2, 26). Aussi seront-ils accusés et jugés par ces Nouveaux-Martyrs, comme Moïse le fera pour les Hébreux : « Celui qui vous accuse, c’est Moïse » (Jn.5,45) et les Douze Apôtres pour les douze tribus d’Israël (Matth. 19, 28). Et Dieu sera juste dans ses sentences selon David, il sera vainqueur dans le jugement que prononceront ces Martyrs, comme l’écrit l’Évangile : « La sagesse a été justifiée par ses enfants » (Matth.11, 19) ; ou encore il leur dira, d’une certaine manière, les paroles évangéliques : « Si je n’étais pas venu et que je ne leur eusse point parlé par mes Martyrs, ils n’auraient point de péché ; mais, maintenant, ils n’ont aucune excuse de leur péché ». (Jn.15,22).

C. Ces Martyrs sont la gloire te la fierté de l’Église Orthodoxe, et un blâme pour les cacodoxes.

A toutes leurs diffamations vomies sur l’Eglise, ses ennemis ont ajouté, par dérision, celle-ci : qu’elle n’avait pas acquis un seul martyr. Qu’ils soient donc confondus, couverts de honte, de honte éternelle, et qu’ils fuient en arrière, voyant à présent, dans le livre de l’Église Orthodoxe figurer non pas un, deux ou trois Nouveaux-Martyrs, mais une nuée de Nouveaux-Martyrs (Des autres nouveaux saints qui ont brillé dans l’Église Orthodoxe, en divers lieux et époques, nous ne parlons pas ici), qui par leur confession de la foi, par leurs souffrances, ou encore par leurs miracles et leurs prodiges, ne sont inférieurs en rien aux Anciens-Martyrs, mais rivalisent en tout avec eux. Les premiers ont été martyrisés pour leur foi en la Sainte Trinité ? Les seconds aussi. Les premiers ont versé leur sang pour confesser la Divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Les seconds aussi. Les premiers ont lutté contre le polythéisme et l’idolâtrie, impiété manifeste, mais qui ne peut tromper un être intelligent ; les seconds ont lutté contre le monothéisme impersonnel des impies, impiété cachée capable d’égarer facilement l’esprit. Bien que ces Martyrs soient nouveaux dans le temps, ils sont cependant anciens par leurs souffrances. Ils sont les derniers dans la succession du genre, mais les premiers quant aux couronnes. Le Seigneur Jésus-Christ a appelé des ouvriers, les Anciens comme les Nouveaux Martyrs, pour travailler dans sa vigne spirituelle qui est l’Église Orthodoxe, selon la parole de l’Évangile de Matthieu (20, 1) ; commençant par les derniers et terminant par les premiers, il les a tous fait égaux entre eux, en leur donnant à chacun un denier, denier qui est la couronne du martyre et la jouissance du royaume des cieux. De la bénédiction donnée par Dieu à l’Ancien Israël, de manger des fruits anciens et nouveaux : « Vous mangerez des fruits anciens… et vous ferez place aux nouveaux » (Lev.26, 10), et de la bénédiction de voir les enfants de ses enfants, promise à celui qui craint le Seigneur : « Et tu verras les fils de tes fils » (Ps.128, 6), la sainte Église Orthodoxe du Christ jouit, spirituellement, aujourd’hui. Elle se nourrit et se délecte en esprit non seulement des fruits que sont les Anciens-Martyrs, mais aussi des fruits nouveaux que sont les nouveaux athlètes. En effet, elle contemple tous ceux qui sont nés en elle spirituellement, ses premiers fils, les Anciens-Martyrs, et les fils de ses fils, les jeunes athlètes, leurs successeurs. Réjouie, elle serre sur son sein leurs reliques sacrées, elle est ornée de leur sang comme une épouse, « parée de luxueux anneaux, de soleils et de croissants de lune, de pendants d’oreilles, de bracelets et de voiles, de diadèmes, de chaînettes et de ceintures, de boîtes à parfums, de bagues et d’anneaux de nez… » (Is.3, 18). Belle et fière, elle se glorifie, réjouie par ses deux fils ; comme une mère bonne qui chérit ses enfants, elle crie joyeuse au Christ son époux comme l’épouse du Cantique : « Les meilleurs fruits nouveaux et vieux, mon bien-aimé, je les ai gardés pour toi » (Cant.7, 14). Au fur et à mesure que passe le temps, voyant se multiplier le nombre de ses nouveaux fils, sa joie augmente ; c’est ainsi qu’au cours de l’année présente (1794), en neuf mois, elle a vu fleurir dans son paradis spirituel, roses rouges et parfumées, cinq Nouveaux-Martyrs qui ont lutté en divers lieux. Et voici que celle qui était appelée stérile et délaissée, enfante maintenant sept fois, comme Anna ; ses fils, les Nouveaux-Martyrs, se multiplient : « La stérile enfante sept fois et la féconde s’affaiblit » (1 Rex.2, 5), et, « les enfants de la délaissée sont plus nombreux que les enfants de celle qui a un mari » (Is.54,1). Ainsi enfantera-t-elle jusqu’à la fin des siècles de tels fils, des Nouveaux-Martyrs, et cette génération de nouveaux saints ne lui fera jamais défaut : « Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera pas, que tout cela n’arrive » (Matth.24,34). Cela est évident, car si le Christ, l’Époux de l’Église Orthodoxe, est vivant, et, selon sa promesse, uni spirituellement à l’Épouse : « Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matth. 28,20) ; si le nymphagogue, l’Esprit Saint demeure avec elle pour toujours : « Et il vous donnera un autre consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous » (Jn.14,16), qui osera alors douter que des fils comme ceux-là naîtront, spirituellement, en elle, jusqu’à la fin du monde?

Ces Nouveaux-Martyrs sont vraiment et sans conteste des martyrs, des saints qui ont plu à Dieu, des fils de l’Église Orthodoxe, l’illustration de ses dogmes, que Dieu a glorifiés par le charisme des miracles et manifestés par l’envoi de la lumière divine. Que les puérils reconnaissent et concluent que si ces martyrs sont saints et agréables à Dieu, c’est que l’Église Orthodoxe, qui les a spirituellement enfantés est, elle aussi, sainte, agréable à Dieu, qu’elle est la trésorière de la Grâce divine du Saint Esprit, que ses dogmes sont orthodoxes et pieux. Tels fils, telle mère ; tels fruits, tel arbre ; tels effets, telle cause…

Préface de Saint Nicodème l’Athonite au Nouveau Martyrologue.

Saint Nicodème l’Athonite, Les nouveaux martyrs, Éditions de la fraternité Saint Grégoire Palamas, Paris, 1987

Traduction Père Ambroise Fontrier

 

 

 

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