La foi vivante de l’église orthodoxe, Orthodoxie

L’Orthodoxie et la Religion du futur – VII. Médiumnisme « chrétien »

16 février 2021

Une étude attentive et objective du « parler en langues » a été faite par le pasteur luthérien allemand, Dr. Kurt Koch 1. Après avoir examiné des centaines d’exemples de ce « don » tel qu’il s’est manifesté ces dernières années, il est arrivé à la conclusion basée sur des sources bibliques, que seuls quatre de ces cas pourraient être identiques au don décrit dans les Actes des Apôtres ; mais il n’était sûr d’aucun d’eux.

Le chrétien orthodoxe, ayant derrière lui toute la tradition patristique de l’Église du Christ, serait plus stricte dans son jugement que le Dr Koch. À côté de ces quelques cas possiblement positifs, cependant, le Dr Koch a trouvé un certain nombre de cas de possession démoniaque incontestable — car « parler en langues » est en fait un « don » courant des possédés. Mais c’est dans la conclusion du Dr Koch que nous trouvons possiblement la clef de tout le mouvement. Il conclut que le mouvement des « langues » n’est pas du tout un « renouveau », car il y a peu de repentir ou de condamnation de péché, mais il s’agit principalement de la recherche du pouvoir ou d’une expérience ; le phénomène des langues n’est pas le don décrit dans les Actes ni (dans la plupart des cas) une possession démoniaque réelle ; plutôt, « il devient de plus en plus clair que probablement plus de 95 % de l’ensemble du mouvement des langues est de caractère médiumnique » 2

Qu’est-ce qu’un « médium » ? Un médium est une personne avec une certaine sensibilité psychique qui lui permet d’être le véhicule ou le moyen de manifestation de forces ou d’êtres invisibles (là où des êtres réels sont impliqués, comme l’a clairement indiqué le starets Ambrose d’Optina 3, ce sont toujours des esprits déchus dont il s’agit, et non des « esprits des morts » imaginés par les spiritistes). Presque toutes les religions non chrétiennes font un grand usage des dons médiumniques, tels que la voyance, l’hypnose, la guérison « miraculeuse », l’apparition et la disparition d’objets ainsi que leur mouvement d’un endroit à l’autre, etc.

Il convient de noter que plusieurs de ces dons ont également été possédés par les saints orthodoxes – mais il y a une immense différence entre le vrai don chrétien et son imitation médiumnique. Le vrai don chrétien de la guérison, par exemple, est donné par Dieu directement en réponse à une prière fervente, et spécialement à la prière d’un homme qui plaît particulièrement à Dieu, un homme juste ou saint 4, et aussi par le toucher des objets qui ont été sanctifiés par Dieu, par la foi (eau bénite, reliques de saints, etc. ; voir Actes XIX.12 ; II Rois XIII.21). Mais la guérison médiumnique, comme tout autre don médiumnique, est accomplie au moyen de certains techniques et états psychiques définis qui peuvent être cultivés et mis en œuvre par la pratique, et qui n’ont aucun rapport ni avec la sainteté ni avec l’action de Dieu. La capacité médiumnique peut être acquise soit par héritage, soit par transfert par contact avec quelqu’un qui a le don, ou même par la lecture de livres occultes. 5

De nombreux médiums affirment que leurs pouvoirs ne sont pas du tout surnaturels, mais proviennent d’une partie de la nature dont on sait très peu de choses. Dans une certaine mesure, cela est sans aucun doute vrai ; mais il est également vrai que le royaume d’où proviennent ces dons est le royaume spécial des esprits déchus, qui n’hésitent pas à saisir l’opportunité offerte par les gens qui entrent dans ce royaume pour les attirer dans leurs propres filets, en se servant de leurs propres pouvoirs démoniaques et de leurs manifestations afin de conduire les âmes à la destruction. Et, quelle que soit l’explication des divers phénomènes médiumniques, Dieu dans Sa révélation à l’humanité a strictement interdit tout contact avec ce royaume occulte :

   qu’il ne se trouve personne parmi vous […] qui consulte les devins, ou qui observe les songes et les augures, ou qui use de maléfices, de sortilèges et d’enchantements, ou qui consulte ceux qui ont l’esprit de python et qui s’occupent de divination, ou qui interroge les morts pour apprendre d’eux la vérité. Car le Seigneur a en abomination toutes ces choses 6

Dans la pratique, il est impossible de combiner le médiumnisme avec le christianisme authentique, la recherche de phénomènes ou de pouvoirs médiumniques étant incompatible avec l’orientation chrétienne fondamentale vers le salut de l’âme. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de « chrétiens » impliqués dans le médiumnisme, souvent inconsciemment (comme nous le verrons) ; c’est seulement pour dire qu’ils ne sont pas de chrétiens véritables, que leur christianisme n’est qu’un « nouveau christianisme » tel que celui prêché par Nicolas Berdiaev, qui sera discuté à nouveau ci-dessous. Le Dr Koch fait une observation valable, malgré ses bases protestantes, quand il note : « La vie religieuse d’une personne n’est pas affectée par l’occultisme ou le spiritisme. En effet, le spiritisme est dans une large mesure un mouvement ‹ religieux ›. Le diable n’enlève pas notre ‹ religiosité ›… [Mais] il y a une grande différence entre être religieux et naître de nouveau par l’Esprit de Dieu. Il est triste d’affirmer que nos confessions chrétiennes comptent plus de gens « religieux » que de vrais chrétiens. » 7

La forme la plus connue de médiumnisme dans le monde occidental est la séance spiritiste, où le contact est établi avec certaines forces qui produisent des effets observables tels que des coups, des voix, divers types de communications telles que l’écriture automatique et le parler en langues inconnues, le déplacement des objets et l’apparition de mains et de figures « humaines » que l’on peut parfois photographier. Ces effets sont produits à l’aide d’attitudes et de techniques précises de la part des personnes présentes, au sujet desquelles nous citerons ici l’un des manuels standards sur le sujet. 8

  1. Passivité : « L’activité d’un esprit est mesurée par le degré de passivité ou de soumission qu’il trouve dans le médium ou le sujet impressionnable » « La médiumnité… peut être atteinte grâce à un effort appliqué par quiconque abandonne délibérément son corps, avec son libre arbitre, et ses facultés sensibles et intellectuelles, à un esprit envahisseur ou contrôlant. »
  2. Solidarité dans la foi : toutes les personnes présentes doivent avoir une « attitude d’esprit sympathique à l’égard du médium » ; les phénomènes spiritistes sont « facilités par une certaine sympathie issue d’une harmonie d’idées, de vues et de sentiments existant entre les participants et le médium. Lorsque cette sympathie et cette harmonie, ainsi que l’abandon personnel de la volonté, font défaut au sein du ‹ cercle ›, la séance se révèle un échec. » En outre, « le nombre de participants est d’une grande importance. S’ils sont trop nombreux, ils entravent l’harmonie si nécessaire au succès. »
  3. Toutes les personnes présentes « se donnent la main pour former le soi-disant cercle magnétique. Par ce circuit fermé, chaque membre apporte l’énergie d’une certaine force qui est collectivement communiquée au médium. » Cependant, le « cercle magnétique » n’est requis que dans les milieux moins avancés. Mme Blavatsky, la fondatrice de la « théosophie » moderne, elle-même médium, se moqua plus tard des techniques grossières du spiritisme lorsqu’elle rencontra des médiums beaucoup plus puissants en Orient, catégorie à laquelle appartient également le fakir décrit au chapitre III.
  4. « L’atmosphère spiritiste nécessaire est généralement induite par des moyens artificiels, tels que le chant d’hymnes, le son d’une musique douce et même l’offrande de prière. »

La séance spiritiste, certes, est une forme assez grossière de médiumnisme — même si c’est précisément pour cette raison que ses techniques sont d’autant plus évidentes — et ne produit que rarement des résultats spectaculaires. Il existe d’autres formes plus subtiles, certaines d’entre elles étant appelées « chrétiennes ». Pour réaliser cela, il suffit de regarder les techniques d’un « guérisseur de la foi » comme Oral Roberts (qui avant de rejoindre l’Église Méthodiste il y a quelques années était un pasteur de la secte Pentecostal Holiness), qui provoque des guérisons « miraculeuses » en formant un véritable « cercle magnétique » composé de personnes ayant la sympathie, la passivité et l’harmonie de la « foi » appropriées, qui posent leurs mains sur le poste de télévision pendant qu’il est à l’antenne ; les guérisons peuvent même être provoquées en buvant un verre d’eau qui a été placé sur le poste de télévision et a ainsi absorbé le flux des forces médiumniques qui ont été mises en action. Mais de telles guérisons, comme celles produites par le spiritisme et la sorcellerie, peuvent exiger un lourd tribut de troubles psychiques ultérieurs, sans mentionner les troubles spirituels. 9

Dans ce domaine il faut être très prudent, car le diable imite constamment les œuvres de Dieu, et de nombreuses personnes avec des dons médiumniques continuent de penser qu’elles sont chrétiennes et que leurs dons proviennent du Saint-Esprit. Mais serait-il possible de dire que cela s’applique au « renouveau charismatique » — qu’il s’agit en fait, comme certains le disent, avant tout d’une forme de médiumnisme ?

En appliquant les tests les plus évidents du médiumnisme au « renouveau charismatique », on est d’abord frappé par le fait que les principales conditions préalables à la séance spiritiste décrite ci-dessus sont toutes présentes dans les réunions de prière « charismatiques », alors qu’aucune de ces caractéristiques n’est présente sous cette forme ou au même degré dans le vrai culte chrétien de l’Église orthodoxe.

  1. La « passivité » de la séance spirite correspond à ce que les écrivains « charismatiques » appellent « une sorte de lâcher prise… Cela implique plus que le dévouement conscient par un acte de volonté ; cela s’applique aussi à une zone plus vaste, même cachée, de sa vie inconsciente… Tout ce qu’on peut faire est d’offrir son soi — son corps, son esprit et même sa langue — pour que l’Esprit de Dieu puisse en prendre pleinement possession… De telles personnes sont prêtes — les barrières sont abaissées et Dieu se déplace puissamment sur et à travers tout leur être »10. Une telle attitude « spirituelle » n’est pas celle du christianisme ; c’est plutôt l’attitude du bouddhisme zen, du « mysticisme » oriental, de l’hypnose et du spiritisme. Une passivité aussi exagérée est totalement étrangère à la spiritualité orthodoxe, et n’est qu’une invitation ouverte à l’activité d’esprits trompeurs. Un observateur favorable note que lors des réunions de la Pentecôte, les gens parlant en langues ou interprétant « semblent presque entrer en transe » 11. Cette passivité est si prononcée dans certaines communautés « charismatiques » qu’elle abolit l’organisation ecclésiale et tout ordre établi de services et tout s’organise selon les indications de l’« esprit ».
  2. Il y a certainement une « solidarité dans la foi » — et pas seulement une solidarité dans la foi chrétienne et l’espérance du salut, mais une unanimité autour du désir et de l’attente de phénomènes « charismatiques ». Cela est vrai de toutes les réunions de prière « charismatiques » ; mais une solidarité encore plus prononcée est requise concernant l’expérience du « baptême du Saint-Esprit », qui est généralement effectuée dans une petite pièce séparée en présence de quelques personnes seulement, ayant déjà fait cette expérience. La présence même d’une seule personne qui a des pensées négatives à ce sujet est souvent suffisante pour empêcher le « baptême » de se produire — exactement de la même manière que l’étaient les craintes et la prière du prêtre orthodoxe décrites précédemment, conduisant à l’arrêt de l’immense illusion produite par le fakir de Ceylan.
  3. Le « cercle magnétique » spiritiste correspond à « l’imposition des mains » pentecôtiste, qui est toujours faite par ceux qui ont déjà expérimenté le « baptême » du parler en langues, et qui servent, selon les paroles des pentecôtistes eux-mêmes, de « canaux du Saint-Esprit » 12 — un mot utilisé par les spiritistes pour désigner les médiums.
  4. L’atmosphère « charismatique », tout comme l’« atmosphère » spiritiste, est induite par des hymnes et des prières suggestifs, accompagnés souvent par des applaudissements, qui ensemble produisent « un effet d’excitation croissante, presque d’ivresse » 13

On objectera encore que toutes ces similitudes entre le médiumnisme et le pentecôtisme ne sont que fortuites ; et en effet, afin de montrer si oui ou non le « réveil charismatique » est réellement médiumnique, nous devrons déterminer quel genre d’« esprit » est communiqué par les « canaux » pentecôtistes. Un certain nombre de témoignages de ceux qui ont eu cette expérience — et qui croient qu’il s’agit de l’Esprit-Saint — indiquent clairement sa nature. « Le groupe s’est rapproché de moi. C’était comme s’ils formaient avec leur corps un entonnoir à travers lequel se concentrait le flux de l’Esprit qui pulsait à travers la pièce. Cela a coulé en moi alors que je restais là » 14. Lors d’une réunion de prière catholique pentecôtiste, « en entrant dans une pièce, on a été pratiquement assommés par la force de la présence visible de Dieu » 15. (Comparez l’atmosphère « vibrante » de certains rites païens et hindous ; voir La foi orthodoxe et l’hindouisme) Un autre homme décrit son expérience de « baptême » : « J’ai pris conscience que le Seigneur était dans la pièce et qu’Il s’approchait de moi. Je ne pouvais pas Le voir, mais je me suis senti poussé vers le sol. J’ai eu l’impression de flotter jusqu’au sol… » 16. D’autres exemples similaires seront donnés ci-dessous dans le chapitre traitant des phénomènes physiques accompagnant l’expérience « charismatique ». Cet esprit « pulsant », « visible », « poussant » qui « s’approche » et « coule » semble confirmer le caractère médiumnique du mouvement « charismatique ». Certes, le Saint-Esprit ne pourrait jamais être décrit de cette façon !

Et rappelons-nous une étrange caractéristique du parler en langues « charismatique » que nous avons déjà mentionnée : le fait qu’il est donné non seulement lors de l’expérience initiale du « baptême du Saint-Esprit », mais qu’il est censé se poursuivre (aussi bien en privé qu’en public) et devenir un « compagnon essentiel » de la vie religieuse, ou bien les « dons de l’Esprit » pourraient cesser. Un écrivain presbytérien « charismatique » parle du rôle spécifique de cette pratique dans la « préparation » des réunions « charismatiques » : « Il arrive souvent qu’un petit groupe passe du temps à prier dans l’Esprit [c’est-à-dire, en langues]. Ce faisant, le sentiment de la présence et de la puissance de Dieu croît considérablement dans l’assemblée. » Et encore : « Nous constatons que prier discrètement dans l’Esprit pendant la réunion aide à maintenir une ouverture à la présence de Dieu… », car « après s’être habitué à prier en langues à haute voix… il est rapidement possible de manifester la respiration de l’Esprit par sa propre respiration, lorsqu’elle se déplace à travers les cordes vocales et par les mouvements de la langue, et accompagner discrètement la prière continue à l’intérieur de soi » 17. Rappelons-nous aussi que le parler en langues peut être déclenché par des techniques artificielles tels que « produire des sons avec la bouche » – et nous pouvons arriver à la conclusion inévitable que le parler en langues « charismatique » n’est pas du tout un « don », mais une technique, elle-même acquise par d’autres techniques et déclenchant à son tour encore d’autres « dons de l’Esprit », si l’on continue à les pratiquer et à les cultiver. N’avons-nous pas ici une idée de la principale réalisation actuelle du Mouvement pentecôtiste moderne — qu’il a découvert une nouvelle technique médiumnique pour entrer et préserver un état psychique dans lequel les «dons» miraculeux deviennent ordinaires ? Si cela est vrai, alors la définition « charismatique » de « l’imposition des mains » — « le simple ministère par une ou plusieurs personnes qui sont elles-mêmes des canaux du Saint-Esprit au service d’autres qui ne sont pas encore aussi bénis », dans laquelle « la chose importante [est] que ceux qui exercent ce ministère ont eux-mêmes expérimenté le mouvement du Saint-Esprit » 18 — décrit précisément le transfert du don médiumnique par ceux qui l’ont déjà acquis et sont eux-mêmes devenus des médiums. Le « baptême du Saint-Esprit » devient ainsi une initiation médiumnique.

En effet, si le « renouveau charismatique » est en fait un mouvement médiumnique, beaucoup de choses qui ne sont pas claires à son sujet s’il est considéré comme un mouvement chrétien deviennent évidentes. Le mouvement surgit en Amérique, qui cinquante ans auparavant avait donné naissance au spiritisme dans un climat psychologique similaire : une foi protestante morte et rationalisée est soudainement submergée par l’expérience réelle d’une « force » invisible qui ne peut être expliquée rationnellement ou scientifiquement. Le mouvement réussit le mieux dans les pays où le spiritisme et le médiumnisme ont une longue histoire : l’Amérique et l’Angleterre d’abord, puis le Brésil, le Japon, les Philippines, l’Afrique noire. On ne trouve guère d’exemple du « parler en langues » dans un contexte, même nominalement chrétien, pendant plus de 1600 ans après l’époque de saint Paul, et même alors, il s’agit précisément d’un phénomène hystérique isolé et de courte durée, jusqu’au mouvement pentecôtiste du XXe siècle, comme l’a souligné l’historien savant de « l’enthousiasme » religieux 19 ; et pourtant ce « don » est possédé par de nombreux chamans et sorciers des religions primitives, ainsi que par les médiums spiritistes modernes et les possédés démoniaques. Les « prophéties » et les « interprétations » des offices « charismatiques », comme nous le verrons, sont étrangement vagues et stéréotypées dans leur expression, sans contenu spécifiquement chrétien ou prophétique. La doctrine est subordonnée à la pratique : la devise des deux mouvements pourrait être, comme le répètent sans cesse les « charismatiques » enthousiastes, « ça marche » — le piège même dans lequel, comme nous l’avons vu, l’hindouisme entraîne ses victimes. Il ne fait guère de doute que le « renouveau charismatique », en ce qui concerne ses phénomènes, ressemble beaucoup plus au spiritisme et en général aux religions non chrétiennes qu’au christianisme orthodoxe. Mais nous aurons encore beaucoup d’autres exemples à donner pour démontrer à quel point cela est vrai.

Jusque-là, nous n’avons cité, à part les déclarations du Dr Koch, que ceux favorables au « renouveau charismatique », qui témoignent de ce qu’ils imaginent être les manifestations du Saint-Esprit. Citons maintenant le témoignage de plusieurs personnes qui ont quitté le mouvement « charismatique », ou ont refusé d’y entrer, car elles ont trouvé que « l’esprit » qui l’anime n’est pas le Saint-Esprit.

  1. « À Leicester (Angleterre), un jeune homme a rapporté ce qui suit. Lui et son ami étaient croyants depuis quelques années quand un jour ils furent invités à la réunion d’un groupe de parler en langues. L’atmosphère de la réunion s’est emparée d’eux et ensuite ils ont prié pour la deuxième bénédiction et le baptême du Saint-Esprit. Après une prière intense, c’était comme si quelque chose de brûlant les envahissait. Ils se sentaient très excités intérieurement. Pendant quelques semaines, ils se sont délectés de cette nouvelle expérience, mais lentement ces vagues émotionnelles ont diminué. L’homme qui m’a dit cela a remarqué qu’il avait perdu tout intérêt dans la lecture de la Bible et la prière. Il a examiné son expérience à la lumière des Écritures et s’est rendu compte qu’elle ne venait pas de Dieu. Il se repentit et la dénonça… Son ami par contre a continué dans ces « langues » et cela l’a détruit. Aujourd’hui, il n’envisagera même pas l’idée d’aller plus loin en tant que chrétien » 20.
  2. Deux ministres protestants sont allés à une réunion de prière « charismatique » dans une église presbytérienne à Hollywood. « Nous étions tous les deux convenus d’avance que lorsque la première personne commençait à parler en langues, nous prierions à peu près ce qui suit : ‹ Seigneur, si ce don vient de Toi, bénis ce frère, mais si ce n’est pas de Toi, alors arrête-le et fait cesser la prière en langues en notre présence. › Un jeune homme commença la réunion par une courte dévotion après quoi la prière fut ouverte. Une femme a commencé à prier avec aisance dans une langue étrangère sans bégaiement ni hésitation. Aucune interprétation n’a été donnée. Le révérend B. et moi-même, nous avons commencé à prier discrètement comme nous l’avions convenu plus tôt. Qu’est-il arrivé ? Personne d’autre ne parla en langues, bien que généralement lors de ces réunions, tous, à l’exception d’un architecte, prient dans des langues inconnues »  21. Notez ici qu’en l’absence de solidarité médiumnique dans la foi, les phénomènes ne se produisent pas.
  3. « À San Diego, en Californie, une femme est venue pour des conseils. Elle m’a raconté une mauvaise expérience qu’elle avait eue lors d’une assemblée tenue par un membre du mouvement des langues. Elle était allée à ses réunions au cours desquelles il avait parlé de la nécessité du don des langues, et lors d’une réunion d’après, elle s’était laissée poser les mains afin de recevoir le baptême du Saint-Esprit et le don de parler en langues. À ce moment-là, elle tomba inconsciente. En revenant à soi, elle se retrouva allongée sur le sol, la bouche s’ouvrant et se refermant automatiquement sans qu’un mot soit prononcé. Elle était terriblement effrayée. Quelques-uns des adeptes de cet évangéliste se tenaient autour d’elle et ils s’étaient exclamés : ‹ Ô sœur, vous avez parlé merveilleusement bien en langues. Maintenant vous avez le Saint-Esprit. › Mais la victime de ce soi-disant baptême du Saint-Esprit a été guérie. Elle n’est plus jamais retournée dans ce groupe de prière. Quand elle est venue me voir pour la conseiller, elle souffrait encore des mauvaises séquelles de ce ‹ baptême spirituel › » 22.
  4. Un chrétien orthodoxe de Californie raconte une rencontre privée avec un pasteur « rempli d’esprit » qui a partagé la même tribune avec les principaux représentants catholiques, protestants et pentecôtistes du « renouveau charismatique » : « Pendant cinq heures, il a parlé en langues et a utilisé tous les artifices (psychologiques, hypnotiques et ‹ imposition des mains ›) pour inciter les personnes présentes à recevoir le ‹ baptême du Saint-Esprit ›. La scène était vraiment terrible. Lorsqu’il a posé la main sur notre amie, elle a émis des sons gutturaux, gémit, pleurait et criait. Il en était très content. Il a dit qu’elle souffrait pour les autres — intercédait pour eux. Quand il a ‹ posé les mains › sur ma tête, j’ai eu le pressentiment d’un mal réel. Ses ‹ langues › étaient entrecoupées d’anglais : ‹ Vous avez le don de prophétie, je peux le sentir. › ‹ Ouvrez simplement la bouche et cela coulera. › ‹ Vous bloquez le Saint-Esprit. › Par la grâce de Dieu, j’ai gardé la bouche fermée, mais je suis tout à fait certain que si j’avais parlé, quelqu’un d’autre aurait ‹ interprété ›. » 23
  5. Les lecteurs de The Orthodox Word se souviendront du récit de la « veillée de prière » organisée par l’archidiocèse syrien antiochien de New York lors de sa convention de Chicago en août 1970, où, après qu’une atmosphère dramatique et pleine d’émotion se soit créée, les jeunes commencèrent à « témoigner » de la façon dont « l’esprit » les transportait. Mais plusieurs personnes présentes ont raconté plus tard que l’atmosphère était « sombre et inquiétante », « étouffante », « sombre et diabolique », et grâce à l’intercession miraculeuse de saint Germain d’Alaska, dont l’icône était présente dans la pièce, la réunion fut interrompue et l’atmosphère perverse dissipée 24.

Il existe de nombreux autres cas où les gens ont perdu tout intérêt pour la prière, la lecture des Écritures et le christianisme en général, et en sont même venus à croire, comme l’a fait un étudiant, qu’« il n’aurait plus besoin de lire la Bible. Dieu le Père lui-même apparaîtrait et lui parlerait » 25.

Nous aurons encore l’occasion de citer le témoignage de nombreuses personnes qui ne trouvent rien de négatif ou de mal dans leur expérience « charismatique », et nous examinerons le sens de leur témoignage. Cependant, sans parvenir encore à une conclusion quant à la nature précise de « l’esprit » qui cause les phénomènes « charismatiques », sur la base des preuves ici rassemblées, nous pouvons déjà être d’accord jusqu’ici avec le Dr Koch : « Le mouvement des langues est l’expression d’un état délirant par lequel se manifeste une intrusion des pouvoirs démoniaques » 26. Autrement dit, le mouvement, qui est certainement « délirant » en se livrant à l’activité d’un « esprit » qui n’est pas le Saint-Esprit, n’est pas démoniaque en intention ou en lui-même (comme l’occultisme et le satanisme contemporains le sont certainement), mais de par sa nature, il se montre particulièrement ouvert à la manifestation de forces démoniaques évidentes, qui font parfois leur apparition.

Ce livre a été lu par un certain nombre de personnes qui ont participé au « renouveau charismatique » ; beaucoup d’entre eux ont alors abandonné ce mouvement, reconnaissant que l’esprit qu’ils avaient éprouvé dans les phénomènes « charismatiques » n’était pas le Saint-Esprit. À de telles personnes, impliquées dans le mouvement « charismatique », qui lisent actuellement ce livre, nous souhaitons dire : vous pouvez bien penser que votre expérience dans le mouvement « charismatique » a été en grande partie quelque chose de bien (même si vous avez des réserves concernant certaines choses que vous avez vues ou expérimentées) ; vous ne pouvez pas croire qu’il y a quelque chose de démoniaque dedans. En suggérant que le mouvement « charismatique » est d’inspiration médiumnique, nous ne voulons pas nier l’intégralité de votre expérience en y étant impliquées. Si vous avez été éveillé au repentir pour vos péchés, à la réalisation que le Seigneur Jésus-Christ est le Sauveur de l’humanité, à l’amour sincère pour Dieu et votre prochain – tout cela est en effet bon et ne serait pas perdu en abandonnant le mouvement « charismatique ». Mais si vous pensez que votre expérience du « parler en langues », ou le fait de « prophétiser », ou quoi que ce soit d’autre d’ordre « surnaturel » que vous avez pu expérimenter, vient de Dieu – alors ce livre est une invitation pour vous à découvrir que le domaine de la véritable expérience spirituelle chrétienne est beaucoup plus profond que vous ne l’avez ressenti jusqu’à présent, que les ruses du diable sont beaucoup plus subtiles que vous ne l’avez imaginé, que la volonté de notre nature humaine déchue de confondre l’illusion avec la vérité, le confort émotionnel avec l’expérience spirituelle, est beaucoup plus grande que vous ne le pensiez. La section suivante de ce chapitre sera dédiée à tous ces détails.

Quant à la nature précise des « langues » qui sont parlées aujourd’hui, aucune réponse simple ne peut probablement être donnée. Nous savons très certainement que dans le pentecôtisme, tout comme dans le spiritisme, un rôle important est joué par les éléments de fraude et de suggestion, sous les pressions parfois intenses exercées dans les cercles « charismatiques » pour forcer l’apparition des phénomènes. Ainsi, un membre du « Mouvement de Jésus », largement pentecôtiste, témoigne que lorsqu’il parlait en langues « c’était juste une accumulation émotionnelle où je marmonnais un tas de mots », et un autre admet franchement : « Quand je suis devenu chrétien pour la première fois, les gens avec qui j’étais m’ont dit que tu devais le faire. Alors j’ai prié pour pouvoir le faire, et je suis allé jusqu’à les copier pour qu’ils pensent que j’avais le don » 27. Certaines des « langues » supposées ne sont donc pas authentiques, mais elles sont au mieux le produit d’une suggestion dans des conditions de quasi-hystérie émotionnelle. Cependant, il existe en fait des cas documentés de pentecôtistes parlant dans une langue non apprise 28 ; il y a aussi le témoignage de beaucoup concernant la facilité, l’assurance et le calme (en absence de tout état hystérique) avec lesquels ils peuvent entrer dans l’état du « parler en langues » ; et il y a un caractère nettement surnaturel dans le phénomène connexe du « chant en langues », où « l’esprit » inspire également la mélodie et beaucoup se joignent pour produire un effet qui est décrit comme « étrange, mais extraordinairement beau » 29 et « inimaginable, humainement impossible » (Williams, p. 33). Il semblerait donc évident qu’aucune explication purement psychologique ou émotionnelle ne puisse expliquer une grande partie des phénomènes contemporains des « langues ». Si ce n’est pas dû à l’action du Saint-Esprit — et à ce point il est tout à fait évident qu’il ne pourrait pas en être ainsi — alors le « parler en langues » d’aujourd’hui en tant que phénomène « surnaturel » authentique ne peut être que la manifestation d’un don en provenance d’un autre esprit.

Pour identifier plus précisément cet « esprit » et pour mieux comprendre le mouvement « charismatique », non seulement dans ses phénomènes, mais aussi dans sa « spiritualité », nous devrons nous inspirer plus profondément des sources de la tradition orthodoxe. Et tout d’abord, nous devrons revenir sur un enseignement de la tradition ascétique orthodoxe qui a déjà été discuté dans cette série d’articles, pour expliquer le pouvoir que l’hindouisme détient sur ses fidèles : prélest [прелесть], ou la tromperie spirituelle.

 


 

Hieromonk Seraphim Rose, Orthodoxy and The Religion of the Future, p. 160-176, Saint Herman of Alaska Brotherhood, Platina, California, 1979
Traduction: hesychia.eu

 


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  1.   The Strife of Tongues
  2. Koch, Kurt, The Strife of Tongues, Kregel Publications, Grand Rapids, 1969, p. 35
  3. V. P. Bykov, Tikhie Priyuty, Moscou, 1913, pp.68-170
  4. Jacques V.16
  5. Kurt Koch, Occult Bondage and Deliverance, Kregel Publications, Grand Rapids, Mich., 1970, pp. 168-170
  6. Deut. XVIII.10–12 ; voir aussi Lév. XX.6
  7. Kurt Koch, Between Christ and Satan, Kregel Publications, 1962, p. 124. Ce livre et Occult Bondage du Dr Koch offrent une confirmation remarquable, basée sur l’expérience du XXe siècle, de pratiquement toutes les manifestations du médiumnisme, de la magie, de la sorcellerie, etc., que l’on trouve dans les Saintes Écritures et dans les vies des saints orthodoxes — la source de tout cela étant, bien sûr, le diable. Le lecteur orthodoxe devra corriger ses interprétations sur quelques points seulement.
  8. Simon A. Blackmore, S. J., Spiritism Facts and Frauds, Benziger Bros., New York, 1924: chapitre IV, « Mediums », pp. 89-105 passim.
  9. au sujet d’Oral Roberts on peut consulter l’ouvrage de Kurt Koch, Occult Bondage, pp. 52-55
  10. Williams, p. 62-63 ; italiques dans l’original
  11. Sherrill, p. 87
  12. Williams, p. 64
  13. Sherrill, p. 23
  14. Sherrill, p. 122
  15. Ranaghan, p. 79
  16. Logos Journal, novembre-décembre 1971, p. 47
  17. Williams, p. 31
  18. Williams, p. 64
  19. Ronald A. Knox, Enthusiasm, A Chapter in the History of Religion, Oxford [Galaxy Book], 1961, pp. 550-551
  20. Koch, p. 28
  21. Koch, p. 15
  22. Koch, p. 26
  23. Entretien privé
  24. The Orthodox Word, 1970, n° 4–5, pp. 196–199
  25. Koch, p. 29
  26. Koch, p. 47
  27. Ortega, p. 49
  28. Sherrill, pp. 90–95
  29. Sherrill, p 118

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