La foi vivante de l’église orthodoxe, Orthodoxie

L’Orthodoxie et la Religion du futur – III. Le « miracle » d’un Fakir et la prière de Jésus

10 novembre 2020

par l’archimandrite Nicholas Drobyazgin

 

L’auteur de ce témoignage, un nouveau martyr du joug communiste, a connu une brillante carrière dans le monde en tant que commandant naval, et a été également profondément impliqué dans l’occultisme en tant que rédacteur en chef du journal occulte Rebus. Sauvé d’une mort presque certaine en mer par un miracle de saint Séraphin, il fit par la suite un pèlerinage à Sarov puis renonça à sa carrière mondaine et à ses liens occultes pour devenir moine.

 

 

Après avoir été ordonné prêtre, il a servi comme missionnaire en Chine, en Inde et au Tibet, comme prêtre dans quelques églises attachées aux ambassades, et comme higoumène dans plusieurs monastères. Après 1914, il vécut à la Laure des grottes de Kiev, où il discutait avec les jeunes qui lui rendaient visite sur l’influence de l’occultisme sur les événements contemporains en Russie. A l’automne 1924, un mois après avoir reçu la visite d’un certain Tuholx, l’auteur du livre Magie noire, il fut assassiné dans sa cellule « par des inconnus », avec une connivence bolchevique évidente, poignardé par une dague munie d’une poignée présentant des significations occultes.

L’incident décrit ici, révélant la nature de l’un des « dons » médiumniques qui sont courants dans les religions orientales, a eu lieu peu de temps avant 1900 et a été enregistré vers 1922 par le Dr A. P. Timofievich, du couvent Novo-Diveyevo, New York (Texte russe dans Orthodox Life, 1956, n.1)

 

 

Par un matin tropical merveilleux, notre bateau fendait les eaux de l’océan Indien, se rapprochant de l’île de Ceylan [aujourd’hui Sri Lanka]. Les visages animés des passagers, pour la plupart des Anglais, accompagnés par leurs familles, qui se rendaient à leurs postes ou pour affaires dans leur colonie indienne, regardaient avidement au loin, cherchant du regard l’île enchantée, qui pour une grande partie avait été lié depuis l’enfance aux récits et descriptions intéressants et mystérieux des voyageurs.

L’île était encore à peine visible quand déjà un parfum fin et enivrant en provenance des arbres qui y poussaient enveloppait de plus en plus le navire à chaque brise qui soufflait. Enfin une sorte de nuage bleu se dessinait à l’horizon, de plus en plus grand à mesure que le vaisseau s’approchait rapidement. On pouvait déjà remarquer les bâtiments étalés le long du rivage, enfouis dans la verdure de palmiers majestueux, et la foule multicolore des habitants locaux qui attendaient l’arrivée du navire. Les passagers, qui s’étaient rapidement familiarisés les uns avec les autres pendant le voyage, riaient et conversaient avec animation sur le pont, admirant la merveilleuse scène de l’île sortie d’un conte de fées, telle qu’elle se présentait à leurs yeux. Le navire se retourna lentement, se préparant à amarrer au quai de la ville portuaire de Colombo.

Ici, le navire s’est arrêté pour prendre du charbon et les passagers ont eu suffisamment de temps pour débarquer. La journée était si chaude que de nombreux passagers ont décidé de ne quitter le navire que le soir, lorsqu’une agréable fraîcheur remplaça la chaleur de la journée. Un petit groupe de huit personnes, auquel je me suis joint, était dirigé par le colonel Elliott, qui était déjà venu à Colombo et connaissait bien la ville et ses environs. Il a nous fit une proposition séduisante. « Mesdames et Messieurs ! N’aimeriez-vous pas aller à quelques kilomètres de la ville et rendre visite à l’un des magiciens-fakirs locaux ? Peut-être verrons-nous quelque chose d’intéressant. » Tous ont accepté la proposition du colonel avec enthousiasme.

Il était déjà le soir lorsque nous quittions les rues bruyantes de la ville et roulions le long d’une merveilleuse route tropicale qui scintillait des étincelles de millions de lucioles. Finalement, la route s’est soudainement élargie et devant nous il y avait une petite clairière entourée de tous côtés par la jungle. Au bord de la clairière, sous un grand arbre, il y avait une sorte de hutte, à côté de laquelle couvait un petit feu et un vieil homme, maigre et émacié, avec un turban sur la tête, était assis les jambes croisées, avec son regard immobile dirigé vers le feu. Malgré notre arrivée bruyante, le vieil homme demeura complètement immobile, ne nous prêtant pas la moindre attention. Issu de l’obscurité un jeune est apparu et, s’approchant du colonel, lui a demandé discrètement quelque chose. En peu de temps, il a sorti plusieurs tabourets et notre groupe s’est arrangé en demi-cercle autour du feu. Une fumée légère et parfumée s’éleva. Le vieil homme était assis dans la même pose, ne remarquant apparemment personne et rien. La demi-lune qui se leva dissipa en quelque sorte les ténèbres de la nuit, et dans sa lumière fantomatique tous les objets prirent des contours fantastiques. Involontairement, tout le monde se tut et attendit de voir ce qui allait se passer.

« Regardez ! Regardez là, sur l’arbre ! » cria Miss Mary dans un chuchotement excité. Nous avons tous tourné la tête dans la direction indiquée. Et en effet, toute la surface de l’immense couronne de l’arbre sous laquelle le fakir était assis flottait doucement dans la lumière tendre de la lune, et l’arbre lui-même commença peu à peu à fondre et à perdre ses contours ; littéralement, une main invisible lui avait jeté dessus une couverture diaphane qui devenait de plus en plus matérielle à chaque instant. Bientôt la surface ondulante de la mer se présenta en toute clarté devant notre regard étonné. Avec un léger grondement, les vagues se succédaient, laissant derrière des traces blanches, moussantes ; des nuages légers flottaient dans un ciel devenu bleu. Abasourdis, nous ne pouvions pas nous arracher à ce tableau saisissant.

Et puis au loin est apparu un bateau blanc. Une épaisse fumée s’échappait de ses deux grandes cheminées. Il s’est rapidement approché de nous, fendant l’eau. À notre grande stupéfaction, nous l’avons reconnu comme notre propre bateau, celui sur lequel nous étions venus à Colombo ! Un murmure parcourut nos rangs lorsque nous lûmes sur la poupe, tracé en lettres d’or, le nom de notre navire, Luisa. Mais ce qui nous a le plus étonné, c’est ce que nous avons vu sur le navire — nous-mêmes ! N’oubliez pas qu’à l’époque où tout cela s’est produit, la cinématographie n’avait même pas été inventé et il était même impossible de concevoir quelque chose comme ça. Chacun de nous s’est vu sur le pont du navire parmi des gens qui riaient et se parlaient. Mais ce qui était particulièrement étonnant : je ne me voyais pas seulement moi-même, mais tout le pont du navire jusque dans les moindres détails, en même temps, comme à vol d’oiseau — ce qui, bien sûr, ne pouvait tout simplement pas se produire dans la réalité. À la fois je me voyais parmi les passagers, et les marins travaillant à l’autre bout du navire, et le capitaine dans sa cabine, et même notre singe « Nelly », le favori de tous, mangeant des bananes sur le mât principal. Tous mes compagnons en même temps, chacun à sa manière, étaient très excités par ce qu’ils voyaient, exprimant leurs émotions avec des petits cris et des chuchotements excités.
J’avais complètement oublié que j’étais archimandrite et, normalement, je n’avais aucune raison de participer à un tel spectacle. Le charme était si puissant que l’esprit et le cœur étaient silencieux. Mon cœur s’est mis à battre douloureusement pour donner l’alerte. Soudain, j’étais hors de moi. Une peur s’est emparée de tout mon être.

Mes lèvres ont commencé à bouger et à dire : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur ! » Immédiatement, je me suis senti soulagé. C’était comme si de mystérieuses chaînes qui m’avaient lié commençaient à tomber. La prière est devenue plus concentrée et avec elle ma paix d’âme est revenue. J’ai continué à regarder l’arbre, et soudain, comme chassé par le vent, l’image s’est assombrie et s’est dispersée. Je ne vis plus que le grand arbre, éclairé par la lumière de la lune, et de même le fakir assis en silence près du feu, tandis que mes compagnons continuaient à exprimer ce qu’ils vivaient en regardant l’image, qui pour eux ne s’était pas évanouie. Mais quelque chose arriva apparemment au fakir aussi. Il roula sur le côté. Le jeune couru vers lui, alarmé. La séance fut soudainement interrompue. Profondément émus par tout ce qu’ils avaient vécu, les spectateurs se sont levés, partageant avec animation leurs impressions et ne comprenant pas du tout pourquoi le tout avait été coupé si brusquement et de manière inattendue. Le jeune a expliqué que c’était dû à l’épuisement du fakir, qui était assis comme avant, la tête baissée et ne prêtant pas la moindre attention aux personnes présentes. Ayant généreusement récompensé le fakir par le jeune pour l’opportunité de participer à un spectacle aussi étonnant, notre groupe s’est rapidement réuni pour le voyage de retour. En partant, je me suis retourné involontairement une fois de plus afin d’imprimer dans ma mémoire toute la scène, et soudain — j’ai frissonné d’une sensation désagréable. Mon regard rencontra le regard plein de haine du fakir. Ce ne fut qu’un instant, puis il reprit sa position habituelle ; mais ce regard m’a ouvert les yeux une fois pour toutes sur la puissance qui se tenait derrière ce « miracle ».

 

La « spiritualité » orientale n’est en aucun cas limitée aux « trucs » médiumniques que ce fakir pratiquait ; nous verrons certains de ses aspects les plus sincères dans le prochain chapitre. Pourtant, tout le pouvoir qui est donné aux pratiquants des religions orientales provient du même phénomène de médiumnisme, dont la caractéristique centrale est une passivité devant la réalité « spirituelle » qui permet d’entrer en contact avec les « dieux » des religions non chrétiennes. Ce phénomène peut être observé dans la « méditation » orientale (même quand on lui donne le nom de « chrétienne »), et peut-être même dans ces « dons » étranges qui, à notre époque de déclin spirituel, sont faussement étiquetés de « charismatiques »…

 


 

Hieromonk Seraphim Rose, Orthodoxy and The Religion of the Future, p. 32-55, Saint Herman of Alaska Brotherhood, Platina, California, 1979

traduction: hesychia.eu

 

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