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L’Ascension de Notre-Seigneur, Jésus-Christ, par les petits Bollandistes

26 juin 2021

L’Ascension de Notre-Seigneur, Jésus-Christ

Cette solennité, dit le pieux saint Bernard dans son deuxième sermon sur cette fête, est tout ensemble glorieuse pour Jésus-Christ, et pleine de joie et de douceur pour nous ; parce que c’est l’accomplissement de tous ses mystères et l’heureuse clôture de tout son voyage en ce monde, et que l’on y voit manifestement que son empire ne s’étend pas seulement sur les eaux, sur la terre et sur les enfers, comme il l’avait montré jusqu’alors, mais que l’air même, et le ciel, et le plus haut des cieux lui sont soumis ; de sorte qu’il est le Maître et le Seigneur absolu de toutes choses.

Elle est pleine de joie et de douceur pour nous, parce que si Jésus-Christ monte au ciel, c’est pour y attirer plus puissamment nos cœurs, pour y disposer des places proportionnées à nos mérites, pour nous y servir d’avocat et de mé­diateur auprès de son Père, pour en faire descendre sur nous le Saint-Esprit, avec la plénitude de ses grâces, et enfin pour nous y recevoir à l’heure de notre mort, si nous sommes fidèles dans l’observance de ses commande­ments. Il y avait déjà quarante jours qu’il était ressuscité, et qu’au lieu de cette vie mortelle et sujette à nos misères que la mort lui avait ravie, il avait repris une vie bienheureuse et immortelle. Il avait eu soin, pendant tout ce temps, de consoler souvent ses Apôtres par des visites publiques et particu­lières, de les confirmer de plus en plus dans la créance et la foi de sa résur­rection, et de les instruire, comme dit Saint-Luc, du royaume de Dieu, c’est-à-dire de ce qui concernait l’établissement et la bonne conduite de son Église, dont il les faisait les fondateurs et les princes. (Act I.3)

Enfin, le quarantième jour étant arrivé, il leur apparut et les visita pour la dernière fois. Ni l’Évangile ni le Livre des Actes des Apôtres ne disent clairement en quel lieu se fit cette apparition, mais ils insinuent assez et nous donnent tout sujet de croire que ce fut à Jérusalem, dans cette maison où ils avaient coutume de se retirer. Après qu’il les eut salués à son ordinaire, en leur donnant sa paix, il leur fit ses plaintes de ce qu’ils avaient cru si difficilement et si tardivement à sa résurrection, malgré le témoignage des personnes qui l’avaient vu ressuscité. Ensuite, il leur dit qu’ils voyaient eux-mêmes l’accomplissement de ce qu’il leur avait prédit avant sa Passion, et lorsqu’il conversait avec eux sur la terre, à savoir : qu’il devait être mis à mort et ressusciter le troisième jour, et les envoyer dans toutes les nations prêcher la pénitence et le pardon des péchés ; comme il était écrit de lui dans la loi, dans les psaumes et dans les Pro­phètes. En même temps, il leur ouvrît l’esprit pour entendre les Écritures, et pour y reconnaître distinctement ces admirables prédictions ; ce qui leva entièrement tous leurs doutes et dissipa tous les nuages qui pouvaient être restés dans leur imagination. De plus, il les avertit que ce n’était pas assez qu’ils crussent ces vérités, mais qu’ils en devaient être aussi les témoins et les prédicateurs par tout le monde, et que, pour les rendre capables d’un si grand ministère, il leur enverrait le Saint-Esprit qu’il leur avait promis, et dans lequel ils seraient baptisés, comme les disciples de Jean avaient été baptisés dans l’eau. En attendant ce bonheur, et qu’ils fussent revêtus de cette vertu céleste, ils devaient demeurer en repos dans la ville et n’en point sortir. À ce sujet, quelques-uns de l’assemblée lui de­mandèrent si c’était en ce temps qu’il rétablirait le royaume d’Israël et lui rendrait son ancienne splendeur. Il leur répondit que ce n’était pas à eux de savoir les temps et les moments que son Père avait mis en sa puissance, mais qu’ils devaient seulement avoir soin de se bien disposer à recevoir la force que le Saint-Esprit leur viendrait communiquer, afin de publier hau­tement son Évangile dans Jérusalem, dans toute la Judée, dans toute la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. Saint-Luc, dans les Actes des Apôtres, nous apprend encore que Notre-Seigneur mangea pour lors avec eux. Il le fit, non pour les convaincre davantage de la vérité de sa chair, dont ils ne pouvaient plus douter, mais pour leur montrer, par cette condescen­dance merveilleuse, que, quoiqu’il eût changé de condition et qu’il fût sur le point de monter au plus haut des cieux, et de s’asseoir à la droite de Dieu son Père, néanmoins il n’avait rien diminué ni ne diminuerait rien de son affection et de sa bienveillance envers eux.

Comme ce n’était pas dans la ville qu’il avait résolu d’accomplir le mystère de son Ascension, le repas étant fini, il les emmena dehors avec plusieurs autres disciples qui s’étaient joints à eux pour avoir part à cette grande fête, et qui pouvaient faire le nombre de cent vingt. Cette admi­rable procession passa en plein midi par les rues de Jérusalem. Les Juifs virent bien les Apôtres et les disciples qui passaient devant leurs portes avec une modestie angélique et un visage plein de la joie des Saints, mais ils ne virent pas le Sauveur qui marchait à leur tête, parce qu’il se rendit invisible pour eux, afin de ne pas leur découvrir ce qu’il allait faire. La haine qu’ils avaient conçue contre lui et contre les siens pouvait bien les porter à se jeter sur cette troupe sacrée ; mais le Saint-Esprit leur donna une telle impression de crainte et de révérence, qu’ils demeurèrent comme interdits et les laissèrent passer en paix. Le Sauveur conduisit d’abord cette sainte troupe à Béthanie, chez ses bienheureuses hôtesses Marthe et Madeleine, où il est très-probable que sa très-sainte Mère, et plusieurs autres personnes qui lui étaient affectionnées, s’étaient retirées pour l’y attendre. Après les avoir remerciées pour la dernière fois des assistances qu’elles lui avaient rendues pendant le temps de sa vie mortelle, et les avoir divinement consolées sur sa séparation, il les invita à venir avec lui pour assister à son triomphe. Chacun étant prêt et brûlant du désir de voir une merveille si surprenante, il continua sa marche et prit le chemin de la montagne des Oliviers, où quarante-trois jours auparavant il avait sué sang et eau, et avait été pris et lié par les Juifs. C’était le lieu qu’il avait choisi pour le terme de son départ. Y étant arrivé, il donna le der­nier adieu à cette grande assemblée d’hommes et de femmes, leur réitérant les anciennes promesses qu’il leur avait faites d’être toujours avec eux et de ne les abandonner jamais, de leur envoyer au plus tôt l’Esprit consola­teur, de leur préparer des places dans le ciel, et de les y recevoir après qu’ils auraient combattu sur la terre avec courage et persévérance pour la gloire de son nom. Ensuite, il leur permit à tous, comme la piété nous oblige de le croire, de lui baiser les pieds et les mains, et nous pouvons même inférer de sa très-grande bonté qu’il honora sa divine Mère d’un baiser de sa bouche.

Enfin, ayant élevé ses mains au ciel, comme pour montrer le lieu d’où il fallait attendre toutes les grâces, il leur donna sa bénédiction, ce qu’il fit probablement en formant de la main droite un signe de croix, comme l’Église l’a toujours observé depuis dans ses bénédictions. On ne sait pas de quelles paroles il se servit en cette cérémonie. […]

En même temps, on le vit monter au ciel, non pas avec rapidité ni par une vertu étrangère, comme Énoch et Élie avaient été autrefois emportée dans l’air, mais par sa propre vertu et en s’élevant peu à peu, de même que l’on voit s’élever un rayon de fumée qui sort d’un parfum de myrrhe et d’encens mis sur des charbons ardents. […]

Pendant que Notre-Seigneur s’élevait ainsi vers le ciel, les Apôtres et les autres disciples qui ne le pouvaient suivre de tout le corps, le suivaient du cœur et des yeux. Mais lorsqu’il fut à une telle distance qu’ils ne le pou­vaient presque plus apercevoir, une nuée le vint envelopper et le déroba entièrement à leur vue ; et au même instant, franchissant l’espace, il monta jusqu’au sommet du ciel ; là, ayant présenté à son Père éternel les illustres captifs qu’il avait délivrés des enfers, il en reçut une louange au — dessus de toute louange, et une gloire au-dessus de toute gloire, et s’assit à la droite de sa divine Majesté ; c’est-à-dire qu’il entra, même en tant qu’homme, dans la jouissance immuable et éternelle des honneurs sou­verains de la divinité. Cependant, ces pauvres disciples, quoiqu’ils ne le vis­sent plus, ne laissaient pas de demeurer toujours les yeux vers le ciel, comme des personnes transportées hors d’elles-mêmes et ravies en extase. Mais enfin, deux anges leur apparurent sous forme humaine et vêtus d’habits blancs, et leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder fixement en haut ? Ce Jésus, qui était au milieu de vous, et qui a été élevé au ciel, en descendra un jour de la même manière que vous l’avez vu monter aujourd’hui ». (Act I.11.) De ces paroles nous pouvons encore conclure l’excellence du triomphe de l’Ascension, puisqu’il est con­stant que quand Jésus-Christ descendra du ciel pour juger les vivants et les morts, ce sera avec une pompe et une gloire incomparables.

Alors ces bienheureux témoins de notre mystère partirent de la montagne des Oliviers, retournèrent à Jérusalem, qui n’en était éloignée que d’une demi-lieue, et là se retirèrent dans leur domicile ordinaire, savoir : les onze Apôtres, qui étaient Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe, Tho­mas, Barthélemy, Matthieu, Jacques, fils d’Alphée, Simon, dit le Zélé, et Jude, frère de Jacques, et plusieurs des disciples qui composaient, avec les Apôtres, à peu près le nombre de cent vingt, comme Saint-Luc l’a remarqué en parlant de l’élection de saint Matthias comme douzième Apôtre. Leur occupation continuelle fut la prière, qu’ils faisaient tous ensemble d’un même esprit et d’un même cœur, avec les saintes femmes, et Marie, mère de Jésus, et quelques-uns de ses parents. Voilà jusqu’où le texte sacré du livre des Actes des Apôtres nous conduit. […]

Au reste, Notre-Seigneur, en montant au ciel, voulut laisser sur la terre une marque visible de cette grande action ; car il imprima si forte­ment les vestiges de ses pieds sacrés à l’endroit d’où il s’éleva, qu’ils y de­meurèrent toujours gravés, sans que ni le vent, ni la pluie, ni la neige, ni les plus grandes tempêtes fussent capables de les effacer. Saint Jérôme, écrivant sur ce miracle, assure qu’il durait encore de son temps ; quoique les fidèles prissent tous les jours, par dévotion, de la terre de ce même en­droit, néanmoins ces vestiges ne disparaissaient point, retournant inconti­nent à leur premier état. Il ajoute que l’église au milieu de laquelle ils étaient, ayant été bâtie en forme de dôme tout rond, et d’une fort belle architecture, on ne put jamais, à ce que l’on disait, couvrir ni lambriser l’espace par où le corps du Sauveur avait passé ; mais que ce passage était demeuré ouvert depuis la terre jusqu’au ciel. Saint Optât, évêque de Mi — lève, en Afrique ; saint Paulin, évêque de Noie, et Sulpice Sévère, rendent aussi le même témoignage. Mais ce qui est fort remarquable et fait voir encore davantage la grandeur du miracle, c’est que l’armée romaine, assié­geant Jérusalem, campa en ce lieu, comme l’historien Josèphe l’a remar­qué dans ses livres de la Guerre des Juifs ; de sorte que les hommes et les chevaux le foulèrent aux pieds un million de fois ; ce qui était plus que suffisant pour effacer, non-seulement quelques légères marques, mais celles-là mêmes qui auraient été gravées sur le marbre et sur l’airain ; et néanmoins toute cette armée n’altéra en rien ces vestiges. Au temps du vénérable Bède, c’est-à-dire vers l’année 700, les choses étaient encore au même état, comme il l’écrit lui-même dans son livre des Saints-Lieux, où il dit aussi que, tous les ans, le jour de l’Ascension de Notre-Seigneur, après la messe solennelle, il avait coutume de venir du haut de cette église un grand tourbillon de vent qui couchait contre terre tous ceux qui étaient dedans, et que, la nuit de la même solennité, l’on voyait comme en feu toute la montagne, avec les lieux d’alentour, par la quantité de flambeaux ardents qui y paraissaient. Mais enfin, par l’envie des ennemis de notre foi, la pierre où ces sacrés vestiges du Sauveur étaient imprimés, a été enlevée de sa place et employée à boucher la porte orientale de ce temple, qu’ils ont fait fermer. C’est ce qu’en rapportent les auteurs des derniers siècles qui ont fait la description des Saints-Lieux, et, après eux, le cardinal Baronius, au premier tome de ses Annales, sur la trente-quatrième année de Notre-Seigneur.

 

Les petits BollandistesVies des Saints, Tome seizième : Vies de Notre Seigneur et de la Sainte Vierge, Bloud et Barral, Libraires, Paris, 1876, pp. 68-73

 

 


 

 

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