Arsenie Boca, Communisme, Histoire, La foi vivante de l’église orthodoxe, La voie du Royaume, Orthodoxie

LA VIE ET L’ŒUVRE DU PERE ARSENIE BOCA – V

3 décembre 2020

Peinture de l’église de Drăgănescu

Arrivé à l’âge de la retraite, avec une petite pension, en 1968 père Arsenie commença à peindre l’église paroissiale de Drăgănescu, près de Bucarest, et il y passa 15 ans. Le père Arsenie l’a peint deux fois, parce que, à cause des bougies, les fresques se sont « souillées ». Ici, comme il l’a dit lui-même, il fut recherché par une « foule de gens ».

 

L’église en bois la Dormition de la Mère de Dieu

L’église en bois la Dormition de la Mère de Dieu, Homojdia, département de Timiș

 

La peinture de Drăgănescu n’est pas une peinture ordinaire, en ce sens que le père Arsenie ne s’est pas limité au programme iconographique traditionnel.

En essayant d’actualiser le message de l’Évangile, le Père a introduit ici, dans la peinture, des compositions choquantes, en plus des scènes classiques consacrées, ayant un rôle clairement catéchétique et s’adressant aux gens de nos jours.

Si on lui a interdit de prêcher, il le fait maintenant d’une autre manière, à l’aide de pinceaux et de couleurs. Les gens qui venaient le voir avaient suffisamment à apprendre à travers les fresques de l’Église, qui s’adressaient à eux directement, sans détour et d’une manière compréhensible pour tous, « afin qu’ils ne marchent plus aveuglément dans les ténèbres de l’ignorance et de la rareté des bons conseils, source de tous les maux qui tourmentent les gens, assombrissent les temps, et mettent le feu à la terre ».

« La petite église de Drăgănescu a la chance de sentir par les fresques de ses murs l’ardeur des homélies du père Boca, que des milliers de personnes ont écouté au monastère de Sâmbăta de Sus. C’est une peinture nouvelle, tout comme les sermons de cette époque. »

Pour que le « sermon » soit encore plus convaincant, le Père, écrit de sa splendide calligraphie près des scènes représentées, de nombreuses phrases courtes et claires qui représentent une synthèse de sa pensée. Ce ne sont pas de simples mots d’esprit, mais les copeaux jaillis de la cohérence et de la vigueur d’un tronc aux racines profondes.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le programme iconographique dans son ensemble, c’est-à-dire l’arrangement de chaque composition, mais ce n’est pas le but du présent travail. Cependant, on ne peut ignorer la vaste composition peinte par le Père dans l’abside de l’autel. Il nous présente des épisodes « De la vie et du martyre de saint Étienne le Jeune, martyr à Constantinople, à l’époque de l’empereur iconoclaste Constantin Copronyme, qui tyrannisa l’église entre 741 et 775. Il reçut le martyre à l’âge de 53 ans, le 28 novembre, coupable d’avoir transformé : ‹ la prison en monastère ! › »

Il est bien connu que dans aucune autre église n’est représenté le martyre de ce saint dans l’abside de l’autel, et d’ailleurs il est rarement représenté d’une façon générale. Il est donc naturel que sa présence soulève des points d’interrogation, d’autant plus qu’elle occupe une place importante dans l’abside, tant par sa taille que par sa position, au niveau des yeux. Il est donc clair que le père Arsenie n’a pas placé cette composition ici par accident.

Je ne voudrais pas être mal compris et faire croire que, dans ce qui suit, je souhaite souligner uniquement le côté prophétique de la personnalité du père Arsenie Boca, mais, en cherchant à comprendre la raison de l’importance accordée à ce martyre, je ne peux que remarquer les similitudes entre les deux vies — celle d’Étienne le Jeune et celle du père Arsenie — et surtout le fait que les deux ont quitté ce monde un 28 novembre !

L’église en bois la Dormition de la Mère de Dieu

L’église en bois la Dormition de la Mère de Dieu, village Groși, département de Timiș

 

L’établissement de Sinaia

 

Après l’expulsion forcée du monastère en 1959, la communauté monastique s’est réorganisée en un établissement monastique dans la ville de Sinaia, qui est de nos jours métochion du monastère de Prislop. Dans cette communauté le père Arsenie a eu sa kélie principale et son atelier de peinture de 1969 à 1989, date à laquelle il s’est endormi. C’est ici qu’il a laissé dans un ordre parfait des sermons, des méditations et des dessins, avec le souhait qu’ils ne soient pas rendus publics.


Les écrits du père Arsenie

En plus d’être un grand propagateur de la pensée patristique, de la pensée filocalique, le père Arsenie fut également un écrivain spirituel doué.

Les écrits du père Arsenie ont circulé parmi les croyants de plusieurs manières. L’ouvrage le plus connu et le plus populaire fut la Voie du Royaume. On connaissait également ses sermons, sous forme dactylographiée, et surtout les photos du père Arsenie depuis le temps de son séjour au monastère de Sâmbăta de Sus, photos que certains croyants placent dans le coin de prière.

La vie et l’œuvre du Père intéressaient et intéressent des théologiens éminents, des croyants qui l’ont connu, ou pas, qui l’ont cherché, ou pas, ou qui l’ont entendu. Dans ce contexte, les écrits du Père ont connu une grande popularité.

Suite à cette demande des variantes différentes, des écrits du père Arsenie circulaient parmi les fidèles, ce qui a poussé les détenteurs de ses manuscrits à les publier, malgré la volonté contraire du père Arsenie. On a commencé par quelques conseils spirituels publiés dans la revue « Gândirea » (Nouvelle série), et en 1995 et 2000, on a publié (en deux éditions) « la version définitive de la ‹ Voie du Royaume ›, tel qu’elle a été conçue par le Père et comme il l’a laissé en 1949, après quoi feront suite les sermons — qui circulent présentement en diverses variantes — qu’il a lui-même reliés dans un volume — il savait relier très bien les livres — selon un ordre précis et avec une calligraphie soignée »

On continue également de publier les sermons et les méditations du père Arsenie, contenus dans le manuscrit intitulé « Les Fils de la résurrection » (« Fiii Învierii »), dans « Foaia duhovnicească pentru popor – Străjerul Ortodox »

Un autre ouvrage populaire parmi les fidèles fut « Pravila Albă » (« La Régle Blanche »), manuscrit qu’on a volé au père Arsenie puis modifié et réécrit. Voici les remarques du Père sur un tel exemplaire : « La Régle Blanche – ou comment déformer un original volé »

On lui a également attribué l’ouvrage appelé « Sundar Singh s’adresse au monde entier » (« Sundar Singh vorbește globului pământesc »), moins répandu que les autres. Voici ce que le père écrit à ce sujet : « Sundar Sing—Combien belle est l’écriture de Sundar Singh et combien médiocre est cet apocryphe de mauvaise qualité, écrite de la main d’un fanatique, ignorant et menteur. »

Un autre ouvrage déjà publié par plusieurs sites orthodoxes est « Les étapes de la vie monastique » (« Trepte spre viețuirea în monahism »), qui s’adresse tout particulièrement aux moines qui s’engagent dans l’ascension spirituelle. En conclusion, l’ouvrage comprend également une explication de l’office de tonsure dans la vie monastique.

Nous devons également mentionner ici les paroles du père Arsenie, qui circulent également et que le père archimandrite Teofil Părăian popularise à toute occasion. (Il n’y a pas de livre du père Teofil qui ne contienne au moins une parole du père Arsenie. Les paroles les plus belles et les plus connues du père Arsenie sont incluses dans le livre du père Teofil « Venez et prenez de la joie » [« Veniți de luați bucurie »].)
En outre, il convient de rappeler que le père Arsenie a laissé ce programme de vie spirituelle authentique en cinq points : « Oxygène, glycogène, sommeil, maîtrise des hormones et conception de vie chrétienne », conseils absents de ses écrits publiés (par exemple, la « Voie du Royaume »), mais entendus par un jeune homme directement de la bouche du père Arsenie.

Nous ne devons pas oublier les lettres que le père Arsenie a envoyées à ses proches, car elles sont parmi les plus belles œuvres de la littérature patristique. Certaines d’entre elles ont déjà été publiées et d’autres sont susceptibles de l’être prochainement. En attendant, des exemplaires photocopiés sont parvenus à beaucoup de croyants.

L’église en bois saint Jean Baptiste, village de Românești

L’église en bois saint Jean Baptiste, village de Românești, département de Timiș

 

Guide des moines

« Si tu veux devenir moine, deviens comme le feu ! » (Père Arsenie Boca)

Nombreux de ceux qui souhaitaient entrer dans la vie monastique sont venus demander conseil au père Arsenie. Le Père leur disait : « Parmi ceux qui vivent dans le monde il y en a qui sont sauvés, et parmi ceux qui vivent dans les monastères il y en a qui sont condamnés. »

Il fut également un très bon psychologue. En un coup d’œil et après deux ou trois mots échangés, il savait ce qu’il fallait faire avec celui qui souhaitait devenir moine. Personne ne pouvait tromper son regard perçant avec des faux-semblants ou des fourberies. Dans la vie spirituelle, il ne négociait jamais avec personne. Il prononçait clairement ce qu’il avait à dire. Mais avant de se prononcer sur la voie à emprunter, le père Arsenie « cherchait à voir à travers son interlocuteur ». Il prenait très au sérieux la vie consacrée. Le récit de la rencontre de 1942 entre le père Arsenie et Ioan Părăian (qui deviendra plus tard l’archimandrite Teofil Părăian), âgé de 13 ans, qui souhaitait rester au monastère de Sâmbăta est très révélateur :

« Quand je suis allé au monastère de Sâmbăta, en 1942, pour devenir moine, j’avais treize ans et demi. Le père était là. Il a écouté ma confession, nous avons parlé, je me souviens encore clairement les questions qu’il m’a posées, y compris une question que j’ai souvent racontée, par l’intermédiaire de laquelle il voulait passer au-delà de moi, à travers moi au-delà moi. Il m’a demandé si j’avais déjà pensé à tuer un homme. C’est une question que j’ai trouvé curieuse à mon âge, car je n’y avais jamais pensé, ni avant ni après ce moment, mais j’avais déjà entendu des gens dire : « Je vais te tuer… » et je ne sais pas quoi d’autre. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que le père voulait voir d’où je venais, quelles étaient les fondements de mon existence. Pourquoi ? Parce que le père pensait et le déclarait par la suite, que l’enfant est le miroir des parents, que nous héritons des choses positives et négatives des profondeurs de l’existence, que chacun arrive dans cette existence avec une charge qu’il hérite de ses ancêtres.

Le père a dit un jour à quelqu’un : « Toi, tu es la synthèse du désordre de ton foyer. » Ainsi, le père réalisait certaines choses que les autres n’avaient pas remarquées ou étaient passés à côté, ou, en tout cas, qu’ils ne pouvaient pas formuler aussi succittement : « Tu es la synthèse du désordre de ton foyer. »

Donc, si tu veux savoir qui tu es, observe-toi et regarde d’oû tu viens ! Et le père, bien sûr, savait tout cela, que notre commencement n’est pas au moment de la conception, mais nos racines partent de bien plus loin, Dieu seul sait d’où, nous accumulons nos parents, nos grands-parents.

J’avais une grand-mère, la mère de ma mère, et quand quelqu’un lui disait au sujet d’un de ses petits-fils : « Il te ressemble », elle répondait : « C’est bien ainsi. »

Vous voyez, il y a certaines choses auxquelles nous ne faisons pas attention. La vérité est que chacun de nous est une synthèse, d’un désordre ou d’une harmonie, Dieu sait comment nous sommes, qui nous sommes. Mais ces problèmes doivent être résolus, et si nous, nous ne les résolvons pas, ils ne seront jamais résolus. Et puis le père, sachant cela, et ayant cette capacité à saisir l’essentiel dans n’importe quelle affaire, il s’adressa à moi, comme s’il me disait : « Écoute, tu veux devenir moine ? Eh bien, je te dis quoi faire si tu veux devenir moine. Tu ne deviens pas moine, mais tu fais ce que les moines font : tu dis la prière avec laquelle les moines sont sauvés ». Et il m’a dit de dire : « Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. » Il m’a dit ainsi : « Dis-la avec ton esprit, donc avec des paroles silencieuses, non pas avec des paroles extérieures, bien qu’on puisse le faire de façon extérieure, c’est permis, mais dis-la avec des paroles silencieuses. » Il ne m’a pas donné d’explication, bien qu’il a dû penser au fait que le combat avec les pensées est donné à l’intérieur, et afin de faire ressortir les pensées négatives de notre ouvrage nous devons avoir des pensées positives ; il n’a fait aucune théorie, mais il m’a dit simplement : « Tu dis, Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur, et tu attaches la prière à ta respiration de la manière suivante : entre les respirations tu dis ‹ Seigneur ›, en aspirant l’air dans ta poitrine tu dis ‹ Jésus Christ, Fils de Dieu ›, et en expirant l’air de ta poitrine tu dis ‹ aie pitié de moi, pécheur ›. C’est tout ce qu’il m’a dit. Notre conversation a duré encore un peu de temps, je suis parti, je suis allé à l’école, j’ai étudié au lycée, j’ai étudié la théologie et onze ans après je suis devenu moine. Ainsi, onze ans avant de devenir moine j’ai appris la prière avec laquelle les moines trouvent leur salut et j’en ai fait usage autant que j’ai pu.

Ce qui est intéressant, cependant, est que le père ne m’a pas demandé de rencontrer un pratiquant de la prière du cœur, un père spirituel, quelqu’un pour me guider, il m’a simplement conseillé de m’engager sur la voie de la prière. Il ne m’a pas dit combien de temps ni combien de fois il ne fallait la dire, il ne m’a donné aucun autre conseil précis : il fallait juste la faire. J’ai poursuivi ainsi ma vie sans jamais y penser de façon exclusive, mais j’étais au courant de la prière et chaque fois que je m’en souvenais, je disais : ‹ Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, le pécheur ›, tel que le père me l’avait enseigné : entre deux respirations : ‹ Seigneur › ; en aspirant l’air : ‹ Jésus-Christ, le Fils de Dieu › ; en expirant : ‹ aie pitié de moi, pécheur. › Il est sûr qu’il n’est pas absolument nécessaire de procéder ainsi, mais le père me l’a montré de cette façon et j’ai suivi ses conseils »

Parmi les jeunes gens qui sont venus voir le père Arsenie beaucoup ont choisi la voie monacale. Nous mentionnons ici les plus connus : Leonida Plămădeală, futur métropolite de Transylvanie, Stelian Manolache, qui est devenue le célèbre père spirituel du monastère de Râmeţi, Julieta Constantinescu, qui est devenue la supérieure du monastère de Prislop, et la liste pourrait continuer.

Pour les jeunes de son temps, aussi bien que pour ceux d’aujourd’hui qui veulent suivre la voie monastique, ou qui s’y sont déjà engagés, le père Arsenie Boca a laissé un texte au sujet de l’ascension spirituelle de ceux qui veulent être parfaits. Il s’agit des « Étapes vers une vie monastique » (« Trepte spre viețuirea în monahism »), un ouvrage assez peu connu, car il n’a pas encore été publié.

Mais plus important que cet ouvrage est l’exemple de la vie même du père Arsenie, qui montre aux moines d’aujourd’hui qu’ils peuvent vivre comme les pères de jadis, « que leur vie peut être à l’image de leur nom » (Archimandrite Teofil Părăian), c’est-à-dire qu’ils peuvent être « de beaux vieillards », même au milieu d’un monde empli de confusion, de désespoir et de mensonge.

L’église en bois sainte Paraskeva, village de Margina

L’église en bois sainte Paraskeva, village de Margina, département de Timiș

 

La conception du père Arsenie sur le monachisme

Le père a rencontré tout au long de sa vie des cas de moines ratés. À leur sujet il disait : « Il y a des moines qui ne sont que des cintres à habits monastiques. »

Afin d’éviter que cela se produise, le père Arsenie écrivit à l’évêque d’Arad, Andrei Mageru, dans le diocèse duquel il se trouvait à ce moment-là, pour lui montrer avec le même l’amour, l’expérience et la compétence avec lesquelles il avait écrit la « Voie du Royaume » et « Étapes vers une vie monastique », que le renouveau monastique (tellement souhaité alors, et encore aujourd’hui), dont dépend le renouveau plus général de l’Église et de la société dans son ensemble, ne peut pas se faire en multipliant le nombre de monastères et d’ermitages, ni par de simples directives « d’en haut ».

Rédigée avec précision, clarté, profondeur et avec un discernement tout particulier, l’épître du père Arsenie, véritable synthèse de sa pensée sur le monachisme contemporain, peut à juste titre être considérée « comme un repère lumineux dans l’effort éventuel de revigorer le monachisme ».

« J’ai vu la genèse et le dépérissement de nombreux monastères.

Ils naissent quand leur simple présence répond à la conscience du peuple ; et ils meurent quand existence est souillée par l’indignité de leurs communautés. De leurs apparitions et disparitions dépend la confiance que les gens ont dans la force créatrice du christianisme. Il suffit de mentionner les églises et les monastères de Transylvanie, bâtis par les fondateurs arrivés d’au-delà les montagnes, dont les communautés ont gardé vivante dans l’esprit de la nation l’unité orthodoxe. Et quand les persécutions du passé — tramées par le Vatican — les ont brisées et brûlées, les martyrs se sont manifestés.

C’est un beau coucher de soleil.

Il nous a protégés d’un crépuscule honteux, celui de nos jours, quand les monastères sont détruits de l’intérieur, par les moines.

Il est temps maintenant de faire une pause. Qu’allons-nous rétablir, quelle situation ?

L’initiative est belle et doit être appréciée, mais en absence de personnes suffisamment formées pour guider sagement ce qui est assemblé accidentellement, on ne peut que parvenir à une situation en décomposition.
Voici quelques exemples :

La pauvreté, avec laquelle un monastère commence parfois, pousse à la mendicité, à demander des frais pour les offices — c’est une honte.

De la différence de dots que chacun apporte en arrivant au monastère naissent des attitudes humiliantes, des primautés injustes — ce qui ruine les âmes.

Les gens de l’extérieur, qui aident avec des dons importants, ou même qui n’aident pas, s’ils ne sont pas gérés convenablement commencent à se mêler aux affaires intérieures du monastère, à provoquer des dissentions aussi bien dans la communauté qu’à l’extérieur — les dérangements.

La santé physique de chaque individu doit être connue à l’avance. C’est un point sensible qui ne devrait plus être négligé. Seules les personnes en parfaite santé ayant les poumons, le cœur, mais surtout le système nerveux, la circulation et les glandes endocrines en bon état, peuvent être reçues dans cette vie dédiée aux préceptes évangéliques. En ce qui concerne les fonctions endocrines, il y a des personnes qui pensent, surtout chez les femmes, que leur arrêt précoce serait un prélude à une vie de sainteté. En réalité, c’est une tragédie qui frappe à la porte : la désorganisation mentale, à différents degrés, provoquant des exagérations, des distorsions, des fixations, des fantaisies, des visions — toutes issues de désordres mentaux non traitées. Souvent, « l’attrait du monastère » n’est pas, en fait, une inclination, mais une infirmité d’adaptation, pour des causes organiques ou autres. Mais le véritable appel n’a rien à voir avec une infirmité. Le courage de choisir librement cette voie du salut ne dénigre pas l’autre voie du salut, celle de la famille. Les infirmes voient dans le monastère : du rêve, de la légèreté, pour finir dans la déception et les tentations. Les vraies vocations voient clairement l’effort héroïque vers la perfection qui leur est demandé.

Il est également très utile de savoir dès le début quel est le point de vue de chacun sur le mal. De nombreuses structures psychiques sont les proies de l’obsession du mal, du péché, du diable, ils sont les ennemis du corps et de la famille — il s’agit d’obsessions et d’interprétations malsaines, signes d’un climat mental maladif présent, ou à venir. Ces scélérats se livrent eux-mêmes à des efforts ascétiques qui ruinent leur santé — ils ne sont pas bons dans les monastères. Et si, toutefois, ils sont reçus, sous leur influence la communauté peut tomber proie à la dissolution. Les infirmes se focalisent sur des points non essentiels du christianisme, tels que par exemple le typique, le calendrier (le stylisme), voire la règle ou les coutumes extrêmes, qui ne causèrent que des ennuis à l’Église.

On peut toujours trouver des moines, mais il est très rare de trouver des guides : les higoumènes et les pères spirituels. Ils doivent être des esprits éclairés, avoir des vues larges, être de bons connaisseurs de l’homme : clairs dans la doctrine, avancés dans l’humilité, d’un jugement sûr et, par-dessus tout, des personnalités combinant l’amour et l’autorité. De leurs missions, je n’en mentionne qu’une :

L’unification spirituelle de la communauté, dans une même pensée. Cet objectif est si difficile à atteindre, et il est si grand, qu’il attire la présence invisible de Jésus dans un tel lieu. L’amour de Dieu et des hommes, au sein d’une communauté unie, est élevé par le Nouveau Testament à la valeur de preuve de l’existence de Dieu. C’est Sa dernière définition, Son commandement et Sa prière. Voici le rôle et la tâche des higoumènes. On peut facilement ériger des murs et des bâtisses, rassembler des gens — la difficulté est de bien les choisir. Car beaucoup d’entre eux semblent bons, pris à part, mais ensemble ils se gâtent — ils deviennent ce qu’ils étaient réellement.

Les grandes communautés, qui le sont devenues par manque de prévoyance, même avec des pères spirituels de qualité, auront la vie courte. Chaque personne est un monde d’inconnus. Par conséquent, établir une union entre des personnes, ne serait-ce que quelques-unes, est une preuve de l’œuvre divine et il n’y a que Dieu qui peut le faire à la perfection.

Donc, en guise de conclusion de mes opinions : il est plus profitable d’éviter de fonder des monastères voués à la décadence. Car les ruines préservées sont pour le peuple les témoins d’un passé glorieux, et ont plus d’influence sur la conscience populaire que les réalisations actuelles dépourvues d’esprit. Non pas beaucoup de monastères, mais peu : seulement quelques-uns, mais d’une grande qualité, et d’une taille modeste. »

L’église en bois la Dormition de la Mère de Dieu, village Pietroasa

L’église en bois la Dormition de la Mère de Dieu, village Pietroasa, département de Timiș

 

Départ pour l’éternel

Le père Arsenie est décédé à Sinaia le 28 novembre 1989.

« Il y a toutes sortes de rumeurs, des avis par des personnes incompétentes, par des personnes qui ne connaissent pas la réalité et qui veulent attirer l’attention de tout le monde sur le père. On dit qu’il a parlé à Ceaușescu, qu’il a dit à Ceaușescu qu’il allait mourir et je ne sais pas quoi… Ce n’est pas vrai ! Ce sont des choses qui ne sont pas arrivées et qui ont été inventées par les gens et lues par les croyants et les incroyants, après quoi ils tirent des conclusions qui ne sont pas vraies. Il souffrait, il avait quelque chose avec les reins, ce qui a provoqué sa mort. Ensuite, à l’âge de 79 ans, il n’est pas question de savoir pourquoi vous êtes décédé. Tu meurs parce que le monde meurt à l’âge de 79 ans et même plus tôt. Le père Arsenie a donc fini à Sinaia autour de neuf heures du soir, le 28 novembre 1989. »

Le père Arsenie a été enterré dans le cimetière du monastère de Prislop le 4 décembre 1989, accompagné par une foule impressionnante de croyants.

« Le tombeau du père Arsenie au monastère de Prislop, son esprit au monastère de Sâmbăta-Brâncoveanu, la réalisation de Sinaïa, la peinture de l’église de Drăgănescu, parlent et parleront encore longtemps, sinon pour toujours, de la vie en Jésus-Christ, de la foi en Christ, de l’amour pour le Christ, de la vérité de l’Église orthodoxe, le tombeau de sa sainteté et la croix du tombeau étant l’un des lieux de pèlerinage les plus connus et en même temps les plus discrets, où des chrétiens viennent du pays entier, et même de l’étranger. Ils viennent, ils prient, allument une bougie, ils se prosternent et demandent son intercession par la prière de feu du père Arsenie pour eux, pour leurs familles, pour le pays, pour le monde, pour l’Église, pour nous tous. »

À la pannychide de 12 ans, sa sainteté, le père Daniil Partoşan, dans son sermon à cette occasion, synthétisant la vie spirituelle et l’œuvre du père Arsenie Boca, a notamment déclaré :

« J’ai médité et réfléchi : quelle importance, parmi tant d’autres, ont pour notre époque, pour notre temps, la personnalité, l’activité et le travail spirituel, ainsi que ses réalisations écrites ou artistiques du père Arsenie ? Et j’ai trouvé une similitude, j’ai trouvé une comparaison avec ce qui s’est passé à Babylone à l’époque du roi Belshatsar, lorsqu’à son festin idolâtre et païen, Dieu envoya une main qui écrit sur le plâtre du mur à l’intérieur du palais. L’empereur trembla. Il ne savait pas ce que ces mots voulaient dire, pas plus que les autres membres de son entourage, mais le prophète Daniel, appelé par l’impératrice, est venu traduire l’inscription : ‹ Mene, mene, techel ufarsin › — ‹ Compté, compté, pesé et divisé ›. [Daniel V]

C’est ainsi qu’il me semble que notre père Arsenie a fait à notre époque, dans notre Église, dans notre pays, dans notre peuple, dans nos familles, dans nos âmes : il nous a déchiffré, nous a expliqué, nous a traduit le message de Dieu, la parole de Dieu, la grâce et le don de Dieu, il nous a même lu et déchiffré quelques-uns des signes du temps que nous vivons et que nous témoignons de nos jours, pour qu’aujourd’hui nous puissions vivre de manière chrétienne, dans un esprit purement orthodoxe, dans la fidélité et le respect envers notre Église Orthodoxe, une, catholique et apostolique. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui, comme la femme de Sunam sur le mont Carmel [II Rois IV], non par curiosité ni à cause d’autres pensées, mais par nécessité spirituelle, car, je le répète, nous avons besoin, comme Saint Élisée, de pierres du Carmel, nous avons besoin du feu du Carmel, nous avons besoin des traces des pas de saint Élie sur le Carmel [I Rois XVIII], nous avons besoin de l’esprit et du pouvoir, de la prière, de l’intercession et de la bénédiction de notre père béni, l’hiéromoine Arsenie. »

 

 

Gânscă, Ioan, Părintele Arsenie Boca – mare îndrumător de suflete din secolul XX. O sinteză a gândirii părintelui Arsenie în 800 de capete, Editura Teognost, Cluj-Napoca, 2002

Traduction: hesychia.eu

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