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Saint Cosmas l’Étolien – éclaireur de la Grèce, apôtre des pauvres

24 octobre 2020

Une des figures les plus curieuses, les plus intéressantes et, je dois ajouter, les plus sympathiques parmi les néomartyrs de l’Église grecque, est à coup sûr celle de Cosmas l’Étolien. Voilà peu de jours, le saint synode de Constantinople décidait de procéder à la canonisation solennelle de ce personnage et d’étendre le culte dont il jouissait déjà en plusieurs régions. Le moment paraît donc bien choisi pour présenter à nos lecteurs une esquisse de sa très originale physionomie.

 

Notre héros, né au village d’Apokouro, près de Naupacte (Lépante), en Étolie, d’où son surnom, fut appelé Constant au baptême. Dès l’âge de huit ans, ses parents l’envoyèrent à Sigditsa de Parnasside où il étudia dix années auprès de Gérasime Lytsikas, à la fois prêtre et instituteur. Il resta ensuite deux années dans sa famille, puis aida le diacre Ananie Derbisanos, lui aussi élève de Gérasime, à tenir l’école de Lobotina. Nous le retrouvons plus tard au Mont Athos où il s’est rendu avec plusieurs compatriotes, attirés comme lui par la renommée de l’école fondée au monastère de Vatopédi par le patriarche Cyrille V, sous la direction d’Eugène Boulgaris. Constant suivit les cours de grammaire de Panayote Palamas et les leçons philosophiques de Nicolas Zertzoulès.

Quelle date assigner à ces divers faits ? À en croire S. Christodoulidès, Cosmas serait né en 1714. Comme l’école athonienne s’ouvrit seulement en 1753, il serait resté près de vingt ans instituteur et touchait la quarantaine lorsqu’il se remit sur les bancs.

Dès 1758, l’école, un moment si florissante, n’existait plus. Constant se retira au couvent de Philothée, où il prit, avec l’habit religieux, le nom de Cosmas. Il ne tarda pas à être ordonné prêtre et reçut la charge d’ephemerios. Mais bientôt la vie monotone de l’Athos lui parut insupportable : il brûlait déjà de répandre parmi ses frères moins fortunés la science qu’il avait pu acquérir, et, si l’humilité le fit hésiter un instant, il vit ses doutes s’éclaircir en lisant dans l’Écriture Sainte consultée au hasard ces paroles : Que nul ne cherche son propre avantage, mais chacun le bien des autres [I Cor. X : 24]. Les plus sages et les plus prudents parmi les moines ayant approuvé son projet, i partit pour Constantinople.

Son frère Chrysanthe, professeur à l’école du Phanar, lui donna quelques leçons de rhétorique. Il obtint des lettres de recommandation du patriarche Séraphim II (1760) et inaugura sa double mission d’apôtre de l’orthodoxie et de l’instruction publique par des prédications dans la capitale et aux environs.
De Constantinople, Cosmas se rendit à Naupacte. Cette ville, Vrakhori, Mesolonghi, une foule d’autres localités de la région entendirent tout à tour sa parole. Il est bien regrettable que la pénurie des documents nous empêche de le suivre dans le détail de ses courses. Nous savons seulement qu’il prêchait à Galaxidi le 13 octobre 1771 : le texte de ce sermon est venu jusqu’à nous.

 

Cette première période de prédications dura quelques quatorze ans. Cosmas revint à Constantinople où il reçut une nouvelle approbation du patriarche d’alors, Sophrone II : celui-ci ayant été élu en 1774, c’est presque sûrement cette année-là que Cosmas eut affaire à lui, car il eut ensuite le temps de visiter la plupart des îles de l’Archipel, et, en 1775, il rentrait au Mont Athos. Ce n’était pas pour y prendre un repos bien mérité : il prêcha dans tous les monastères et les skites, en commençant par Xéropotamos, où il avait débarqué et où Dapontès eut l’honneur de le recevoir dans sa cellule. Le couvent d’Esphigmenos a, lui aussi, conservé le souvenir de son passage : en le voyant ruiné, désert, abandonné à la garde de deux moines, Cosmas en prédit le prochain relèvement.

À son départ de la sainte montagne qu’il ne devait plus revoir, l’infatigable missionnaire parcourut presque toute la Macédoine, s’avança jusqu’en Épire, de Chimara descendit en Étolie et en Carnanie, alla par Naupacte et Doride, en Parnasside et en Eurytanie, puis revint en Épire où il prêcha entre autres à Arta et à Préveza. Cette région du continent évangélisée, il s’embarqua pour Leuvade ou Sainte-Maure, et de là pour Céphalonie où il fit un séjour prolongé et où ses prédications obtinrent le plus vif succès.
On lui attribue dès lors plusieurs miracles. Un pauvre tailleur à la main desséchée, un paralytique, un sourd, furent guéris pour avoir assisté à ses sermons. À Kourouni, un puits où il n’avait troué pour étancher sa soif qu’un peu de boue liquide se remplit désormais régulièrement d’une eau abondante. À Argostoli, une source jaillit soudain au pied de la croix érigée par lui : source et puits ont continué à guérir les malades.

Cependant le zèle de Cosmas à dénoncer les abus des puissants du lieu lui attira aussi des inimitiés. Quelques-uns demandèrent son expulsion au provéditeur vénitien, mais celui-ci n’osa pas l’accorder à cause de l’immense popularité dont jouissait le moine.
Invité par les habitants de Zante, Cosmas se rendit aussi dans leur île, accompagné de plus de dix bateaux pleins d’enthousiastes admirateurs qui ne voulaient pas le quitter. Il y resta peu de temps et sans grands résultats. Après une nouvelle station à Céphalonie, il gagna Corfou. De nouvelles difficultés surgirent, l’affluence des auditeurs ayant éveillé la susceptibilité ombrageuse des Vénitiens. Cosmas passa alors sur le continent et par le petit port d’Ayi Saranta (Quarante-Saints) pénétra en Albanie.

C’est sur cette dernière période de sa vie que nous sommes le mieux renseignés. D’après une note manuscrite trouvée sur un volume de Castro par Anthime Alexoudès, métropolite de Bérat, Cosmas prêcha dans cette ville du 22 au 25 août 1777 : sur ses exhortations, les femmes renoncèrent à leurs bijoux et à leurs robes de soie.

 

En outre, cinq lettres du missionnaire ont été publiées, toutes les cinq de l’année 1779, qu’il ne devait pas finir sur cette terre.
La première, datée du mois de janvier, est adressée aux habitants du village de Zalongo, près de Paramythia. Il rappelle comment il a fondé une école pour leurs enfants et comment il a constitué un comité chargé de veiller à son fonctionnement : il les exhorte avec chaleur à faire tous les sacrifices pour en assurer désormais l’entretien.
La deuxième lettre, du 2 mars de la même année, est de Cosmas à son frère Chrysanthe, alors professeur à Naxos. Voici la traduction des passages les plus intéressants : « Ce que je fais et ce qui m’arrive paraît incroyable à beaucoup, et moi-même ne peux le comprendre : je n’en parle que pour que tu glorifies le Seigneur et que tu te réjouisses de voir les frères (c’est-à-dire les chrétiens auxquels il prêche) faire suffisamment pénitence. J’ai parcouru jusqu’à trente diocèses, j’ai fondé dix écoles de grec ancien et deux cents écoles primaires (dans le grec du temps, écoles communes). À présent, je suis du côté de Paramythia et de Margarité. J’espère jouir avant peu de ta présence. J’ai passé au pays : tous nos parents et mis te saluent… Dix mille chrétiens m’aiment et un me hait. Mille Turcs m’aiment et un pas précisément. Mille Juifs veulent ma mort et un non. »
Les trois autres lettres écrites aux habitants de Préveza au mois d’avril, aux habitants de Mouzina au mois de juillet et aux habitants de Senitza le 28 juillet, ne sont qu’une répétition mot pour mot de celle que Cosmas écrivait quelques mois auparavant aux villageois de Zalongo : les noms propres seuls sont changés.

On s’imagine aisément quelle énorme influence dut exercer l’infatigable l’apôtre sur ces rudes populations de l’Albanie et de l’Épire. Souvent l’affluence était telle auprès de lui que la prédication avait lieu en plein air. Dans ce cas, il faisait dresser une grande croix au pied de laquelle on plaçait, pour lui servir de chaire, un fauteuil recouvert de velours, dont Kourt Pacha, gouverneur de Ianina, lui avait fait cadeau pour cet usage.

 

Cosmas prêchait avec la plus grande simplicité et une calme douceur. Il traitait surtout, semble-t-il, de sujets de morale populaire : le pardon des injures, la fuite du luxe, le repos dominical, l’assistance aux offices, et autres semblables.
Avant de se rendre dans une localité, il faisait avertir les habitants de se préparer par la confession, le jeûne et une agrypnie (l’usage de l’agrypnie ou pannyehis, c’est-à-dire de la nuit entière passée en prière à l’église, bien que rare en dehors des monastères est loin d’avoir disparu dans les provinces). À son arrivée, il distribuait gratis des cierges à tout le monde : il tenait tellement à une brillante illumination de l’église qu’il transportait partout avec lui deux brûloirs en bois pouvant recevoir cent cierges chacun. Quarante ou cinquante prêtres, qui le suivaient habituellement dans ses courses, donnaient l’enchelaion (dans l’Église grecque orthodoxe, le sacrement de l’enchelaion, c’est-à-dire de l’Extrême-Onction, n’est donné habituellement qu’aux bien portants, lors des communions générales qui accompagnent les grandes fêtes), enfin venait le sermon.

Il n’oubliait pas les besoins du corps. Dès la veille au soir, il faisait préparer une grande quantité de pains et de nombreux chaudrons de blé bouilli : ces provisions étaient installées sur les chemins que devait suivre le peuple ; chacun en recevait sa part en priant pour les bienfaiteurs qui leur procuraient cette provende.
C’est en effet, à l’aide d’aumônes recueillies chez les riches que le moine pouvait subvenir à ses générosités. On raconte qu’il distribua aux églises plus de quatre mille fonts baptismaux en cuivre, ayant coûté dix piastres chacun ; aux fidèles qui savaient lire ou qui promettaient d’apprendre, quantité de livres de piété et d’instruction religieuse ; aux autres, des chapelets et des croix, ces derniers objets au nombre de cinq cent mille. Bien plus, il fournissait des peignes aux hommes qui lui promettaient de laisser croître leur barbe et de vivre désormais en bons chrétiens ; des voiles aux femmes pour se couvrir modestement la tête : de ces voiles, il en donna quarante mille à ses auditrices !…

Bien entendu, les faits réputés miraculeux viennent appuyer la parole de Cosmas. Des musulmans de Filiatès le voient, pendant son sommeil, enveloppé d’une lumière qui semble descendre du ciel. Les croix qu’il a plantées tiennent de lui ne vertu salutaire. À Lakourisi, un musulman a l’audace d’en abattre une pour s’en fabriquer un bois de lit : il est saisi d’un mal étranger dont il ne guérit qu’après être allé, sur le conseil de deux coreligionnaires, la replacer de ses mains avec respect et avoir imploré la pitié du missionnaire.
Dieu protège son serviteur. Un musulman qui le poursuit pour lui faire un mauvais parti se casse le bras en tombant de cheval, et, rentré chez lui, trouve son fils mort.
Les musulmans, d’ailleurs, tout comme les chrétiens, recourent au pouvoir du thaumaturge : un officier est débarrassé en quatre jours d’une cruelle maladie en buvant de l’eau bénite par Cosmas, après avoir promis de ne plus boire d’eau de vie et de distribuer aux pauvres le dixième de ses biens.
Voici un prodige plus étrange. Une femme gardait dévotement dans un vase de verre l’eau où Cosmas s’était lavé le visage. Bientôt elle vit pousser une plante, ornée seulement de deux feuilles, qui grandit jusqu’à remplir le vase, où, dépourvue de racines, elle flottait sur l’eau. Le phénomène dura toute une année et l’eau servit à opérer maintes cures…

Signalons enfin les châtiments qui frappaient souvent le pécheur réfractaire à la voix divine : tel perdait subitement un bœuf, un mulet, voire un enfant ; tel était saisi par le démon. Deux marchands, l’un de Parga, l’autre de Khalkiadès, près d’Arta, ayant, malgré les avis reçus, constitué à vendre le dimanche, virent leur main se dessécher et ne guérirent qu’après avoir obtenu le pardon du Saint. Une femme de Xiroméno avait pétri son pain le dimanche : au sortir du four, elle le trouva rouge comme s’il eût été préparé avec du sang et il fallut l’intervention de Cosmas pour le ramener à l’état normal.
Une femme riche de Koritza aimait à orner la tête de son fils de pièces de monnaie et d’autres objets précieux. Ennemi du luxe, Cosmas l’exhortait à distribuer ce trésor aux pauvres, si elle voulait conserver son enfant. Comme elle n’obéissait pas, il l’avertit un jour qu’elle le perdrait avant peu : de fait, l’enfant mourut le lendemain…

Cependant, la mort allait mettre un terme à cette activité si extraordinaire chez un moine grec moderne. Des Juifs de Ianina dénoncèrent Cosmas à Kourt Pacha comme soulevant le peuple et comme poussant les chrétiens à émigrer en Russie. Ils ne réussirent pas tout d’abord. Cosmas, qui, nous l’avons vu, avait l’estime du pacha, n’eut pas grand’peine à se justifier : il en coûta seulement une somme d’argent à ses amis.

Avec une sage prudence, jusque-là le prédicateur n’avait jamais attaqué les Juifs dans ses discours. Il n’avait plus aucun motif de les ménager. Il revint donc à Ianina et les dénonça publiquement comme des ennemis toujours prêts à nuire aux chrétiens, exhorta ses coreligionnaires à ne plus leur acheter les longs glands de leur coiffure et autres objets semblables qui étaient la spécialité des marchands juifs ; obtint d’eux le transfert au samedi du marché qui avait auparavant lieu le dimanche. C’en était trop. Les Juifs, cette fois, payèrent largement Kourt Pacha pour qu’il les débarrassât de leur redoutable adversaire. Le gouverneur, d’accord avec son hodja ou secrétaire, son conseiller habituel, y consentit.

Cosmas prêchait alors au village de Kolikontasi. Selon sa coutume, il avait sollicité l’autorisation du métropolite de Bérat, et, par exprès, celle du hodja qui se trouvait à cette époque dans un village voisin. Pour plus de sûreté et malgré les remontrances des chrétiens, il voulut rendre lui-même visite au secrétaire, ce qu’il fit, accompagné de quatre moines et d’un prêtre comme interprète. Le hodja prétendit avoir reçu l’ordre de Kourt Pacha de lui envoyer Cosmas et le fit aussitôt garder à vue dans sa cour. Cosmas comprit le sort qui l’attendait. Il remercia Dieu de l’avoir jugé digne du martyre, et, se tournant vers les moines qui étaient avec lui, prononça ce verset du psaume : Nous avons traversé le feu et l’eau, et tu nous as conduit au repos. La nuit se passa en prières. Au point du jour, sept Turcs le firent monter à cheval sous prétexte de le conduire à Bérat auprès de Kourt. Mais à deux heures de là, au lieu-dit Mouzakia, ils s’arrêtèrent sur les bords de la rivière et lui montrèrent l’ordre d’exécution signé par le pacha.

 

Plein d’allégresse, Cosmas s’agenouilla pour adresser au ciel de nouvelles actions de grâces, puis, se redressant, il bénit le monde par un signe de croix vers les quatre points cardinaux. Les bourreaux l’adossèrent à un arbre et voulurent lui lier les mains ; ils s’y refus et les tint croisées sur la poitrine. Ils lui passèrent alors une corde au cou et l’étranglèrent. C’était le 24 août 1779 ; la victime était âgée de soixante-cinq ans.

D’après P. Arabantinos, qui déclare tenir ces détails d’Ali Bey, petit-fils de Kourt Pacha, celui-ci ne serait pas responsable de la mort du moine. Un percepteur d’impôts se serait plaint que les contributions rentraient difficilement, parce que les paysans négligeaient leurs travaux pour courir entendre Cosmas ; le pacha lui aurait ordonné de prendre des mesures pour faire cesser cet état de choses, et le percepteur se serait cru autorisé à mettre à mort le missionnaire. Après l’événement, Kourt, irrité contre le percepteur trop zélé, l’aurait mandé à Bérat et condamné au dernier supplice, dont l’auraient seulement sauvé les prières de quelques musulmans.

 

Quoi qu’il en soit, une fois leur besogne accomplie, les bourreaux dépouillèrent le cadavre de ses vêtements, lui attachèrent une pierre au cou et le jetèrent dans la rivière voisine. Les recherches faites par les chrétiens pour le retrouver n’aboutirent tout d’abord pas. Au bout de trois jours seulement, le prêtre Marc, desservant du village de Kolikontasi, qui explorait en barque la rivière, aperçut le corps qui flottait au-dessus de l’eau comme s’il eût été vivant. Il s’approcha, le baisa avec respect, tandis que le sang coulait abondamment de la bouche, le revêtit de son manteau et le rapporta au village de Kolikontasi, où il l’ensevelit dans le narthex de l’église de la Présentation, en présence de Joasaph, métropolite de Bérat.
Les funérailles terminées, arrivèrent les moines qui avaient accompagné Cosmas auprès du hodja et que celui-ci venait de relâcher sur l’ordre de Kourt Pacha. Ils voulurent contempler une dernière fois les traits de leur vénéré père. On rouvrit donc le tombeau : le défunt semblait dormir d’un tranquille sommeil et ses restes émettaient un suave parfum.

Ses disciples prirent quelques reliques. Deux d’entre eux étant allés à Naxos raconter à Chrysanthe la fin héroïque de son frère, avaient en leur possession quelques poils de la barbe du martyr, lesquels opérèrent mainte guérison, en particulier celle d’une femme de Neokhori.
D’autres merveilles eurent lieu à Kolikontasi. Ainsi, chaque nuit, les chrétiens virent la croix plantée par Cosmas dans leur village s’éclairer d’une lumière céleste : le jour de la fête de l’Exaltation, le clergé la transféra solennellement à l’église.
Un des bourreaux, qui s’était emparé de l’epikalymmafkhuion du saint (voile noir qui recouvre le bonnet des moines et de certains ecclésiastiques, en retombant sur les épaules), le porta chez le hodja et s’en coiffa par dérision : mais le démon d’empara soudain de lui ; il se dépouilla de ses vêtements et se mit à courir çà et là en criant : « J’ai tué le moine ! ». Kourt Pacha le fit jeter en prison, où il mourut misérablement.
Parmi les principaux promoteurs du culte rendu à Cosmas, figure le fameux Ali de Tébélen.
On raconte que, dans sa jeunesse, encore simple bey, Ali avait eu avec lui une entrevue, sur la montagne dite de Lekla, à une heure du bourg du même nom. Le moine lui annonça la brillante fortune qui l’attendait et lui donna des conseils, en particulier celui de se réconcilier avec les habitants de Lekla et de Khormovo.

Le terrible pacha fut vivement frappé de voir se réaliser fidèlement les prophéties de Cosmas. Vers 1804, Ali, se trouvant à Bérat, monda le métropolite Joasaph, neveu du prélat homonyme dont nous avons parlé, et lui ordonna de procéder à la translation solennelle des restes du martyr. Celle-ci eut lieu bientôt après ; une église sous le vocable de tous les saints et un monastère furent érigés en son honneur par souscription publique. Le pacha participa lui-même à la dépense. […] En outre, Ali fit exécuter par son grand-père, habile orfèvre de Calarryta, un reliquaire d’argent, destiné à contenir le crâne du saint. Quand il l’eut entre ses mains, il le caressa trois fois de sa barbe en signe de respect, et comme quelques musulmans osaient murmurer en constatant ce manque de vénération, le terrible tyran s’écria : « Amenez-moi un musulman qui vaille ce chrétien et je lui baiserai les pieds. »
Nous possédons, de 1814, une lettre de Gabriel, métropolite de Ianina, à son collègue Joasaph de Bérat, où il le prie de lui envoyer, sur la demande de ses diocésains, la tête du martyr, pour obtenir, par son intercession, d’être délivrés de la peste qui ravageait alors le pays.
Enfin, c’est en 1814 que parut à Venise, chez Nicolas Glykys, 38 pages in-8º, l’office de notre saint Père Cosmas, hiéromartyr et égal aux apôtres, par Sappheiros Christodoulidès. Ce Sappheiros ou Zapheirios était originaire de Grammeno en Épire : il affirme avoir entendu prêcher Cosmas ; nous savons encore qu’il était professeur à Metzovo vers 1832-1835. L’office n’a qu’une mince valeur littéraire, mais il est très complet, comme c’est l’usage pour les fêtes de saints les plus solennelles. Le synaxaire ou notice historique est en grec vulgaire.

R. Bousquet, Cosmas l’Étolien, in Échos d’Orient, tome IX, no. 58, 1906, p. 149–155

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