par hiéromoine Seraphim Rose
Chaque hérésie a sa propre « spiritualité », sa façon propre d’approcher les dimensions pratiques de la vie religieuse.
Ainsi, le catholicisme romain, jusqu’à récemment, avait une piété bien distincte, liée au « Sacré-Cœur », à la papauté, au purgatoire et aux indulgences, aux révélations de divers « mystiques », etc. et un observateur orthodoxe attentif pouvait détecter dans de tels aspects de la spiritualité latine moderne les résultats pratiques des erreurs théologiques de Rome. Le protestantisme fondamentaliste a lui aussi sa propre approche de la prière, ses hymnes typiques, son approche du « réveil » spirituel ; et dans tous ceux-ci on peut détecter l’application à la vie religieuse des erreurs fondamentales de la doctrine chrétienne. Le présent livre traite de la « spiritualité » de l’œcuménisme, la principale hérésie du XXe siècle.
Jusqu’à récemment, il est apparu que l’œcuménisme était quelque chose de si artificiel, de si syncrétique, qu’il n’avait pas de spiritualité propre ; l’agenda « liturgique » des rassemblements œcuméniques, grands et petits, semblait n’être rien de plus qu’un service dominical protestant élaboré.
Mais la nature même de l’hérésie œcuméniste — la croyance qu’il n’y a pas une seule Église visible du Christ, qu’elle ne se forme que maintenant — est telle qu’elle dispose l’âme sous son influence à certaines attitudes spirituelles qui, avec le temps, devraient produire une « piété » et une « spiritualité » œcuménistes typiques. De nos jours, cela semble enfin se produire, alors que l’attitude œcuménique d’« attente » et de « recherche » religieuses commence à être récompensée par l’activité d’un certain « esprit » qui offre une satisfaction religieuse aux âmes stériles de la friche œcuméniste et aboutit à une « piété » caractéristique qui n’est plus d’une simple tonalité protestante.
Ce livre a débuté en 1971 par un examen de la dernière mode « œcuménique » — l’ouverture d’un « dialogue avec les religions non-chrétiennes ». Quatre chapitres sur ce sujet ont été publiés dans The Orthodox Word en 1971 et 1972, traitant principalement des événements de la fin des années 1960 au début de 1972. Le dernier de ces chapitres était une discussion détaillée du « renouveau charismatique » qui venait d’être adopté par plusieurs prêtres orthodoxes d’Amérique, et ce mouvement y était décrit comme une forme de « spiritualité œcuménique » comprenant des expériences religieuses distinctement non-chrétiennes.
Ce dernier chapitre en particulier a suscité beaucoup d’intérêt parmi les orthodoxes, et il a contribué à en persuader certains de ne pas participer au mouvement « charismatique ». D’autres, qui avaient déjà participé à des rencontres « charismatiques », ont quitté le mouvement et confirmé nombre des conclusions de cet article à ce sujet. Depuis, le « renouveau charismatique » dans les paroisses « orthodoxes » d’Amérique, à en juger par le périodique du père Eusebius Stephanou, The Logos, a entièrement adopté le langage et les techniques du revivalisme protestant, et son caractère non-orthodoxe est devenu clair pour tout observateur sérieux. Malgré la mentalité protestante de ses promoteurs, le « renouveau charismatique » en tant que mouvement « spirituel » est définitivement quelque chose de plus que le protestantisme. La caractérisation de celui-ci dans l’article cité comme une sorte de médiuminisme « chrétien », corroborée par nombre de ses observateurs, le relie à la nouvelle « spiritualité œcuménique » dont est née une nouvelle religion non-chrétienne. .
À l’été 1974, l’un des monastères américains de l’Église Russe-Hors-de-Russie a été visité par un jeune homme qui avait été dirigé vers l’un de ses moines par « l’esprit » qui le fréquentait constamment. Au cours de sa brève visite s’est déroulée l’histoire de ce jeune homme. Il était d’origine protestante conservatrice, ce qu’il trouvait spirituellement stérile, et il avait été initié aux expériences « spirituelles » par sa grand-mère pentecôtiste : au moment où il touchait une Bible qu’elle lui avait donnée, il recevait des « dons spirituels » — notamment, il était assisté par un « esprit » invisible qui lui donnait des instructions précises sur les endroits où marcher et conduire ; et il était capable d’hypnotiser les autres et de les faire léviter selon sa volonté (un talent qu’il utilisait pour terroriser les connaissances athées). Parfois, il doutait que ses « dons » venaient de Dieu, mais ces doutes étaient surmontés lorsqu’il réfléchissait sur le fait que sa « stérilité » spirituelle avait disparu, que sa « renaissance spirituelle » était le fruit du contact avec la Bible, et qu’il semblait mener une vie « spirituelle » et de prière très riche. En se familiarisant avec l’orthodoxie dans ce monastère, et surtout après avoir lu l’article sur le « renouveau charismatique », il a admis qu’il avait trouvé ici la première explication complète et claire de ses expériences « spirituelles » ; très probablement, avoua-t-il, son « esprit » était mauvais. Cette prise de conscience, cependant, ne semblait pas toucher son cœur, et il est parti sans se convertir à l’orthodoxie. Lors de sa visite ultérieure, deux ans plus tard, il a révélé qu’il avait abandonné les activités « charismatiques » car trop effrayantes et qu’il était maintenant spirituellement content de pratiquer la méditation Zen.
Cette relation étroite entre les expériences spirituelles « chrétiennes » et « orientales » est typique de la spiritualité « œcuménique » de nos jours. Pour cette deuxième édition, beaucoup a été ajouté concernant les cultes religieux orientaux et leur influence aujourd’hui, et sur un phénomène « séculier » majeur qui contribue à former une « nouvelle conscience religieuse » même parmi les non-religieux. Aucun de ces mouvements, en soi, n’a une signification cruciale dans la constitution spirituelle de l’homme contemporain ; mais chacun à sa manière caractérise l’effort de nos contemporains pour trouver un nouveau chemin spirituel, distinct du christianisme d’hier, et leur ensemble révèle un objectif unique effrayant, dont le but ultime semble à présent se profiler au-dessus de la horizon.
Peu de temps après la publication de l’article sur le « renouveau charismatique », The Orthodox Word a reçu une lettre d’un écrivain ecclésiastique orthodoxe russe respecté qui connaît bien la littérature théologique et spirituelle orthodoxe, précisant : « Ce que vous avez décrit ici est la religion de l’avenir, la religion de l’Antichrist ». De plus en plus, alors que cette forme et des formes similaires de spiritualité contrefaite s’emparent même des chrétiens orthodoxes nominaux, on frémit de voir la tromperie dans laquelle les chrétiens spirituellement non préparés peuvent tomber. Ce livre est un avertissement pour eux et pour tous essayant de vivre une vie chrétienne orthodoxe consciente dans un monde possédé par des esprits impurs. Ce n’est pas un traitement exhaustif de cette religion, qui n’a pas encore atteint sa forme définitive, mais plutôt une exploration préliminaire de ces tendances spirituelles qui, semble-t-il en effet, préparent la voie à une vraie religion de l’anti-christianisme, une religion d’apparence « chrétienne », mais centré sur une expérience païenne « d’initiation ».
Que cette description de l’activité de plus en plus évidente et effrontée de satan, le prince des ténèbres, parmi les « chrétiens », inspire aux vrais chrétiens orthodoxes la peur de perdre la grâce de Dieu et les ramène aux sources pures de la vie chrétienne : les Saintes Écritures et la doctrine spirituelle des Saints Pères de l’Orthodoxie !
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