Saint Jean Chrysostome (†407)
Œuvres complètes, Tome X, p.398, Traduction par M. Portelette, Arras, 1887
Que dirai-je donc au païen, me demande-t-on? […] Considérez non-seulement ce que vous pouvez dire au païen, mais la manière de le corriger. Quand l’examen qu’il fait de votre vie, est pour lui une occasion de scandale, pensez alors à ce que vous lui direz. Vous ne payerez pas pour lui-même, s’il est scandalisé; toutefois si votre manière de vivre le blesse, vous courez les plus affreux dangers. Il vous entend disserter sur le royaume de Dieu, et il vous voit épris des choses présentes ; il vous voit craindre l’enfer, et en même temps redouter les malheurs d’ici-bas; voilà ce qui doit vous donner des inquiétudes. Le païen vous accuse, et vous dit : Si vous aspirez au royaume du ciel, pourquoi ne méprisez-vous pas les choses présentes? Si vous êtes dans l’attente du redoutable tribunal, pourquoi ne méprisez-vous pas les malheurs présents? Si vous espérez l’immortalité, pourquoi ne vous moquez-vous pas de la mort? A de tels discours, méditez votre défense. On vous voit trembler pour une perte d’argent, vous qui attendez le bonheur du ciel; pour une obole de profit, la joie vous inonde; vous trahissez votre âme pour un peu d’argent, voilà ce qui doit vous donner des inquiétudes; car voilà, voilà ce qui scandalise le païen. Donc, si vous avez souci de votre salut, préparez votre défense à cette occasion, votre défense, non par des paroles, mais par vos actions.
Corrigez-vous donc de ces désordres.
Le païen, d’ailleurs, ne manquera pas de vous dire encore : et comment puis-je savoir que Dieu n’a commandé que ce qu’il est possible de pratiquer? Vous êtes chrétien de père en fils, élevé dans cette bonne religion, et pourtant vous ne faites rien de digne de cette religion. Que lui répondrez-vous? Il faudra vous borner pour toute réponse à lui dire : Je vous montrerai d’autres personnes qui pratiquent les vertus chrétiennes, à savoir les moines des déserts. Ne rougissez-vous pas, vous qui vous confessez chrétien, de vous en remettre aux autres parce que vous ne pouvez pas montrer en vous-même la pratique des devoirs d’un chrétien ? Le païen vous répondra sur-le-champ : Quelle est donc la nécessité de se transporter sur les montagnes et dans les déserts ? Si la sagesse n’est pas possible au milieu des villes, vous attaquez gravement cette religion qui fait un devoir de sortir des cités pour courir aux déserts. Montrez-moi un homme ayant femme et enfants, une maison à lui, et pratiquant la vertu chrétienne. Eh bien ! que répondrons-nous? n’y a-t-il pas là à baisser la tête et rougir ? Le Christ, en effet, n’a pas commandé d’aller vivre au désert, mais qu’a-t-il dit? «Que votre lumière brille devant les hommes» (Mt 5, 16) ; il ne dit pas devant les montagnes, ni les déserts ou les lieux inaccessibles. Ce que je dis maintenant, ce n’est pas pour dénigrer ceux qui ont occupé les montagnes, mais pour déplorer le malheur de ceux qui habitent les villes, et qui en ont banni la vertu. C’est pourquoi, je vous en conjure, rappelons cette sagesse qui est sur les montagnes, faisons-la rentrer dans nos murs, afin que les cités deviennent réellement des cités : voilà la manière de corriger le païen, voilà la manière d’éviter mille scandales. Voulez-vous à la fois, et le délivrer de tout scandale, et vous assurer à vous-même le bonheur de jouir d’innombrables récompenses? Corrigez votre propre vie, rendez-vous de tous les côtés, resplendissant. «Afin que les hommes voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre père qui est dans les cieux».
C’est ainsi que nous pourrons jouir de cette gloire, nous aussi, gloire éclatante, ineffable ; puissions-nous tous l’obtenir, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la puissance, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles.
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