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L’archimandrite Justin Popovitch – Le mystère de la personnalité du métropolite Antoine Khrapovitsky I/ II

27 mars 2022

La conférence suivante a été donnée à Belgrade lors d’une réunion solennelle à la mémoire de Sa Béatitude le Métropolite Antoine (Khrapovitsky), Premier Hiérarque de l’Église orthodoxe russe à l’étranger, par le célèbre théologien serbe, l’archimandrite Dr. Justin Popovitch, alors professeur de théologie dogmatique à la Faculté de théologie de l’Université de Belgrade. Cette conférence a été publiée dans la revue de la Faculté de théologie orthodoxe de Belgrade « Theologie » (vol. XIV, n° 1, 1939, p. 40).

Je me trouve dans la position d’une fourmi qui doit parler des envolées d’un aigle. Une fourmi peut-elle suivre le chemin de l’aigle ? Non ! Mais il est possible, du point de vue de la fourmi, d’admirer l’aigle qui s’élève dans les cieux et d’être immobilisé par le respect mêlé à la crainte d’une joie douce.

C’est pourquoi, avec ma langue de fourmi, je veux présenter certaines de mes observations, et je vous demande de pardonner à une fourmi d’oser parler d’un aigle de l’orthodoxie. Oh ! je suis fermement convaincu que je ne possède ni l’habileté ni la capacité d’expliquer le mystère de la merveilleuse personnalité de Sa Béatitude, le Métropolite Antoine, mais je ne peux que m’incliner, dans une crainte fervente et un respect pieux, devant les merveilles de son amour illimité pour le Christ et de son amour gracieux pour l’homme.

Quel est le mystère du bienheureux métropolite Antoine ? C’est son amour sans bornes pour le Christ. Examinez n’importe laquelle de ses pensées, ou de ses sentiments, ou de ses désirs, ou de ses œuvres – et partout vous trouverez, comme une force créatrice, son amour incommensurable pour le Christ. Il a vécu et travaillé par le Seigneur Jésus, et donc tout ce qu’il a possédé peut être attribué à l’Homme-Dieu. Sa biographie est une copie de l’Évangile en miniature. En réalité, il n’existe dans le monde qu’une seule biographie qui a une valeur éternelle, et c’est la biographie de l’Homme-Dieu — le Christ ; les biographies humaines n’ont de valeur que dans la mesure où elles sont unies à elle et en découlent. Le bienheureux métropolite Antoine était entièrement uni à Lui et en découlait. Lui, porteur du Christ, suivant les traces du grand apôtre, a voulu, comme nous, ne rien connaître d’autre que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié 1. Ainsi, le mystère de sa personnalité exceptionnelle a mûri dans le mystère de la personnalité de l’Homme-Dieu et rayonne maintenant dans toute son infinité.

L’amour illimité du métropolite Antoine pour le Christ s’est révélé être dirigé vers le monde comme un amour béni pour l’homme. Son amour touchant pour l’homme n’est rien d’autre que son amour priant du Christ étendu aux hommes. Il aimait les hommes sans limites parce qu’il aimait le Christ sans limites. Pour son amour inlassable de l’homme, il puisait sa force dans son amour inlassable du Christ. L’Amant divin des hommes lui a enseigné le véritable amour des hommes et lui a donné les pouvoirs de la grâce pour qu’il puisse y persévérer au prix de nombreuses souffrances. Il a aimé l’homme même dans ses péchés ; il n’a jamais confondu le péché avec le pécheur ; il a condamné le péché, mais a eu pitié du pécheur. Dans son amour pour l’homme, il n’a jamais perdu sa force, il n’a jamais faibli, car il a aimé l’homme par le Christ et dans le Christ. Il est impossible, selon les Évangiles, d’aimer vraiment et complètement les hommes, si Dieu ne nous donne pas les grâces de la force et de l’amour bienheureux. L’amour humain pour les hommes s’éteint rapidement s’il n’est pas nourri par Dieu. Le véritable amour pour l’homme n’est possible que par le véritable amour de Dieu. La vérité du Nouveau Testament est la suivante : l’amour de Dieu est aussi l’amour de l’homme. C’est le divin Sauveur lui-même qui nous l’a enseigné, en faisant dépendre le second du premier. De plus, le Seigneur a réduit tous ses commandements divins à deux : au commandement de l’amour pour Dieu et au commandement de l’amour pour l’homme. Et c’est ainsi qu’Il s’est exclamé : dans ces deux commandements sont renfermés la loi et les prophètes. 2. Ce qui est vrai des prophètes, des apôtres et des martyrs, est également vrai de notre grand et béni Métropolite Antoine, qui aime le Christ et l’homme, car il est entièrement, par toute sa personnalité, établi sur ces deux commandements.

L’amour évangélique pour le Christ, par une nécessité essentielle, se manifeste comme un amour béni pour l’homme. Mais par quels pouvoirs l’amour du Christ et l’amour pour l’homme sont-ils établis et maintenus dans le cœur de l’homme ? Par la prière, le jeûne, la miséricorde, la douceur, l’humilité, la chasteté, la patience. Les vertus évangéliques se nourrissent les unes des autres, vivent les unes dans les autres, et chacune est fortifiée par l’aide des autres. Les saints pères, les apôtres et les ascètes en sont les témoins. Avec eux, le grand ascète de notre temps, le bienheureux métropolite Antoine, en est le témoin, tout comme il a été infatigable et inépuisable dans son amour du Christ et dans son amour bienheureux pour les hommes, puisqu’il a été infatigable et constant dans la prière, dans le jeûne, dans la patience, dans la miséricorde, dans l’humilité, dans la douceur et dans la chasteté. L’amour pour le Seigneur se révèle dans l’accomplissement de ses commandements. C’est le seul signe par lequel celui qui honore le Christ se distingue des autres hommes. Travaillant sans relâche dans le combat évangélique, ce métropolite zélé pour le Christ s’est forgé une vaste et merveilleuse personnalité, qui rappelle celle des saints pères.

Ne vous y trompez pas, le bienheureux métropolite est un phénomène patristique exceptionnel en notre temps. Il a traversé notre siècle orageux sans crainte, comme un apôtre, et avec une douceur évangélique, tout comme les grands pères de l’Église, Athanase, Basile et Grégoire ont traversé le quatrième siècle. En le regardant, je me dis : oui, même maintenant, on peut vivre à la manière patristique, même maintenant, on peut être humble et sans peur comme les pères, même maintenant, on peut être évêque comme les saints pères. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que le Seigneur Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et à travers les siècles ; de même, la nature humaine reste la même depuis Adam jusqu’à nos jours. Les pères de l’Église sont différents de nous non pas par nature, mais par volonté. Pour les imiter, nous devons, selon les paroles de saint Séraphin de Sarov, posséder deux qualités : la résolution et l’effort de volonté. Ce mystère, le mystère du Christ, imprègne complètement ces héros évangéliques. Il traverse sans interruption l’apostolat des apôtres, le martyre des martyrs, les combats des ascètes. Il faut dire plus encore : il coule encore sans interruption à travers l’Église orthodoxe, par sa sainteté, sa catholicité, son apostolicité et son unité. Ce saint mystère a été transmis successivement avec une force exceptionnelle, même à travers la personnalité patristique du bienheureux Antoine métropolitain. Tout son être est enraciné dans les saints pères. De là est né son amour très touchant pour les saints pères ; il ne pouvait même pas parler d’eux sans remords et sans larmes. Ainsi sa personnalité, sa vie, ses travaux s’expliquent aussi par les saints pères. Les saints pères sont ses parents, ses maîtres, ses tuteurs, ses guides. Ils lui ont enseigné la sainteté, ils l’ont poussé à l’ascétisme, ils lui ont donné une sensibilité catholique et une conscience orthodoxe. En luttant inlassablement à travers les combats patristiques, il a transformé sa propre nature et ses habitudes en amour évangélique, en humilité, en douceur et en miséricorde. Réaliser l’Évangile dans sa propre nature, tel est le sens même de l’existence humaine en ce monde. En cela, le bienheureux métropolite est un maître et un guide irremplaçable. Trouvant dans les luttes l’amour évangélique de la co-souffrance pour les hommes, il en a vécu et l’a produit chez les autres. C’est en cela que résident sa puissance merveilleuse et son pouvoir miraculeux.

Mesdames et Messieurs ! Il est un faiseur de miracles ! Par son amour touchant pour l’homme, il a fait des merveilles avec les âmes humaines. N’est-ce pas un miracle que de ressusciter une âme morte à la foi évangélique, à l’humilité évangélique, à la vie évangélique en Christ ! Oui, c’est un miracle ; et c’est un plus grand miracle que de faire sortir un mort de sa tombe ou de déplacer des montagnes. Et de tels miracles, le métropolite en possédait beaucoup, beaucoup. Qui parmi vous n’a pas vécu un tel miracle en sa présence ? Comme personne d’autre, il savait, par la prière et la douceur, entrer dans votre âme et la relever de la mort du péché. La ramener à la vie. Par quel moyen ? Par l’amour co-souffrant. Maîtriser les âmes des hommes par un amour chaste, c’est la voie évangélique, la voie apostolique, la voie patristique, la voie orthodoxe. Toute domination et tout gouvernement des hommes qui ne passe pas par l’amour n’est ni évangélique, ni patristique, ni orthodoxe, mais non évangélique, papale et inquisitoriale.

Ayant traversé les combats évangéliques près de Dieu, le bienheureux métropolite a attiré tous les hommes à Dieu, leur a inspiré les combats évangéliques, car plus un homme est proche de Dieu, plus il est proche des hommes aussi. Quand l’aimant de la grâce attire puissamment l’âme vers les mondes supérieurs, alors l’homme se transforme en une flèche de prière qui traverse les étendues et les siècles à la vitesse de l’éclair. Le tonnerre de la grâce ne frappe le cœur qu’après bien des luttes et des labeurs, et remplit alors l’âme d’un amour et d’une sainteté miraculeux. Un tel tonnerre a frappé le cœur zélé pour le Christ de l’humble métropolite, et il a attiré les hommes à lui, ou plutôt, pour mieux dire, au Christ en lui, par la puissance de l’amour évangélique de la co-souffrance. Par des combats remplis de grâce, il convertit son cœur en un temple de l’Esprit Saint, et il accomplit ainsi la parole qui lui fut adressée lors de sa consécration : la première et principale tâche d’un pasteur est de toujours préparer dans son propre cœur, par des combats spirituels, un temple pour l’Esprit Saint.

 

Archimandrite Justin Popovich, The Mystery of the Personality of Metropolitan Anthony and His Meaning for Orthodox Slavdom, The Orthodox Life, Vol. 34, No. 5, September-October, 1984, p. 31-35

Traduction : hesychia.eu

 


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  1. I Cor. 22
  2. Mt 22,40

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