Catéchèse, Orthodoxie

Saint Basile le Grand : Lettre CCXLII —Aux occidentaux

19 août 2023

Parce que le Dieu saint a promis la délivrance de toute affliction à ceux qui espèrent en lui, et bien que nous ayons été pris au milieu d’une mer de maux, et que nous soyons éprouvés par les vagues énormes que soulèvent contre nous les esprits de la perversité, nous résistons dans le Christ qui nous fortifie, et nous n’avons pas laissé s’éner­ver la vigueur de notre zèle pour les Églises.

 

 

Nous n’atten­dons pas non plus la mort, comme dans une tempête où les flots vainqueurs nous feraient désespérer de notre salut, mais nous gardons encore tout le zèle dont nous sommes capables, car nous savons que même celui qui avait été englouti par le monstre marin fut jugé digne du salut, parce qu’il n’avait pas désespéré de lui-même, et qu’il avait crié vers le Seigneur. Il en est ainsi pour nous : arrivés au dernier degré du malheur, nous n’abandonnons pas l’espoir en Dieu, mais nous regardons tout autour de nous dans 1 attente de son secours. Voilà pourquoi nous tournons aussi les yeux vers vous maintenant, frères très vénérés de nous. Souvent, au temps de nos afflictions, nous avons pensé que vous vous montreriez à nous, mais, déçus dans notre espé­rance, nous nous sommes dit nous aussi : « J’ai attendu quel­qu’un qui partageât ma peine, et personne n’est venu ; des consolateurs, et je n’en ai pas trouvé[1] » Nos malheurs sont tels que le bruit en est parvenu jusqu’aux extrémités de la terre que nous habitons ; et s’il est vrai que, lorsqu’un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui[2], il convenait sans doute que votre miséricorde compatît aux peines que nous endurons depuis si longtemps. Ce n’est pas la proximité des lieux, mais l’union spirituelle qui crée d’ordinaire l’intimité, et nous croyons qu’elle existe pour nous avec votre amour.

Comment donc se fait-il que ni lettre de consolation, ni visite de frères, ni rien d’autre de ce qui nous est dû en vertu de la loi d’amour ne nous est arrivé ? Douze ans ont passé depuis que s’est déchaînée contre nous la guerre hérétique. C’est pendant cette guerre que sont venues pour les Églises des afflictions plus nombreuses que toutes celles dont on fait mention depuis que F Évangile du Christ est annoncé. Nous nous refusons à vous en décrire les détails un à un, de peur que la faiblesse de notre parole ne noie l’évidence de nos maux ; et nous ne croyons pas non plus que vous ayez besoin d’être instruits, parce que depuis longtemps la renommée vous a appris la réalité des faits. Voici en résumé notre malheur : les peuples, ayant abandonné les maisons de prières, se réunissent dans les lieux déserts. Spectacle pitoyable : les femmes, les enfants, les vieillards et les autres êtres faibles restent à souffrir en plein air sous les pluies les plus torrentielles, dans les neiges, les vents et les glaces de l’hiver, comme pendant l’été sous le feu du soleil1. Et ils subissent tout cela parce qu’ils refusent de partici­per au mauvais levain d’Arios.

Comment la parole pourrait-elle vous montrer claire­ment cette tristesse si l’expérience même et le spectacle qui s’offre aux yeux ne vous excitaient à la compassion ? C’est pourquoi nous vous prions de tendre maintenant du moins la main aux Églises d’Orient désormais tombées sur les genoux, et d’envoyer des hommes pour leur rappeler les récompenses qui sont réservées aux souffrances supportées patiemment pour le Christ. La parole qu’on est habitué à entendre n’est pas d’ordinaire aussi efficace que ne l’est la voix étrangère pour apporter la consolation, surtout lors­que ceux qui parlent sont des hommes connus très honora­blement, par la grâce de Dieu, tels que la renommée vous annonce à toute l’humanité : vous avez maintenu votre foi à l’abri des blessures, vous avez gardé inviolable le dépôt apostolique. Malheureusement tel n’est pas notre cas : nous avons eu des gens qui, par un désir de gloire et par l’orgueil qui retourne complètement les âmes chrétiennes, ont encou­ragé certaines nouveautés de langage, et c’est ainsi que les Églises sont tombées en ruine, et, comme des vases devenus poreux, ont subi l’infiltration de la corruption hérétique. Mais vous, ô très aimés de nous et très désirés, soyez les médecins des blessés et les précepteurs de ceux qui se portent bien : guérissez ce qui est malade et préparez à la piété ce qui est sain.

[1] Psaume LXVIII, 21
[2] I Cor., XII, 26.

Saint Basile, Lettres, Tome III, Société d’édition « Les belles lettres », Paris, 1966, p. 65-67

 


 

 

 

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