Iconographie, Orthodoxie, Théotokos

La Mère de Dieu de Pochaev

30 mars 2021

La Mère de Dieu de Pochaev

par E. Poselyanin

 

Cette icône est l’une des plus vénérées de la tradition russe orthodoxe. Sa situation, à la frontière occidentale de la Russie, la rend doublement importante, car elle est positionnée entre l’orthodoxie et le catholicisme. Autour de cette icône, les orthodoxes se sont battus pour leur foi et ont prié pour l’affermissement de leur zèle et de leur persévérance. Grâce à la multitude des miracles dont elle est la source, elle est devenue connue dans tout le monde slave, et elle est vénérée aussi bien par les orthodoxes que par les non-orthodoxes.

 

 

Les miracles opérés par cette icône se distinguent non seulement par leur grand nombre, mais aussi par leur caractère inhabituel. Dans les registres monastiques sont conservés les récits miraculeux, avec les signatures des personnes mêmes qui ont été guéries par l’icône. Il y a des cas de guérison de maladies incurables, de délivrance de la captivité, de l’édification des pécheurs, et des miracles similaires.
 

 

L’icône est arrivée au monastère de Pochaev il y a plus de trois siècles ; mais bien avant cette date la montagne de Pochaev fut marquée par la grâce de la Mère de Dieu. Il y a plus de cinq siècles, alors que la montagne était totalement inhabitée, deux moines sont venus s’installer dans une petite grotte, et ce sont eux qui ont été témoins de l’apparition miraculeuse de la Mère de Dieu. C’est en 1340 que l’un d’eux, après avoir fait ses prières habituelles, décida de monter au sommet de la montagne. Et soudain, il aperçut la Mère de Dieu debout sur un rocher, enveloppée de flammes. Sans tarder, il appela l’autre moine, qui fut également jugé digne de voir la vision miraculeuse. Elle a été vue également par un berger, Jean Bosoy. Il a couru vers le haut de la colline, où il a trouvé les deux moines, et tous les trois ensemble ont rendu gloire à Dieu. Sur le rocher où s’était tenue la Mère de Dieu, il restait l’empreinte permanente de son pied droit, rempli d’eau ; depuis, pendant des siècles, beaucoup ont été guéris grâce à cette source miraculeuse.
 

 

Lorsqu’en 1559, le métropolite grec Néophit traversait la Volhynie depuis Constantinople, il rendit visite à Anna Goiskaya, qui vivait sur un domaine à six miles de Pochaev, et à sa demande y passa quelque temps en tant qu’invité. À son départ, il lui confia, en signe de bénédiction, une icône de la Mère de Dieu qu’il avait prise à Constantinople.

L’icône a commencé à produire des signes ; on l’a aperçu enveloppé dans la lumière. Goiskaya plaça devant elle une lampe qu’elle gardait allumée continuellement ; et quand, en 1597, elle guérit son frère Philippe de sa claudication, elle offrit l’icône aux moines qui s’étaient installés sur la montagne de Pochaev. Elle a construit une église sur la montagne en l’honneur de la Dormition de la Mère de Dieu, et en relation avec elle a établi un monastère cénobitique, en leur assurant les moyens de son entretien. C’est à partir de ce moment que l’icône a commencé à être appelée la Mère de Dieu « Pochaev ».

Après la mort de Goiskaya, la montagne de Pochaev est passée à son neveu, Andrew Firley, luthérien et ennemi de l’orthodoxie. Il a saccagé le monastère et s’est emparé de l’icône qu’il a gardée chez lui pendant vingt ans. À une occasion, il a décidé de montrer son mépris pour les objets sacrés orthodoxes. Il a fait venir des invités et, après avoir habillé sa femme des vêtements d’un prêtre orthodoxe, lui a mis un calice à la main, et elle s’est mis à blasphémer haut et fort la Mère de Dieu et son icône. Mais elle a été aussitôt punie : un esprit maléfique s’est violemment emparé d’elle et l’a tourmentée jusqu’à ce que son mari ait finalement rendu l’icône Pochaev au monastère. C’était en 1644.

Cinq ans après, l’icône fut transférée dans la nouvelle église de la Sainte Trinité. Elle a recommencé à produire des guérisons ; en particulier le 17 juillet 1674, il y eut tant de guérisons que c’était comme si les jours de la vie terrestre de notre Seigneur étaient revenus.
 

 
La Mère de Dieu a montré une aide merveilleuse aux défenseurs de son monastère. En 1675, les Turcs assiègent Pochaev. Le monastère était composé presque entièrement de bâtiments en bois et la défense était difficile ; le seul espoir résidait dans la Mère de Dieu. Avec des larmes, les moines prièrent devant Son image. L’abbé ordonna qu’on chante un acathiste à la Mère de Dieu, et à peine avaient-ils commencé à chanter le premier kontakion, Reine de l’Armée Céleste, qu’une merveilleuse apparition s’est manifestée dans le ciel, au-dessus de l’église, remarquée immédiatement par les Turcs. Dans une auréole de lumière brillante, plus forte que la lumière du soleil, la Mère de Dieu, sous la forme d’une Femme à l’allure royale, brandissait son omophorion au-dessus du monastère, comme si elle recouvrait le monastère de Son pouvoir. Autour de la Mère de Dieu, il y avait une multitude d’anges en tenue militaire avec des épées ressemblant à des éclairs, à la main, et à côté d’elle se trouvait saint Job, la priant sincèrement de sauver son monastère. Les Turcs lâchèrent leurs flèches contre cette apparition, mais les flèches se sont retournées contre ceux qui les avaient lancées ; devant cette situation, les Turcs se retournèrent et s’enfuirent dans le désarroi, et les défenseurs de Pochaev sortirent et les battirent définitivement, faisant de nombreux prisonniers, dont certains devinrent plus tard chrétiens. Pendant longtemps les Turcs ne purent oublier cette défaite. Cinquante ans plus tard, le moine de Pochaev, Gabriel, voyageait à Constantinople et entama une conversation avec un Turc. Apprenant que le moine était de Pochaev, il demanda : « Et votre déesse est-elle toujours en vie ? » « Elle est vivante et vivra toujours », répondit le moine, comprenant de Qui il parlait. « Votre déesse est terrible ! » cria le Turc avec une grande agitation. « Mon père et beaucoup de membres de notre famille y ont perdu leurs vies. J’étais petit à l’époque, mais je n’oublierai jamais cette catastrophe. »

En 1720, Pochaev et l’icône tombèrent entre les mains des Uniates. À la place de l’église de la Trinité, qu’ils ont détruite, ils ont construit la cathédrale spacieuse de la Dormition. Les miracles de l’icône n’ont pas cessé : au cours des 110 années qu’elle a passé entre les mains des Uniates, 539 miracles ont été enregistrés, et il y en a d’autres qui n’ont pas été inscrits dans les annales.

En 1831, lorsque l’Union fut dissoute, Pochaev revint à l’Église orthodoxe et fut désigné laure (grand monastère). Les catholiques ont répandu des rumeurs selon lesquelles l’icône miraculeuse avait quitté Pochaev et se trouvait dans un monastère dominicain proche de la frontière autrichienne. Mais de nouvelles guérisons des maladies chroniques, la restauration de la vue aux aveugles et l’amélioration de l’état des paralytiques réfutaient ces rumeurs trompeuses.

Ainsi, en 1831, une fille aveugle, Anna Akimchukova, se rendit à pied à Pochav avec sa grand-mère de 70 ans, depuis son village à 130 kilomètres de là. Après avoir prié devant l’icône et lavé ses yeux avec de l’eau de l’empreinte de la Mère de Dieu, elle a soudainement pu voir. Sa grand-mère, qui était uniate, a été tellement frappée par le miracle qu’elle est devenue orthodoxe sur place.

En 1859, l’empereur Alexandre II, en souvenir de sa visite à Pochaev, fit don à l’église de la Dormition d’une iconostase haute. Au troisième niveau, dans un boîtier en forme d’étoile, on plaça l’icône miraculeuse, avec des dispositifs qui permettaient de l’abaisser au moyen d’une corde pour ceux qui voulaient la vénérer. Les dimensions de l’icône ne sont pas grandes : 27×22 centimètres.

La Mère de Dieu est représentée en demi-stature. Dans sa main droite se trouve l’Enfant Éternel, et dans la gauche un fichu. Sur l’icône se trouvent également sept petites représentations de différents saints, ce qui laisse supposer que l’icône appartenait auparavant à une famille qui avait fait représenter sur l’icône les saints dont ils portaient les noms. À l’entrée de la cathédrale de la Dormition, derrière un grillage de fer, sous un auvent spécial, il y a « l’empreinte de la Mère de Dieu ». Dans la même cathédrale est conservée une autre icône portant le nom de « Pochaev ». Elle a été placée là par des habitants de Kiev en mémoire de la délivrance de la ville du choléra en 1848, et est également considérée comme miraculeuse. En partie inférieure de cette icône, il y a une représentation de l’empreinte de la Mère de Dieu. Ces icônes sont connues sous le nom de « avec l’Empreinte », pour les distinguer de celles qui ont les représentations de saints. Des copies miraculeuses de l’icône de Pochaev sont situées près de Tobolsk et à Moscou. La fête de l’icône est célébrée à Pochaev le 23 juillet, le 8 septembre et le vendredi de la semaine de Pâques.
 

E. Poselyanin fut le pseudonyme d’Evgeny Nikolaevich Pogozhev, un fils spirituel et biographe du starets Amvrossy d’Optina, qui l’a béni pour servir l’Église par le biais du mot imprimé. Il est devenu un publiciste et éditeur conservateur, et a écrit des livres religieux pour le peuple. Son livre sur les icônes miraculeuses de la Mère de Dieu (Saint-Pétersbourg, vers 1900), dont cet article est tiré, est un ouvrage classique sur le sujet. Il est mort juste avant la révolution russe.

 

 

The Orthodox Word, 1965, Vol. 1, No. 3, San Francisco, California, pp. 93-98
Traduction: hesychia.eu

 


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