La préface rédigée pour le livre Le Retour au Christ , de Ioan Ianolide, est le dernier texte écrit par le Père Gheorghe Calciu. Au-delà de son but premier de présenter l’œuvre, sa démarche se transforme en témoignage testamentaire du Père Calciu. En se concentrant sur le volume signé par Ianolide, le Père Calciu confesse le combat, les idéaux et les souffrances de sa génération. D’autre part, le Père Calciu suggère aux lecteurs quelle est la voie à suivre. Le titre et les intertitres appartiennent à la rédaction. (ROST)
Je ne connaissais que peu de choses sur le livre d’Ioan Ianolide. J’avais lu quelques extraits sur Internet et deux chapitres dans la revue chrétienne « Orthodox Word », publiée par la Confrérie de Saint-Germain [Saint Herman Brotherhood], du monastère du même nom à Platina, Californie.
Il s’agit de chapitres troublants que Ioan Ianolide — que Dieu le repose avec Ses saints ! – extrait du trésor de son saint cœur en tant que disciple et ami de Gafencu – le saint des prisons, comme l’ont appelé tous ceux qui l’ont connu, surnom finalement institutionnalisé par le père Nicolae Steinhardt.
Au cours des derniers mois, j’ai reçu [le texte a été écrit au mois d’août 2006 – éd.] du monastère de Diaconești – Bacău, les manuscrits (dactylographiés et mis en page par le monastère) des mémoires d’Ianolide, intitulés Le Retour au Christ (Ed. Christiana, București, 2006) — une véritable odyssée de l’esprit, une introspection abyssale faite avec humilité et finesse, que seul un homme qui a traversé les tourments de l’enfer et en est ressorti pur sur la haute rive de la sainteté pouvait recevoir de l’ange qui a veillé sur lui pendant le chemin de ses épreuves.
Les manuscrits ont été apportés par quelqu’un avec beaucoup d’autres documents, après la mort de l’auteur, dans un sac, en désordre, sans numérotation, de sorte que les moniales ont dû beaucoup travailler afin qu’elles puissent les intégrer dans les deux volumes, s’orientant soit par les titres soit par le cours des événements décrits conformément à l’histoire des prisons par lesquelles Ianolide et d’autres héros de l’ouvrage sont passés.
Ces lignes que j’écris sont insipides et conventionnelles. De tout ce qui a été écrit sur les prisons, de toute l’investigation psychologique des auteurs, tous habités par l’esprit des confessions, le plus profondément spirituel est ce livre, le plus pénétrant, celui qui peut comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, la profondeur et la hauteur, pour connaître l’amour du Christ au-dessus de la connaissance et se remplir de toute la plénitude de Dieu 1. Si tu as des doutes sur le salut, le sacrifice ou la victoire sur l’ennemi visible et invisible par la puissance de la foi et de la prière, si tu doutes de l’amour du Christ et de l’efficacité du repentir, ce livre, ce document spirituel, te convaincra.
Ils ont choisi entre le spirituel et la politique
Gafencu et son groupe furent des jeunes entre 14 et 22 ans, arrêtés du temps du général Antonescu, pour leur activité dans les Confréries de la Croix, une organisation spirituelle et éducative de la jeunesse roumaine attachée au Mouvement Légionnaire. Peu de temps après leur arrestation, une profonde agitation a éclaté dans leurs cœurs concernant les voies de la vie en prison et les idées pour lesquelles ils avaient été arrêtés. Leur éducation religieuse n’avait pas une grande profondeur, mais leurs âmes cherchaient quelque chose pour vaincre la souffrance qu’ils éprouvaient et leur donnerait la paix spirituelle qui les aiderait à sortir les âmes sauvées après toutes les tribulations de la prison. Avant l’installation du communisme, ils ont eu l’occasion de lire les Saintes Écritures et ils se sont efforcés de les comprendre. « Nous étions tous jeunes aux cœurs purs », dit Ianolide à un moment donné. Nous n’étions aucunement corrompus, les péchés de la société ne nous avaient pas atteints. Nos âmes étaient pures, nous avions accepté la souffrance et nous nous efforcions de garder purs nos cœurs et nos esprits également. Nous avons eu de lourdes peines, les procureurs nous ont cruellement condamnés et certains d’entre nous ont eu plus d’années de prison que leur âge. Dans ces conditions, les frères de la croix arrivent à la prison d’Aiud qui se transformait en une des prisons les plus dures du pays en ce qui concerne la vie concentrationnaire des prisonniers politiques. Aucun d’eux ne pouvait même imaginer ce qui allait suivre, les tourments, les peurs, mais aussi les sommets de la foi et de la vertu que certains d’entre eux graviraient. Suivant mon devoir spirituel de prêtre, cherchant à laisser derrière moi toutes les souffrances et les humiliations que j’ai moi-même endurées, je retirerai de cet enfer de souffrances ses pépites spirituelles, le gain céleste par lequel ils ont conquis le ciel et ont trompé l’enfer.
Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à maintenant, le Royaume des Cieux est pris d’assaut et ceux qui l’envahissent le conquièrent également. 2 Y a-t’il un meilleur conquérant du ciel que celui qui souffre pour le Christ et va jusqu’à mourir pour lui ?
Arrêtons-nous à un moment décisif dans la vie de ces jeunes, leur arrivée à la prison d’Aiud, où ils sont accueillis par un directeur vil et vantard, prêt à toute torture contre ces détenus qui n’étaient protégés par aucune loi. Le groupe autour de Gafencu représentait un exemple de vie chrétienne dans les catacombes pour tous les autres. Tous les détenus n’avaient pas choisi la voie spirituelle dans leur vie en prison. Beaucoup étaient des combattants politiques, ils étaient arrivés en prison pour avoir voulu éradiquer la corruption, l’indécence morale publique et la démagogie de la vie politique roumaine. Certains ont accusé le groupe de Gafencu d’être défaitiste, d’abandonner le combat pour leur confort spirituel, mais ils n’ont pas hésité entre le choix spirituel et la voie politique du Mouvement Légionnaire.
Le combat contre les mauvaises pensées
Tout d’abord, ils ont cherché à mettre leur propre vie en ordre, à comprendre et à vivre l’expérience communautaire dans l’Église primitive, à polir lentement toutes les aspérités de leur caractère et le modeler pour l’amour, le sacrifice, la bienveillance et la pratique communautaire du partage. Gafencu, Ianolide, Virgil Maxim (celui qui a écrit l’Hymne pour la croix portée [Imn pentru crucea purtată]) et Marin Naidim, vivant dans la même cellule, ont tenté d’en faire une église du Christ. Le plus familier avec la vie des saints et la Bible était, sans aucun doute, Gafencu. Le début fut bon et relativement facile. L’idée d’amour, de sacrifice les uns pour les autres a fait son œuvre, mais après un temps, leurs différentes sensibilités sont devenues occasion de souffrance dans l’espace étroit, de deux mètres sur deux, même si elles ne se manifestaient ni par des mots ni par des gestes. Chacun se sentait vis-à-vis des autres comme un petit baril de poudre, prêt à exploser à tout moment.
Cette tension était commune à tous, même si, dans un premier temps, ils ont essayé de ne pas en tenir compte, espérant que le temps, la prière et l’habitude résoudraient les problèmes personnels et communautaires. Valeriu Gafencu a appelé tout le monde à une discussion sincère et dans la crainte de Dieu, pour découvrir quelles étaient les erreurs et les faiblesses qui ont donné naissance à cet état de tension sourde, prête à exploser.
En analysant les déclarations de chacun, ils ont essayé de déterminer comment la mauvaise pensée pénètre dans le cœur humain et quelles sont les étapes qu’elle traverse à partir du moment où elle est acceptée. En fait, cette analyse suivait un chemin qui leur était inconnu, mais l’Esprit de Dieu, pour leur foi et leur effort, les a guidés à leur insu sur la voie connue depuis longtemps par les moines des déserts, sur les pas de saint Hesychius de Jérusalem [ou du Sinaï]. J’ai été très surpris de lire ce chapitre du livre de Ianolide, car j’avais longtemps pensé à faire une comparaison entre la psychologie abyssale de saint Hesychius et la psychanalyse de Freud. Hesychius vit vers le début du cinquième siècle et Freud meurt en 1939. Donc, s’il faut chercher qui a plagié qui, nous n’avons pas besoin de preuves. Je suis convaincu que Sigmund Freud, qui était juif, connaissait au moins l’Ancien Testament, les Psaumes et les Prophètes, et, étant préoccupé par les profondeurs de l’être humain et ce qui s’y passe, il est fort possible qu’il ait également lu certains écrits philocaliques. La ressemblance entre le gardien de la conscience chez Freud et le gardien du cœur chez Hesychius est étonnante. Voici les étapes révélées par l’Esprit de Dieu à ces jeunes novices, assoiffés de Dieu. Premièrement, ils découvrent que l’homme est toujours attaqué par les mauvais esprits, mais que l’homme a le pouvoir de les recevoir ou de les rejeter dès le début ou ultérieurement. Ces mauvais esprits sont en guerre avec l’homme, mais quelqu’un de vigilant peut connaître les étapes des attaques et les combattre. La lutte est complexe et longue, mais pas impossible. Si quelqu’un n’est pas déterminé à arrêter la mauvaise pensée depuis le début, elle pénètre son esprit et soutient qu’elle n’est pas si mauvaise. Si l’homme accepte également cette étape, la pensée devient envie et nourrit son esprit, son imagination et ses sens. Jusqu’à cette étape, le combat est invisible.
La résistance de la personne s’affaiblit, elle est attaquée par des images mentales ou sensorielles et si la vigilance est tombée dans la paresse ou la faiblesse, alors l’envie prend une apparence plus organisée et devient désir, qui se manifeste visiblement à travers certains actes ou paroles, prolongeant le combat invisible dans le plan sensible. Très vite, le désir devient un projet et est prêt pour une réalisation pratique. Le combat est plus facile au stade de la pensée et devient de plus en plus difficile et les chances de victoire diminuent dans les étapes ultérieures. Le projet est dominateur, il a un grand pouvoir sur la personne et la volonté de résister diminue. Une telle analyse ne pouvait être faite par ces jeunes que par la présence du Saint-Esprit qui les a aidés tout au long de leur vie en prison.
Une mort angélique
Le lecteur qui se penchera sur ce livre ne le finira pas sans être ébranlé, ou même tourné vers la foi, car la vie de Gafencu et de ses compagnons est un modèle moral et une échelle pour s’élever vers les hauteurs, un appel constant à sortir même temporairement du marais de cette vie et monter vers le Soleil de la Justice, vers l’Orient d’en Haut qui est le Christ.
N’est-ce pas terrifiant ce que dit un jeune non-théologue, qui a assumé la souffrance et la mort comme une purification et une résurrection, parce que la fin de la vie humaine n’est pas la mort, mais la résurrection. Et je ne veux pas que le lecteur de bonne foi ignore certaines des paroles laissées par Gafencu, de véritables pages philocaliques : À propos de la purification intérieure [Despre curățirea lăuntrică]. Lorsque Valeriu se sentait bien, il parlait magnifiquement et avec enthousiasme, s’arrêtant principalement sur son thème préféré, la purification intérieure :
Par le baptême, nous avons reçu la grâce purificatrice, et par l’onction avec le saint Myrrhe, nous nous sommes parés de tous les dons du Saint-Esprit, mais cet état intérieur béni est resté oisif en nous, car nous ne sommes chrétiens que de nom. Nous vivons dans un monde de confusion, de débauche, de péché. C’est honteux d’être croyant, c’est démodé d’être moral. L’homme baptisé, pour être sauvé, doit vivre dans le Saint-Esprit toute sa vie, et c’est bien ce que nous n’avons pas réussi. Nous avons cru, nous avons prié, nous avons gardé la foi, nous avons souffert, mais pour nous unir au Christ, il est nécessaire de se purifier intérieurement par la confession et de se renouveler par la Sainte Eucharistie. C’est consciemment et avec toute sa persévérance qu’il faut s’unir au Christ, qu’il faut devenir l’image visible de sa sainteté, de sa puissance, de son amour, de sa lumière, de son immortalité. Vous devez vaincre le péché jusqu’au sang. Voilà comment il faut naître à nouveau. Il n’y a pas de voie de compromis.
J’ai peut-être trop allongé ma parole indigne, mais je veux vous conduire à une mort angélique. Dans ce livre, beaucoup de gens meurent, ils meurent à cause de la torture, de la faim, du manque de soins médicaux, voire du suicide. Mais on meurt de manière angélique, également.
Quand j’étais enfant et que l’un des anciens du village approchait l’heure de la mort — les paysans connaissaient l’heure de la mort sans médecins, parce que les médecins étaient en ville, pas à la campagne — les parents prenaient leurs enfants par la main et tout le village allait, petit à petit, rendre visite à ce vieillard ou à cette vieille femme pour lui « demander pardon ». Les parents disaient : « As tu peux être passé à côté de lui sans le saluer, ou tu t’es moqué de lui, ou t’as volé des pommes et des poires de son verger. Demande-lui pardon ! »
J’y arrivais, timidement, comme dans un bastion de la mort, je baisais la main du mourant, émerveillé par sa mort sereine, vaillante devant la mort, et je lui disais d’une voix tremblante : « Veuillez me pardonner ! » Et il/elle me répondait : « Que le Seigneur vous pardonne ! » Et nous poursuivions : « Et une deuxième fois ! » Et il/elle : « Que le Seigneur vous pardonne ! » Et puis encore : « Et une troisième fois ! » Le malade, d’une voix faible : « Que le Seigneur vous pardonne ! » Nous restions ensuite assis avec nos fronts sur le bord du lit jusqu’à ce que le patient reprenne un peu de ses forces pour qu’il puisse lever la main et nous bénir sur la tête. En un sens, nous tous, surtout les enfants, étions les messagers de la mort, une mort à visage d’enfant que les mourants recevaient avec amour et bénédiction. C’est ainsi que Gafencu et d’autres comme lui sont morts. Des quatre qui ont commencé la vie commune à Aiud avant d’arriver à Pitești, pour être démasqués, Dieu n’a laissé aucun entre les mains des tortionnaires, mais il les a tous sauvés, presque au dernier moment, pour épargner leurs souffrances, afin de ne pas permettre que leurs âmes nées de nouveau à travers la purification intérieure soient salies. Ce livre pourrait être rempli de la mort de ceux enfermés dans les prisons, car chacun meurt à sa manière, pour lui-même, pour son prochain et pour Dieu. Vous ne pouvez pas lire le récit du départ de mes aînés à Mahmudia, ou de ceux des prisons, sans qu’une larme mouille vos yeux, car Dieu veut adoucir nos cœurs par le don des larmes.
« Elle n’est pas cachée, Seigneur, mon Dieu, mon Créateur et Rédempteur, ni la goutte de larmes, ni toute partie de cette goutte » (La septième prière de la sainte Communion par saint Basile le Grand)
Le jour où Valeriu est parti
La mort de Valeriu ne peut être ignorée de la même façon que les morts innombrables de n’importe quel film démoniaque hollywoodien. Qui souhaite être le témoin d’un moment de belle sérénité doit s’attarder sur la mort de Valeriu Gafencu — rendu par Ianolide avec des mots simples et directs, ce qui les rend encore plus profonds et plus ouverts à l’éternité de Dieu.
(Valeriu) était de plus en plus épuisé. Son cou ne pouvait plus soutenir sa tête, alors je l’ai soutenue avec ma main. J’ai vécu alors avec le sentiment que les mystères de la création se révèlent, que la plante de mes pieds reposait sur une sorte de tissu qui me soutenait et que l’âme avait atteint le sentiment de plénitude. J’étais si heureux à ces moments que je ne les oublierai jamais. Et dans l’éternité, je ne veux pas d’un état plus élevé que cela, parce qu’alors j’étais pleinement complètement heureux. Je crois que le Christ était présent en Valeriu. C’est la seule façon dont je peux expliquer son état de grâce, ainsi que la stupéfaction de ceux qui ont participé à ce moment-là. Valeriu m’a dit : ‹ Premièrement, mon esprit et mon âme adorent le Seigneur. Je Lui suis reconnaissant d’être arrivé là. Je vais à Lui. Je suis heureux de mourir pour le Christ. C’est à lui que je dois la grâce d’aujourd’hui. Tout est un miracle. Je pars, mais vous devez porter une lourde croix et poursuivre une mission sainte. Dans la mesure où je serai autorisé, d’où je me trouverai, je prierai pour vous et je serai avec vous… Gardez inchangée la vérité, mais évitez le fanatisme…›
Il était plus de 12 heures. Dehors il neigeait avec de gros flocons, veloutés, flottant dans l’air… Valeriu était vivant et mourant en même temps… « Ioan, me dit-il, continuez à témoigner de l’Esprit. Ici a œuvré Dieu… » Après, il a pu dire encore : « C’est fini ! » Il leva ses yeux bleus vers le ciel et j’ai pu y apercevoir des miracles de plus en plus profonds, de plus en plus merveilleux se décomposer en eux. Tout était fait d’une lumière surnaturelle, mais réelle, une sorte de réalité parfaite, dont la vue, vous rend heureux. J’ai éclaté en sanglots. Il a rendu son âme vers 13 heures, le 18 février 1952. Les cloches de l’ermitage se mirent à sonner. Mes larmes se sont immédiatement arrêtées » 3.
Combien de temps devons attendre encore que la Patriarchie roumaine sorte de la servitude de l’État séculier diabolisé, orientée vers une Europe unie pleine de l’esprit de l’antichrist, et canonise les martyrs de la nation roumaine et de l’Église ? L’Église russe vénère comme martyrs tous ceux qui ont été tués dans les prisons, même s’ils ont mené une lutte politique, parce qu’ils se sont tous battus contre l’empire communiste satanique. Et dans notre pays, les saints sont reniés par l’Église pour des raisons politiques et par lâcheté spirituelle. Le Saint Synode roumain n’a pas entendu parler de la puissance de la croix : « Et il a fait des pêcheurs des apôtres et les païens sont devenus martyrs ! » N-a-t’il pas entendu dire que la repentance et la purification intérieure sont la porte d’entrée la plus sûre vers le ciel ? N-a-t’il pas entendu dire que la vie confortable est l’ennemi du Christ dans le cœur des hiérarques, qui sacrifient les saints dans les prisons du plus horrible abattoir : celui du meurtre spirituel.
Mais au-delà de la cécité et de la lâcheté, les saints des prisons veillent sur l’Église roumaine, sur les membres du synode piégés dans l’esclavage de l’État athée, et sur le peuple roumain, plus réels que toutes les dégrées hiérarchiques qui nient le caractère sacré des morts dans les prisons, même sur les diocèses où, par les dispositions du hiérarque local, la liturgie devient une annexe à la préparation du clergé à l’entrée dans la basilique de satan, l’Union européenne.
Jusqu’au moment de sa mort, Valeriu Gafencu a eu la conscience vivante et sainte qu’il mourait pour le Christ : « Premièrement, mon esprit et mon âme adorent le Seigneur. Je Lui suis reconnaissant d’être arrivé là. Je vais à Lui. Je suis heureux de mourir pour le Christ »
Non seulement il a eu la conscience de sa mort martyrique, mais Dieu lui a également donné la pleine connaissance d’aller vers Jésus au moment de la mort.
Que ce mystère nous fasse tous trembler !
Post Scriptum
La question du pasteur luthérien Richard Wurmbrandt reste pour moi, pas tout à fait claire. Maintenant, après avoir lu le livre de Ianolide, je suis convaincu qu’il a caché le baptême pour des raisons connues de lui seul. Je l’ai rencontré en Amérique et je peux dire que nous étions amis et je suis devenu son confident. Quand il était troublé ou dérangé par certains esprits, il venait à moi comme à un confesseur. Il avait une grande sympathie pour l’orthodoxie et une piété particulière pour la Mère de Dieu. Il m’a dit : « Je suis surpris que les luthériens aient abandonné le culte de la Mère du Seigneur, parce que Luther avait une grande piété envers la Sainte Vierge. Quand j’étais en prison, j’ai vu que toutes les nations avaient un Ave Maria dans leur langue, et nous, Juifs, qui avons donné la Sainte Vierge au monde, ne l’avions pas. J’ai alors traduit le texte en hébreu et je l’ai adapté à une ancienne mélodie »
Je l’ai prié de la chanter pour moi. C’était une chanson étrange, avec des ondulations orientales qui touchaient le cœur. Il ne m’est jamais venu à l’esprit d’enregistrer la chanson.
Wurmbrandt est ensuite tombé gravement malade. Il ne pouvait plus avaler et était alimenté par un tube, directement dans son estomac. Il était dans un hôpital catholique. Je suis allé lui rendre visite. Nous avons eu une brève conversation. Il m’a demandé de l’emmener dans la cour de l’hôpital. J’ai appelé la sœur et l’a mis dans une chaise roulante. C’était une petite cour avec une fontaine et une statue de la Sainte Vierge. J’étais venu avec Mère Nina, une religieuse du couvent des femmes de Forestville — St. Païssi Velitchicovschi, en Californie, qui avait un magnétophone avec elle. Nous avons profité de la cour et de la statue de la Mère de Dieu pour lui demander de nous chanter, pour l’enregistrement, le Je vous salue Marie composé par lui, pour la postérité. Il a accepté. Sa femme, arrivée entre-temps, s’y est opposée de toutes ses forces, mais il voulait chanter et elle a dû abandonner. Elle est partie et nous a laissés seuls. Mère Nina a préparé le magnétophone et Wurbrandt a chanté. Il avait une voix faible, due à une faiblesse générale, sa respiration était courte, la chanson avait des grandes variations et il ne pouvait prendre les aigus qu’avec difficulté et avec des arrêts pour respirer. Cela me parut deux fois plus étrange que la première fois, comme si quelque chose venait des profondeurs d’une nation qui avait trahi son dessein et faisait une pénitence tardive pour celle que Dieu avait choisie pour être sa mère. La cassette se trouve chez Mère Nina. J’avais aussi une copie que j’ai perdue. Je demanderai une autre copie à Mère Nina.
J’ai beaucoup parlé avec Wurmbrand. Il n’a jamais nié, au contraire, il a déclaré publiquement qu’il avait été sauvé de la mort par les légionnaires de la prison de Târgu Ocna, avec les médicaments offerts par Gafencu. Mais devant moi, il n’a jamais fait la moindre allusion qu’il ait été baptisé en prison. Voyant son affection pour l’orthodoxie, je lui ai demandé une fois, quand il était malade, pourquoi il ne s’était pas converti. Il a répondu : « Peut-être que je n’étais pas digne. ».
Il avait une façon particulière de parler, brusquement. Il m’a demandé : « Père, quelle langue pensez-vous qu’on parle au paradis, c’est-à-dire, la langue humaine, pas la langue angélique ? ».
« Je pense que l’araméen, la langue que le Christ a parlé, ou le grec », répondis-je.
« Non, père. On parle le roumain, car il n’y a pas de langue moins mathématique que le roumain. Elle permet d’exprimer n’importe quelle profondeur d’âme et n’importe quelle hauteur céleste. »
Peut-être qu’au dernier moment, le Sauveur lui a accordé le baptême du désir.
Rost , no. 49, mars 2007, pp. 15-19
Traduction : hesychia.eu
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