Saint Tiburce était fils de Chromace, préfet de Rome, qui, chargé par l’empereur de faire mourir saint Marc et saint Marcellin, frères, et étant à cette occasion entré en conférence avec Tranquillin leur père, que saint Sébastien avait converti, reconnut aussi lui-même la vérité de notre foi il l’embrassa avec un courage et une ferveur incroyables, jusqu’à donner la liberté à quatre cents esclaves qu’il avait, et à retirer dans ses maisons de campagne tout ce qu’il put trouver de chrétiens faibles et pusillanimes, qui ne paraissaient pas assez généreux pour soutenir la rigueur de la persécution.
Tiburce imita l’exemple de son père, et, ayant reçu le baptême avec lui, il donna aussitôt des marques d’une foi ferme, d’une parfaite confiance en Dieu et d’une charité consommée. Le pape saint Caïus souhaitait qu’il s’absentât de Rome quelque temps pour n’être pas si tôt exposé à la cruauté des tyrans ; mais le nouveau soldat de Jésus Christ, sentant bouillonner dans son cœur le désir du martyre, supplia ce bienheureux Pontife de permettre qu’il demeurât avec les saints Confesseurs dans la ville, afin d’y combattre pour la religion qu’il venait d’embrasser, et de s’y animer de plus en plus par l’exemple de ceux qui endureraient la mort pour Jésus Christ.
La grandeur de sa sainteté parut par un miracle qu’il fit peu de temps après sa conversion. Sortant un jour du logis où tous les Confesseurs étaient assemblés, il trouva dans la rue un homme qui, étant tombé d’un étage d’en haut, s’était tellement brisé, qu’il ne donnait plus aucune espérance de vie. Il s’approcha de lui, et, par l’invocation du nom adorable de Jésus Christ, il lui rendit sur-le-champ une parfaite santé ce qui fut cause de sa conversion et de celle de ses plus proches, que Tiburce conduisit à saint Caïus pour recevoir le baptême. Il désirait si ardemment que tous ceux qui portaient le nom de chrétiens édifiassent tout le monde par leurs paroles et par l’exemple de leur vie, qu’il ne pouvait en voir un seul dans le dérèglement, sans le reprendre charitablement, afin qu’il ne fît pas blasphémer le nom de Jésus Christ. Ainsi, s’étant aperçu qu’un nommé Torquat n’était chrétien que de nom, se traitant fort délicatement, marchant toujours frisé et musqué, entretenant même des relations peu honnêtes, il ne manqua pas de l’en reprendre et de l’exhorter à réformer ses mœurs sur sa foi. Torquat prit cette remontrance en très mauvaise part ; et, pour s’en venger, il s’entendit avec des archers pour que, un jour qu’il prierait Dieu dans l’église avec Tiburce, ils les arrêtassent tous deux en qualité de chrétiens, afin de les présenter au tribunal du préfet.
La chose fut exécutée selon son projet. Le traître sortit avec Tiburce et s’en alla prier avec lui ; les archers survinrent et les prirent sans que ni l’un ni l’autre fissent résistance. Ils furent menés devant le préfet Fabien, qui, ayant le mot, dit à Torquat : « Quoi donc Torquat, reconnaissez-vous aussi un homme crucifié pour votre Dieu ? » A cette interrogation cet impie se mit à rire, et dit, en montrant Tiburce, qu’il n’avait point d’autre Dieu que celui que ce Bienheureux lui avait fait connaître. Tiburce vit bien que c’était un perfide qui l’avait joué et livré au tyran, et qui se moquait de notre religion.
Ainsi, prenant la parole, il lui dit d’un accent grave et terrible :
« Ne crois pas, Torquat, que ton artifice nous soit inconnu nous ne t’avons jamais pris pour un disciple de Jésus Christ. Ce n’est pas être disciple de ce grand Maître que de hanter des femmes perdues, de se livrer continuellement à la débauche et d’être toujours en état d’ivresse. Les œuvres abominables par lesquelles tu as déshonoré l’Église ont fait assez voir que tu n’avais nulle croyance à l’Évangile. Tu étais parmi nous, mais tu n’étais pas des nôtres ; la trahison que tu m’as faite en est encore une marque évidente, mais, sache qu’au lieu de me nuire, tu m’as procuré un très — grand bien, puisqu’il n’y a rien que je souhaite plus passionnément que de donner mon sang et ma vie pour Celui qui est mort sur une croix pour mon amour. »
Fabien, irrité par ce discours, dit à Tiburce qu’il n’était pas question de parler, mais de sacrifier aux dieux de l’empire.
« Je ne sacrifie », dit Tiburce, « qu’à un seul Dieu, créateur du monde, qui règne sur la terre et dans les cieux et mon plus grand désir est d’être immolé et sacrifié moi-même pour cette confession ». — « Il faut cependant », répliqua Fabien, « que tu nous obéisses, ou que tu marches nu-pieds sur des charbons embrasés ». — « J’y marcherai volontiers », dit Tiburce, « et ces charbons me seront plus agréables que des roses ».
A l’heure même, les bourreaux couvrirent une place de charbons tout rouges de feu, et dont la flamme sortait encore avec violence. Tiburce n’attendit pas qu’on le déchaussât, mais, s’étant déchaussé lui-même, et ayant fait le signe de la croix, il se mit sur ces charbons, et s’y promena sans en recevoir aucune incommodité, non plus que s’il se fût promené sur un lit de fleurs et sur un tapis d’herbes tendres. Alors, se tournant vers le juge, il lui dit :
« Apprenez maintenant, Fabien, la force et le pouvoir de la foi, et reconnaissez, par le miracle que vous voyez, qu’il n’y a point d’autre Divinité que celle que j’adore, ni de salut à espérer qu’en embrassant la religion chrétienne ».
Fabien était trop endurci pour se laisser gagner par cette merveille, mais, craignant que d’autres païens n’en fussent ébranlés, il prononça sur-le-champ la sentence de mort contre Tiburce, et l’envoya décapiter dans un lieu éloigné de trois milles de la ville, qui était entre deux lauriers. Ce fut le 11 août de l’an 286, six mois et vingt et un jours après saint Sébastien. Le corps de saint Tiburce fut transporté à l’abbaye de Saint-Médard en 828. On conserve dans la cathédrale de Soissons une partie de ses reliques.
Cf. Acta Sanctorum et Annales du diocèse de Soissons, par l’abbé Pécheur
Les Petits Bollandistes
Vies des saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, des Martyrs, des Pères, des Auteurs sacrés et ecclésiastiques, tome neuvième, p. 460-461, Bloud et Barral, Libraires, Paris, 1876
Version électronique [pdf] disponible sur le site des Vrais chrétiens orthodoxes francophones
Le martyre de saint Tiburce est publié ici avec l’aimable autorisation de l’archimandrite Cassien
Pas de commentaire