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Propos sur la fête de la Protection de notre Toute-Sainte Souveraine, la Mère de Dieu

29 septembre 2020

par saint Dimitri de Rostov

En ces derniers temps si cruels, tandis que nos péchés se sont accrus, les malheurs qui nous frappent se multiplient eux aussi, et nous sommes mis en péril, comme le dit saint Paul, à cause des brigands, à cause de nos compatriotes, à cause des païens, dans nos villes, dans les déserts, sur la mer, au milieu de faux frères.

 

 

Alors que s’accomplissent les paroles du Seigneur Lui-même, et voyant que les nations s’élèvent contre les nations, les royaumes contre les royaumes, voyant que famines et tremblements de terre sévissent en tous lieux, voyant encore combien nous sommes meurtris par l’invasion des armées étrangères, les luttes intestines et bien d’autres blessures mortelles, la Toute-Pure et Toute-Bénie, la Vierge Marie, Mère du Seigneur nous a fait présent de son voile afin qu’il nous protège, qu’il nous délivre de toute affliction, qu’il nous garde de la faim, de la perdition et des tremblements de terre, qu’il nous sauve des blessures de la guerre.

Cet événement extraordinaire eut lieu dans la capitale de Constantin, pendant le règne de Léon le Sage, empereur très-pieux, en l’église orthodoxe de la Très-Sainte Mère de Dieu des Blachernes. Tandis que l’on y célébrait les vigiles du dimanche, le 1 er octobre à quatre heures du matin, saint André le fol en Christ leva les yeux et vit la Reine céleste, la Protectrice du monde entier, la Très-Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, qui se tenait en prière dans le ciel, toute rayonnante d’une lumière étincelante comme le soleil, et couvrant le peuple de son omophore. Saint André dit à son disciple, le bienheureux Épiphane :

– Vois-tu, frère, notre Reine et Souveraine qui prie pour le monde entier ?
– Oui, père saint, je la vois, et je suis saisi de crainte.

Comme saint Jean le Théologien qui, jadis, avait vu dans le ciel une femme nimbée de soleil, saint André aperçut, dans la céleste Église des Blachernes, l’Épouse inépousée, revêtue de la pourpre du soleil. L’apparition au Théologien préfigurait ainsi celle de notre Très-Miséricordieuse Protectrice, manifestée au moment où menaçait l’anéantissement de toutes les créatures. Saint Jean eut la vision d’éclairs, de tremblements de terre, d’une grêle terrifiante, il entendit des voix, des grondements de tonnerre. Alors apparut dans le ciel une femme nimbée de soleil.

Pourquoi donc ce signe préfigurant la Vierge Toute-Pure ne lui fut-il pas révélé avant les éclairs, avant le tonnerre, les tremblements de terre et la grêle, tandis que les éléments étaient encore apaisés ? Pourquoi lui fut-il donc donné avec force trouble et terreur au ciel comme sur la terre ? Ainsi fut fait pour montrer que notre Très-Bonne Protectrice vient à notre secours dans les instants le plus critique, afin de nous garder des éclairs illusoires qui ne menacent que peu de temps, des vanités, des voix orgueilleuses de cette vie, de la présomption, du tonnerre des attaques ennemies, du tremblement des passions et de la grêle du châtiment qu’entraînent nos péchés. Quand tous ces malheurs nous accablent, la prompte aide du genre humain apparaît comme un grand signe, et nous protège par son intercession invisible.

Le Seigneur donne ce signe à ceux qui Le craignent, pour qu’ils échappent aux traits de l’arc, car, dans ce monde, nous sommes placés comme des cibles dans un champ de tir. Les flèches volent vers nous de tous les côtés. Certaines proviennent des ennemis visibles qui bandent leur arc et nous méprisent avec orgueil. D’autres viennent de nos ennemis invisibles et nous font tant souffrir que nous nous plaignons de ne pouvoir les supporter. D’autres encore sont décochées par notre nature même, laquelle s’oppose à l’Esprit, d’autres enfin par l’arc de la juste colère dont parle David : « Si vous ne vous convertissez pas, Il fera étinceler son glaive, Il a tendu son arc, Il le tient prêt ; Il a préparé des instruments de mort, Il a disposé ses flèches pour ceux qui brûlent de faire le mal » (Ps 7,13-14).

Afin que nous ne fussions pas mortellement blessés par tant de traits, un signe nous a été donné : le voile de la Vierge Toute-Pure et Toute-Bénie. Par lui nous sommes protégés comme par un bouclier, et nous sortons indemnes. Notre Protectrice dispose d’un millier de boucliers pour nous protéger, ainsi que le lui dit l’Esprit saint : « Ton cou est comme la tour de David, mille boucliers y sont suspendus, tous les boucliers des preux » (Cant 4,4).

David fit édifier jadis cette haute tour sur une montagne située entre Sion et Jérusalem. On l’appela la « fille de Sion ». Elle formait comme un cou reliant la tête et le corps, car elle dominait Jérusalem, sise en contrebas, et son sommet atteignait Sion. On y avait suspendu des boucliers et d’autres armes de guerre destinés à la défense de la ville. L’Esprit saint compare la Très-Pure Vierge à la tour de David car, fille de David, elle est la Médiatrice entre le Christ, Tête de l’Église, et les fidèles, qui sont le corps de l’Église. Elle surpasse l’Église car elle est véritablement plus haute que tous, et elle atteint le Christ car elle est Celle qui Lui a donné un corps. À présent, elle intercède encore lorsqu’elle se tient dans les airs entre le ciel et la terre, entre Dieu et les hommes, entre le Christ, Initiateur des combats, et l’Église combattante, comme la tour de David entre Sion et Jérusalem, toute bardée de solides boucliers.

Ses boucliers sont les prières toutes-puissantes qu’elle adresse à Dieu pour nous, et qui furent entendues le jour de la fête de sa Protection par ceux qui en furent jugés dignes. Elle priait avec componction comme la Mère prie son Fils et Créateur, prononçant des paroles douces et miséricordieuses. Roi Céleste, reçois tout homme qui Te glorifie, qui invoque en tout lieu ton Nom très saint, ou qui commémore mon nom. Sanctifie ce lieu et glorifie ceux qui Te glorifient et me vénèrent avec amour, moi ta Mère, accepte chacune de leurs prières et de leurs promesses, et protège-les de tout mal et de toute affliction. De telles prières ne forment-elles pas les boucliers qui protègent l’Église combattante ? En vérité, ce sont ces boucliers invincibles qui parent toutes les flèches enflammées.

Saint Ambroise dit que la tour de David fut édifiée pour deux raisons : pour protéger la ville et pour l’orner. Elle est une protection, car elle permet de voir les ennemis de loin et de les chasser ; elle est un ornement, car elle dépasse en hauteur les bâtiments les plus hauts de Jérusalem. Ce n’est donc pas en vain que l’on compare notre Protectrice avec cette tour, car elle se dresse pour nous face à l’ennemi. En vérité, elle nous défend et chasse loin de nous les ennemis visibles et invisibles, elle délivre les prisonniers de leurs liens et ceux que les esprits impurs font souffrir, elle console les affligés, défend les offensés, nourrit les affamés, visite les malades et sert de refuge à tous ceux qui sont dans le trouble. Elle nous pare en couvrant devant Dieu la honteuse nudité de notre âme, par ses grands mérites, grâce à l’inépuisable trésor de ses grâces, masquant notre pauvreté, pour que nous soyons agréables aux yeux du Seigneur.

Elle nous orne encore quand elle couvre de sa tunique ceux qui n’ont aucun vêtement de noce, afin de cacher la nudité de notre âme à l’Œil qui voit tout. Dans les temps anciens, la terre était informe et cachée sous les flots, préfigurant notre âme pécheresse privée de sa beauté spirituelle, vide de toute bonne œuvre et devenue étrangère à la grâce de Dieu. Les eaux qui recouvraient cette terre informe étaient l’image de la miséricorde de Marie, la Mère de Dieu, miséricorde inépuisable comme le sont les eaux de la mer.

Lorsque l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus de la terre informe et couverte par les eaux, Il ne pouvait remarquer son absence de beauté. Il y a là une mystérieuse préfiguration du voile très-miséricordieux de la Vierge Mère de Dieu, qui couvre notre âme et l’orne de la beauté de sa grâce, attirant vers elle l’Esprit saint en dépit de notre laideur. La Vierge Toute-Pure nous embellit ainsi lorsqu’elle transforme des pécheurs en justes, des hommes impurs en hommes purs et, comme dit le bienheureux Athanase, « des mages en apôtres, des publicains en évangélistes et des femmes adultères en femmes plus honorables que des vierges ». C’est ainsi que Marie l’Égyptienne, autrefois adultère, mauvaise et impure, resplendit à présent tel un soleil dans le Royaume du Christ, par l’intercession de la Toute-Pure Vierge Marie, protection et ornement de tous ceux qui ont recours à elle. Elle est aussi l’ornement de la Jérusalem spirituelle, l’Église du Christ, qui célèbre par ses chants la fête d’aujourd’hui. Ô ! Tu es le merveilleux ornement de tous les fidèles, la réalisation des prophéties, la gloire des apôtres, la parure des martyrs, la louange des vierges et une protection magnifique pour le monde entier !

Sur la tour de David étaient appendus, non seulement les boucliers, mais encore les flèches des puissants. La Tour vivante qu’est la Vierge Toute-Pure garde auprès d’elle les flèches des puissants, c’est-à-dire les prières des saints qui intercèdent avec elle. Elle n’était en effet pas seule lorsqu’elle apparut en l’église des Blachernes : les armées angéliques et une myriade de saints revêtus de tuniques blanches l’entouraient avec une piété respectueuse. Les prières des saints sont les flèches des puissants capables de disperser les armées ennemies. Notre Souveraine Toute-Pure, la Mère de Dieu, sait que notre vie terrestre est un combat incessant, pendant lequel l’ennemi nous attaque de toutes ses forces, rassemblant ses armées, nous encerclant avec toutes ses légions. De nombreux chiens nous ont cernés, ouvrant la gueule contre nous, tel un lion qui rugit et s’apprête à s’élancer. C’est pourquoi la Reine des cieux, soucieuse de nous aider, a envoyé contre notre ennemi toutes les Puissances célestes, les prophètes, les apôtres, les martyrs, les vierges, les saints et les justes, et s’est déplacée elle-même pour nous donner la victoire. C’est elle qui gagne les combats et terrasse les ennemis.

Elle est venue avec les armées angéliques, comme l’a prophétisé Jacob qui a vu en songe une échelle entourée d’une multitude d’anges. Comment s’étonner que les anges n’y trouvent aucun repos, montant et descendant sans cesse ? L’Église dit en effet : Réjouis-toi pont qui conduit vers le ciel, échelle haute que vit Jacob, tu sauras pourquoi les anges n’avaient pas de repos ! La Mère de Dieu, constante dans ses prières, ordonne aux hommes de l’assister constamment dans l’aide qu’elle apporte elle-même aux hommes : en montant, ils confient à Dieu leurs suppliques ; en descendant, ils apportent l’aide de Dieu et ses dons aux hommes. Aujourd’hui encore, cette échelle conduit du ciel jusque sur la terre une multitude d’anges qui nous apportent d’en haut protection et défense. La Mère de Dieu est venue parmi les anges afin de leur ordonner de nous garder dans toutes nos voies. Elle est venue avec l’assemblée des saints pour que nos prières de pécheurs soient portées ensemble vers son Fils, notre Dieu, comme ils ont élevé en commun leurs prières à notre attention.

Parmi tous ceux qui apparurent dans l’église avec la Vierge Toute-Pure, deux saints surpassaient les autres : Saint Jean le Précurseur, dont il fut dit qu’il n’en était point de plus grand parmi tous ceux qui sont nés de la femme, et saint Jean le Théologien, le disciple que Jésus aima et qui fut couché sur son sein. Celle qui prie pour nous les a conviés à prier avec elle, car la prière fervente de ses deux saints très audacieux devant Dieu, peut inciter le Seigneur à une plus prompte miséricorde. La Vierge Toute-Pure apparut entre ces deux hommes vierges, comme le tabernacle se trouvant entre les deux chérubins, comme le trône du Seigneur Sabaoth entre les séraphins, comme Moïse aux mains levées entre Aaron et Hur : ainsi fut défait l’infernal Amalec, et défaits sa puissance et son peuple impur.

Nous fêtons le Protection de la Toute -Sainte Vierge la Mère de Dieu en nous souvenant de sa très glorieuse apparition dans l’église des Blachernes, sous le regard de saint André et saint Épiphane. Nous célébrons cet événement en rendant grâce à notre Protectrice pour ce qu’elle a bien voulu manifester au peuple chrétien une si grande miséricorde ; nous L’implorons avec ferveur afin qu’elle nous protège éternellement. Car à nous qui courrouçons Dieu sans cesse, il est impossible de vivre sans cette protection et cette intercession. Nous péchons continuellement, nous méritons d’innombrables châtiments, car « nombreux sont les tourments du pécheur ». Si la Souveraine magnanime ne nous avait pas protégés, nous aurions péri depuis bien longtemps, à cause de nos iniquités. Si elle n’avait pas intercédé pour nous, qui donc nous aurait préservés des malheurs, qui nous aurait donc gardés libres jusqu’à ce jour ? Le prophète Isaïe donna jadis ce conseil : Cache-toi quelques instants, jusqu’à ce que la colère de Dieu soit passée. Mais où pourrions-nous donc nous dissimuler hors de la colère de Dieu ? Là où rugit la tempête de nos passions, il n’existe nul endroit où nous mettre à l’abri, si ce n’est auprès de la Souveraine du monde, car elle dit d’elle-même par la bouche de l’Esprit saint : Comme la vapeur, j’ai couvert la terre (Si 24,3). Nous nous cacherons donc sous la protection de celle qui a recouvert la terre comme la vapeur. Pourtant, Très-Digne Mère de Dieu, comment peux-tu te comparer à de la vapeur ? N’es-tu pas plutôt semblable au soleil, à la lune, aux étoiles, ainsi qu’il est dit de toi : Qui est celle qui surgit comme l’aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil ? Quelle beauté la vapeur a-t-elle donc pour que Tu ne dédaignes pas t’y comparer ? Lorsque la vapeur croît en densité et qu’elle recouvre la terre tout entière, les bêtes se protègent des chasseurs et ne peuvent plus être capturées. Ainsi, la Vierge Toute-Pure nous dissimule mystérieusement aux yeux de ceux qui nous pourchassent. Dans notre inhumanité, nous sommes comparables, nous les pécheurs, à du vil bétail, à des bêtes sauvages. Saint Jean Chrysostome dit que nous sommes complaisants envers notre ventre comme le sont les ours, que nous engraissons comme des mulets, que nous sommes aussi rancuniers que des chameaux, ravisseurs comme des loups, coléreux comme des serpents, malicieux comme des renards, venimeux comme des scorpions, méchants comme le venin des vipères. De nombreux chasseurs s’attaquent aux bêtes que nous sommes, ainsi que la juste colère de Dieu qui châtie nos mauvaises intentions : Le Seigneur est le Dieu des vengeances, le Dieu des vengeances va agir avec hardiesse (Ps 93,1). Nous sommes la cible de nos iniquités et nous pouvons le dire : Des maux m’environnent que je ne puis dénombrer (Ps 39,13). Notre ennemi invisible nous traque : Il est pour moi un ours aux aguets, un lion à l’affût (Lam 3,10) ; et encore : Je poursuivrai, j’atteindrai, je dégainerai mon épée, ma main les supprimera (Ex 15,9). Soyons donc hardis : nous avons auprès de nous la Toute-Sainte Vierge Marie, en qui nous plaçons toute notre espérance, à qui nous avons sans cesse recours. Sous sa protection, pas même un cheveu de notre tête ne peut tomber. Invoquons-La avec componction et disons : protège-nous, Toute -Sainte Vierge, notre Protectrice. Sois là aux jours des malheurs. Tous les jours de notre vie sont malheureux, comme le dit Jacob : Les années de mon séjour sur terre ont été brèves et malheureuses. Chaque jour nous voyons et nous faisons le mal, nous accumulons sur nos têtes la colère de Dieu, car tous nos jours sont mauvais.

Toute -Sainte Vierge, garde-nous chaque jour, et tout particulièrement à l’instant cruel où notre âme se séparera de notre corps. Sois donc présente pour nous aider, éloigne les esprits malins dans les régions célestes. Couvre-nous de ta protection au jour du Jugement Dernier !

Amen

 

 


 

Version électronique disponible sur le site des Vrais chrétiens orthodoxes francophones

 


 

 


 

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