Catéchèse, Orthodoxie

Des Anges, du diable et des démons

28 septembre 2020

Exposé de la foi orthodoxe par saint Jean Damascène

 

La Crucifixion, détail, Dionysius

La Crucifixion, détail, Dionysius, XVIe siècle, Galeries Tretyakov, Moscou

 

Livre II

Chapitre III

Des Anges

 

Le même Dieu est l’auteur et le créateur des anges ; ils les a amenés du non-être à l’être et les a créés, à sa propre image, de nature incorporelle, comme un esprit, un feu immatériel ; c’est ce que dit le divin David : « Lui qui des souffles fait ses anges et des flammes de feu ses serviteurs ». (Ps. 104, 4). Le léger, l’ardent, le brûlant, le pénétrant, l’aigu du feu en dépeignent bien l’élan, le divin office et la tension vers le haut qui leur fait écarter toute pensée matérielle.
L’ange est donc une essence noétique toujours en action, libre, incorporelle, servante de Dieu qui possède par grâce l’immortalité en sa nature ; seul le créateur connaît le genre et la limite de cette essence. Il est sans corps, immatériel par rapport à nous bien que, comparé à Dieu, le seul que l’on ne puisse comparer à rien, tout se trouve épais, dense et matériel ; seul le divin est véritablement sans matière et sans corps.
La nature angélique, ainsi, est raisonnable, noétique, libre et évoluant par sa connaissance et de sa propre volonté, car tout être créé est changeant ; seul l’incréé est immuable. Tout être raisonnable est libre. Et comme tout être doué de raison et d’intelligence est libre, la nature angélique, créée muable et libre, est poussée à se maintenir ou à progresser dans le bien ou dans le mal.
Elle est incorporelle, elle ne peut donc se repentir comme l’homme dont la faiblesse corporelle lui fait éprouver la repentance. Elle est immortelle par grâce et non par nature ; tout ce qui a commencé a naturellement une terminaison. Dieu seul est éternellement ; il est même au-dessus de l’éternel, car celui qui a fait le temps n’est pas sous mais au-dessus du temps.
Les lumières secondes perçues par l’intellect, reçoivent leur illumination de la lumière première et sans principe ; sans le secours de la langue et de l’ouïe, sans prononcer de parole, elles se communiquent leurs pensées propres et leurs décisions.
Les anges ont tous été faits par le Verbe, achevés en sainteté par le Saint-Esprit, pour participer à la grâce selon ce qui correspond à leur dignité, à leur ordre et à leur illumination.
Ils sont cernables car lorsqu’ils sont dans le ciel, ils ne sont pas sur terre ; et envoyés par Dieu sur terre, ils ne demeurent plus au ciel. Les murs, les portes, les serrures, les sceaux ne peuvent les enfermer ; ils échappent à ces limitations, bien que tels ils ne soient pas lorsqu’ils apparaissent à ceux qui en sont dignes et à qui Dieu l’accorde, car ils changent à ce moment et prennent l’aspect qui leur permet d’être vus et à ceux-ci de les voir. N’est à proprement parler sans limitation par nature, que l’incréé. Toute créature est limitée par le créateur, Dieu.
Leur sainteté leur vient, non de l’essence mais du dehors, du Saint-Esprit ; ils prophétisent par grâce divine, et n’ont pas besoin de mariage puisque immortels. Étant intellects, leur milieu est le ciel intelligible et on ne les cerne pas, corporellement ils n’ont pas de figure corporelle et ne sont pas dans les trois dimensions ; cependant lorsqu’ils apparaissent, ils sont là pour l’intellect et opèrent ; ils ne peuvent donc être ailleurs et y opérer au même instant.
Nous ne savons si par essence ils sont égaux ou différents ; seul le sait Dieu qui les a faits et qui connaît toute chose. Mais ils diffèrent par leur lumière et leur rang, que ce soit le rang qui leur vaut cette lumière ou leur participation ce rang31, et ils se transmettent des uns aux autres la lumière d’après la supériorité de rang ou de nature ; c’est évidemment les supérieurs qui transmettent aux suivants la lumière et la connaissance.
Ils sont pleins de force et de promptitude pour faire la volonté de Dieu et se trouvent là instantanément, au moindre signe divin pour veiller aux choses de la terre. Ils président les nations, leur territoire, comme le leur a ordonné le démiurge ; ils assurent la marche de ce qui nous concerne et nous prêtent secours en veillant constamment sur nous, par la volonté et l’ordre divins, sans cesser d’être toujours autour de Dieu.
Ils sont difficilement portés au mal, mais non à l’abri de son atteinte ; ils sont constants, immuables, non par nature mais par grâce et par le zèle qu’ils portent au seul Bien.
Ils voient Dieu, à la mesure où ils peuvent atteindre et c’est là leur nourriture ; ils sont au-dessus de nous en tant qu’incorporels, éloignés de toute affection du corps quoique non impassibles, car Dieu seul est impassible.
Ils changent de forme quand le demande leur Maître Dieu, et apparaissent aux hommes pour leur dévoiler les mystères divins.
Ils vivent dans le ciel où leur œuvre est de chanter à Dieu et de servir sa volonté divine.
Comme le dit le très saint, le sacré et le grand savant du divin, Denys l’Aréopagite, la théologie, c’est-à-dire l’Écriture divine, recense neuf essences célestes, et cet initiateur divin des mystères sacrés, y distingue trois ordres. Le premier, dit-il, est fait de ceux qui sont constamment autour de Dieu, destinés à s’attacher à lui, de près et sans intermédiaire ; c’est celui des séraphins aux six ailes, des chérubins aux innombrables yeux, et des trônes très saints. Le deuxième, celui des dominations, vertus, puissances. Le troisième et dernier, celui des principautés, des archanges et des anges.
Certains, comme Grégoire le Théologien, assurent que les anges sont venus avant toute créature : « D’abord il a pensé les puissances angéliques et célestes, dit-il, et cette pensée était une œuvre ». D’autres disent que c’est après l’apparition du premier ciel. Mais tous affirment que c’est avant que fût modelé l’homme. Quant à moi je suis de l’opinion du Théologien. Il fallait d’abord que fussent créées l’essence de l’intellect, ensuite celle du sensible et alors, des deux, l’homme lui-même.
Certains enfin assurent que les anges sont les démiurges, d’une soi-disant essence ; ils se font la bouche de leur père le diable ; car étant créés ils n’ont rien d’un démiurge ; l’auteur de tout, qui prévoit et conserve, c’est Dieu, seul incréé, loué et glorifié dans le Père et le Fils et le Saint-Esprit.

 


 

Chapitre IV

Du diable et des démons

 

Parmi les puissances angéliques, le chef de file de l’ordre terrestre à qui Dieu avait confié la garde de la terre, n’était pas né mauvais par nature ; il était bon, venu pour le bien et n’avait nulle trace d’un mal que Dieu aurait déposé en lui. Cessant de tenir haut la clarté et l’honneur que le Démiurge lui avait accordés, il se détourna, dans sa liberté et sa propre décision, de la loi pour aller contre la loi et se retira de celui qui l’avait créé, Dieu, en voulant lui résister. C’est lui le premier qui rejeta le bien et choisit le mal. Le mal n’est rien d’autre que la privation du bien, de même que l’obscurité est la privation de la lumière. Le bien est une lumière de l’intelligence supérieure le mal est la ténèbre de cette intelligence. C’est en effet après la création de la lumière qu’est venu le bien : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici cela était très bien ». (Gén. 1, 31). C’est par sa libre volonté qu’il est devenu ténèbre. Tirée avec violence, une multitude infinie des anges suivit et tomba avec leur chef placé au-dessus d’eux. Avec la même nature que les autres anges, ils devinrent mauvais et inclinèrent par choix délibéré du bien vers le mal.
Ces anges n’ont force et liberté d’action que de Dieu seul, dont ils dépendent par économie, comme le montrent l’exemple de Job et celui des porcs dont il est question dans l’Évangile. La permission donnée par Dieu, ils exercent leur puissance en changeant d’aspect, se métamorphosant selon la figure sous laquelle ils veulent apparaître.
Ni les anges de Dieu, ni les démons ne connaissent les choses à venir ; ils prédisent cependant. Dieu dévoile aux anges l’avenir et leur demande de le prédire ; ce n’est qu’ainsi que ce qu’ils annoncent se produit. Les démons aussi prédisent, tantôt parce qu’ils voient de loin venir les événements, tantôt parce qu’ils conjecturent. De là qu’ils mentent pour la plupart et qu’on ne doive pas les croire, même s’ils disent vrai souvent de la façon que nous avons dite, car ils connaissent aussi les Écritures.
C’est eux qui conçoivent le mal, les passions impures ; ils peuvent pousser l’homme, mais non le forcer, car nous avons en nous d’accepter ou de refuser leur influence. C’est pourquoi le feu inextinguible a été préparé, ainsi que l’éternel supplice, pour le diable, ses démons et ceux qui le suivent.
Ce que la mort est pour les hommes, la chute l’est pour les anges, car après la chute il n’y a pour eux pas de conversion ni pour les hommes après la mort.

 


In Saint Jean Damascène, Exposé de la foi orthodoxe suivi de la Défense des icônes, Traduction : Ponsoye, E., p.25-7, Institut français de théologie de Paris
Version électronique disponible sur les sites des Vrais Chrétiens Orthodoxes Francophones et de la Foi orthodoxe / Exposé de la foi apostolique – Catéchisme orthodoxe


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