II – Construisons des églises !
Paroles prononcées à l’église de Radu-Voda, le premier mercredi du carême, le 15 mars 1978
Traduction: hesychia.eu
« … et je te dis aussi, que tu es Pierre, et sur cette pierre j’édifierai mon Église; et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle »
Matthieu 16:18
Te souviens-tu, jeune homme, quand je t’ai dit qu’une voix nouvelle t’appelle et que c’est la voix de Jésus ? Mais où et pour quelle raison t’appelle-t-elle ? Quelle promesse séduisante pour ta soif de connaissance te fait le Sauveur ?
La voix de Jésus t’appelle à son église.
Tu vis dans une famille, dans une société, dans le monde. Tu es lié à ta famille par cette voix ineffable du sang, que tu ne peux pas renier et qui se venge par ta souffrance, lorsque tu la trahis. Tu vis au sein de ta nation, que tu ressens comme une entité métaphysique ; non pas en tant que groupe d’individus isolés, mais en tant qu’âme immense et unique dans laquelle tu es tout et tout vit à travers toi. Tu existes dans un monde, avec ses joies et ses peines, et tu vibres à ces joies et ces peines, car il y a quelque chose en toi qui te lie et t’unit inextricablement à tous tes semblables.
Où se trouve alors l’Église du Christ à laquelle tu es appelé, aussi ?
Elle est partout. Elle contient en elle-même tous les êtres humains et plus encore : les êtres célestes, également ; parce que l’Église ne connaît pas l’histoire : son histoire est le présent spirituel.
La famille, la société portent en elles le destin tragique de leur limitation par une circonscription historique. L’histoire est, par définition, la chronologie du malheur et le chemin vers le salut.
Mais toi, mon jeune ami, tu es appelé à l’Église du Christ, qui a été conçue en Dieu de toute éternité et qui porte en elle la perfection, comme le monde porte sa propre essence. La société te considère comme un simple élément constitutif, une brique parmi d’autres briques ; ta liberté est celle d’être une brique posée une fois pour toutes. Cette liberté est la liberté de la contrainte et c’est ici que commence ton drame, car la liberté est en toi, mais tu ne sais pas comment la découvrir dans son vrai sens ni comment l’utiliser après l’avoir enfin découverte. On t’a dit que tu n’as pas de liberté, que ta liberté est la compréhension de la nécessité, et que cette nécessité t’est imposée par un élément complètement extérieur à toi, comme dans une construction morte.
L’Église du Christ est vivante et libre. En elle, nous vivons et nous nous déplaçons à travers le Christ, qui est la tête de l’Église, en pleine liberté, car en elle nous connaissons la vérité et la vérité nous rend libres (Jean 8:32).
Quand tu souris aux attristés ; quand tu aides une personne âgée à marcher plus aisement ; quand tu fais l’aumône aux pauvres et que tu visites celui qui est malade ; quand tu dis : « Seigneur, viens à mon secours ! », tu es dans l’Église du Christ. Quand tu es bon et gentil ; quand tu évites de t’énerver contre ton frère, même s’il a blessé ta sensibilité ; quand tu dis : « Seigneur, pardonne-lui ! » — tu es dans l’Église du Christ. Lorsque tu travailles honnêtement là où tu es et que tu rentres épuisé le soir, mais avec le sourire aux lèvres, chez les tiens, emportant avec toi une lumière chaleureuse et remplie d’humanité ; lorsque tu rachètes le mal par l’amour — tu es dans l’Église du Christ.
Tu vois donc, mon jeune ami, à quel point tu es proche de l’Église du Christ ? Tu es Pierre et Dieu construit son Église sur toi. Tu es la « pierre » de son église, que personne et rien ne pourra bouger, parce que tu es une « pierre » libre, une âme qui se réalise elle-même dans cette église, et non un condamné à l’immobilité.
Construisons des églises, mon ami ! Construisons des églises avec nos cœurs brûlants, dans lesquels brille le soleil éclatant de la justice, Christ, Celui qui nous a dit que par la foi nous sommes libres du péché. Construisons les églises de notre foi, qu’aucune puissance humaine ne peut ébranler, car le fondement ultime de l’Église est le Christ lui-même. Sens ton voisin à tes côtés, toujours présent, et ne te demande jamais : « Qui est cet homme ? » mais dis-toi : « Il n’est pas étranger. C’est mon frère. C’est l’Église du Christ, comme moi, je le suis. » Regarde en arrière, mon ami, et tremble ! Regarde devant toi et réjouis-toi ! L’histoire est une série d’événements sclérosés d’où se lèvent, de temps en temps, les témoignages vivants de la foi voïvodale, matérialisés dans les églises et les monastères. Trésor de l’âme roumaine et chrétienne, ils représentent l’esprit qui donne vie à notre tradition nationale. Tout ce qui tombe en dehors de cette spiritualité est voué à la destruction. Les montagnes se sont effondrées, les forêts ont brûlé, les peuples ont disparu. Mais les églises sont restées en vie et les monastères sont le foyer à partir duquel la fumée des prières monte continuellement au ciel. Nous ne pouvons pas affirmer la continuité d’une spiritualité roumaine, nous ne pouvons pas prétendre que nous avons repris sans changement la tradition et l’âme du peuple si nous détruisons les églises qui les ont exprimées pleinement. Nous ne pouvons pas parler des rois roumains en détruisant leurs réalisations ; on ne peut pas parler de Mihai le Brave faisant disparaître l’église Enei en une nuit !
Aucune cave à vin, aucun bistrot « Danube », ancien ou nouveau, ne peut égaler même une seule pierre de la fondation de l’église Enei. Aucune doctrine athée, aucun prétendu argument « scientifique » ne peut t’empêcher, jeune ami, de te poser des questions sur l’existence et son sens, sur Dieu et le salut.
Ce questionnement est la preuve de ta liberté par rapport à toute contrainte, à la matière elle-même ; c’est ton chemin vers l’église et la porte par laquelle tu y entres.
Ne pas hésiter à la porte, mon ami ! Entre ! Tu te trouves sur le seuil de l’Église depuis tant d’années sans le savoir.
Pendant tant d’années, tu as entendu la voix de Jésus qui te disait : « Celui qui vient à moi, je ne le chasserai pas. »
Le monde te chasse, t’opprime, t’aliène. Mais Jésus t’accueille, te réconforte et te redonne à toi-même.
Viens construire des églises à nos côtés ! Reconstruisons dans notre âme une Église Enei Christique et royale, vivante et immortelle jusqu’à ce que nous la voyions levée matériellement, à sa place — témoignage extraordinaire de notre foi chrétienne et de notre affirmation nationale !
Sans églises, sans monastères, nous sommes déracinés. Quiconque démolit des églises détruit l’argument même de notre subsistance matérielle et spirituelle sur cette terre qui nous a été donnée par Dieu.
Jeune ami, tu n’es plus seul. Tu es dans l’église du Christ.
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