Saint Ignace Briantchaninov
I
Un des grands pères de l’Église du 19e siècle, St. Ignace a joué le rôle très important de porte-parole pour le christianisme orthodoxe sans compromis devant l’intellectualité russe, qui s’était éloignée tellement de la vérité chrétienne qu’elle n’était plus capable de la distinguer de l’hérésie et de l’erreur. La lettre suivante (la 28éme de son recueil de Lettres aux laïques) offre un antidote bienvenu contre certaines confusions des défendeurs d’un christianisme dilué – de notre temps, aussi bien que du sien.
Voilà un spectacle digne de lamentations amères : Chrétiens qui ne savent pas en quoi consiste la foi chrétienne ! Pourtant, ce spectacle se montre à nous presque partout où nous posons notre regard; rarement, parmi tous ceux qui s’appellent eux-mêmes chrétiens, peut-on trouver quelqu’un qui est chrétien aussi bien par la parole que par les gestes.
Je répondrai à la question que tu as soulevé point par point, aussi brièvement que possible.
«Pourquoi», écris-tu, «les païens, musulmans, et les soi-disant hérétiques, ne peuvent pas être sauvés ? Il y a des personnes excellentes parmi eux. Condamner ces braves gens serait contraire à la miséricorde divine !… En vérité, il est même contraire à une saine raison humaine. Les hérétiques, après tout, sont eux aussi, des chrétiens. Se considérer soi-même sauvé, et les membres des autres croyances condamnés, est aussi bien fou qu’extrêmement orgueilleux !»
Chrétiens ! Vous faites référence au salut, mais vous ne savez pas ce que le salut est, pourquoi les gens en ont besoin, et finalement, vous ne connaissez pas le Christ, le seul moyen de notre salut. Voilà le vrai enseignement sur ce sujet, l’enseignement de l’Église Sainte et œcuménique.
Le salut consiste dans le rétablissement de la communion avec Dieu. Cette communion a été perdue par la race humaine, dans son intégralité, quand nos ancêtres sont tombés dans le péché. Toute la race humaine appartient à la catégorie de créatures condamnées. La damnation est le sort de l’humanité, qu’elle soit vertueuse ou pécheresse. Nous avons été conçus dans l’iniquité et sommes nés dans le péché. C’est en deuil que je descendrai vers mon fils au séjour des morts (Genèse 37,35), a dit le saint patriarche Jacob de lui et de son saint fils, Joseph, le juste et chaste. Il n’y a pas que les pécheurs qui sont descendus en enfer à la fin de leur pèlerinage terrestre, mais également les hommes justes de l’Ancien Testament. Voilà la puissance des bonnes œuvres humaines; voilà la valeur des vertues de notre nature corrompue.
Afin de rétablir la communion de l’homme avec Dieu, autrement dit pour son salut, la rédemption était nécessaire. La rédemption de l’humanité a été accomplie non pas par un ange, ni par un archange, ni par un autre être plus élevé, mais tout aussi limité et crée, – elle a été accomplie par le Dieu infini Lui-Même. L’exécution était le sort de l’humanité, et elle a été changée par Son exécution; l’insuffisance du mérite humain a été compensée par Sa valeur infinie. Toutes les maigres bonnes œuvres humaines, qui conduisent à l’enfer, ont été compensées par une seule et forte bonne action : la foi en notre Seigneur Jésus Christ. Les juifs ont demandé à Jésus : «Que nous faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ?» Et le Seigneur leur a répondu : «L’œuvre de Dieu est de croire en Celui qu’Il a envoyé» (St. Jean 6,29). Une bonne œuvre est nécessaire pour notre salut : la foi; mais la foi est agissante ! Par la foi, et la foi seulement, nous pouvons entrer en communion avec Dieu, avec l’aide des sacrements qu’Il nous a accordé.
Tu te trompes, alors, si tu penses, et tu dis, que les gens de bien parmi les païens et les musulmans sont sauvés, c’est-à-dire entrent en communion avec Dieu ! Il est trompeur de regarder l’affirmation contraire comme une sorte de nouveauté qui s’est glissée dans la croyance de l’Église ! Non ! Il s’agit de l’enseignement constant de l’Église de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’Église a toujours reconnu un seul moyen de salut : le Rédempteur. Elle confesse que les plus grandes vertues de la nature déchue conduisent en enfer. Si les hommes justes de la vraie Église, les lampes par lesquelles l’Esprit Saint a brillé, prophètes et patriarches, qui ont cru à l’arrivée du Rédempteur, mais sont morts avant, – s’ils sont descendus en enfer, comment peux-tu penser que les païens et les musulmans, qui n’ont pas reconnu, ni cru en Jésus Christ, mais seulement parce qu’ils te semblent justes, ont atteint le salut qui ne peut être atteint que par un seul et unique moyen, la foi en Jésus Christ, le Rédempteur ? …
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