Archevêque Platon de Kostroma et Galitch [†1877]
Le matin
Force-toi à te lever tôt et à une heure précise; sans raison particulière, ne dors pas plus de sept heures. Aussitôt réveillé de ton sommeil, élève ta pensée vers Dieu et fais sur toi avec piété le signe de la croix, en pensant au Seigneur Jésus-Christ crucifié qui pour notre salut est mort sur la croix.
Lève-toi aussitôt, habille-toi et ne te permets pas de te prélasser sur ton lit et de ne pas t’habiller. En t’habillant, souviens-toi que tu te trouves en présence du Seigneur Dieu et de ton ange gardien et souviens-toi de la chute d’Adam qui, par le péché, s’est privé du vêtement d’innocence, et demande humblement au Seigneur Jésus la grâce de Le revêtir, et ainsi de penser, de sentir, de parler et de faire comme Lui-même pensait, sentait, parlait et faisait. Ensuite, commence aussitôt les prières du matin, fléchissant le genou, prie paisiblement, calmement, attentivement, avec piété et avec la plus grande humilité comme on doit le faire sous le regard du Tout-Puissant; demande-Lui la foi, l’espérance, la charité et la bénédiction pour tes occupations de la journée; demande des forces pour accepter d’une âme égale tout ce qu’il Lui plaira de t’envoyer ou de laisser faire ce jour et pour pouvoir supporter toutes les difficultés, les infortunes, les confusions, les embûches, les chagrins et les maladies de l’âme et du corps avec fermeté, paisiblement et avec amour envers Jésus-Christ. Prends la ferme résolution de faire tout pour le Seigneur Dieu, de tout accepter de Sa main paternelle, et surtout la résolution particulière de faire précisément tel ou tel bien, d’éviter tel ou tel mal; offre-toi tout entier en victime vivante à Dieu. Songe que ce jour est peut-être le dernier jour de ta vie, et fais tout ce que tu voudrais faire, en te préparant à comparaître dès maintenant devant le tribunal de Dieu. Remercie le Seigneur Dieu de t’avoir gardé la nuit passée, d’être encore vivant et de ne pas être mort dans le péché. Que de gens sont morts la nuit passée, et ont comparu devant le tribunal redoutable du Seigneur ! Remercie aussi le Seigneur qu’il y ait encore pour toi un temps de la grâce de la miséricorde, et qu’il y ait encore un temps et le moyen de te repentir un peu, pour gagner le Ciel.
Chaque matin, pense que tu commences seulement maintenant, que tu veux être un chrétien, et que le temps passé l’est irrémédiablement. Consacre au moins un quart d’heure chaque matin à une courte méditation sur les vérités de la foi, spécialement sur le mystère inaccessible de l’Incarnation du Fils de Dieu et de Son Second Avènement, le Jugement dernier, la Passion et le paradis. Après la prière et la méditation, si le temps dont tu disposes le permet, lis encore un livre spirituel, par exemple l’Alphabet spirituel de saint Dimitri de Rostov et Le Trésor rassemblé dans le monde de saint Tikhon de Zadonsk, et lis jusqu’au moment où ton cœur sera attendri. Lorsque tu as suffisamment réfléchi à un passage, continue ta lecture et sois très attentif à ce que le Seigneur dit à ton cœur.
La journée
Après cela, occupe-toi des affaires et ton travail sera pour la gloire de Dieu. Souviens-toi que Dieu te voit partout, voit toutes tes actions, tes occupations, tes sentiments, tes pensées et tes souhaits, et qu’Il te récompensera généreusement pour tes bonnes actions. Ne commence rien sans avoir d’abord prié Dieu, car tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons sans avoir prié, ensuite se révélera peccamineux, nuisible, et nous accusera par les œuvres d’une façon que nous ne connaissons pas. Le Seigneur Lui-même a dit : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. »
Le travail
Au travail, sois toujours joyeux et paisible, confies-en le succès à la bénédiction du Seigneur, te contentant d’avoir fait ton devoir. Ce qui t’est difficile, fais-le comme une épitimie pour tes péchés, dans un esprit de silence et d’humilité ; en travaillant, prononce des prières courtes, spécialement la Prière de Jésus, et imagine-toi Jésus travaillant à la sueur de Son front, avec Joseph, pour manger Son pain. Si ton travail est fructueux, selon le désir de ton cœur, rends grâces au Seigneur Dieu; si ce n’est pas le cas, souviens-toi que Dieu permet cela aussi et que Dieu fait tout bien. S’il reste du temps avant le repas, examine comment tu t’es acquitté de tes tâches du matin, de la lecture pieuse, ou du temps de la méditation.
Le déjeuner
Pendant le repas, imagine-toi le Père des Cieux ouvrant Sa main pour te nourrir. N’oublie jamais la prière avant le repas, et pendant le repas imagine-toi que Jésus mange avec toi; donne aux pauvres une part de ton repas. Après la table, considère-toi comme l’un de ces cinq mille que le Seigneur Jésus-Christ a nourris miraculeusement; remercie-Le de tout ton cœur et prie pour qu’Il ne te prive pas de la nourriture céleste de Sa parole et du Corps et du Sang du Christ.
Si tu désires vivre en paix, confie-toi tout entier à Dieu. Tu ne trouveras pas la paix de l’âme tant que tu ne seras pas reposé dans le Dieu unique, en L’aimant Lui seul. Toujours et en tout, souviens-toi du Seigneur Dieu et de Son saint amour envers nous pécheurs. En tout, tâche d’accomplir la volonté de Dieu et de ne plaire qu’à Dieu seul. Ne fais rien contre les commandements de Dieu, ne cherche que Dieu, en travaillant et en supportant tout pour Dieu. Ne te soucie pas que les gens de ce siècle te respectent et t’aiment, mais soucie-toi seulement de plaire au Seigneur Dieu, pour que ta conscience ne t’accuse pas de péchés.
La vigilance
Si tu veux garder constamment le souvenir de Dieu, supporte les afflictions et les malheurs comme te frappant à juste titre. Sois vigilant envers toi-même, tes sentiments, tes pensées, tes mouvements du cœur, tes passions ; ne considère rien comme de peu d’importance lorsqu’il s’agit de ton salut éternel. Lorsque tu te souviens de Dieu, prie plus intensément pour que le Seigneur Se souvienne de toi quand tu L’oublieras. En tout, que soit ton maître le Seigneur Jésus-Christ: Le regardant avec les yeux de ton esprit, demande-toi plus souvent: qu’aurait fait, qu’aurait pensé, qu’aurait dit le Seigneur Jésus-Christ ? Exerce-toi, en tout ce que tu vois, à te représenter quelque chose de bon. Sois humble, silencieux, paisible, tais-toi et supporte à l’exemple de Jésus-Christ. Il ne te chargera pas d’une croix trop lourde, et Lui-même t’aidera à la porter. Ne pense pas acquérir une quelconque vertu sans affliction et sans douleur de l’âme. Demande au Seigneur Dieu la grâce d’accomplir aussi bien que possible Ses saints commandements, quand bien même ils te sembleraient très difficiles. Et si tu as exécuté un commandement, attends-toi à des tentations, car c’est en surmontant les obstacles qu’on prouve son amour pour le Christ.
Le paresseux périra
Ne reste pas, même un peu de temps, sans rien faire, mais sois toujours actif et occupé. Car le paresseux est indigne du nom d’homme et il périra nécessairement. Retire-toi à l’exemple du Christ Jésus, qui Se retirait à l’écart pour prier le Père des Cieux. Lorsque tu as des difficultés concrètes ou que se refroidit ta prière ou ton zèle pour toute occupation pieuse, ne délaisse par les œuvres de piété — ainsi le Seigneur Jésus-Christ pria trois fois lorsque Son âme était triste jusqu’à la mort. Fais tout au nom de Jésus et ainsi toutes les œuvres seront des œuvres de piété.
Évite même les plus petits péchés
Écoute plus que tu ne parles. Le bavardage ne te sauvera pas du péché. Demande pour toi au Seigneur la grâce de rester silencieux quand il faut et de parler quand il faut, mets une garde à ta bouche pour ne pas pécher par la langue, et surveille ton ouïe pour ne pas entendre des paroles détestables au Seigneur Dieu. Ne sois pas curieux des nouvelles: elles distraient l’esprit; discute plutôt sur des sujets qui en vaillent la peine. Même les plus petits péchés, évite-les, car celui qui ne s’écarte pas des petits péchés tombe forcément dans de grands et graves péchés. Si tu veux que des pensées mauvaises ne te troublent pas, accepte avec humilité les humiliations de l’esprit et les afflictions du corps, non pas en partie, mais en tout temps, en tout lieu et à tout propos. Écarte toute pensée qui t’éloigne du Seigneur, surtout les pensées de la chair, chasse-les de ton cœur le plus vite possible, comme on se débarrasse d’un vêtement sur lequel une étincelle est tombée. Quand une pensée pareille te vient à l’esprit, prie fermement : « Seigneur, aie pitié, Seigneur, aie pitié; Seigneur ne me tente pas, épargne-moi les tentations », ou quelque chose de ce genre. Mais parmi les tentations, ne sois pas confus. Celui qui envoie l’occasion du combat, Celui-là aussi donne les forces pour la victoire. Que ton esprit ne se trouble pas, aie confiance en Dieu; si Dieu est pour toi, qui sera contre toi ?
Ne conteste jamais, ne te défends pas trop, et n’invoque pas d’excuses
Demande à Dieu qu’Il t’enlève tout ce qui alimente ton orgueil, même si cette privation doit être pour toi la plus amère. Souhaite ne vivre et mourir que pour le Seigneur et Lui appartenir entièrement. Si on t’humilie, comprends que cela t’est envoyé par Dieu pour ta gloire, et ainsi tu seras dans le déshonneur sans tristesse et sans confusion, et dans la gloire quand elle viendra, mais tu seras fidèle et tu éviteras la condamnation. Si tu as la nourriture et le vêtement, sois content à l’image de Jésus, qui S’est fait pauvre pour nous. Ne conteste jamais, ne te défends pas trop, et n’invoque pas d’excuses; ne dis rien contre les chefs et ton prochain sans nécessité et sans y être obligé. Sois sincère et simple de cœur; accepte des autres les mandements, les exhortations et les accusations quand bien même tu serais très sage. Ne déteste pas, n’envie pas, sois extrêmement strict dans tes paroles et tes actes. Ce que tu ne veux pas pour toi, ne le fais pas aux autres, et ce que tu souhaites de la part des autres, commence par le faire toi-même aux autres. Si quelqu’un te visite, élève ton cœur vers le Seigneur Dieu et prie-Le de te donner un esprit doux, humble, concentré; sois affectueux, humble, prudent, raisonnable, aveugle et sourd selon les circonstances.
Les conversations
Souviens-toi que Jésus se trouve parmi ceux avec lesquels tu te trouves et tu discutes. Dissous tes paroles dans le sel de la sagesse, n’oublie jamais que le temps est court et que l’on devra rendre compte de toute parole inutile. À la conversation, imprime un but précis et essaie de la diriger pour le salut des âmes. Quand tu es utile à quelqu’un, reconnais en cela la grâce de Dieu. Quand tu te retrouves seul avec toi-même, éprouve-toi: n’as-tu pas été moins bon qu’avant, n’es-tu pas tombé dans tel ou tel péché que tu ne commettais pas auparavant ?
Tout péché laissé sans repentir est un péché pour la mort
Si tu pèches, demande immédiatement pardon à Dieu avec humilité d’un cœur contrit et en espérant Sa bonté, et hâte-toi d’apporter ton repentir devant ton père spirituel; car tout péché laissé sans repentir est un péché pour la mort et même un saint qui prie pour celui qui a commis un tel péché ne sera pas exaucé. Du reste, si tu ne te repens pas du péché commis par toi, tu retomberas vite dans ce même péché.
Cherche le bien non pour toi mais pour beaucoup
Tâche de faire du bien à tous autant que tu peux, sans te préoccuper s’ils apprécieront ou non, s’ils seront ou non reconnaissants. Et réjouis-toi non quand tu fais du bien à quelqu’un, mais quand sans rancune tu supportes les vexations, surtout de quelqu’un à qui tu as fait du bien. Si quelqu’un n’est pas obéissant dès les premiers mots, ne l’y contrains pas, et toi-même utilise le bien qu’il a perdu. Car l’absence de méchanceté te sera très profitable. Mais lorsque le mal de l’homme se répand sur beaucoup, alors ne le souffre pas, cherche le bien non pour toi mais pour beaucoup. Le bien commun est plus important que le bien personnel.
Le soir
À l’heure du dîner, souviens-toi de la dernière Cène de Jésus-Christ, et prie pour être rendu digne de la Cène céleste. Avant de te coucher, scrute ta conscience, demande la lumière de la connaissance de tous tes péchés, réfléchis-y, demande pardon pour eux, promets de te corriger, en déterminant clairement en quoi et comment tu penses te corriger. Ensuite, te confiant à Dieu, comme si tu devais cette nuit-même te présenter devant Lui, confie-toi à la Mère de Dieu, à ton Ange gardien, au saint dont tu portes le nom. Imagine-toi ton lit comme ton tombeau et ta couverture comme un linceul. Fais le signe de croix, baise la croix que tu portes, endors-toi sous la protection du pasteur d’Israël, Celui qui garde et ne dort ni ne sommeille (Ps 121, 4). Et si tu ne peux pas dormir, ou si tu veilles au milieu de la nuit, souviens-toi de cette parole : « au milieu de la nuit, un cri retentit : voici l’Époux » (Mt 25, 6) ou souviens-toi de cette dernière nuit, celle où Jésus a prié Son Père jusqu’à suer le sang ; prie pour les grands malades, pour ceux qui sont dans les angoisses de la mort, pour ceux qui souffrent et pour les défunts, et prie Dieu que l’obscurité éternelle ne te recouvre pas.
La maladie
Au temps de la maladie, mets d’abord ton espoir en Dieu, te souvenant souvent de la passion et de la mort du Christ Jésus, en les méditant, fais en sorte que ton cœur se raffermisse de plus en plus. Prie constamment, des prières que tu connais et que tu peux dire ; demande pardon au Seigneur Dieu pour tes péchés, et demande la patience au temps de la maladie. Abstiens-toi toujours de murmurer et d’être irritable, ce qui est si fréquent au temps de la maladie. Si le Seigneur a supporté pour notre salut les plus pénibles souffrances, les plus pénibles maladies, nous qu’avons-nous fait et qu’avons-nous supporté pour notre salut ?
Les offices divins
Fréquente le plus souvent possible les églises pour l’office, et en particulier, essaie d’être le plus souvent possible à la Liturgie. Le dimanche et les jours de fête, consacre-les obligatoirement à des œuvres de piété ; à l’église, représente-toi et n’oublie jamais que tu te trouves en présence de Dieu, des anges et de tous les saints ; le reste de la journée, après la Liturgie, consacre-le à des lectures pieuses ou à d’autres œuvres de piété et de charité.
Ton anniversaire, consacre-le spécialement à des œuvres de piété. Chaque année et chaque mois, scrute rigoureusement ta conscience. Confesse-toi et communie le plus souvent possible. Approche-toi toujours de la communion aux Saints Mystères avec une faim authentique et avec une soif authentique de l’âme, d’un cœur contrit, avec piété, humilité, foi, espérance, charité.
Médite le plus souvent possible sur la passion et la mort du Christ Jésus, Le priant, par la tunique de Ses mérites, de recouvrir tous tes péchés et de te recevoir dans Son Royaume. Aie toujours à la bouche et dans le cœur le Nom de Jésus. Réfléchis le plus souvent possible au grand amour du Seigneur envers toi, afin que tu L’aimes de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes les forces, et ainsi tu vivras une vie paisible sur cette terre et une vie bienheureuse au Ciel dans les siècles des siècles.
Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec toi.
La Règle brève fut empruntée par le père Alexis à l’ouvrage Bref mémorandum au prêtre sur ses obligations concernant le sacrement de confession, 9e éd., 2e partie, Moscou, 1896, p. 31-32, de l’archevêque Platon (Fiveïsky, 1809-1877) de Kostroma et Galitch, diplômé de l’Académie ecclésiastique de Moscou et en son temps écrivain spirituel connu. Le texte fut recopié par le Père Alexis à Véréia, au cours de l’été 1920, à l’usage de ses enfants spirituels. Il est à remarquer que le starets Nectaire d’Optino donnait le même texte à ses enfants spirituels, comme en témoigne le père Adrian Rymarenko, par la suite archevêque André de Rockland (1893-1978), qui la reçut en 1925.
Moniale Juliana, Le père Alexis Métchev, starets de Moscou, L’Âge d’homme, Lausanne, 2011, p. 227-232
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