Catéchèse, Orthodoxie

De la vie éphémère à la vie éternelle – III – Révélation faite par l’Ange à Abba Macaire au sujet des pannychide

17 janvier 2025

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Alors qu’Abba Macaire marchait dans le désert, un Ange du Seigneur suivit le Vieillard et lui dit : « Bénis-moi, Père saint ! ». Se retournant et pensant que c’était un moine du dé­sert, le Vieillard lui répondit : « Que Dieu te pardonne, mon enfant ! ».

Ils cheminèrent ensemble un moment, puis, considérant l’aspect de son compagnon, Abba Macaire lui deman­da : « Je te regarde, mon enfant, et je suis émerveillé de ton apparence et de ta beauté. Je n’ai jamais vu tant de grâce chez un mortel et je pense que tu n’es peut-être pas un hom­me. Aussi, par le Dieu du Ciel, je te conjure de me dire la vérité ! ». L’Ange lui fit alors une métanie et dit : « Pardonne-moi, Père ! Comme tu le constates, je ne suis pas un homme, mais un Ange envoyé pour t’instruire des mystères que tu i­gnores et désires connaître. Demande-moi donc ce que tu veux savoir et je te répondrai ! ». Le Vieillard fit une métanie à l’Ange en disant : « Seigneur, je Te rends grâces de m’avoir envoyé un guide pour m’instruire des choses que j’ignore, des mystères cachés et indicibles que je désire connaître ! ». L’Ange dit à nouveau : « Interroge-moi, Père ! ». Le Vieillard dit : « Dis-moi, Saint Ange, dans la Vie Éternelle, les défunts se connaissent-ils entre eux ? ». L’Ange répondit : « Écoute, Père saint ! Dans ce monde éphémère, les hommes dorment du soir au matin, se lèvent le jour suivant et reconnaissent les hommes qu’ils ont rencontrés la veille ; ils les saluent, parlent avec eux, et prennent souvent plaisir à rester en­semble et à échanger. Il en est de même dans l’autre monde : l’un connaît l’autre et lui parle. Car tout comme celui qui va au marché voit des riches et des pauvres et demande qui est celui-ci, qui est celui-là, et fait ainsi la connaissance de per­sonnes qu’il n’a jamais vues auparavant, ainsi en est-il dans l’autre monde — mais, ceci, seulement pour les Justes, car les pécheurs sont privés même de cette consolation ! ».

Le Vieillard l’interrogea à nouveau : « Dis-moi encore, je te prie, que se passe-t-il lorsque l’âme se sépare du corps? Et pourquoi célèbre-t-on des Pannychides 1 pour les défunts ? ». L’Ange répondit : « Écoute, Père saint ! Le troisième jour après sa sortie du corps, l’âme est saisie par les saints Anges et conduite au Ciel pour se prosterner devant Notre Seigneur Jésus-Christ. Il existe une échelle allant de la terre au Ciel, sur chaque degré de laquelle se tient une phalange de démons, ap­pelés ‹ douaniers ›. Ces esprits malins réclament alors l’âme : ils apportent leurs registres sur lesquels sont inscrites ses mauvaises actions et ils les montrent aux Anges en disant : ‹ Tel jour de tel mois, cette âme a commis tel péché — par exemple, elle a volé ou s’est livrée à la fornication, ou bien el­le a commis l’adultère ou s’est masturbée, ou encore elle a menti ou a incité autrui à commettre le mal ›. Ils exposent ain­si toutes les mauvaises actions commises par cette âme. Les Anges, eux, présentent ce qu’elle a fait de bien : ses aumônes, ses prières, les Liturgies qu’elle a fait célébrer, ses jeûnes ain­si que toute autre bonne œuvre qu’elle a accomplie. Les Anges et les démons mettent donc dans la balance les bonnes et les mauvaises actions de cette âme. Si les bonnes l’empor­tent, les Anges se saisissent avec joie de cette âme et montent au degré suivant, tandis que les démons grincent des dents comme des chiens sauvages et luttent pour essayer d’arracher la pauvre âme des mains des Anges. Toute contractée et saisie de frayeur, l’âme cherche refuge dans le sein des Anges. Une violente controverse et un grand tapage s’ensuivent jusqu’à ce que les Anges délivrent la pauvre âme des mains des dé­mons. Les Anges s’élèvent alors jusqu’au degré suivant, où ils rencontrent des « douaniers », plus redoutables et plus féroces que les précédents. Là, de nouveau, agitation et grand tapage : on ne sait qui s’emparera de la pauvre âme ! Les démons l’ac­cusent, lui font peur et crient : ‹ Où vas-tu ? N’est-ce pas toi qui t’es livrée à la fornication et as souillé le Saint Baptême ? N’est-ce pas toi qui as profané l’Habit Angélique 2 ? Où vas-tu donc ? Retourne en arrière, descends dans l’Enfer sombre et sinistre, dans le feu de la Géhenne, où le ver ronge sans re­lâche ! ›. Si cette âme est condamnée, les méchants démons la font retourner dans les profondeurs de la terre, en un lieu de ténèbres et de souffrances. Malheur à cette âme ! Maudite soit l’heure où cet homme est né ! Qui pourrait décrire, Père saint, la souffrance qu’éprouvent, en ce lieu, les âmes condamnées ? Au contraire, si l’âme est pure et sans péché, elle monte au Ciel avec grande joie ; les Anges viennent alors à sa rencontre avec des cierges et de l’encens, et l’étreignent. Accompagnée des Anges, elle s’approche du Trône du Seigneur et se proster­ne devant Jésus-Christ, notre Dieu. Elle voit les chœurs des Apôtres, des Martyrs, des Saints Pères et les neuf ordres des Anges. Elle contemple une splendeur ineffable et une beauté extraordinaire et entend des hymnes angéliques. Tu m’as in­terrogé au sujet des Pannychides ! Comment et pourquoi les accomplit-on ?

Écoute, Père saint ! Le troisième jour après sa sortie du corps, l’âme, comme nous l’avons dit, n’est pas encore montée au Ciel pour se prosterner devant le Seigneur. Aussi accomplit-on une Pannychide en ce jour, comme une offrande préliminai­re adressée au Seigneur en faveur de cette âme, avant son as­cension. Après s’être prosternée devant le Seigneur, Pâme est reconduite sur terre par les Anges, qui lui montrent les lieux où elle est passée dans sa vie et lui rappellent ses bonnes et ses mauvaises actions. Ils disent : ‹ Ici, tu as volé ; là, tu t’es livrée à la fornication ; ici, tu as condamné autrui ; là, tu t’es masturbée ; ici, tu as tué ; là, tu as fait de faux serments ; ici, tu as commis l’injustice ; là, tu as blasphémé ; ici, tu as pratiqué l’usure ; là, tu t’es enivrée ; ici, tu t’es querellée avec ton prochain ; là, tu as s­candalisé autrui ›. Puis, ils exposent ses bonnes actions : ‹ Ici, tu as pratiqué l’aumône ; là, tu as jeûné ; ici, tu t’es repentie ; ici, tu as prié ; là, tu as fait des métanies. Ici, tu as dit une Paraclisis 3, là, tu as fait des agrypnies 4; ici, tu as pratiqué l’ascèse de la sta­tion debout ; là, tu as fait preuve d’abstinence › — ceci jusqu’au neuvième jour, où, tout comme au troisième, ils montent à nou­veau au Ciel pour se prosterner. Les Pannychides que l’on cé­lèbre sont adressées au Seigneur en mémoire de cette âme, afin qu’Il l’accueille avec un regard miséricordieux. Les aumônes, les Liturgies et les Pannychides sont très profitables à l’âme et peuvent la tirer de l’Enfer. Après s’être prosternée devant le Seigneur pour la seconde fois, l’âme est conduite dans le mon­de céleste par les Anges, qui lui montrent le Paradis, le sein d’Abraham, les demeures et les lieux de repos des Justes. Contemplant cette allégresse ineffable, l’âme est remplie de consolation et de joie et prie les Anges de la faire demeurer a­vec les Justes. Les Anges lui montrent ensuite les lieux de châ­timent des pécheurs en disant : ‹ Voici le fleuve de feu, voici le ver qui ronge sans relâche, là sont les grincements de dents, là sont les ténèbres extérieures et intérieures, etc. › Il n’existe pas, Père saint, de plus sévère et plus terrible châtiment que celui ré­servé aux débauchés et aux voleurs, surtout aux moines et mo­niales, prêtres et femmes de prêtres tombés dans la fornication !

Après avoir contemplé tout cela, le quarantième jour, l’âme est à nouveau emportée par les Anges pour se prosterner devant le Seigneur. On célèbre des Pannychides, car c’est le quaran­tième jour que l’âme doit recevoir la sentence et s’en aller où le Dieu de Bonté veut qu’elle demeure, en fonction des actes qu’elle a commis sur terre, jusqu’au Jour de la Résurrection, lorsque son corps ressuscitera et qu’elle jouira du fruit de ses œuvres ».

Pleurant et soupirant, Abba Macaire dit avec amertume : « Maudit soit le jour où l’homme est né ! ». L’Ange lui répliqua : « Oui, vénérable Père, il en est ainsi pour le pécheur ! Mais pour le juste, nous devons dire : ‹ Bénis soient le jour et l’heure où il est né ! ›. Le Vieillard reprit : ‹ Dis-moi encore ceci, je te prie ! Le châtiment des pécheurs a-t-il quelque soulagement ou fin ? ›. L’Ange répondit : ‹ Non, Père saint, ni le Royaume des Justes, ni le châtiment des pécheurs n’ont de fin ! Si l’on prenait tous les mille ans un grain du sable de la mer pour le déplacer, on au­rait espoir de finir un jour ! Mais le châtiment des pécheurs, lui, n’a pas de fin ! ›.

Le Vieillard interrogea à nouveau : « Dis-moi, je te prie, quels sont les saints les plus compatissants envers les hommes, afin que les malheureux mortels les supplient d’intercéder pour eux ! ». L’Ange répondit : « Tous les saints sont compatissants envers les hommes et bien disposés à leur endroit. Mais, par votre dureté et votre ingratitude, vous les poussez à s’irriter contre vous. Les Saints Anges, eux aussi, éprouvent une gran­de compassion envers les mortels, car, grâce au salut du genre humain, ils ont vu les merveilles de Dieu. En outre, notre Très Sainte Souveraine, la Mère de Dieu est celle qui a le plus de compassion envers le genre humain. L’homme devrait avoir sans relâche Son nom aux lèvres. Mais, trompé par le diable, il est devenu ingrat. C’est, en effet, grâce aux prières et aux sup­plications de la Mère de Dieu que le monde demeure jusqu’à ce jour. Mais puisque les hommes ont abandonné Dieu et les Saints, Dieu et les Saints les ont abandonnés à leur tour ! ».

Le Vieillard interrogea à nouveau : « Dis-moi, Saint Ange, quel est le péché le plus grave ? ». L’Ange répondit : « Tout pé­ché, vénérable Père, sépare l’homme de Dieu. Toutefois, la rancune et le blasphème dominent tous les péchés. À eux seuls, ces deux péchés suffisent à précipiter l’homme en Enfer, dans les sombres profondeurs de la terre et de la mer ». Le Vieillard interrogea à nouveau : « Quel est le péché que Dieu hait plus que tous les autres ? ». L’Ange répondit : « L’orgueil ! Lui seul a cau­sé la perte du monde entier. C’est, en effet, à cause de l’orgueil qu’Adam a été expulsé du Paradis, à cause de l’orgueil que le premier des Anges s’est perdu, et c’est encore à cause de l’or­gueil que le Pharisien a perdu le fruit de ses labeurs. Si l’hom­me est dominé par cette passion, il lui est difficile de se rele­ver ». Le Vieillard interrogea à nouveau : « Quels sont les hommes qui sont châtiés plus sévèrement que les autres ? ». L’Ange répondit : « Je te l’ai dit, ceux qui ont forniqué ou blas­phémé. Bien plus, il existe, en-dessous de tous les lieux de châ­timent, un lieu de châtiment encore plus terrible et redoutable, appelé ‹ obscurité totale ›. Là sont châtiés les prêtres, les moines et les moniales qui se sont livrés à la fornication. Car l’ordre des Anges déchus, vénérable Vieillard, doit être rem­placé par les prêtres et moines vertueux, lesquels seront gran­dement glorifiés. Les mauvais moines seront au contraire renvoyés au déshonneur et au châtiment — tout comme les prêtres qui violent les lois de Dieu, et se laissent acheter, ainsi que ceux qui négligent leurs offices en raison des soucis du monde. Car les prêtres et les moines auront à rendre compte à Dieu même d’un seul office qu’ils auront négligé ! Et que te di­re des prêtres qui se sont enivrés ! Malheur à eux, car un châti­ment terrible les attend ! ». Le Vieillard reprit alors : « Dis-moi encore ceci, je te prie ! Ceux qui méprisent le saint dimanche sont-ils châtiés ? ». L’Ange répondit : « Malheur à eux. Père saint, car un terrible châtiment les attend ! Celui qui méprise le saint dimanche méprise le Seigneur, et le Seigneur le méprise ! Car le Jour du Seigneur, c’est le Seigneur ! Celui qui honore le dimanche honore le Seigneur ! De même celui qui honore la mémoire des Saints et les fête est aidé par eux, car les Saints ont une grande assurance auprès du Seigneur : tout ce qu’ils Lui de­mandent, Dieu le leur accorde ! Mais les hommes ont rejeté la crainte de Dieu ; ils n’ont d’amour ni pour Dieu ni pour aucun saint et sont attachés uniquement aux choses du monde et de l’existence quotidienne, lesquelles sont périssables et corrup­tibles ! Malheur à eux ! Sache, vénérable Vieillard, que tout homme, qu’il soit prêtre, moine ou laïc, qui n’honore pas le saint dimanche ne verra pas la Face de Dieu et n’a aucun espoir de salut.

Maintenant, Père saint, si tu as encore quelque question, in­terroge-moi, car il est temps que je retourne au Ciel me tenir devant mon Seigneur ! ». Pleurant et soupirant, le Vieillard dit avec amertume : « Malheur à nous ! Le bon serviteur de Dieu, cet Ange, lui, un être incorporel et sans péché, est pressé de rendre gloire à Dieu, et nous, êtres corporels et pécheurs, nous n’avons pas le souci de notre salut ! ».

Le Vieillard ajouta : « Dis-moi encore ceci, je te prie, quelle prière convient le plus au moine ? ». L’Ange répondit : « S’il est instruit, les psaumes de David. Sinon, l’invocation Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi, pécheur ! Cette prière est la plus puissante et la plus facile de toutes. Bien des hommes instruits ont abandonné toutes les autres prières pour ne garder que la Prière de Jésus et ont fait ainsi leur salut Car tous peuvent la garder à T esprit, jeunes gens et vieillards, hommes et femmes, moines et moniales, hommes instruits et non instruits, ceux qui sont avancés dans la vie spirituelle tout comme les débutants. Que celui qui désire faire son salut garde cette prière jour et nuit, qu’il soit en cellule ou en chemin, debout ou assis. Et s’il marche ou travaille, qu’il la dise avec zèle et amour, car elle suffit à quiconque veut faire son salut. » Le Vieillard dit à nou­veau : « Puisque tu es venu instruire le pécheur que je suis, dis — moi encore ceci, je te prie ! Si un pécheur instruit un autre hom­me, le détourne du péché et lui montre le droit chemin, aura-t-il une récompense ? ». L’Ange répondit : « Celui qui fait ainsi et détourne un autre homme du péché fait son propre salut et tire l’autre du châtiment. De même celui qui pousse un autre hom­me au mal, non seulement le fait périr, mais livre aussi sa propre âme au diable. Il n’est pas de péché plus grave que d’in­citer autrui à commettre le péché ; de même il n’est pas de meilleure action que d’inciter autrui à faire le bien ».

Après ces paroles, l’Ange inclina la tête vers Abba Macaire en disant : « Bénis-moi, Père saint, et pardonne-moi ! ». Se prosternant à ses pieds, le Vieillard dit : « Va en paix, tiens-toi devant à Sainte Trinité et intercède pour moi ! ». Et l’Ange remonta au Ciel. Abba Macaire rendit grâces à Dieu et retourna dans sa cellule. Il raconta sa vision à un ascète en qui il avait confiance, louant et bénissant Dieu ? 5


 

Moine Grégoire, Le péage après la mort ou le passage de l’âme par les douanes tenues par les démons, traduit du grec par Sœur Svetlana Marchal
Monastère du Pantocrator, Aghios Athanasios, Corfou, Grèce

Förderverein heiliger Seraphim von Sarov e.V., Düsseldorf, Allemagne, 2001

 


 

 

  1. Pannychide (du grec παννυχίς = de toute la nuit) : office commémoratif pour un défunt qui est emprunté à une partie de la vigile et est célébré a­vant l’enterrement, puis les 3ème, 9ème et 40ème jours après la mort, ainsi qu’en d’autres circonstances. 
  2. On appelle ainsi l’Habit monastique, le moine étant censé devenir sem­blable aux Anges.
  3. Office de supplication à la Sainte Trinité ou au Christ, à la Mère de Dieu, aux Saints ou aux Anges, très populaire en Grèce et célébré tout spécialement lors des catastrophes ou de toute situation de détresse.
  4. Agrypnie (du grec ἀγρυπνία = absence de sommeil) : vigile de toute la nuit, se terminant normalement par la célébration de la Divine Liturgie. Les agrypnies sont très fréquentes dans les monastères et les églises grecs.
  5. Ce texte est extrait des Homélies spirituelles de saint Macaire, éd. Aghioritiki Vivliothiki, 1964, p. 179-133 (en grec).

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