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Saint Justin de Tchélié: Lettre à l’Assemblée des évêques de l’Église orthodoxe serbe au sujet du schisme en Amérique

18 décembre 2024

Lettre du Père Justin, adressée en 1975 à l’Assem­blée des évêques de l’Église orthodoxe serbe au sujet du schisme qui s’était produit dans son diocèse d’Amérique du Nord.

 

 L’homme doit plus volontiers subir tout autre mal que de déchirer l’Église de Dieu

 

Il n’y a pas de bien plus grand et salvifique que la paix et l’unité dans l’Église de Dieu, comme il n’y a pas de mal et de désastre plus grands que l’agitation, la discorde et la destruction de l’unité de l’Église de Dieu.
 

 

Et les désordres et les déchirements dans l’Église, qui détruisent la paix et l’unité du Corps un et unique du Dieu-homme Christ, ont provoqué et provoquent des hérésies et des schismes ecclésiaux, raison pour laquelle les saints Apôtres et les saints Pères les ont condamnés et comparés à une nouvelle crucifixion du Corps du Seigneur. On voit dans l’enseignement des grands et saints Pères de l’Église à quel point la mise en pièces et le déchirement de l’unité de l’Église du Christ sont un immense mal. Nous n’en citerons que deux, saint Denys le Grand, archevêque d’Alexandrie (IIIe siècle), qui écrit dans son épître à l’évêque Novat : « L’homme doit plus volontiers subir tout autre mal que de déchirer l’Église de Dieu ; et le martyre que l’homme subit afin de ne pas déchirer l’Église est plus glorieux que celui qui consiste à ne pas sacrifier aux idoles. Car le premier martyre est plus grand que le second : ici, l’on souffre pour une âme (la sienne), tandis que là on souffre pour l’utilité de toute l’Église » (cf. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, I, 6,45). Le luminaire radieux de l’Église orthodoxe, saint Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople, annonce : « Rien ne courrouce Dieu autant que le déchirement de l’Église… Un saint homme a dit (il s’agit ici de saint Cyprien de Carthage), que le sang même du martyre ne peut effacer le péché du déchirement de l’Église » (Homélies sur l’épître aux Éphésiens, XI, 4, PG 62, 85).

 

« Il faut appliquer l’économie là où il n’y aura pas transgres­sion de la loi. »

 

 
Saints Pères évêques, nous, chrétiens orthodoxes sommes de véritables disciples du Christ Sauveur, non pas parce que nous avons moins de péchés que les autres hommes et peuples, mais parce que nous avons la foi, le repentir et l’humilité devant le Christ Dieu-homme, le seul infaillible et sans aucun péché. S’il regardait nos iniquités, qui de nous hommes subsisterait ? a dit le grand prophète de Dieu David (Ps 130, 3), et à sa suite, tous les saints de Dieu, particulièrement les Pères et les Pasteurs de l’Église du Christ, qui ont agi ainsi. Aussi, ils ont dirigé l’Église de Dieu et les âmes qui leur étaient confiées avec tant d’amour pour la vérité, de miséricorde, de façon si agréable à Dieu et avec amour pour les hommes. Sachant que le salut des hommes ne peut être réalisé et atteint que dans l’unité de l’Église, dans l’unité de la grâce, de la paix et de l’amour ecclésiaux, ils ont, comme des sages « intendants d’une multiple grâce de Dieu » (1 P 4,10) disposé si sagement et salvifiquement le salut des âmes de leurs frères et de leurs enfants qui leur était confiées, que dans les circonstances et l’environnement bien plus difficiles et complexes de la vie agitée de l’Église orthodoxe dans l’histoire, ils ont rétabli et renouvelé la paix et la réconciliation des frères de même foi selon Dieu et devant Dieu. Rappelons-nous seulement de l’acte pacificateur et plein de sagesse divine des saints Pères de Nicée lors du Ier Concile œcuménique envers l’évêque Mélèce de Lycopolis et les Méléciens à Alexandrie ; de la manière d’agir du grand et saint Athanase envers les évêques orientaux au concile d’Alexandrie de 362 ; de l’attitude du IVe Concile œcuménique de Chalcédoine envers l’évêque Juvénal de Jérusalem ; de la décision du saint patriarche Taraise et du VIIe Concile œcuménique envers les nombreux évêques iconoclastes — parmi lesquels l’évêque Grégoire de Néocésarée, lequel était même accusé d’avoir ouvertement chassé, battu et martyrisé les orthodoxes iconodules, etc., etc… Dans tous ces cas, et de nombreux autres antérieurs et plus tardifs que nous ne mentionnerons pas mainte­nant, les saints Pères ont agi avec sagesse en Dieu et amour de l’homme, avec un seul but : garder l’unité de l’Église dans la foi, la paix et l’amour, pour le salut des hommes et des peuples qui leur étaient confiés. Il n’y avait pas chez eux d’esprit de contradiction, d’amour de la vengeance, d’absence de pardon rancunière, de recherche de sa propre justice, mais « une décision plus humaine », comme le dit, par exemple, le cinquième canon du saint Ier Concile œcuménique qui dispose précisément que lors du Concile annuel — voire biannuel — les évêques traitent de façon pasto­rale des problèmes ecclésiaux et prennent des « décisions plus humaines pour les gens qui sont en discorde et excommuniés » (cf. canon 12 du même concile). Les Pères sages en Dieu savaient bien que beaucoup de choses de la vie ecclésiale, voire même les décisions de l’évêque doivent être examinées à nouveau, s’assurant qu’elles ne sont pas dues « à l’étroi­tesse d’esprit, à l’esprit de contradiction ou quelque sentiment de haine ».

Les saints évêques de l’Eglise de Dieu ont dit tout cela et agi ainsi, non pas parce qu’ils ne croyaient pas en l’infaillibilité de l’Eglise du Dieu-homme Christ ; au contraire, dans les questions de foi et de dogme, ils étaient toujours les gardiens intransigeants et intraitables de la sainte Tradition apostolique et, par la puissance de l’Esprit Saint, ses commenta­teurs infaillibles. En fait, les saints Pères ont agi ainsi parce qu’ils savaient, comme évêques et pasteurs de l’Église du Christ, que l’on peut pour l’utilité de l’Église – et cela ne peut être que le salut des hommes dans l’Église, dans le Christ — réexaminer et même changer « selon l’économie » une décision prise auparavant correctement, et combien plus des décisions qui ont donné lieu ou qui ont provoqué des troubles et des désordres plus grands que l’ordre qu’ils ont voulu précédemment introduire. C’est précisément ce que les saints Pères appelaient l’économie ecclésiale, qualifiée par eux « de moyen excellent et très sage » (Saint Cyrille d’Alexandrie, Lettre 72) et « remède » aux parties douloureuses et blessées de l’organisme ecclésial. Et ce toujours, naturellement, parallèlement à la règle d’or de saint Jean Chrysostome : « Il faut appliquer l’économie là où il n’y aura pas transgres­sion de la loi. » 1

 

 

Bernard Le Caro, Saint Justin de Tchélié, L’Âge d’homme, Lausanne, 2017, p. 246-251

 


 

 

  1. Cette règle sage de saint Jean Chrysostome est mentionnée par saint Marc d’Éphèse dans sa Confession de foi.  

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