Passons encore à une autre sorte de connaissance et de doctrine. Il y a deux voies, répondant à deux sortes de doctrine et d’autorité : la voie de la lumière et celle des ténèbres. Elles sont bien éloignées l’une de l’autre ! À l’une sont préposés les anges de Dieu, qui conduisent vers la lumière; à l’autre, les anges de Satan.
Or, Dieu est le Seigneur depuis l’origine et pour les siècles, et Satan est le prince du temps présent, le temps de l’iniquité.
La Voie de la lumière
Or, voici quel est le chemin de la lumière : si quelqu’un veut, en la suivant, parvenir au but qu’il se propose, il lui faut s’appliquer avec zèle à ses œuvres. Et nous avons reçu la connaissance de la bonne manière d’emprunter cette route.
Aime celui qui t’a fait, crains celui qui t’a formé, honore celui qui t’a racheté de la mort. Sois simple de cœur, riche du saint Esprit. Ne t’attache pas à ceux qui suivent la voie de la mort. Sache haïr tout ce qui déplaît à Dieu, sache haïr toute hypocrisie. N’abandonne pas les commandements du Seigneur.
Ne t’élève pas, mais sois humble en toutes choses. Ne t’attribue pas la gloire; ne forme pas de mauvais desseins contre ton prochain, ne laisse pas ton âme s’enfler d’audace.
Ne commets ni fornication, ni adultère; ne corromps pas les enfants. Ne te sers pas de la parole, ce don de Dieu, pour dépraver quelqu’un. Ne fais point acception de personnes lorsqu’il s’agit de reprendre les fautes d’autrui. Sois doux, sois paisible, tremble aux paroles que tu entends. Ne garde pas rancune à ton frère.
Ne te demande pas avec inquiétude si la parole va s’accomplir ou non. « Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur »[1]. Tu aimeras ton prochain plus que ton âme. Tu ne feras pas mourir l’enfant dans le sein de sa mère, tu ne le feras pas mourir à sa naissance. Tu ne lèveras pas ta main de dessus la tête de ton fils ou de ta fille, mais dès leur enfance, tu leur enseigneras la crainte de Dieu.
Ne sois pas envieux des biens de ton prochain; ne sois pas cupide. N’attache pas ton cœur aux orgueilleux, mais fréquente les humbles et les justes. Accueille comme un bien tout ce qui t’arrive, sachant que rien ne se fait sans Dieu.
N’aie pas deux pensées, ni deux langages. Car c’est un piège de mort que la duplicité dans le langage. Obéis à tes maîtres comme à l’image de Dieu, dans le respect et la crainte. Ne commande pas ton serviteur ou ta servante avec amertume, car ils espèrent dans le même Dieu que toi, de peur qu’ils n’en viennent à perdre la crainte de Dieu, votre commun maître : car Dieu ne fait pas acception de personnes, lorsqu’il nous appelle; mais il choisit ceux que l’Esprit a disposés.
Tu partageras tous tes biens avec ton prochain, et tu ne diras pas que quelque chose t’appartient en propre, car si vous possédez en commun les biens impérissables, combien plus les biens qui doivent périr ! Ne sois pas bavard, la langue étant un piège de mort. Autant qu’il te sera possible, pour le bien de ton âme, sois chaste.
N’aie pas la main tendue pour recevoir, fermée pour donner. Tu aimeras « comme la prunelle de ton œil »[2], ceux qui te prêcheront la parole du Seigneur.
Souviens-toi du jour du jugement, penses-y jour et nuit, recherche constamment la compagnie des saints. Tiens-toi toujours sur la brèche, soir en annonçant la parole et en allant porter au loin tes exhortations dans ton souci de sauver les âmes, soit en travaillant de tes mains pour racheter tes péchés.
N’hésite pas à donner et donne sans murmure, et tu connaîtras un jour celui qui sait payer largement de retour. Garde ce que tu as reçu, « sans rien ajouter, ni rien retrancher »[3]. Persévère dans la haine du mal. « Sois équitable quand tu as à juger »[4].
Ne fais pas de schismes, mais fais la paix en réconciliant les adversaires. Fais la confession publique de tes péchés. Ne va pas à la prière avec une conscience mauvaise. Telle est la voie de la lumière.
La voie des ténèbres
La voie du « ténébreux » est au contraire tortueuse, et pleine de malédictions. C’est le chemin de la mort éternelle et du châtiment. On y rencontre tout ce qui perd les âmes : l’idolâtrie, l’impudence, l’orgueil de la puissance, l’adultère, le meurtre, la rapine, la vanterie, la désobéissance, la ruse, la malice, l’arrogance, les drogues, la magie, la cupidité, le mépris de Dieu.
Les persécuteurs des justes, les ennemis de la vérité, les amis du mensonge; car tous ces gens ne connaissent pas la récompense te la justice, ils « ne s’attachent pas au bien»[5], ils ne secourent pas la veuve ni l’orphelin; ils sont toujours en éveil non pour craindre Dieu, mais pour faire le mal. Bien loin de la douceur et de la patience, « ils aiment les vanités »[6] , « poursuivent le gain »[7]; sans pitié pour le pauvre, sans compassion pour l’affligé, ils sont prompts à la médisance, et, ne reconnaissant pas leur Créateur, « ils tuent les enfants »[8], font périr par avortement des créatures de Dieu. Ils repoussent le nécessiteux, accablent l’opprimé, se font les avocats des riches, les juges iniques des pauvres. Bref, ils pèchent de toutes les manières.
Conclusion des Deux Voies
Il est donc juste de s’instruire de toutes les volontés de Dieu consignées dans les Écritures, et de se diriger d’après elles. Car celui qui les accomplit sera glorifié dans le royaume de Dieu, mais celui qui choisit l’autre voie périra avec ses œuvres. C’est pour cela qu’il existe une résurrection et une rétribution.
J’ai quelque chose à vous demander, à vous qui êtes des privilégiés, si vous me permettez un conseil que m’inspire ma bienveillance. Vous avez parmi vous des gens à qui faire du bien; n’y manquez pas.
Il est tout proche le jour où tout périra aux yeux du méchant : « Le Seigneur est proche ainsi que sa rétribution »[9].
Je vous en prie encore et encore : soyez à vous-mêmes vos bons législateurs, vos conseillers fidèles; éloignez-vous de toute hypocrisie.
Veuille le Seigneur, le Maître de l’univers, vous donner la sagesse, l’intelligence, la science, la connaissance de ses volontés avec la patience.
Faites-vous dociles à Dieu, recherchant ce que le Seigneur attend de vous, afin d’être trouvés fidèles au jour du jugement.
S’il demeure quelque mémoire du bien, souvenez-vous de moi en méditant ces enseignements, afin que mon zèle et mes veilles aient porté quelque fruit; je vous en prie, c’est une grâce que je vous demande.
Tant que vous serez dans le précieux vase de votre corps, ne négligez aucun de ces enseignements, mais appliquez-y continuellement votre esprit et accomplissez tout ce qui est commandé; la chose en vaut la peine.
C’est pour cela surtout que je me suis empressé de vous écrire, sur les sujets à ma portée, voulant vous donner de la joie. Salut à vous, enfants de dilection et de paix. Que le Seigneur de gloire et de toute grâce soit avec votre esprit.
[1] Dt 5,11
[2] Dt 32,10; Ps 16, 8; cf. Ps 7,2
[3] Dt 12,32
[4] Dt 1,16; Pr 31, 9
[5] Rm 12,9
[6] cf. Ps 4,3
[7] Is 1,23
[8] Sg 12,5
[9] Is 60,10
Lettre de Barnabé
Les écrits des Pères apostoliques, Collection Sagesses chrétiennes, Les Éditions du Cerf, Paris, 2001, pg. 307-313
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