Nous savons avec certitude la date de naissance de Maxime — le Confesseur par sa déposition lors de son jugement à Constantinople en 654. À la question « quel âge as-tu ? », il répond : « Soixante-quinze ans ». Donc, Maxime est né vers 580, à l’époque où arrive à Constantinople comme apocrisiaire S. Grégoire le Grand, c’est-à-dire encore dans l’éclat du siècle de Justinien et pourtant déjà au seuil de ce terrible vu’ siècle qui verra la montée foudroyante de l’Islam, la dislocation définitive de la chrétienté orientale et le rétrécissement de l’Empire byzantin à la manière d’une peau de chagrin.
D’autre part, nous savons qu’après le premier procès de 655, Constant essaya de fléchir Maxime par la flatterie et ordonna « d’amener le moine Maxime avec beaucoup d’honneurs et d’égards, en raison de sa vieillesse et de sa faiblesse, parce qu’il connut mes ancêtres et leur fut cher » (PG 90, 160 D – 161 A). Voilà la seule base historique de ce que nous rapporte la tradition hagiographique, à savoir que Maxime aurait été premier secrétaire de l’empereur Héraclius. Ce qui est sûr c’est que dès 617 Maxime est à Constantinople dans les milieux proches de la cour impériale puisqu’à cette date il accepte comme fils spirituel son disciple Anastase dont on dira au procès qu’il avait été « secrétaire de l’aïeule de l’empereur Constant » (PG 90, 168 A) c’est-à-dire de la femme d’Héraclius. Par ailleurs, l’aisance avec laquelle Maxime échangera plus tard une volumineuse correspondance avec les plus hauts dignitaires de l’Empire montre qu’il a vécu au moins un certain temps auprès d’eux. Et c’est parce qu’il connaît de l’intérieur le milieu de la Cour byzantine, qu’il sera plus, tard si intransigeant avec les prélats de cour, dociles, instruments de la politique de l’empereur.
En 610 Héraclius a pris le pouvoir. En 617 Anastase devient le disciple de Maxime ; celui-ci déclare, en effet, en 654, l’avoir depuis trente-sept ans comme compagnon.
Il habite au monastère de Philippique à Chrysopolis, le faubourg, asiatique de Constantinople (aujourd’hui Scutari). Il s’agissait d’une fondation récente datant du vivant même de S. Maxime, puisque c’est en 594 que Philippique, beau-frère de l’empereur Maurice, l’avait édifié sur le mont Saint-Élie (aujourd’hui la hauteur d’Üsküdar) et dédié à la Mère de Dieu. Nous n’avons malheureusement aucun renseignement sur la tradition monastique qui inspirait ce monastère, ce qui est regrettable, car il aurait été très important de savoir quel courant spirituel (et donc aussi théologique) Maxime y a rencontré. Par contre, nous savons que Pyrrhus qui, devenu patriarche de Constantinople, devait être un des adversaires de Maxime y fut higoumène. Mais, comme il dit lui-même, dans sa dispute théologique avec Maxime en 645 à Carthage, « qu’il ne l’a jamais auparavant rencontré personnellement » (PG 91, 288 B), il a dû l’être après le départ de Maxime. D’ailleurs Maxime a vraisemblablement quitté Chrysopolis avant 630.
C’est dans un cadre monastique que Maxime a été initié, de toute évidence, à la réflexion théologique qui devait avoir une telle place dans sa vie. Sur ce dernier point, Maxime lui-même nous donne des renseignements dans sa préface aux Ambigua II. En fait, il s’agit d’une lettre adressée à Jean de Cyzique qui lui avait demandé des éclaircissements sur de nombreux passages obscurs (et même ambigus) de S. Grégoire de Nazianze (dit le Théologien). Au début de sa lettre, Maxime rappelle qu’il s’agit « des passages qui vous faisaient difficulté et sur lesquels je m’étais penché quand j’étais avec les autres » (PG 91, 1064 B). Auprès de Jean il s’était penché volontiers sur les questions théologiques. […]
Maxime, équilibrant dialectiquement les spéculations origéniste et dionysienne l’une par l’autre, rend possible une ligne théologique originale à laquelle il consacre ses pages les plus personnelles : le primat de la charité, la divinisation par la collaboration de notre vouloir avec celui de Dieu, la vie ascétique comme épanouissement de la grâce baptismale d’adoption, etc.. ; Tous ces thèmes sont présents dès ses premières œuvres. Il n’est pas du tout impossible qu’il ait été formé dans le courant spirituel et théologique du monachisme macarien qui, malgré ses contrefaçons messaliennes, connaît vite une grande expansion puisque, dès le Ve siècle, il est en Épire avec Diadoque de Photicé.
Mais en 626 une campagne conjointe des Perses et des Avars contre Constantinople va arracher Maxime à son monastère. La communauté est dispersée : il semble que chacun parte de son côté, comme il peut. Nous ne savons pas très bien où s’est enfui Maxime, accompagné de son fidèle Anastase qui ne le quittera plus jusqu’à la mort. À Constantinople, en cet été tragique de 626 qui voit son siège et presque l’effondrement de l’Empire ; le héros du jour, celui qui incarne la résistance et la foi en ces heures sombres et qui composa peut-être le splendide hymne « Acathiste » à la Vierge protectrice de la Ville, le Patriarche Sergius, prépare depuis près de dix ans une « formule » théologique susceptible de rétablir l’unité religieuse de l’Empire : le monoénergisme. Dans le moine errant, fuyant de ville en ville, sans pierre où reposer la tête, et dans le patriarche devenu ethnarque, en l’absence de l’empereur, organisant la résistance derrière les murailles, s’affrontent déjà symboliquement deux types d’Orient chrétien, ou, tout simplement, deux types de croyants. Dans le drame qui commence, chacun ira jusqu’au bout, tirera toutes les conséquences de ses prémisses et les subira.
Garrigues, Juan Miguel, Maxime le Confesseur – La charité, avenir divin de l’homme, Éditions Beauchesne, Paris, 1976, p. 35-39
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