Pourquoi Dieu a permis que les disciples aient douté de la Résurrection de Jésus Christ; de ce que le Sauveur a fait dans l’intervalle de sa Résurrection jusqu’à son Ascension; de la prééminence qu’il a donnée à saint Pierre et des cicatrices de ses plaies.
Quarante jours se sont écoulés, mes chers frères, depuis la glorieuse résurrection de notre Seigneur Jésus Christ. La puissance divine a rétabli, le troisième jour, le vrai temple de Dieu qui avait été détruit par l’impiété des Juifs. C’est par un dessein particulier de la Providence et pour notre instruction, que ce nombre de quarante jours a été accompli; il fallait que la présence corporelle du Seigneur pendant ce long intervalle, confirmât la vérité de sa résurrection et fortifiât la foi chancelante de ses disciples par les preuves qu’il leur en donnerait. La mort de Jésus Christ avait porté le trouble dans leurs cœurs; le supplice de la croix, son corps privé de vie et de mouvement dans le tombeau, tout cela les avait accablés de tristesse, et ils semblaient avoir perdu toute espérance. En effet, nous savons par l’Évangile, que le témoignage des saintes femmes, lorsqu’elles apprirent aux apôtres et aux disciples que la pierre du tombeau avait été levée, que le corps ne se trouvait plus dans le sépulcre, et que des anges leur avaient annoncé que le Seigneur était vivant, leur parut un songe, et qu’ils regardèrent ces paroles comme des rêveries. L’esprit de vérité n’eût assurément point permis que ces doutes enfantés par la faiblesse humaine, fissent impression sur ceux qu’il destinait à prêcher l’Évangile, si leur lenteur à croire et leur curieuse sollicitude pour aller à la recherche de la vérité, n’eût contribué à jeter les fondements de notre foi. C’est donc pour guérir nos alarmes et pour dissiper, nos troubles, que les apôtres les ont éprouvés. En eux et par eux nous étions instruits, et ils nous préparaient des armes pour nous défendre contre les calomnies des impies et les arguments de la fausse sagesse du monde. Ils ont vu, ils ont entendu, ils ont touché le Verbe divin dont ils nous parlent. Quels témoins seraient plus propres à nous confirmer dans la foi ?
Ainsi, mes chers frères, rendons grâces à la disposition de la divine Providence, et dans les difficultés que trouvaient à croire les saints que Dieu nous a donnés pour maîtres, reconnaissons les remèdes de notre incrédulité. Ils ont douté, afin que nous n’eussions plus lieu de douter nous-mêmes. L’intervalle qu’il y a eu entre la résurrection du Seigneur et son ascension, n’a donc pas été inutile, mais il a servi à nous révéler de grands mystères et à confirmer des sacrements bien augustes. C’est dans ces jours de salut où la crainte de la mort, si terrible à l’homme, s’évanouit pour nous, puisque non seulement l’immortalité de notre âme, mais même celle de notre corps nous est clairement manifestée. C’est dans ces jours que le Seigneur, en soufflant sur ses apôtres, leur communique le saint Esprit, et qu’en donnant les clefs de son royaume au bienheureux Pierre de préférence sur les autres, il lui confie le soin de son troupeau. C’est dans ces jours que deux disciples voyageant ensemble, le Seigneur se joint à eux dans le chemin, et qu’en leur personne il dissipe tous les nuages qui pourraient obscurcir notre foi, par les reproches qu’il leur adresse sur leurs craintes et leur lenteur à croire. Leur esprit se trouve alors éclairé des lumières divines, et leurs cœurs froids et timides sont embrasés d’amour en entendant le Seigneur leur développer le sens des Ecritures. Leurs yeux auparavant aveuglés, s’ouvrent à la fraction du pain. Plus heureux que nos premiers parents, ils sont les témoins de la gloire à laquelle la nature de l’homme a été élevée, au lieu que ceux-là n’eurent les yeux ouverts, après leur désobéissance, que pour ressentir en eux la confusion qu’ils avaient justement méritée.
Pendant que ces miracles et plusieurs autres s’opéraient, et que les disciples étaient toujours agités de frayeurs, le Seigneur parut au milieu d’eux et leur dit : « La paix soit avec vous » (Lc 24,36); et afin de dissiper les fausses pensées dont leurs cœurs s’occupaient (car ils croyaient voir un esprit et non un corps véritable), le Sauveur les reprit d’avoir des sentiments si peu conformes à la vérité. Il leur fit voir les cicatrices de ses plaies restées à ses pieds et à ses mains, en les invitant à les considérer attentivement. Il était nécessaire, pour guérir l’incrédulité des cœurs, qu’il conservât après sa résurrection les marques des clous et la plaie de son côté, et qu’il levât ainsi tous les doutes, et prouvât de la manière la plus convaincante que la nature de l’homme; qui avait été mise dans le tombeau peu de jours auparavant, privée de vie, était la même qui allait partager avec le Père éternel la gloire de son trône.
C’est ainsi, mes chers frères, que, pendant tout le temps qui s’est écoulé entre la résurrection du Seigneur et son ascension, la providence de Dieu, en instruisant ses disciples, a solidement établi les fondements de leur croyance. En les rendant témoins de la vérité, elle leur a donné des preuves indubitables que le Seigneur Jésus, qui avait véritablement pris un corps mortel, qui avait souffert et qui était mort, était aussi vraiment ressuscité. C’est pourquoi, non seulement les apôtres, mais tous les disciples qui avaient perdu courage en le voyant souffrir le supplice de la croix, et qui avaient douté de sa résurrection, ranimés et fortifiés par la manifestation réelle de sa présence, loin de s’abandonner à la tristesse lorsqu’ils le virent monter au ciel, furent comblés de joie.
Et, en effet, y eut-il jamais un sujet plus légitime de se réjouir que dans cet heureux moment où la nature de l’homme s’élevait, en présence de cette sainte assemblée, au-dessus de tous les esprits célestes, au-dessus de tous les ordres des anges et des archanges, sans trouver dans sa glorieuse ascension, par de-là tous les cieux, aucun obstacle qui l’arrêtât jusqu’à ce que, reçue dans le sein du Père éternel, elle fût assise sur le trône de celui qui reconnaissait dans son Fils la nature divine par laquelle il lui est égal ? Ainsi, mes chers frères, puisque les membres sont appelés à la participation de la gloire du chef qui les a précédés, livrons-nous en ce jour où l’ascension du Sauveur est le gage de notre véritable élévation, aux transports d’une sainte allégresse, et rendons à Dieu d’éternelles actions des grâces. Désormais, non seulement la possession du paradis nous est assurée, mais en Jésus Christ nous avons pénétré jusqu’au plus haut des cieux, et son ineffable miséricorde nous a procuré plus de biens que nous n’en avions perdus par l’envie du démon. La jalousie de notre ennemi nous a privés du bonheur dont nous aurions joui dans notre première demeure, et le Fils de Dieu, par l’union intime qu’il a daigné contracter avec ceux qu’il s’est incorporés, nous a placés en sa personne à la droite de son Père, avec qui il vit et règne dans l’unité du saint Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.
Homélies de saint Léon le Grand sur les mystères de Jésus-Christ et pour le temps de Carême par M. l’abbé P. Chauvièrre, Félix Girard, Éditeur, Paris, 1866, pp. 445-450
Homélie disponible également en format numérique [pdf] sur le site des Vrais chrétiens orthodoxes francophones
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