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Le chrétien dans le monde

22 juin 2021

Mes contemporains — les hommes de ce siècle scientifique et matérialiste, qui ne peuvent pas vivre sans tout mesurer, tout calculer, tout préciser — se sont efforcés d’établir exactement, scientifiquement, la direction de ma vie, de mes pensées, de mes opinions et de mes actes. Comme on l’établit pour chaque citoyen.

Saint Pierre, VIe siècle. Détail.

Pour établir exactement la direction que prend un citoyen ils utilisent naturel­lement la boussole. Malheureusement l’aiguille de la boussole n’indique que les directions sur terre. Mes contemporains ont constaté, boussole en main, très scientifiquement, que je ne me dirige ni à droite ou à l’ouest, ni à gauche ou à l’est, ni en avant, ni en arrière. Ils ont conclu alors, scientifiquement, que je n’ai pas de direction. Que je marche n’importe où. Comme le vent. Et cela leur a paru si suspect et si dangereux qu’ils m’ont infligé de terribles souffrances. Au fond, je leur donne raison à cet égard.

L’attitude et la direction que prend tout individu, ils veulent les connaître pour pouvoir le surveiller, pour l’aider, s’il est sur la ligne que l’autorité approuve, ou pour le tuer, s’il est sur une autre ligne. Moi, du moment qu’ils ne peuvent pas établir la direction de mes pas, boussole en main, ils ne peuvent ni m’aider, pour avoir éventuellement un partisan de plus, ni me tuer, pour avoir un adversaire de moins. Toute ma vie ils ont eu avec moi de grands désagréments. Car je me trouvais toujours là où ils ne m’attendaient pas. La boussole n’indiquait jamais exactement où j’allais.

Malgré les désagréments que j’ai causés à mes contemporains, j’ai la conscience tranquille. La faute leur en incombe exclusivement. Pourquoi utilisent-ils des appareils, comme la bous­sole, qui n’indiquent que les points cardinaux, et jamais le ciel? Comme leurs appareils n’indiquent pas le ciel, ils en ont conclu que le ciel n’existe pas. Tant pis pour eux !

C’est justement le ciel qui est mon point de direction.

 

Virgil Gheorghiu, De la vingt-cinquième heure à l’heure éternelle, Presses Pocket, Paris, 1977, pp. 12-13

 

 

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