Quel agréable compagnon de notre vie sur terre que le prophète David ! Il est là, sur tous les chemins de notre existence, intervient avec discernement dans tous les âges spirituels et participe à chaque étape de notre progression. Il se mêle aux jeux des enfants en Dieu, lutte avec les hommes, instruit la jeunesse et soutient la vieillesse. Il est tout pour tous, l’arme des soldats, l’entraîneur des athlètes, la palestre des gymnastes, la couronne des vainqueurs, la joie des convives ou la consolation funèbre.
Rien dans notre vie n’est étranger à sa grâce. Notre prière serait-elle forte sans la participation de David ? Et la fête serait-elle joyeuse sans la lumière que lui apporte le Prophète ?
Nous pouvons le constater aujourd’hui même : à cette fête, déjà belle pour nous, le prophète confère encore plus de grandeur, par lui-même, lorsqu’il ajoute à cette célébration la joie qui vient des psaumes et qui lui correspond tout à fait.
Dans l’un de ces psaumes, [Ps 22] il te demande d’être la brebis que Dieu mène paître et qui ne manque d’aucun bien. Le bon berger y est aussi herbe du pâturage, eau du repos, nourriture, abri, chemin et guide ; il est tout et accorde sa grâce selon les besoins du moment.
L’Église tire de là cette leçon : il te faut d’abord devenir la brebis du bon pasteur, conduite à travers une belle catéchèse vers les sources et les pâturages divins de l’enseignement, pour être enseveli avec lui en sa mort par le baptême, sans craindre une pareille mort.
Ce n’est pas la mort, c’en est l’image et l’ombre. « Si en effet je m’avance au milieu de l’ombre de la mort, je ne craindrai pas ce qui m’arrive comme un mal, car tu es avec moi », dit-il (Ps 22,4).
Ensuite il te guide avec le bâton de l’Esprit (car l’Esprit est le Consolateur). Il dresse la table mystique qu’il a préparée contre celle des démons. C’étaient eux qui opprimaient la vie des hommes avec leur idolâtrie. Contre eux voici la table de l’Esprit.
Puis il oint la tête avec l’huile de l’Esprit ; il ajoute le vin qui réjouit le cœur et il inspire à l’âme cette sobre ivresse, lui faisant oublier l’éphémère pour songer à l’éternel. Car qui a goûté à cette ivresse-là reçoit l’éternité, au lieu d’une vie tôt terminée, et son séjour dans la maison de Dieu est aussi long que la longueur des jours.
Telle est la grâce dont il nous fait part dans l’un des psaumes. Dans le suivant, il appelle l’âme à une joie plus grande encore et plus accomplie. Expliquons-le, voulez-vous, en le reprenant brièvement. « À Dieu la terre et ce qui la remplit. » (Ps 23,1). Y a-t-il là rien d’étrange, homme, que notre Dieu soit apparu sur terre et qu’il ait vécu avec les hommes ? La terre est sa création et, par là, son œuvre. Il n’est donc ni curieux ni invraisemblable que le Seigneur soit venu chez Lui. Il ne se trouve pas dans un monde étranger, mais dans celui qu’Il a Lui-même formé, quand Il a assis la terre sur les mers et l’a façonnée de manière à permettre le passage des fleuves.
Pourquoi sa Présence parmi nous ? Pour te libérer des abîmes du péché et te conduire sur la montagne de la royauté, si tu utilises ton état vertueux comme un char pour cette ascension. Car on ne saurait accéder à cette montagne sans être accompagné des vertus : il faut des mains innocentes, loin de la souillure du mal, il faut aussi un cœur pur, sans tourner son âme vers les vanités ni vouloir tromper son prochain. La bénédiction récompense alors cette ascension. Le Seigneur donne la miséricorde qui lui est réservée. « Telle est la race de ceux qui le cherchent. » (Ps 23,6), qui se hissent à cette hauteur par la vertu et qui cherchent la face du Dieu de Jacob.
La suite du psaume est peut-être plus élevée encore que la parole évangélique. En effet, les évangiles ont raconté la vie du Seigneur sur terre et son Ascension, alors que ce sublime prophète s’est pour ainsi dire désincarné, comme pour ne pas être alourdi ni entraîné par son corps, et s’est mêlé aux puissances célestes : il nous rapporte ainsi leurs paroles, quand elles ont accompagné le Seigneur lors de son retour et ont demandé l’entrée des anges terrestres qui avaient eu accès à la vie humaine. Elles déclarèrent : « Chefs, levez vos portes et vous, portes éternelles, exhaussez-vous et le Roi de gloire entrera. » (Ps 23,7). Puisque celui qui embrasse tout en lui, partout où il est, se mesure à l’importance de ce qui est en lui — car Il n’est pas seulement homme parmi les hommes, mais aussi, très logiquement, il se conforme à la nature des anges quand Il Se trouve parmi eux —, les portiers lui demandent de leur indiquer « quel est ce Roi de gloire. » (Ps 23, 8).
C’est pour cette raison que les puissances célestes leur répondent : celui qui est fort et puissant au combat, celui qui va s’attaquer au dominateur de la nature humaine, tenue en captivité, et qui va renverser le détenteur du pouvoir de la mort, pour que, après la destruction de ce dernier ennemi, la nature humaine soit rendue à la liberté et à la paix.
Le texte répète les mêmes paroles (en effet le mystère de la mort est déjà accompli, la victoire sur les ennemis remportée, le trophée, à savoir la croix, érigé sur eux ; ou encore : « Il est monté sur les hauteurs, celui qui emmène la captivité en captivité » [Ps 67,19], celui qui a fait le si beau don de sa vie et de son royaume aux hommes) ; il faut alors que de nouveau les portes d’en-haut s’ouvrent à Lui. Nos gardiens l’escortent et ordonnent l’ouverture pour Lui des portes d’en haut, afin qu’Il retrouve en elles sa gloire. Or on ne reconnaît pas Celui qui S’est revêtu de l’enveloppe impure de notre existence et dont le rouge des vêtements vient du pressoir (cf. Is 63, 21) des maux humains.
C’est pourquoi les portiers posent cette question à ceux qui l’escortent : « Quel est ce Roi de gloire ? »(Ps 23,10). Leur réponse n’est plus alors : « Le fort, le héros au combat » (Ps 23,8), mais « le Seigneur des puissances » (Ps 23,10) qui s’est attaché le pouvoir de l’univers, qui a rassemblé cet univers en Lui, qui occupe en tout le premier rang, qui a tout rétabli dans le sens de la première création ; c’est Lui, le Roi de gloire.
Vous voyez comment David a rendu cette célébration plus douce pour nous : sa propre allégresse se mêle à la joie de l’Église. Imitons donc, nous aussi, le prophète, autant que nous pouvons l’imiter, dans son amour de Dieu, dans la bonté de sa vie, dans sa patience à l’égard de ceux qui le haïssent, afin que l’enseignement du prophète nous montre comment vivre selon Dieu, en Jésus Christ notre Seigneur. Gloire à Lui pour les siècles des siècles, amen.
Grégoire de Nysse, Le Christ pascal, Trad. Ch. Bouchet, coll. « Pères dans la foi », Migne, Paris, 1994, pp. 101-106
Homélie disponible également en format numérique [html] sur le site des Vrais chrétiens orthodoxes francophones
Pas de commentaire