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Saint Avite, évêque de Vienne, en Dauphiné [5 février │ † 525]

19 juin 2021

Ce saint pontife se nommait Alcimus Ecditius Avitus. Il naquit, selon toute apparence, à Vienne, en Dauphiné, vers le milieu du Ve siècle (451 ou 452). Nous savons par ses écrits qu’il appartenait à une famille patricienne et sénatorienne, originaire de l’Auvergne : lui-même prend quelquefois les titres de Sénateur romain et de Sénateur catholique.

Ses parents, après avoir donné le jour à quatre enfants, s’obligèrent à une continence perpétuelle ; et le chef de la famille, Isicius ou Hésichius, fut élevé sur le siège épiscopal de Vienne, immédiatement après la mort de saint Mamert. Son épouse, Audentia, nous apparaît comme le modèle des mères chrétiennes. L’éducation qu’elle procura à ses enfants fut la base de cette vie sainte qui les a placés presque tous sur les autels.

Le dernier de ces enfants était une fille nommée Fuscine. Offerte à Dieu au moment de sa naissance, elle reçut aussitôt le baptême, et lorsqu’elle eut atteint l’âge de douze ans, elle fit vœu de virginité.

C’est à cette jeune épouse de Jésus-Christ que notre Saint adressa le dernier de ses poèmes, où il retrace avec autant de force que d’élégance le bonheur et la dignité des Vierges.

Cet ouvrage ne fut pas d’abord destiné au public : saint Avite voulut bien le communiquer à son frère, l’évêque de Valence, mais à la condition qu’il n’en donnerait connaissance à personne, sinon à des parents ou à des amis sincèrement pieux.

La nature même de l’ouvrage nous explique suffisamment le désir de l’auteur sur ce point : il y fait l’éloge de plusieurs membres de sa famille, qui s’étaient illustrés par leur sainteté ; d’autre part, il écrit spécialement pour une jeune femme (Fuscine, sa sœur), consacrée à Dieu, et qui, dans ses moments d’épreuve, avait besoin de direction spirituelle et de consolation ; l’Éloge de la chasteté est donc une espèce de discours confidentiel.

Dans son humilité et son admiration pour les vertus de sa sœur, saint Avite lui attribue sa propre conversion.

Une faut pas conclure de ce passage que saint Avite eût jamais professé le paganisme ou vécu dans le désordre. À cette époque, se convertir signifiait renoncer aux plaisirs du monde pour embrasser un état de vie plus parfait ; on appliquait cette expression, non-seulement aux moines et aux religieuses, mais encore aux évêques, aux prêtres, aux diacres, et & leurs anciennes épouses, qui étaient devenues leurs sœurs.

Pour en revenir aux saintes illustrations de la famille de saint Avite, son frère aîné — saint Apollinaire, occupa le siège de Valence sur le Rhône. Sa vie fut remplie de grandes actions, et des miracles éclatants s’opérèrent longtemps sur son tombeau. Saint Adon nous apprend qu’il fut comme saint Avite une grande lumière ;

La jeune Fuscine avait une sœur qui mourut avant elle. Nous ne la con­naissons que par une lettre où saint Apollinaire s’excuse de n’avoir pu assister au service funèbre que saint Avite avait célébré pour elle dans l’église de Vienne, et par la réponse de ce dernier à l’évêque de Valence.

Saint Avite, qui nous fait connaître plusieurs membres de sa famille, nous laisse ignorer les particularités de sa propre jeunesse. Il nous apprend seulement, dans une de ses homélies, qu’il avait reçu le baptême de saint Mamert, prédécesseur d’Isicius.

Il passa ses premières années et fit ses études à Vienne, où le rhéteur Sapaude tenait alors une école publique. Les écrits de Saint Avite lui-même, et le témoignage des plus grands prélats de cette époque et des siècles sui­vants nous prouvent assez qu’il obtint de grands succès dans les sciences humaines. Mais, les études profanes n’ôtèrent rien à la gravité de son caractère, et ne le détournèrent jamais de la vertu : il faisait chaque jour des progrès dans la piété, qui n’avait cessé d’illustrer sa famille.

Ainsi la Providence préparait-elle le jeune Avite à devenir un grand évêque et l’une des plus brillantes lumières de l’église des Gaules. Vers l’an 490, Isicius étant mort, notre Saint, qui avait alors quarante ans, fut appelé à le remplacer dans le gouvernement du diocèse de Vienne.

Les Burgondes, auxquels cette ville était soumise, avaient alors à leur tête Gondebaud et son frère Godégésile, tous deux partisans de l’Arianisme.

Le premier de ces princes, au témoignage de ses contemporains, se distinguait par de hautes qualités ; il avait un esprit vif, une imagination bril­lante, beaucoup d’éloquence ; il était bien instruit de la religion catholique, et possédait des connaissances très-rares dans un prince barbare. Mais, les belles qualités de son esprit étaient singulièrement déparées par les vices de son cœur : poussé par une ambition démesurée et cruelle, il fit mourir plu­sieurs de ses frères ; et son caractère, aussi faible que rusé, le retint jusqu’à sa mort dans l’hérésie.

Malgré, l’exemple du prince, bon nombre de Germains étaient restés fidèles à la religion catholique, professée par la population gallo-romaine ; et les actes d’un concile tenu sous la présidence de saint Avite mentionnent les noms de vingt-cinq évêques, appartenant tous au royaume des Burgondes.

Toutefois l’Arianisme était encore très-puissant, et Gondebaud, malgré sa connaissance de la vraie foi, malgré ses sympathies pour l’Église catholique, ne put jamais se résoudre à changer publiquement de religion, parce qu’il craignait le peuple et le clergé arien.

L’état religieux des autres parties du monde était plus triste encore : en Afrique, les Vandales, en Italie les Ostrogoths, les Visigoths en Espagne et dans le midi de la Gaule étaient engagés dans l’Arianisme, et l’empereur de Constantinople, Zénon, prêtait son appui à l’hérésie d’Eutychès.

Ainsi, au moment où saint Avite était appelé à régir le diocèse de Vienne, les puissances du monde étaient partout opposées à la religion de Jésus-Christ. Mais, bientôt Dieu viendra renouveler la face de la terre, et l’un des organes dont il se servira pour cette œuvre sera le grand évêque de Vienne.

Saint Avite fit monter avec lui sur le siège pontifical toutes les qualités de l’esprit et du cœur qui peuvent orner l’épiscopat. Ses fonctions apostoliques, ses rapports avec les prélats et les princes de son temps, sa vie tout entière nous, le montrent animé d’une foi vive, d’une piété profonde et d’un zèle ardent pour les intérêts de la religion ; plein d’humilité, charitable et pacifique, il était sans cesse appliqué à ramener à Dieu les âmes égarées, et à rétablir la paix et la charité dans celles où régnaient la haine et l’amertume.

Il donna en plusieurs occasions des preuves de son zèle pour le rachat des captifs ; il se montrait ainsi le digne ministre de cette Église qui n’a cessé de travailler à l’affranchissement de l’homme, aux époques de barbarie et d’esclavage.

Citons un fait, rapporté dans la Vie de saint Épiphane, évêque, de Pavie.

Pendant les guerres que le roi des Goths, Théodoric, soutenait contre Odoacre, et notamment pendant le long siège de Ravenne, dernier refuge du roi des Hérules, les Burgondes faisaient de fréquentes incursions dans la Ligurie, dévastaient les campagnes et emmenaient avec eux une foule de captifs. Par suite, l’Italie était dans la désolation ; faute d’hommes, les champs n’étaient plus cultivés. Théodoric députa donc à Gondebaud saint Épiphane, avec mission de racheter les prisonniers. Mais la somme dont le Saint disposait se trouva insuffisante ; et l’évêque de Vienne, désirant ardem­ment que tous fussent mis en liberté, fournit généreusement de quoi payer leur rançon.

Cette charité à l’égard des captifs, saint Avite la manifeste dans plusieurs de ses lettres. Du reste, il nous découvre le fond de son âme aimante par sa conduite envers les pécheurs. Il nous apprend lui-même qu’il les corri­geait avec douceur, et qu’à l’exemple de son divin Maître, il préférait la miséricorde à la justice. « Le malheureux pécheur », dit-il, « trouve une peine suffisante dans ses crimes ». C’est encore sous l’impulsion des mêmes senti­ments qu’il intercède en faveur d’un esclave qui avait nié un dépôt.

Une conduite si pleine de foi, de zèle et d’amour nous explique assez pourquoi saint Avite fut chéri de ses confrères, et regardé par ses contem­porains comme le modèle des vertus pastorales.

Sa charité seule égalait son humilité, et cette charité pouvait seule aussi le décider à résoudre les questions douteuses que lui soumettait le clergé des Gaules, et à se charger d’une foule d’affaires qu’il croyait au-dessus de ses forces.

Cependant il ne se distinguait pas moins par ses talents que par ses vertus : c’est le témoignage unanime de ses contemporains et des écrivains postérieurs. Agobard, évêque de Lyon, lui reconnaît une grande pénétration d’esprit, une éloquence entraînante, beaucoup d’onction dans l’explication des saintes Écritures. Saint Isidore de Séville nous apprend qu’il était très — versé dans les lettres humaines ; et, au témoignage d’Ennodius, diacre de Pavie, l’habileté semblait ravoir choisi pour son sanctuaire de prédilection.

On comprend après cela ces autres paroles d’Agobard : « Presque toute l’Église de Jésus-Christ connaît combien saint Avite se distingua par l’ortho­doxie de sa doctrine et par son éloquence ».

Cette réunion de talents et de vertus concilia bientôt à saint Avite l’estime, la confiance et la vénération de deux rois barbares, Clovis et Gonde­baud, quoique celui-ci professât l’Arianisme et que celui-là fût encore idolâtre.

En 496, Clovis embrassa le Christianisme, et l’évêque de Vienne lui écrivit une belle lettre de félicitations.

La conversion de Gondebaud eût comblé tous les vœux du saint prélat ; aussi dirigeait-il vers ce but tous ses efforts. Depuis longtemps il était en rapport intime avec le roi des Burgondes ; ils avaient ensemble de fréquents entretiens sur le dogme et la morale catholiques.

Saint Avite nous a conservé lui-même une de ces conférences, dans une lettre à Sigismond, fils de Gondebaud. On y voit que les discussions, sou­vent très-longues, avaient lieu devant les prêtres ariens, qui posaient à l’illustre champion de la foi des questions embarrassantes par leur subtilité. En lisant cette lettre, on assiste au combat que la vérité livrait au cœur de Gondebaud ; et l’on s’étonne de rencontrer chez ce roi barbare une manie de disputer qui le place à côté des empereurs grecs. Il faut reconnaître aussi qu’il écoutait paisiblement la discussion et saisissait très bien la valeur des questions et des réponses.

Saint Grégoire de Tours nous apprend qu’à la demande du prince saint Avite réunit les passages de l’Écriture les plus propres à confondre l’hérésie d’Eutychès. Au reste, ce grand prélat poursuivit l’erreur sous toutes ses formes : l’Eutychianisme, le Nestorianisme, les écarts de Photin et de Bonose furent tour à tour l’objet de ses attaques.

Ce fut principalement contre l’Arianisme que saint Avite dirigea les forces de son intelligence et les ressources de son zèle apostolique. Il com­battit sans relâche cette hérésie dans ses écrits, dans ses prédications et tous ses entretiens ; il le fit avec beaucoup d’éclat dans la fameuse Conférence tenue à Lyon, l’an 506, ayant la première expédition de Clovis contre la Bourgogne.

Si Gondebaud n’avait pas le courage de renoncer lui-même à l’Aria­nisme, il n’empêchait pourtant pas ses enfants d’embrasser la vraie religion. Sigismond, son fils aîné, profita de cette liberté pour se faire instruire et suivre les inspirations de sa piété : il se mit en rapport avec l’évêque de Vienne, auquel il fut redevable de sa conversion. Ce fut sur les conseils de saint Avite qu’il entreprit de rétablir le monastère d’Agaune ou de Saint — Maurice en Valais, et cela dès l’année 515, un an avant la mort de Gonde­baud. Cependant l’église ne fut achevée qu’en 517, époque à laquelle on en fit la dédicace avec beaucoup de solennité, en présence de soixante évêques et d’un grand nombre de seigneurs. À cette occasion notre Saint prononça une homélie dont il nous reste le titre et un fragment. Il y félicite le nou­veau roi d’avoir devancé tous les membres de sa famille dans la profession de la foi catholique, et le remercie des largesses qu’il avait accordées an nouvel établissement.

Toutes les lettres de saint Avite à Sigismond furent écrites après la con­version de ce prince qui, non content d’avoir toujours professé publiquement et en toute liberté la religion catholique, voulut—lorsqu’en 517 il remplaça Gondebaud sur le trône, — abjurer de nouveau l’hérésie d’une manière plus solennelle. C’est ce qu’il fit avec ses deux enfants, Sigeric et Suavegothe, en présence du peuple et du clergé réunis. Saint Avite prononça dans cette circonstance une homélie dont les anciens font un grand éloge.

Cet événement donna le coup de mort à l’Arianisme, et décida la conver­sion de la plus grande partie du peuple. Les évêques, et surtout saint Avite, redoublèrent leurs efforts pour achever une œuvre si heureusement com­mencée. Parmi les moyens qui servirent le plus efficacement leurs bons desseins, il faut compter les synodes provinciaux.

Dès l’année 517, l’évêque de Vienne convoqua ses suffragants pour une assemblée de ce genre ; elle ouvrit ses séances le 17 septembre à Epone ou Epaunum, lieu que l’on croit être Yenne, sur le Rhône, au diocèse de Chambéry. Vingt-cinq évêques, tant de la province de Vienne que des autres parties du royaume, se trouvèrent présents.

Il convoque ses collègues pour se conformer, comme il le dit, à la volonté du vénérable Pape de Rome, dans l’espoir qu’on portera de sages décrets pour diriger la conduite du clergé.

En effet, on dressa dans cette assemblée quarante canons de discipline, dont plusieurs regardent les évêques, les prêtres et les diacres, et prouvent que certains membres du clergé s’étaient laissé entraîner aux mœurs propres à la race germanique alors dominante.

On défendit aussi de communiquer avec les Ariens, soit dans les repas, soit dans les exercices religieux : on voit par là qu’un grand nombre de Burgondes étaient encore hérétiques.

Saint Avite, qui présidait l’assemblée, eut la plus grande part aux salutaires règlements qu’on y établit. On a même observé que le canon XXXIII, relatif à l’usage qu’on peut faire des temples autrefois consacrés au culte hérétique, est la reproduction pour ainsi dire littérale d’une décision donnée auparavant par notre Saint, dans une lettre à Victurius, évêque de Grenoble.

Le clergé gaulois, ranimé surtout par les soins d’Avite, s’occupa dès lors avec un nouveau zèle du ministère apostolique ; rien n’était négligé : ni la conversion des Ariens, ni l’instruction des fidèles, ni la réformation, des mœurs, ni enfin la répression des scandales donnés par les grands.

Ainsi, peu de temps après le concile d’Epone, une assemblée ecclésias­tique se réunit à Lyon pour juger l’un des plus hauts officiers du roi, qui vivait dans l’inceste. Sigismond, prenant la défense de son indigne favori, fit subir aux évêques la peine qu’ils avaient prévue : il les exila tous dans un endroit du Lyonnais nommé Sardinia, aujourd’hui complètement inconnu.

Saint Avite eut sans doute la gloire d’assister à ce concile et de partager l’exil de ses courageux confrères.

La persécution dont les membres du concile furent l’objet montre ce que le clergé catholique avait à souffrir des rois Burgondes, même après ; leur conversion.                                                                                                  •

Les Germains, et surtout leurs chefs, malgré leur contact avec la popu­lation gallo-romaine, malgré l’influence toujours-croissante des idées et des mœurs chrétiennes, perdaient bien lentement l’esprit dé sauvage indépen­dance qu’ils avaient apporté des forêts du Nord.

Cette insubordination des Germains était plus ou moins excusable chez des barbares qui venaient d’embrasser la foi catholique. L’Église avait à déplorer des maux bien plus grands au centre même de la chrétienté : tandis que l’évêque de Vienne travaillait à la conversion des Burgondes, un schisme avait éclaté en Italie, où il avait causé des violences et des désordres de toute espèce.

Le pape Anastase étant mort le 16 novembre 498, le diacre Symmaque fut légitimement élu pour lui succéder. Mais, des personnages influents de Rome, qui voulaient faire admettre l’Hénotique de Zénon, parvinrent, à force d’intrigues, à faire élire l’anti-pape Laurent. Celui-ci fut condamné au concile de Rome (500). Mais bientôt ses partisans le rappelèrent, et, pour assurer son triomphe, ils eurent recours à la calomnie : ils accusèrent Symmaque de crimes horribles et demandèrent sa condamnation à Théodoric, roi des Goths, qui chargea un concile d’examiner la conduite du pape. Celui-ci s’étant soumis au jugement de ses inférieurs pour éviter le plus grand des maux, fut absous dans l’assemblée que l’on connaît sous le nom de Synodus Palmaris.

Cependant, le clergé des Gaules, alarmé de ce que les prélats italiens avaient osé juger le chef de l’Église, au lieu de prendre sa défense ; chargea saint Avite de protester contre cet acte illégal. L’évêque de Vienne écrivit, en effet, aux personnages les plus distingués de Rome une lettre où il prend en main les intérêts de la bonne cause et défend avec la plus grande vigueur l’élection du pape légitime. Saint Avite adressa sa lettre à Faustus et à Symmaque qui étaient les chefs du sénat.

« Il serait bien à désirer — leur dit-il, — que nous puissions nous rendre nous-mêmes à cette ville que l’univers entier vénère, pour nous y acquitter de nos devoirs religieux et civils ; mais, puisque le malheur des temps nous rend ce voyage impossible, nous aurions voulu, au moins, nous réunir et faire ainsi connaître à Votre Grandeur le sentiment unanime de tous les évêques des Gaules au sujet de cette affaire importante qui nous regarde tous ; les bornes de nos provinces respectives, devenues infranchissables, ont mis obstacle à nos désirs. Je prie cependant le sénat de ne pas considérer cette lettre comme celle d’un seul évêque, car je ne vous écris qu’au nom de mes frères des Gaulés qui m’ont donné, par lettres, commission de vous écrire, et je ne suis que l’interprète de leurs sentiments.

Nous étions en, de grandes inquiétudes au sujet de l’Église romaine (inquiétudes bien légitimes, puisque l’épiscopat tout entier est ébranlé quand son chef est attaqué), lorsque nous avons eu connaissance du jugement pro­noncé par les évêques d’Italie dans la cause du pape Symmaque.

Quoique cette sentence, rendue dans un nombreux concile, soit res­pectable en elle-même, nous ne pouvons dissimuler cependant que le saint pape Symmaque, poursuivi devant l’autorité civile, eût dû trouver dans ses coévêques plutôt des consolateurs que des juges. De plus, il n’est pas facile de comprendre comment le supérieur a pu être jugé par ses inférieurs. Quand l’Apôtre nous interdit de recevoir légèrement une accusation contre un simple prêtre, comment a-t-on pu en recevoir une contre le Chef de l’Église universelle ? Le vénérable concile l’a compris, et c’est pour cela sans doute que, tout en affirmant que ni lui ni le très-glorieux Théodoric n’avaient trouvé fondés les crimes reprochés au Pape, il décide qu’il doit renvoyer à Dieu une cause dont il n’avait pu (soit dit sans offenser personne) se charger sans témérité.

Comme sénateur romain et comme évêque chrétien, je vous conjure de vous intéresser autant à ce qui regarde l’Église qu’à ce qui regarde la République, et, dans votre cité, n’aimez pas moins le siège de Pierre que la capitale du monde.

Si on a des reproches à faire à un autre évêque, on peut examiner sa cause sans difficulté. Mais, quand on attaque le pape de Rome, l’épiscopat tout entier chancelle.

Vous savez au milieu de quelles tempêtes nous dirigeons le gouvernail de la foi. Si, comme nous, vous tremblez à la vue des périls que court notre vaisseau, il faut vous unir à nous pour en défendre le pilote. Souvenez-vous que ce n’est pas au troupeau à juger le pasteur ; le souverain Juge a seul le droit de demander compte des brebis à celui auquel il les a confiées. Tra­vaillez donc à rétablir la paix si elle ne l’est pas encore ».

Cette lettre, d’une si forte logique et d’une si simple et si admirable éloquence, peut donner une idée de ce que saint Avite pensait relativement à la primauté du siège de Pierre.

L’évêque de Vienne conserva toujours le même attachement au chef de l’Église : il fut le confident et l’ami intime du pape Hormisdas, successeur de saint Symmaque, et se joignit à lui pour étouffer le schisme qui désolait l’Église grecque depuis la condamnation du patriarche Acace.

Hormisdas, qui désirait la paix et l’union, avait envoyé des légats en Orient, et il était parvenu à détacher du schisme les évêques de Dardanie, d’Ulyrie et de Thrace. Mais, depuis longtemps l’Église orientale ressentait contre l’Église d’Occident les atteintes de cette jalousie qui l’a conduite au schisme déplorable qui dure encore. Les efforts d’Hormisdas échouèrent contre la perfidie des Grecs, et il ne put rétablir la paix.

Avite avait appris du pape lui-même les heureuses dispositions des évê­ques qui étaient rentrés dans l’unité, et l’intention où il était d’envoyer de nouveaux légats en Orient.

Il s’intéressait si vivement à cette affaire, qu’il envoya à Rome, quelque temps après, le prêtre Alexius et le diacre Venantus, pour connaître le résultat de cette seconde ambassade. Dans la crainte que ses envoyés ne pussent arriver jusqu’à Rome, il chargea d’autres clercs d’aller à Ravenne demander à l’évêque Pierre les renseignements qu’il désirait.

La lettre qu’il donna pour le pape à Alexius et à Venantius était écrite au nom de tous les évêques de la Viennoise.

Le pape répondit à saint Avite :

« Très-cher frère, nous nous sommes réjouis dans le Seigneur en voyant dans la lettre que vous nous avez envoyée par le prêtre Alexius et le diacre Venantius, combien vous êtes attaché aux constitutions du Siège apostolique qui ont condamné les impies Nestorius et Eutychès, et combien vous mettez d’intérêt à savoir si nos démarches ont produit quelque résultat contre ces hérétiques qui troublent les Églises orientales ».

Il était bien juste, en effet, que les fidèles enfants de l’Eglise priassent pour leur mère, tandis que des fils dénaturés continuaient de lui déchirer le sein. Enfin, le terme des souffrances arriva : l’empereur Anastase étant mort en 518, Justin, son successeur, se montra plus loyal et plus raison­nable ; et le patriarche Jean de Cappadoce parvint à étouffer la discorde. L’évêque de Vienne avait sans doute contribué pour une large part à ter­miner le schisme. Dès que l’heureux événement fut connu dans les Gaules, il écrivit au patriarche pour lui en témoigner sa joie. Il lui recommande instamment le maintien de l’harmonie, si désirable et si nécessaire, entre les deux grandes Églises sur lesquelles sont fixés les regards du monde entier.

Les époques d’agitation, comme celle dont nous venons de parler, sont toujours signalées dans l’histoire par les persécutions dirigées contre les défenseurs de la bonne cause. Tandis que les empereurs grecs et des évêques ambitieux opposaient une scandaleuse résistance aux décisions de l’Église universelle, un saint personnage, Élie, patriarche de Jérusalem, restait inébranlablement attaché à la communion du pontife romain. Privé de son siège pour cet acte de courage, l’intrépide confesseur avait pris le chemin de l’exil. Il avait reçu plusieurs lettres de l’évêque de Vienne, comme lui défenseur du Saint-Siège, comme lui encore inébranlable soutien de la foi catholique ; malheureusement une seule de ces lettres nous est parvenue : saint Avite l’écrivit pour remercier le patriarche de lui avoir envoyé une parcelle de la vraie croix.

Dès lors, l’évêque de Vienne cesse d’être mêlé aux faits éclatants de l’histoire.

L’appui qu’il prêta au Saint-Siège contre l’antipape Laurent, et les efforts qu’il fit, de concert avec saint Hormisdas, pour étouffer les discordes reli­gieuses de Constantinople, — telles furent, pour ainsi parler, les deux grandes manifestations de son zèle en faveur de l’Eglise universelle.

Désormais son activité resta concentrée dans les limites de la Gaule : il consacra le reste de ses jours à la prédication, à la conduite du clergé et des fidèles, en un mot au gouvernement de son diocèse. Et certes, à l’époque où l’arianisme abattu cherchait à se relever, où les mœurs germaniques résistaient encore aux préceptes de l’Évangile et à la voix de l’Église, un évêque ne manquait point d’occasions pour exercer son zèle.

Cependant saint Avite était si laborieux que, au milieu des occupations inséparables de l’épiscopat, il trouvait encore du temps pour composer des ouvrages d’assez longue haleine. Il continua d’écrire des homélies admirées de ses contemporains, et des traités où il réfutait en détail différentes erreurs et surtout l’arianisme. Il cultiva même, étant évêque, la poésie où il obtint beaucoup de succès ; mais il eut toujours soin de traiter des sujets sérieux, dignes d’un évêque, et propres à instruire et à édifier.

Saint Avite — c’est un fait trop peu connu, — fut le plus grand poète de son temps.

Mais il tenait si peu à la gloire littéraire qu’il n’aurait point publié ses poésies sans les instances réitérées de quelques amis. Malgré le caractère religieux de ses œuvres, il regrettait un temps précieux qu’il aurait pu, dit-il, employer plus utilement.

En effet, les soins de sa charge pastorale lui laissaient bien peu de loisirs : l’estime que l’on faisait de ses lumières et la confiance qu’inspirait sa vertu étaient si grandes, qu’on le consultait de toutes parts sur les points de foi, de morale et de discipline.

L’infatigable pasteur distribuait souvent à ses ouailles le pain de la parole divine ; non content de prêcher à Vienne, il le faisait fréquemment dans d’autres églises, comme le prouvent quelques titres de ses homélies.

Jusqu’à son dernier jour, il déploya un zèle vigilant, plein d’humilité, d’énergie et de confiance pour les intérêts de la foi ; ce zèle il le montre tout entier dans une de ses lettres, à propos des Donatistes africains, qui semblaient vouloir se faire de nouveaux partisans dans la Gaule. Il signale à saint Etienne de Lyon les premières traces de la contagion d’outre-mer.

Jamais ces schismatiques ne parvinrent à se répandre dans la Gaule.

D’un autre côté, l’arianisme déclinait chaque jour parmi les Burgondes que saint Avite venait de ramener si heureusement au giron de l’Église.

Enfin la mort éteignit cette grande lumière de l’Eglise des Gaules, comme le qualifie Adon, l’un de ses successeurs. Il mourut comblé de méri­tes, et déjà arrivé à l’âge de soixante-treize à soixante-quatorze ans, le 5 février 525, jour auquel l’Église célèbre sa mémoire.

Le Martyrologe romain mentionne en ces termes la naissance éternelle de saint Avite : « À Vienne, naissance de saint Avite, évêque et confesseur, dont la foi, l’activité et l’admirable doctrine préservèrent les Gaules des ravages de l’hérésie arienne ».

Rien de plus beau que ce témoignage !…

Il fut enseveli dans l’église de Saint-Pierre, hors des murs de la ville de Vienne.

 

Les petits Bollandistes, Vies des Saints, Bloud et Barral, Libraires, Pairs, 1876, Tome deuxième, pp. 301-309

 


 

 

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