Catéchèse, Orthodoxie, Seraphim Rose

L’âme après la mort – chapitre neuvième

25 novembre 2020

Le sens des expériences « après-la-mort » d’aujourd’hui

S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, quand même quelqu’un des morts ressusciterait, ils ne croiront pas. [Lc XVI. 31]

 

 

1. Que « prouvent » les expériences d’aujourd’hui ?

 

Nous avons vu maintenant que les expériences « après-la-mort » et « extracorporelles » de nos jours, qui font couler tant d’encre sont bien différentes des expériences authentiques de l’autre monde telles qu’elles se sont manifestées pendant les siècles dans les vies des hommes et des femmes qui avaient plu à Dieu. De plus, les expériences contemporaines ont été aussi soulignées et sont devenues grandement « à-la-mode » ces dernières années non pas par leur « nouveauté » réelle (il y avait des recueils entiers de telles expériences en Angleterre et en Amérique au XIXe siècle), pas plus à cause de leur multiplication récente, mais surtout parce que la mentalité générale du monde occidental (particulièrement en Amérique), était « prête » à les accueillir. L’intérêt général semble faire partie d’une réaction très répandue contre le matérialisme et l’incroyance du XXe siècle, signe d’un intérêt plus large pour la religion. Ici, nous allons discuter ce que signifie ce nouvel intérêt pour la « religion ».

Mais d’abord, redisons encore ce que ces expériences « prouvent » concernant la vérité de la religion. La plupart des chercheurs semblent s’accorder avec le Dr Moody pour dire que ces expériences ne corroborent pas la vision chrétienne « conventionnelle » du Ciel 1 ; même les expériences de ceux qui pensent avoir vu le Ciel ne supportent pas la comparaison avec les visions authentiques du Ciel de par le passé; et les expériences de l’enfer même sont plutôt des « évocations » que des preuves de l’existence de l’enfer.

Nous devons donc considérer comme exagérée l’affirmation du Dr Kubler-Ross selon laquelle la recherche contemporaine « confirmera ce qui nous a été enseigné depuis 2000 ans — c’est-à-dire qu’il y a une vie après la mort », et nous aidera à « savoir plutôt qu’à croire » cela 2. En réalité, ces expériences ne « prouvent » rien de plus qu’un minimum de doctrine concernant tout juste la survie de l’âme humaine en dehors du corps, et la simple existence d’une réalité non-matérielle, mais ne nous renseignent nullement sur l’état ultérieur ni même sur l’existence pure et simple de l’âme au-delà des quelques premières   minutes de la « mort », ni de la nature ultime du royaume immatériel. De ce point de vue, les expériences contemporaines sont moins satisfaisantes que les récits recueillis pendant des   siècles dans les Vies des Saints et d’autres sources chrétiennes. Nous apprenons bien plus de ces dernières sources, pourvu, bien sûr, que nous fassions confiance à ceux qui ont donné ces renseignements, au même degré que les chercheurs contemporains ont fait confiance à ceux qu’ils avaient interrogés sur leurs expériences. Mais même ainsi, notre attitude fondamentale envers l’autre monde reste celle de la foi plutôt que de la connaissance; nous pouvons dire avec une certitude légitime qu’il y a « quelque chose » après la mort, mais ce que c’est exactement, nous le croyons plutôt que nous ne le savons.

De plus, ce que le Dr Kubler-Ross et ses collègues pensent savoir sur les fins dernières, d’après des expériences « après la mort », est en contradiction flagrante avec ce que les chrétiens orthodoxes croient à ce sujet, d’après l’enseignement chrétien révélé et aussi les expériences après la mort de la littérature orthodoxe. Les expériences chrétiennes après la mort confirment toutes l’existence du Ciel et de l’enfer, du Jugement, de la nécessité du repentir, de la lutte et la crainte de la perte éternelle de l’âme; tandis que les expériences contemporaines ainsi que celles des shamans, des initiés païens, des médiums, semblent indiquer un éternel « printemps » rempli d’expériences agréables dans « l’autre monde », où il n’y a pas de jugement mais seulement « croissance », et la mort n’est pas à craindre mais à accueillir comme une « amie » qui nous introduit dans les délices de la « vie après la mort ».

Nous avons déjà discuté dans les chapitres précédents la cause de la différence entre ces deux expériences : l’expérience chrétienne est celle de l’authentique autre monde du Ciel et de l’enfer, tandis que l’expérience spirite n’est que celle de la partie aérienne de ce monde, le « plan astral » des esprits déchus. Les expériences d’aujourd’hui font nettement partie de cette dernière catégorie — mais nous n’en saurions rien sans accepter (par la foi) la révélation chrétienne concernant la nature de l’autre monde. Semblablement, si le Dr Kubler-Ross et d’autres chercheurs acceptent (ou se penchent vers) une interprétation non-chrétienne de ces expériences, ce n’est pas parce que les expériences d’aujourd’hui prouvent cette interprétation, mais parce que ces chercheurs eux-mêmes ont déjà foi en une interprétation non-chrétienne de ces faits.

L’importance des expériences d’aujourd’hui réside donc dans le fait qu’elles se font connaître juste au moment où elles peuvent servir de « confirmation » d’une vision non-chrétienne de la vie après la mort; elles sont utilisées dans le cadre d’un mouvement religieux non-chrétien. Jetons un coup d’œil de plus près maintenant sur la nature de ce mouvement religieux.

 

2. Le rapport avec l’occultisme

 

Encore et encore, nous trouvons dans les investigateurs des expériences « après la mort » un rapport plus ou moins évident avec les idées et pratiques occultes. Ici nous pouvons définir le mot « occulte » (qui littéralement signifie « caché ») comme ce qui a rapport au contact humain avec les esprits et puissances invisibles, de la manière interdite par la révélation de Dieu. 3 Ce contact peut-être recherché par les hommes (comme dans les séances de spiritisme) ou provoqué par les esprits déchus (quand ils apparaissent spontanément aux hommes). Le contraire de « l’occulte » est le « spirituel », le « religieux », termes qui se réfèrent à ces contacts avec Dieu, ses anges et ses saints, qui sont permis par Dieu : contacts obtenus par la prière de l’homme d’une part et de l’autre par des manifestations réelles et donatrices de Grâce de Dieu, de ses anges et de ses saints.

Comme exemple de ce rapport occulte, le Dr Hans Holzer 4 voit résider l’importance des expériences « après la mort » en ce qu’elles offrent aux hommes la possibilité de communiquer avec les morts et il trouve que ceux-ci transmettent les mêmes sortes de messages que ceux fournis par les « morts » aux séances de spiritisme. Le Dr Moody et bien d’autres parmi les chercheurs modernes, comme nous l’avons vu, se tournent vers des textes occultes tels que les écrits de Swedenborg et le Livre des morts tibétain pour expliquer les expériences d’aujourd’hui. Robert Crookall, le plus scientifique peut-être parmi les chercheurs dans ce domaine, se sert des communications des médiums comme une de ses premières sources d’information sur « l’autre monde ». Robert Monroe et d’autres, impliqués dans des expériences « extracorporelles », sont des praticiens déclarés d’expérimentations occultes, jusqu’au point de recevoir conseils et instructions des « entités désincarnées » qu’ils rencontrent.

Le cas le plus symptomatique parmi ces chercheurs est peut-être celui de la femme qui est devenue chef de file des défenseurs d’une nouvelle attitude envers la mort, qui émerge des expériences « après la mort » d’aujourd’hui : le Dr Elisabeth Kubler-Ross.

Aucun chrétien ne peut s’empêcher, sans doute, de sympathiser avec la cause que le Dr Kubler-Ross a choisi de défendre — une attitude humaine et secourable à l’égard des mourants, en contraste avec l’attitude froide, impuissante et souvent peureuse qui a prévalu généralement non seulement parmi les docteurs et infirmières des hôpitaux, mais même parmi les membres du clergé censés connaître la « réponse » aux questions soulevées par le fait de la mort. Depuis la publication en 1969 de son livre sur la mort et l’agonie 5, tout le sujet de la mort est devenu bien moins « tabou » parmi les professionnels de la médecine, ce qui a contribué aussi à créer une atmosphère intellectuelle favorable à la discussion de ce qui se passe après la mort — une discussion déclenchée à son   tour par la publication du premier livre de Dr Moody en 1975. Ce n’est pas l’effet du hasard si de nombreux livres récents sur la vie après la mort sont préfacés ou du moins accompagnés d’un   bref commentaire du Dr Kubler-Ross.

Certainement, tous ceux qui acceptent la vision chrétienne traditionnelle de la vie    comme un terrain d’épreuve pour l’éternité, et de la mort comme l’entrée à la béatitude ou à la souffrance éternelle selon la foi et la vie de chacun de nous sur terre, trouveront son livre décourageant. Avoir une attitude humaine à l’égard du mourant, l’aider à se « préparer » à la mort, sans la foi en Christ et sans l’espérance du salut en premier lieu, n’est rien d’autre que de rester dans le même royaume lugubre de « l’humanisme », auquel le genre humain a été réduit par l’incroyance moderne. L’expérience de mourir peut-être rendue plus agréable qu’elle n’est aujourd’hui dans la plupart des hôpitaux; mais si on ne sait pas ce qui vient après la mort ou qu’il existe quelque chose après la mort, l’œuvre de gens comme Dr Kubler-Ross équivaut à donner des comprimés colorés inoffensifs à des malades incurables pour leur faire croire que « l’on fait quelque chose pour eux ».

Au cours de sa recherche cependant, (bien qu’elle n’en fît pas mention dans son premier livre) le Dr Kubler-Ross trouva la preuve qu’il y a quelque chose « après la mort ». Bien qu’elle n’ait pas encore publié son propre livre des expériences après la mort, elle a clairement affirmé dans ses conférences et interviews qu’elle avait assez vu pour savoir pour être sûre qu’il y a une vie après la mort.

La source principale de sa « connaissance » de ce fait ne relève pas des expériences « après la mort » des autres, mais de sa propre expérience plutôt effrayante avec des « esprits ». Sa première expérience du genre eut lieu dans son bureau à l’Université de Chicago en 1967, quand, découragée, elle pensait abandonner sa recherche fraîchement commencée sur la mort et l’acte de mourir. Une femme vint dans son bureau et se présenta comme l’une des patientes morte dix mois plus tôt; Kubler-Ross fut sceptique, mais elle raconte comment elle finit par être persuadée par le « fantôme » : « Elle a dit qu’elle savait que je pensais abandonner mon travail avec les patients mourants et qu’elle était venue me dire de ne pas l’abandonner… J’ai tendu la main pour la toucher. J’ai voulu m’assurer de sa réalité. J’étais scientifique, psychiatre, je ne croyais pas à de telles choses. » Elle finit par obliger le fantôme d’écrire un mot, et une analyse graphologique ultérieure confirma que c’était bien l’écriture de la patiente décédée. Le Dr Kubler-Ross affirme que cet incident « est survenu à un moment crucial où j’aurais fait le mauvais choix si je n’avais pas écouté son conseil. » 6 Les morts n’apparaissent jamais d’une façon aussi prosaïque parmi les vivants; cette visite « d’outre-monde », si elle est authentique, ne peut être que celle d’un esprit   déchu venu pour tromper sa victime. Pour un tel esprit, l’imitation parfaite de l’écriture humaine est chose facile.

Plus tard, le Dr Kubler-Ross eut des contacts bien plus intimes avec le « monde des esprits ». En 1978, devant un public captivé de 2200 personnes à Ashland (Oregon), elle raconta comment elle était entrée en contact pour la première fois avec ses « guides spirituels ». Un rassemblement de type spiritiste fut assez mystérieusement arrangé pour elle, évidemment en Californie du Sud, avec 75 personnes qui chantaient ensemble pour « accumuler l’énergie nécessaire à la création de cet événement. J’ai été touchée et émue de les voir faire cela pour moi. Pas plus de dix minutes plus tard, j’ai vu d’énormes pieds devant moi. Un homme gigantesque se tenait devant moi. » Cet « homme » lui dit qu’elle allait être enseignante et qu’elle avait besoin de cette expérience personnelle, qui lui donnerait force et courage pour son travail. « Environ trente secondes plus tard, une autre personne s’est littéralement matérialisée devant moi, à un centimètre de mes pieds… J’ai compris que c’était mon ange gardien… Il m’appelait Isabelle et m’a demandé si je me souvenais comment, il y a 2000 ans, nous travaillions tous les deux avec le Christ ». Plus tard, un autre « ange » lui apparut, pour lui apprendre davantage sur la « joie ». « Mon expérience de ces guides a été très élevée, c’était celle d’un amour totalement inconditionnel. Et je voudrais vous dire que nous ne sommes jamais seuls. Chacun de nous a un ange gardien, qui n’est jamais plus loin qu’à un demi-mètre de nous. Et nous pouvons les appeler. Ces êtres nous secourront. » 7

Lors d’un congrès de médecine holistique à San Francisco en septembre 1976, le Dr Kubler-Ross partagea avec un public de 2300 médecins, infirmières et d’autres professionnels de la médecine une « profonde expérience mystique » qu’elle avait eue juste la veille. (Cette expérience est apparemment la même qu’elle relata à Ashland.) « La nuit dernière, j’ai reçu la visite de mon esprit guide, Salem et deux de ses compagnons, Anka et Willie. Ils étaient avec nous jusqu’à   trois heures du matin. Nous avons parlé, ri et chanté ensemble. Ils parlaient et me touchaient   avec un amour et une tendresse inimaginables. C’était le point culminant de ma vie. » « Dans le public », comme elle termina le récit, « il y eut un silence momentané, puis la foule des gens se   leva en hommage comme une personne. La plupart des assistants, surtout des médecins et d’autres professionnels de la santé, furent visiblement émus jusqu’aux larmes. » 8

Il est bien connu dans les cercles occultes que les « esprits guides » (qui sont évidemment des esprits déchus du royaume aérien) ne se manifestent aussi promptement qu’à des personnes déjà bien avancées en réceptivité médiumnique. Mais ce qui est peut-être encore plus frappant que les rapports du Dr Kubler-Ross avec les « esprits familiers », c’est la réaction enthousiaste que ses récits provoquent dans une assistance composée non pas de médiums et d’autres occultistes, mais de professionnels ordinaires de la classe moyenne. Sans aucun doute, c’est un « signe des temps » religieux : les hommes sont devenus réceptifs aux contacts avec le « monde des esprits » et sont prêts à accepter l’explication occulte de ces contacts, qui contredit la vérité chrétienne.

Tout récemment, il y eut des scandales, dont le bruit se répandit par une grande publicité, à la retraite nouvellement installée du Dr Kubler-Ross,  « Shanti  Nilaya »  en Californie du Sud. Selon ces récits, beaucoup des « ateliers » de « Shanti Nilaya » sont centrés sur des séances de spiritisme démodées et un certain nombre d’anciens participants déclarèrent que les séances étaient frauduleuses. 9 Il se peut que les contacts du Dr Kubler-Ross avec les « esprits » soient souvent plus imaginaires que réels; mais cela n’affecte pas la doctrine qu’elle enseigne, comme d’autres, sur la vie après la mort.

 

3. La doctrine occulte des chercheurs d’aujourd’hui

 

L’enseignement de Dr Kubler-Ross et des autres chercheurs concernant la vie « après la mort » peut se résumer en quelques points. Dr Kubler-Ross, il faut le dire, exprime ces points avec l’assurance de quelqu’un qui croit avoir eu une expérience directe avec « l’autre monde », mais des scientifiques comme Dr Moody, bien que plus prudents et parlant d’un ton hypothétique, œuvrent à la promotion de la même doctrine. C’est la doctrine ambiante de cette fin de vingtième siècle sur la vie après la mort et elle paraît, sans que l’on sache pourquoi, « naturelle » aux yeux de tous ceux qui cherchent et qui n’ont pas la ferme conviction d’une autre doctrine.

 

  1. La mort n’est pas à craindre. Le Dr Moody écrit : « D’une façon ou d’une autre, presque tout le monde m’a exprimé la pensée qu’il n’avait plus peur de la mort. » 10 Le Dr Kubler- Ross raconte : « Les récits enregistrés révèlent que l’agonie est douloureuse, mais que la mort elle-même… est une expérience totalement paisible, exempte de douleur et de peur. Tous, sans exception, décrivent un sentiment de sérénité et de plénitude » 11 On peut voir ici la pleine confiance qu’accordent aux expériences parapsychologiques tous ceux qui furent abusés par des esprits déchus. Rien n’indique dans les expériences « après la mort » d’aujourd’hui que la mort sera simplement la répétition de la même expérience, mais de façon permanente cette fois, au lieu de quelques minutes seulement. Ce crédit accordé aux expériences parapsychologiques agréables fait partie de l’esprit religieux actuel et il produit un faux sentiment de bien-être, qui est fatal pour la vie spirituelle.
  2. Il n’y a ni jugement à venir, ni enfer. Le Dr Moody rapporte, d’après ses interviews, que « dans la plupart des cas, le modèle récompense-châtiment des fins dernières est abandonné, désavoué, même par beaucoup de ceux qui étaient habitués à penser en ces termes. Ils ont   trouvé, à leur grand étonnement, que même quand leurs actions les plus évidemment    pécheresses et affreuses se manifestaient devant l’être de lumière, celui-ci ne réagissait pas avec colère et fureur, mais plutôt avec compréhension seulement et même avec humour » 12. Le Dr Kubler-Ross observe ses sujets interviewés d’un ton plus doctrinaire : « Tous ont un sentiment d’‹ intégrité ›. Dieu n’est pas justicier, c’est l’homme qui l’est » 13. Il ne vient même pas à l’esprit de ces chercheurs que cette absence de jugement dans les expériences « après la mort » pourrait être une première impression trompeuse ou que les quelques premières minutes de la mort ne sont pas celles du jugement; ils interprètent tout simplement ces expériences en accord avec l’esprit religieux des temps actuels, qui préfère ne pas croire au jugement et à l’enfer.
  3. La mort n’est pas une expérience aussi unique et finale que l’a présentée la doctrine chrétienne, mais plutôt seulement une transition inoffensive à un « état supérieur de la conscience ». Le Dr Kubler-Ross la définit ainsi : « La mort n’est que le dépouillement du corps physique, comme la sortie du papillon de son cocon. C’est une transition à un état supérieur de   la conscience où l’on continue à sentir, à comprendre, à rire, à être capable de croître et la seule chose que l’on perd est ce dont on n’a plus besoin, et c’est notre corps physique. C’est comme ranger notre manteau d’hiver à l’arrivée du printemps… et c’est ce qu’est la mort » 14. Nous démontrerons plus loin combien c’est contraire à la vraie foi chrétienne.
  4. Le but de la vie terrestre et de la vie après la mort n’est pas le salut éternel de l’âme, mais une « croissance » illimitée en « amour », « compréhension » et « réalisation de soi ». Le Dr Moody trouve que « beaucoup semblent être revenus avec une nouvelle conception et une nouvelle compréhension de l’au-delà — une vision qui n’a pas l’aspect d’un jugement unilatéral, mais plutôt d’une évolution synergique vers le but final de réalisation de soi. Selon ces    nouvelles conceptions, le développement de l’âme, en particulier quant à ses facultés spirituelles d’amour et de connaissance, ne s’arrête pas du fait de la mort. Il continue plutôt de l’Autre Côté, peut-être éternellement… » 15. Une vision aussi occulte de la vie et de la mort ne vient pas des expériences fragmentaires dont on fait la publicité aujourd’hui, mais plutôt de la philosophie occulte ambiante qui caractérise notre temps.
  5. Les expériences « après la mort » et « extracorporelles » sont elles-mêmes une préparation à la vie après la mort. La préparation chrétienne traditionnelle à la vie éternelle  (foi, repentir, participation aux sacrements, combat spirituel) est de peu d’importance en comparaison avec « l’amour » et la « compréhension » intensifiés qu’inspirent les expériences « après la mort », et en particulier (comme dans un projet récent élaboré par Kubler-Ross et R. Monroe) il est possible d’induire les mourants dans des expériences « extracorporelles », « si bien qu’ils obtiendront rapidement une perception de ce qui les attend de l’Autre Côté, quand ils   mourront » 16. Un de ceux que le Dr Moody a interviewés déclare de façon catégorique : « Si je n’ai pas peur de mourir, c’est que je sais où je vais, car j’y suis déjà allé une fois » 17.  Quel optimisme tragique et mal fondé !

 

Chacun de ces cinq points fait partie de la doctrine spiritualiste du XIXe siècle, telle   qu’elle a été révélée par les « esprits » eux-mêmes par l’intermédiaire des médiums. C’est une doctrine littéralement forgée par les démons dans l’unique intention évidente de renverser la doctrine chrétienne traditionnelle sur la vie « après la mort » et de changer toute la perspective du genre humain concernant la religion. La philosophie occulte qui accompagne et colore presque invariablement les expériences après la mort d’aujourd’hui, n’est qu’un filtrat vulgarisé du spiritisme ésotérique de l’époque victorienne; c’est un symptôme de l’évaporation des notions authentiquement chrétiennes de l’esprit des masses du monde occidental. L’expérience « après la mort » elle-même, pourrait-on dire, n’est qu’accidentelle par rapport à la philosophie occulte qu’elle véhicule. Ce n’est pas parce que le contenu de l’expérience est en lui-même occulte   qu’elle tend à en promouvoir la philosophie, mais à cause de la disparition des mises en garde et doctrines chrétiennes fondamentales, qui autrefois protégeaient les hommes de  telles philosophies étrangères, virtuellement n’importe quelle autre expérience de « l’autre monde » peut  être utilisée maintenant à cette même fin. Au XIXe siècle, seulement quelques libres-penseurs et non-pratiquants croyaient à cette philosophie occulte; mais aujourd’hui elle est si répandue que tous ceux qui n’ont pas leur propre philosophie consciente sont « naturellement » amenés à l’adopter.

 

4. Le « message » des expériences « après la mort » d’aujourd’hui

 

Mais, finalement, pourquoi les expériences « après la mort » sont-elles à ce point dans « le vent » aujourd’hui et quelle est leur signification en tant que « signe des temps » ? La raison la plus évidente en est la découverte assez récente de nouvelles techniques de réanimation des « cliniquement morts », ce qui a rendu ces expériences plus connues par le public que jamais avant. Cette explication est cependant superficielle et ne justifie pas l’impact spirituel de ces expériences sur l’humanité et le changement dans la conception des fins dernières qu’elles contribuent à causer.

Une explication plus profonde du phénomène se trouve dans l’augmentation de l’ouverture et de la sensibilité des hommes aux expériences « spirituelles » et « spirites » en général, sous l’influence croissante des idées occultes d’une part, et de l’autre, à cause de l’affaiblissement  à la fois du matérialisme humaniste et de la foi chrétienne. L’homme redevient réceptif à l’idée d’une possibilité de contact avec l’autre monde.

De plus, cet « autre monde » lui-même semble s’ouvrir davantage à l’homme avide d’en  avoir l’expérience. « L’explosion occulte » des années récentes eut pour cause — de même que pour effet — une croissance spectaculaire d’expériences « paranormales » de toutes sortes. Les expériences « après la mort » se situent à l’une des extrémités du large éventail de ces expériences : elles impliquent peu ou pas de volonté consciente de contacter « l’autre monde »; à l’autre extrémité se trouvent les activités contemporaines de sorcellerie et de satanisme, elles impliquent, elles, une tentative consciente de contacter et même de servir les puissances de « l’autre monde ». Et les innombrables variantes des expériences spirites de nos jours, à commencer par la « force recourbeuse de cuillers » de Youri Geller, en passant par les expériences parapsychologiques    dans le voyage « extracorporel », jusqu’au contact avec des êtres « d’OVNI » et les enlèvements qu’ils font — se situent quelque part entre ces deux extrêmes. Il est caractéristique qu’un grand nombre de ces expériences « paranormales » sont arrivées à des « chrétiens », et il y en a même une sorte (nommée « charismatique ») qui est très communément acceptée comme un phénomène authentiquement chrétien ! 18 En réalité pourtant, la participation « chrétienne » à de telles expériences ne constitue qu’un signe supplémentaire de l’ampleur de la perte actuelle de la lucidité chrétienne en face de l’occulte.

Un des plus authentiques médiums du XXe siècle, le feu Arthur Ford — dont le crédit croissant à la fois parmi les « chrétiens » et parmi les humanistes incroyants est en lui-même un « signe des temps » — fit une allusion révélatrice à ce que signifiaient l’accueil et la réceptivité croissants aux expériences occultes : « Le temps du médium professionnel est pratiquement révolu. Nous avons été utiles en tant que cobayes. Par notre intermédiaire, les scientifiques ont appris quelque chose sur les conditions nécessaires au contact avec le ‹ monde des esprits› ». 19 C’est-à-dire : l’expérience occulte, réservée jusqu’à présent à quelques « initiés », est devenue maintenant accessible à des milliers de gens ordinaires. Bien sûr, ce n’est pas la science qui en est la cause principale, mais l’éloignement croissant du genre humain de la foi chrétienne et leur soif de nouvelles « expériences religieuses ». Il y a cinquante ou soixante-quinze ans, seuls des médiums et des sectaires marginaux avaient contact avec les « esprits-guides », s’exerçaient aux expériences « extracorporelles », ou parlaient « en langues »; aujourd’hui ces expériences sont devenues relativement communes et sont acceptées comme des phénomènes ordinaires à tous   les niveaux de la société.

Cette remarquable multiplication des expériences de « l’autre monde » aujourd’hui est sans aucun doute un des signes précurseurs de la fin de ce monde. Saint Grégoire le Grand, après avoir décrit diverses visions et expériences de la vie après la mort dans ses Dialogues, fait la remarque suivante :

plus le siècle présent approche de sa fin, plus le siècle futur se fait proche, presque tangible, et se montre par des signes manifestes. En ce monde nous ne voyons pas réciproquement nos pensées, dans l’autre nous lisons mutuellement dans nos cœurs. Ce monde est donc une nuit, et le monde à venir un jour. Mais de même qu’entre la fin de la nuit et le lever du jour il y a une sorte de mélange d’ombre et de lumière, jusqu’à ce que les restes de la nuit qui s’en va se tournent parfaitement en lumière du jour suivant, de même la fin de notre monde se mêle dès mainte­nant au début de l’ère à venir, et les ombres de ces restes s’illuminent de clartés spirituelles. Sur ce monde qui vient nous avons déjà bien des aperçus, mais nous ne le connaissons pas encore parfaitement, car nous le voyons, comme avant le soleil, dans une sorte de crépus­cule de l’esprit.  20

Saint Grégoire ajoute cependant que par ces visions et révélations — qui sont bien plus communes de notre temps qu’elles n’étaient du sien — nous ne voyons les vérités de la vie   future que de façon imparfaite, parce que la lumière est encore « opaque et pâle comme celle du soleil aux premières heures du jour, juste avant l’aube. » Comme c’est vrai en ce qui concerne les expériences « après la mort » d’aujourd’hui ! L’humanité n’a jamais reçu autant de preuves — ou du moins de suggestions — aussi frappantes et claires du fait qu’il existe un autre monde, que la vie ne se termine pas avec la mort du corps, qu’il y a une âme qui survit à la mort et est en fait plus consciente et plus vivante après la mort. Pour quelqu’un qui a une maîtrise claire de la doctrine chrétienne, les expériences « après la mort » d’aujourd’hui ne peuvent être rien d’autre qu’une remarquable confirmation de la doctrine chrétienne sur l’état de l’âme immédiatement après la mort; et même les expériences occultes de nos jours ne peuvent que lui confirmer l’existence et la nature du royaume aérien des esprits déchus.

Mais pour le reste du genre humain, y compris la plupart de ceux qui se disent encore chrétiens, les expériences d’aujourd’hui, loin de confirmer les vérités chrétiennes, s’avèrent une déviation subtile vers l’illusion et la fausse doctrine, une préparation pour le futur règne de l’Antichrist. En vérité, même ceux qui retournent des « morts » aujourd’hui ne peuvent persuader les hommes à se repentir : s’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, quand même quelqu’un des morts ressusciterait, ils ne croiront pas. 21. À la fin, c’est seulement ceux qui sont fidèles à « Moïse et les prophètes » — c’est-à-dire à la plénitude de la vérité révélée — qui sont capables de comprendre le vrai sens des expériences d’aujourd’hui. Ce que le reste de l’humanité apprend de ces expériences, ce n’est pas le repentir et l’approche du Jugement de Dieu — mais un nouvel évangile étrange et séduisant, parlant d’expériences agréables de « l’autre monde » et abolissant quelque chose que Dieu a établi pour réveiller l’homme à la réalité du véritable autre monde du Ciel et de l’enfer : l’appréhension du passage de la mort.

Arthur Ford fait comprendre très clairement que toute la mission des médiums comme lui-même a été « d’user de tout le talent particulier qui me fut donné pour délivrer les intelligences humaines, une fois pour toutes, de la peur de ce passage ». 22 C’est aussi le message du Dr Kubler-Ross, de même que la conclusion « scientifique » de chercheurs comme le Dr Moody : l’« autre monde » est agréable, et on ne doit pas craindre d’y entrer. Il y a deux siècles, Emanuel Swedenborg résumait ainsi la « spiritualité » de ceux qui ont cette croyance :

« J’ai été autorisé non seulement à jouir des plaisirs du corps et des sens, comme ceux qui vivent dans le monde, mais aussi des délices et félicités de la vie que, je crois, personne du monde entier n’a jamais goûtées avant, et qui étaient plus grandes et plus exquises qu’on ne peut imaginer et croire… Croyez-moi, si je savais que le Seigneur allait m’appeler à Lui demain, je ferais venir des musiciens aujourd’hui, pour être une dernière fois vraiment gai dans ce monde. » Quand il prédit la date de sa mort à sa logeuse, il était aussi content que « s’il allait en vacances ou à des réjouissances quelconques ». 23

Nous allons montrer maintenant par contraste quelle a été l’attitude véritablement chrétienne envers la mort au cours des siècles. Nous allons voir combien il est dangereux pour une âme de ne pas avoir de discernement par rapport aux « expériences spirituelles » et de rejeter les mises en garde de la doctrine chrétienne !

5. L’attitude chrétienne en face de la mort

 

La doctrine occulte sur la vie après la mort, bien qu’elle aboutisse si loin de la vérité, possède au départ une vérité chrétienne indubitable : la mort du corps n’est pas la fin de la vie humaine, mais seulement le début d’une condition nouvelle pour la personne humaine, qui, séparée du corps, continue pourtant son existence. La mort, qui n’a pas été créée par Dieu mais a été introduite dans la création par le péché d’Adam au paradis, est la forme la plus frappante   dans laquelle l’homme est confronté au caractère déchu de sa nature. Le destin éternel d’une personne dépend en grande partie de la façon dont elle envisage sa propre mort et comment elle s’y prépare.

L’attitude véritablement chrétienne en face de la mort possède en elle des éléments de crainte et d’incertitude à la fois, les sentiments mêmes que l’occultisme veut abolir. Cependant, dans l’attitude chrétienne, il n’y a rien de cette peur abjecte qui peut être présente chez ceux qui meurent sans espoir de vie éternelle, et un chrétien à la conscience tranquille approche la mort calmement et même, selon la Grâce de Dieu, avec une certaine assurance. Examinons la mort chrétienne de quelques saints moines de l’Égypte du Ve siècle.

Quand le temps du repos arriva pour saint Agathon, il passa trois jours dans un recueillement profond, attentif à lui-même, sans parler à personne. Les frères lui demandèrent : ‹ Père Agathon, où es-tu ? › — ‹ Je me tiens devant le Tribunal du Christ ›, répondit-il. Les frères dirent : ‹ Tu aurais peur, toi aussi, père ? › Il répondit : ‹ J’ai lutté selon mes forces pour garder les commandements de Dieu, mais je suis un homme, comment puis-je savoir si mes œuvres ont plu à Dieu ? › Les frères demandèrent : ‹ N’as-tu vraiment pas espoir en ta façon de vivre qui était en accord avec la Volonté divine ? › — ‹ Je ne puis avoir un tel espoir ›, répondit-il, ‹ car une   chose est le jugement de l’homme et une autre celui de Dieu ›. Ils désirèrent lui poser d’autres questions, mais il leur dit : ‹ Faites-moi la charité de ne plus me parler, car je ne suis pas libre ›.

Et il mourut tout joyeux. ‹ Nous l’avons vu se réjouir ›, racontèrent ses disciples, ‹ comme s’il avait rencontré et salué des amis très chers. ›  24

Même de grands saints, qui meurent au milieu de signes évidents de la Grâce de Dieu, gardent une humilité sobre concernant leur salut.

On disait de l’abbé Sisoès que, lorsqu’il fut près de mourir, les Pères étant assis auprès de lui, son visage brilla comme le soleil. Et il leur dit : ‹ Voici que l’abbé Antoine vient. › Et après un petit moment il dit : ‹ Voici que le chœur des prophètes vient. › Et de nouveau son visage brilla avec plus d’éclat et il dit : ‹ Voici que le chœur des apôtres vient. › Et son visage redoubla encore d’éclat et voici qu’il paraissait parler avec quelques interlocuteurs. Et les vieillards lui demandèrent : ‹ Avec qui parles-tu, Père ? ›. Il dit : ‹ Voici que des anges viennent me prendre, et je supplie qu’on me laisse faire un peu de pénitence. › Les vieillards lui dirent : ‹ Tu n’as pas besoin de faire pénitence, Père. › Mais le vieillard leur dit : ‹ En vérité, je n’ai pas conscience d’avoir commencé. › Et tous reconnurent qu’il était parfait. Et à nouveau son visage redevint subitement comme le soleil, et tous furent saisis de crainte. Il leur dit : ‹ Regardez, le Seigneur vient et dit : Apportez-moi le vase d’élection (Ac IX.15) du désert. › Et aussitôt il rendit l’esprit. Il y eut alors comme un éclair et toute la maison fut remplie d’une bonne odeur.  25

Qu’elle est différente, cette attitude chrétienne profonde et sobre, comparée à celle de certains chrétiens non-orthodoxes d’aujourd’hui qui pensent qu’ils sont déjà « sauvés » et ne subiront même pas le jugement fait pour tous les hommes et que par conséquent ils n’ont rien à craindre  de la mort. Une telle attitude, très répandue parmi les protestants de nos jours, n’est pas très loin de l’idée occulte que la mort n’est pas à craindre puisque la damnation n’existe pas; cette idée a certainement, même si ce n’est pas volontairement, facilité l’apparition de cette dernière attitude. Le bienheureux Théopylacte de Bulgarie, dans son commentaire des évangiles au XIe siècle, écrit de telles personnes :

« Beaucoup s’abusent d’un vain espoir; ils pensent qu’ils recevront le royaume des cieux et s’uniront au chœur de ceux qui se reposent au sommet des vertus, car ils   ont des fantasmes exaltés d’eux-mêmes dans le cœur… Beaucoup sont appelés, car Dieu appelle beaucoup, en fait, tous; mais peu sont élus, peu sont choisis, peu sont dignes de l’élection   divine ». 26

La ressemblance entre la philosophie occulte et la vision protestante ordinaire est peut-être la raison principale de ce que les tentatives de certains protestants évangéliques (v. Bibliographie) de critiquer les expériences « après la mort » d’aujourd’hui du point de vue du « christianisme biblique », ont été si infructueuses. Ces critiques eux-mêmes ont tant perdu de la doctrine chrétienne traditionnelle de la vie après la mort, du royaume aérien et des activités ou tromperies des démons, que leurs jugements sont fréquemment vagues et arbitraires; et comme souvent leur discernement dans ce domaine n’est pas meilleur que celui des chercheurs séculiers, ils se laissent abuser aussi par certaines expériences trompeusement « chrétiennes » ou « bibliques » dans le royaume aérien.

L’attitude véritablement chrétienne en face de la mort est basée sur une connaissance des différences essentielles entre cette vie et la vie future. Le métropolite Macaire de Moscou a résumé l’enseignement scripturaire et patristique sur ce sujet en ces termes :

La mort est la frontière où le temps des luttes s’arrête pour l’homme et où le temps de la rétribution commence, de sorte qu’après la mort ni repentir ni correction de vie ne sont plus possibles pour nous. Le Christ Sauveur a exprimé cette vérité par sa parabole du riche et de Lazare, d’où il est clair que l’un et l’autre ont reçu leur récompense immédiatement après la mort, et que le riche, malgré tous ses tourments en enfer, ne put être délivré de ses souffrances par le repentir  (cf. Lc 16,26). 27

La mort est donc précisément la réalité dont la pensée réveille notre conscience à la différence entre cette vie et la future et qui nous incite à entreprendre la vie de repentir et de purification pendant que ce temps précieux nous est encore donné. Quand un frère qui passait son temps négligemment dans sa cellule interrogea le saint Abba Dorothée pour en savoir la raison, il répondit : parce que

tu n’as pas encore contemplé le bonheur espéré, ni le châtiment futur. Si tu les considérais attentivement, quand bien même ta cellule serait pleine de vers et que tu y serais plongé jusqu’au cou, tu y resterais sans dégoût.  28

Semblablement, saint Séraphin de Sarov, dans nos temps modernes, enseigna :

Oh, si seulement vous saviez quelle joie, quelle douceur attendent les âmes justes dans le Ciel, vous seriez résolus à endurer avec gratitude n’importe quelle tristesse, persécution et calomnie dans cette vie temporelle. Si même notre cellule était remplie de vers et que les vers mangent notre chair pendant toute notre vie temporelle, nous y consentirions avec le plus grand désir, pourvu que nous ne soyons pas privés de la joie céleste que Dieu a préparée pour ceux qui L’aiment.  29

Le manque de crainte aussi bien des occultistes que des protestants en face de la mort est la conséquence directe de leur ignorance de ce qui les attend dans la vie future et de ce que l’on peut faire maintenant pour s’y préparer. Pour cette raison, les vraies expériences ou visions de la vie après la mort ont généralement pour effet un choc profond sur les gens et (si on n’a pas mené une vie chrétienne zélée) un changement radical de toute la vie pour se préparer à la vie future. Quand saint Athanase des Grottes de Kiev est mort et revenu à la vie deux jours plus tard, ses compagnons moines

étaient terrifiés de le voir revenir; puis ils commencèrent à lui demander comment il était revenu à la vie et ce qu’il avait vu et entendu pendant qu’il était séparé du corps. À toutes les questions il répondit : ‹ Sauvez vos âmes ! › À l’insistance des frères qui lui demandaient de leur dire quelque chose de profitable, il leur laissa comme testament    l’obéissance et le repentir incessant. Aussitôt après cela, Athanase s’enferma dans une grotte, y resta pendant douze ans sans sortir, jour et nuit en larmes, prenant juste un peu de pain et d’eau tous les deux jours et ne parlant à personne pendant tout ce temps. Quand l’heure de sa mort arriva, il répéta aux frères assemblés son instruction sur l’obéissance et la repentance et mourut en paix dans le Seigneur.  30

Semblablement, en Occident, Bède le Vénérable raconte comment un homme de Northumbria, après avoir été mort toute une nuit, est revenu à la vie et a dit :

je me suis vraiment relevé de la mort qui me tenait, et j’ai reçu la permission de vivre à nouveau parmi les hommes ; cependant, il me faut dorénavant vivre non pas comme j’en avais l’habitude, mais d’une tout autre façon » Il distribua toutes ses possessions et se retira dans un monastère. Plus   tard, il raconta qu’il avait vu le Ciel et l’enfer, mais « cet homme de Dieu ne voulait pas le raconter ici ou là à tous les esprits sans souci et qui ne se préoccupaient pas de leur vie, mais il les réservait seulement à ceux qui, effrayés par la crainte des supplices ou séduits par l’espérance des joies éternelles, voulaient retirer de ses paroles un surcroît de piété.  31

Même en nos temps modernes, l’auteur de « Unbelievable for Many… » fut tellement secoué par sa vraie expérience de l’autre monde qu’il changea complètement de vie, devint moine et écrivit le compte rendu de ses expériences afin de réveiller d’autres qui, comme lui-même vivaient dans la fausse sécurité de l’incroyance en la vie future.

De telles expériences sont nombreuses dans les Vies des saints et d’autres sources orthodoxes, et elles contrastent grandement avec les expériences des gens d’aujourd’hui qui ont vu le « Ciel » et « l’autre monde » et restent pourtant dans le sentiment de fausse sécurité se sentant déjà « préparés » pour la vie après la mort et pensent n’avoir rien à craindre de la mort.

La place du souvenir de la mort dans la vie chrétienne se voit bien dans le célèbre manuel du combat spirituel, L’Échelle de saint Jean (dont le sixième degré est consacré particulièrement à cela) :

Or, comme de tous les aliments dont nous nourrissons nos corps, c’est le pain qui nous est le plus nécessaire; de même, de toutes les choses qui doivent nourrir et faire vivre notre âme, rien ne lui est plus nécessaire que le souvenir et la pensée de la mort. […] Aussi un Père nous déclare que de faibles mortels, comme nous, ne peuvent passer un seul jour de leur vie d’une manière sainte et louable, s’ils ne se représentent pas vivement que ce jour est le dernier de leur existence ici-bas.  32.

L’Écriture le dit bien : Dans toutes tes œuvres souviens-toi de ta fin, et tu ne pécheras jamais.  (Si VII.40). Le grand saint Barsanuphe de Gaza donna ce conseil à un frère :

Que l’approche de la mort fortifie ton dessein, car elle est cachée à tout homme. Hâtons-nous donc de faire le bien avant que nous ne soyons saisis par la mort – car nous ne savons pas quel jour aura lieu l’appel ! – de peur que nous ne soyons pris au dépourvu et exclus avec les cinq vierges folles qui n’avaient pas pris d’huile dans leurs vases avec les lampes. 33.

Le grand abba Pœmen, quand il apprit la nouvelle de la mort de saint Arsène le Grand d’Égypte, dit :

Bienheureux Arsène ! Tu pleuras sur toi-même toute ta vie terrestre ! Si nous ne pleurons pas sur nous-mêmes ici, nous pleurerons éternellement. Il n’est pas possible d’échapper aux pleurs : soit ici volontairement, soit là-bas en tourments, involontairement  34

Sans la sobriété de cette perspective chrétienne sur la vie, personne ne peut oser dire    avec l’apôtre Paul qu’il désire être dégagé des liens du corps, et être avec le Christ (Phil I.23). Seul celui qui a vécu une vie chrétienne de lutte, de pénitence et de larmes versées sur ses péchés, peut dire avec saint Ambroise de Milan : « les hommes sans réflexion redoutent la mort comme le souverain mal ; le sage, au contraire, n’y voit que le repos après le travail et la fin de ses misères. » 35

L’évêque Ignace Briantchaninov conclue sa célèbre Homélie sur la mort avec des paroles qui peuvent être aussi valables pour nous, cent ans plus tard, des paroles qui sont comme un appel au retour à la seule et unique vraie attitude chrétienne envers la mort, au rejet de toute illusion concernant notre état spirituel présent ainsi que tous les faux espoirs pour la vie future :

Réveillons en nous-mêmes le souvenir de la mort par la visite des cimetières, celle des malades, par notre présence à la mort et à l’enterrement de nos proches, par l’examen fréquent et l’évocation de divers décès contemporains qui nous sont connus… Ayant compris la brièveté de notre vie terrestre et la vanité de tous les avantages et acquisitions terrestres; ayant compris l’avenir effrayant qui attend ceux qui ont dédaigné le Rédempteur et la Rédemption et se sont offerts entièrement en sacrifice au péché et à la corruption — détournons les yeux de notre âme de leurs regards fixés sur la beauté trompeuse et séductrice du monde, qui s’empare facilement   du faible cœur humain et le contraint à l’aimer et à la servir; tournons-le vers le spectacle effrayant mais salutaire de la mort qui nous attend. Pleurons sur nous-mêmes tant qu’il est   encore temps; lavons-nous, purifions-nous par les larmes et la confession de nos péchés, qui    sont écrits dans les livres du Souverain du monde. Acquérons la Grâce du saint Esprit — ce sceau, ce signe d’élection et de salut; elle est indispensable pour passer librement par les espaces aériens et pour entrer dans les demeures célestes… Oh, vous qui avez été bannis du paradis ! Ce n’est pas pour des jouissances, ni pour des fêtes ni pour des jeux que nous sommes sur terre — mais afin que par la foi, la pénitence et la croix nous puissions tuer la mort, qui nous a tués et restaurer pour nous le paradis perdu ! Puisse le Seigneur miséricordieux accorder aux lecteurs    de cette Homélie, comme à celui qui l’a composée, de se souvenir de la mort pendant cette vie terrestre, et, par ce souvenir, par la mortification de soi à tout ce qui est vain et par une vie ayant pour but l’éternité, de bannir de soi-même la férocité de la mort à l’heure de sa venue et d’entrer par elle dans la vraie vie, bienheureuse et éternelle. Amen.  36


 

Traduction de Catherine Pountney

Publié en format numérique sur le site des Vrais chrétiens orthodoxes francophones

Nous tenons à remercier l’archimandrite Cassien pour la permission de reproduire ici cet ouvrage.

 


 

 

 

  1. Life after Life, pp. 70, 98
  2. Préface à Life after Life, pp. 7-8
  3. v. Lév XIX.31; XX.6 etc.
  4. Beyond this Life, Pinnacle- Books, Los Angeles, 1977
  5. On Death and Dying, Macmillan Publishing Co., N.Y.
  6. Sunday Examiner and Chronicle, Nov. 14, 1976, Section B, p. 7
  7. Gaea Laughingbird in Berkeley Monthly, June, 1978, p. 39.
  8. Yoga Journal, September-October, 1976, pp. 18–20.
  9. The San Diego Union, Sept. 2, 1979, pp. A-l, 3, 6, 14.
  10. Life After Life, p. 68
  11. East-West Journal, March, 1978, p. 52.
  12. Life after Life, p. 70
  13. Kemf, p. 52
  14. Kemf, p. 50
  15. Life after Life, p. 70
  16. Wheeler, Journey to the Other Side, p. 92
  17. Life after Life, p. 69
  18. Orthodoxy and the Religion of the Future, St. Herman Monastery Press, 1979, ch. VII
  19. Psychics, par les éditeurs de Psychic Magazine, Harper & Row, N.Y., 1972, p. 23.
  20. Dialogues IV.43
  21. cf. Lc XVI.31
  22. Arthur Ford, The Life Beyond Death, G. P. Putnam’s Sons, New York, 1971, p. 153
  23. George Trobridge, Swedenborg: Life and Teaching, Swedenborg Foundation, New York, 1968, pp. 175, 276.
  24. Patericon of Scetis, quoted in Bishop Ignatius, vol. III, pp. 107–8.
  25. Les sentences des pères du désert, collection alphabétique traduite et présentée par Dom Lucien Regnault, p. 286-7, Solesme, 1981
  26. Commentaire sur Mt XX.14.
  27. Metr. Macarius, Orthodox Dogmatic Theology, vol. II, p. 524
  28. Abba Dorothé de Gaza, Les instruction, §12. De la crainte du châtiment
  29. The Spiritual Instructions of St. Seraphim of Sarov, St. Herman Monastery Press, 1978, p. 69
  30. Kiev-Caves Patericon, Holy Trinity Monastery, Jordanville, N.Y., 1967, pp. 153–55
  31. Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique du people anglais, Livre V, §12.1,7
  32. Sixième degré, 5 et 26
  33. Saint Barsanuphe de Gaza, Réponse 617
  34. Patericon de Scété, dans Bishop Ignatius, vol. III, p. 108
  35. Saint Ambroise de Milan, Des avantages de la mort, § VIII.32
  36. Vol. III, p. 181-183.

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