Catéchèse, Orthodoxie

La place du bienheureux Augustin dans l’Église Orthodoxe – IV – Opinions du Sixième Siècle, Orient et Occident

9 novembre 2020

Une fois que la controverse sur la grâce eut cessé de troubler l’Occident (l’Orient ne prêta que peu d’attention à elle, son propre enseignement étant protégé et non soumis à une attaque), la réputation d’Augustin demeura stable : il était un grand Docteur de l’Église, bien connu et respecté à travers tout l’Occident, moins connu mais respecté également en Orient.

Le Synaxaire des apôtres, début du XIVe siècle. Détail.

L’opinion occidentale à son sujet peut être perçue dans la manière dont se réfère à lui saint Grégoire le Dialogue, Pape de Rome, un Père orthodoxe reconnu par l’Orient tout autant que par l’Occident. Dans une lettre à Innocent, Préfet d’Afrique, saint Grégoire écrit (ayant à l’esprit, en particulier, les commentaires d’Augustin sur les Écritures) : « Si vous désirez être rassasié d’une nourriture délicieuse, lisez les livres du bienheureux Augustin, votre compatriote, et ne recherchez pas notre balle en comparaison avec son blé fin » 1. Ailleurs saint Grégoire l’appelle « saint Augustin » 2

En Orient où il n’y avait que peu de raison de discuter sur Augustin (dont les écrits restaient encore peu connus), l’opinion sur le Bienheureux Augustin peut être vue encore plus clairement à l’occasion de l’événement majeur de ce siècle, lorsque les Pères d’Orient et d’Occident se rassemblèrent pour le cinquième Concile Œcuménique, qui se tint à Constantinople en 553. Dans les Actes de ce Concile, le nom d’Augustin est mentionné plusieurs fois. Ainsi, durant la première cession du Concile, la lettre du saint Empereur Justinien, contenant le passage suivant, fut lue à l’assemblée des Pères : « Nous déclarons de plus que nous nous en tenons fermement aux décrets du quatrième Concile, et qu’en toute chose nous suivons les saints Pères, Athanase, Basile, Grégoire de Constantinople, Cyrille, Augustin, Proclus, Léon et leurs écrits sur la vraie foi.» 3

Une nouvelle fois, dans la « Sentence » finale du Concile, lorsque les Pères invoquèrent l’autorité du bienheureux Augustin sur un certain point, ils s’y référèrent de cette manière : « Plusieurs lettres d’Augustin, de la plus religieuse mémoire et qui au-devant de tous brilla d’une manière resplendissante parmi les évêques africains, furent lues…» 4

Finalement, le Pape de Rome, Vigilius, qui s’était rendu à Constantinople, mais qui refusa de prendre part au Concile, dans la « Lettre Décrétale » qu’il publia quelques mois plus tard (alors qu’il se trouvait toujours à Constantinople) acceptant finalement le Concile, prit comme exemple de sa propre rétraction le bienheureux Augustin, dont il parle en ces termes :

Il est manifeste que nos Pères, et spécialement le Bienheureux Augustin, qui fut illustre en sa foi dans les Divines Écritures et un maître dans l’éloquence Romaine, retira certains de ses propres ouvrages, et corrigea certaines de ses propres paroles, et ajouta ce qu’il avait omis et plus tard finalement découvert 5

Il est donc évident qu’au sixième siècle le Bienheureux Augustin était reconnu comme un Père de l’Église dont il était parlé en des termes de grand respect, respect qui n’est point atténué par la reconnaissance du fait qu’il enseigna parfois imprécisément et qu’il dut se corriger lui-même.

Dans les siècles suivants, le passage de la lettre du saint Empereur Justinien, où il énumère Augustin parmi les principaux Pères de l’Église, fut cité par les écrivains latins dans leurs disputes théologiques avec l’Orient (le texte des Actes de ce Concile n’ayant été conservé qu’en latin), avec l ’intention précise d’établir l’autorité d’Augustin ainsi que d’autres Pères occidentaux dans l’Église Universelle. Nous verrons comment les principaux Pères orientaux de cette période acceptèrent Augustin comme Père orthodoxe, et en même temps comment ils nous léguèrent l’attitude orthodoxe exacte à l’égard des Pères qui, comme Augustin, tombèrent dans certaines erreurs.

 


 

Hieromonk Seraphim Rose, The Place of Blessed Augustine in the Orthodox Church, p. 20-5, Saint Herman of Alaska Brotherhood, Platina, California, 1983
Traduit de l’anglais par Thierry Cozon
Version électronique disponible sur le site de La Voie Orthodoxe
Publié ici avec l’aimable autorisation de l’Archiprêtre Quentin de Castelbajac

 


  1. Épîtres, Livre II, 37
  2. Épîtres, 54
  3. The Seven Ecumenical Councils, Eerdmans ed, p.303
  4. Ibid, p.309
  5. ibid, p. 322

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