Dr. Constantine Cavarnos (†2011), Man’s Spiritual Evolution, pg. 43-47, Institute for Byzantine and Modern Greek Studies, 2006
traduction: hesychia.eu
En plus d’un guide spirituel, la lecture d’œuvres édifiantes orthodoxes ou l’écoute de ceux qui lisent de telles œuvres est d’une grande valeur tout au long du voyage sur le chemin spirituel. C’était le fait d’entendre la lecture de l’Évangile dans l’église de son village et le sérieux de son écoute, qui bouleversa la vie de saint Antoine [le Grand] quand il était jeune. Toutes ces lectures, il les écoutait très attentivement et appliquait ses leçons à lui-même.
Saint Athanase écrit à ce propos dans sa biographie :
« Il (Saint Antoine) était si attentif à ce qui avait été lu qu’aucune des choses écrites ne tombait par terre après qu’il les ait attendues, mais il se souvint de tout, de sorte que par la suite sa mémoire lui a servi de livres ».
Les Évangiles ont toujours occupé une place particulièrement importante dans la vie orthodoxe. Un passage choisi est lu dans l’un des Évangiles à chaque liturgie, et souvent la lecture est suivie d’un sermon. Au mont Athos, où la liturgie est célébrée chaque jour, un extrait de l’Évangile est lu dans l’église. De plus, beaucoup de moines, ici et ailleurs, font de la lecture des Évangiles une partie de leur lecture privée. Saint Séraphim de Sarov, le plus populaire des saints russes, est réputé avoir inclus dans ses lectures quotidiennes des passages des évangiles.
En cela et en d’autres choses, les moines orthodoxes donnent des leçons à ceux qui, dans le « monde », aspirent au développement spirituel. Ce constat est conforme aux paroles de saint Jean Climaque, l’un des grands maîtres de la vie spirituelle : « Les anges sont la lumière des moines, tandis que le mode de vie monastique est une lumière pour tous les hommes ».
Les hommes saints d’Athos attribuent également une grande valeur à la lecture
- (a) de la Vie des saints
- (b) de l’Evergetinos
- (c) de la Philocalie.
Une fois, j’ai demandé à un saint moine, l’ermite Gabriel qui habitait à Karoulia — la région la plus isolée et inaccessible de la Sainte Montagne — s’il recommandait la Philocalie à des personnes comme moi qui vivent dans le « monde ». Il a répondu :
« La Philocalie est un ouvrage excellent, mais c’est pour ceux qui sont avancés dans la vie spirituelle. Pour utiliser une analogie, il s’agit de “l’enseignement universitaire”. Tout d’abord, il faut aller au “collège”, après au “lycée”, et ce n’est que par la suite qu’on peut fréquenter l’“université”».
“Faut-il commencer par l’Evergetinos ?” Ai-je demandé.
“Non” répondit-il. “Cela aussi est avancé. C’est le ‘lycée’. Il faut commencer par quelque chose de plus élémentaire. Il faut lire des vies de saints pour apprendre quel genre de personnes ils étaient, comment ils ont vécu et ce qu’ils ont fait. Ensuite, on peut passer aux étapes supérieures”.
Ce qui est évident dans les déclarations du père Gabriel est l’idée d’étapes dans le chemin du “beau changement”. Ces étapes ou niveaux de compréhension des écrits spirituels correspondent aux trois étapes de la croissance spirituelle que j’ai mentionnées précédemment :
- du “débutant”
- de l’“intermédiaire”
- du “parfait”
Pour chacun de ces niveaux d’avancement spirituel, un type différent de nourriture convient particulièrement bien : une nourriture qui peut être digérée et assimilée par une personne de ce niveau. Une telle nourriture assure la subsistance de l’âme de celui qui la prend et favorise son avancement.
Clairement, il y a de la nourriture pour l’âme tout comme il y a de la nourriture pour le corps. Christ Lui-même a souligné l’existence de ces deux types de nourriture lorsqu’Il a dit : “L’homme ne vivra pas uniquement du pain [qui constitue la nourriture du corps], mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu” [qui constitue la nourriture de l’âme] (Matthieu 4 : 4).
Saint Paul souligne que pour les débutants dans la vie spirituelle, la nourriture spirituelle à fournir doit être différente de celle de ceux qui ont grandi spirituellement. C’est la même chose que dans le cas du corps. Pour le bébé physique, la nourriture appropriée est le lait physique. De même, pour le bébé spirituel : “un lait spirituel” est nécessaire ; alors que pour l’adulte spirituel, la nourriture solide est appropriée. Ainsi, l’apôtre écrit aux Corinthiens : “ Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter ; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels.” (1 Corinthiens 3 : 2) Et écrivant aux Hébreux, il dit : “ Vous avez encore besoin qu’on vous enseigne les premiers rudiments (stoicheia) de la parole de Dieu, vous en êtes venus à avoir besoin de lait et non d’une nourriture solide. Or, quiconque en est au lait n’a pas l’expérience de la parole de justice ; car il est un enfant. Mais la nourriture solide est pour les hommes faits (teleioi), pour ceux dont le jugement est exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal”. (Hébreux 5 : 12-14)
En reliant ces points aux déclarations du moine athonite Gabriel, on peut dire que les vies des saints sont un “lait spirituel pour les bébés spirituels” ; l’Evergetinos est une sorte de plats à la fois composés de lait spirituel et de nourriture spirituelle solide ; tandis que la Philocalie ne fournit que des “aliments solides”.
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