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SAINT JEAN CHRYSOSTOME – Quatrième catéchèse baptismale

6 mai 2021

Du même, aux néophytes, sur la parole de l’Apôtre : « Si quelqu’un est dans le Christ, il est une nouvelle créature ; les choses anciennes sont passées, voici que toutes choses sont devenues nouvelles. »

 

 

Les néophytes sont la Joie de l’Église.

 

1.Je vois que notre assemblée est plus brillante aujourd’hui que de coutume, et que l’Église de Dieu est dans l’allégresse à cause de ses enfants. En effet, comme une mère aimante qui se voit entourée de ses enfants se réjouit, exulte et ne se contient plus de joie, ainsi l’Église dans sa maternité spirituelle, quand elle considère ses propres enfants, est dans la joie et la jubilation, en se voyant comme un champ fertile charge de ces épis spirituels. Considère, mon bien-aimé, l’excès de la grâce, car voici qu’en une seule nuit cette mère spirituelle a donné le jour à tant de rejetons. Rien de surprenant : tel est l’enfantement spirituel, il ne requiert ni temps ni période de mois.

2. Eh bien, nous aussi, réjouissons-nous avec elle et partageons son allégresse. Si en effet pour un seul pécheur qui fait pénitence, il y a joie dans le ciel, à bien plus forte raison convient-il, pour une foule si grande, d’exulter, de nous réjouir, et de glorifier Dieu dans son amour des hommes, pour son insondable bienfait. Car en vérité, la grandeur des bienfaits do Dieu dépasse toute expression. Quelle intelligence, quelle pensée, quel raisonnement pourront jamais comprendre l’excès de la bonté de Dieu et l’immensité des bienfaits ineffables qu’il a accordés au genre humain ?

3. Ceux qui hier et avant-hier étaient esclaves du péché et sans nulle assurance, sous la tyrannie du diable, captifs traînés de-ci de-là, voici qu’aujourd’hui ils ont été admis au rang des fils, ils ont déposé le fardeau de leurs péchés et ils ont revêtu la robe royale ; ils rivalisent d’éclat avec le ciel lui-même, on les voit briller plus que les étoiles ; ils inondent de lumière le visage de ceux qui les regardent. Les étoiles ne brillent que la nuit et jamais on ne les verrait briller en plein jour. Mais ceux-ci, le jour n’éteint pas leur éclat. Car ils sont des étoiles spiri­tuelles qui rivalisent de splendeur avec le soleil lui-même ou plutôt le surpassent largement. Si en effet le Christ notre maître a eu recours à l’image du soleil pour montrer l’éclat des justes dans le siècle à venir, en disant : « Les justes brilleront comme le soleil », cela ne veut pas dire qu’ils brilleront seulement autant que le soleil ; mais parce qu’il était impossible de trouver un autre exemple matériel que le soleil, le Christ s’est servi de cette image pour signifier la condition des justes.

4. Embrassons donc en ce jour ces (frères) qui savent briller plus que les étoiles et qui rivalisent d’éclat avec les rayons du soleil. Mais ne nous bornons pas à les serrer matériellement dans nos bras, montrons-leur aussi par cette instruction spirituelle l’affection que nous leur portons ; exhortons-les à méditer l’excès de la générosité du Maître et l’éclat du vêtement qu’ils ont mérité de porter. Car, dit l’Apôtre, « vous tous qui avez été bap­tisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ». Que désormais ils fassent tout et agissent partout comme avant à demeure le Christ créateur de l’univers et maître de notre nature. Et quand je dis le Christ, je dis aussi le Père et l’Esprit Saint. Car le Christ lui-même a fait cette promesse : « Si quelqu’un m’aime et s’il garde mes commandements, mon Père et moi nous viendrons et nous ferons notre séjour auprès de lui. »

5. Cet homme désormais tout en marchant sur terre sera dans l’état de celui qui vit au ciel, n’ayant de pensée et de regard que pour les choses d’en haut, et ne craignant plus les embûches du diable pervers. Car le diable, à la vue d’un tel changement, quand il constate que ceux qui étaient naguère sous sa domination ont été élevés à une telle hauteur et honorés d’une si grande faveur de la part du Maître, il s’en va rempli de confusion sans même oser les regarder en face, car il ne supporte pas les éclairs qui jaillissent de cette source. Ses yeux sont aveuglés par l’éclat de la lumière qu’elle répand : il tourne le dos et s’en va.

6. Vous donc, les nouveaux soldats du Christ, vous qui aujourd’hui avez été inscrits dans la cité du ciel, vous qui êtes appelés à ce festin spirituel et qui allez prendre place à la table royale’, montrez une ardeur qui réponde à la grandeur des bienfaits, afin d’attirer sur vous un surcroît de grâce d’en haut. Car notre maître est bon : s’il voit en nous de la gratitude pour les bienfaits déjà reçus, un soin attentif à veiller sur la grandeur de ces dons, il fait surabonder la grâce ; si nous apportons seulement du nôtre, il élargit de son côté les présents dont il nous honore.

 

Paul, le parfait modèle du néophyte

7. Voyez l’exemple de Paul, le docteur de l’univers. D’abord il pourchassait l’Église, circulant partout, traquant les hommes et les femmes, semant le désarroi et le trouble et manifestant une grande rage. Mais dès que le Maître l’eut comblé de sa bonté, dès qu’il fut éclairé par la lumière intelligible, il déposa les ténèbres de l’erreur et fut amené à la vérité ; aussitôt lavé par le baptême de tous ses péchés passés, sans dif­férer un instant, lui qui auparavant faisait tout pour les Juifs et dévastait l’Église, il confondit les Juifs qui habitaient Damas, en proclamant que le Crucifié est le propre fils de Dieu.

8. Tu vois cette loyauté d’âme ? Tu vois comme il nous montre par sa conduite même qu’il avait aupa­ravant agi par ignorance ? Tu vois comment par l’ex­périence même des faits il nous enseigne à tous qu’il a bien mérité de bénéficier des bontés d’en haut et d’être conduit sur la voie de la vérité ? Lorsque le Dieu bon voit une âme loyale égarée par l’ignorance, il ne la mé­prise pas et il ne la laisse pas longtemps sans lui témoi­gner sa providence, mais il met de son côté tout en œuvre, sans rien omettre de ce qui peut tendre à notre salut, pourvu que nous-mêmes nous nous rendions dignes d’attirer avec abondance la grâce d’en haut, comme le fit ce bienheureux apôtre.

9. Tout ce qu’il avait fait, il l’avait fait par igno­rance (c’est en croyant contre-attaquer avec zèle en faveur de la lui qu’il jetait toutes les âmes dans le trouble et le désarroi). Aussi, dès qu’il eut appris du légis­lateur lui-même qu’il faisait fausse route et que sans s’en apercevoir il courait à l’abîme, sans délai ni hési­tation, sitôt éclairé par la lumière intelligible, il quitta tout son égarement passé, se fit le héraut de la vérité, et les premiers qu’il voulut amener aux voies de la (vraie) piété, ce furent ceux à qui étaient destinées les lettres qu’il emportait de la part des grands prêtres, ainsi qu’il l’a dit lui-même dans sa harangue à la foule des Juifs : « Comme m’en rendent témoignage le grand prêtre et le collège des anciens, ayant reçu d’eux des lettres, je me rendais h Damas pour aller trouver les grands prêtres dans le dessein d’amener enchaînés à Jérusalem ceux qui s’y trouvaient. »

10. Tu as vu Paul comme un lion furieux dans ses courses en tous sens ? Vois-le à présent avec la douceur de l’agneau : quel soudain changement ! Vois celui qui auparavant enchaînait, jetait en prison, pourchassait et traquait tous ceux qui croyaient au Christ, vois-le tout à coup pour le Christ descendu des remparts dans une corbeille afin de pouvoir échapper aux pièges des Juifs ! vois-le dans une autre circonstance expédié nui­tamment à Césarée et de là envoyé à Tarse pour n’être pas déchiré par la fureur des Juifs. Tu as vu, bien-aimé, comme il est changé ! tu as vu comme il est transfiguré ! Tu as vu comment après avoir bénéficié de la générosité d’en haut, il apporta abondamment sa part, je veux dire le zèle, la ferveur, la foi, le courage, la patience, la gran­deur d’âme, la fermeté inflexible. C’est pourquoi il a mérité un plus grand secours d’en haut, ce qui lui a fait dire : « J’ai travaillé plus qu’eux tous. Oh non, pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. »

11. Cet exemple, je vous en conjure, imitez-le, vous qui maintenant avez mérité d’embrasser le joug du Christ et reçu la grâce de la filiation. Dès vos premiers pas, d’emblée, montrez une grande ferveur et une grande foi au Christ. Ainsi, vous vous attirerez d’en haut une grâce plus abondante, vous rendrez plus éclatant le vêtement que vous avez reçu et vous jouirez abondamment de la bienveillance du Maître. Car si vous, qui n’avez fait encore aucune bonne œuvre, chargés que vous étiez d’un tel fardeau de péchés, il vous a, imitant sa propre bonté, jugés dignes de tels dons — car il ne s’est pas borné à vous délivrer des péchés et à vous justifier par sa grâce, il vous a sanctifiés et a fait de vous ses fils — si donc il a eu pour vous une telle prévenance de lar­gesses, comment, pour peu que vous vous appliquiez à y répondre de votre côté en montrant une grande exac­titude à conserver les dons reçus et à conduire votre vie, comment ne serez-vous pas jugés dignes de nouvelles générosités ?

 

La foi au Christ et le baptême sont une nouvelle création.

12. Vous avez entendu aujourd’hui la voix du bien­heureux Paul, ce paranymphe de l’Église, nous écrire et nous dire : « Si quelqu’un est dans le Christ, il est une nouvelle création. » Et pour que nous n’interprétions pas ce mot comme une création visible, il a précisé : « Si quelqu’un est dans le Christ », nous enseignant que c’est celui qui s’est rangé à la foi du Christ qui fait voir à nos yeux une nouvelle création. Car, dis-moi, y a-t-il autant d’intérêt à voir un ciel nouveau et telle autre partie de la création renouvelée, qu’il y a de profit à voir un homme passer du vice à la vertu et renoncer à l’erreur pour s’attacher à la vérité ? C’est là en effet ce que le bienheureux apôtre a appelé nouvelle création. C’est pourquoi il a immédiatement ajouté : « Les choses anciennes sont passées, voici que toutes choses sont devenues nouvelles », montrant en somme que, délivrés du faix de leurs péchés par la foi au Christ comme on dépose ses vieux vêtements, c’est une vêture toute neuve et éclatante, c’est la robe royale qu’ont prise ceux qui furent affranchis de l’erreur et illuminés par le soleil de la justice. C’est pour cela que Paul a dit : « Si quel­qu’un est dans le Christ, il est une nouvelle création ; les choses anciennes sont passées, voici que toutes choses sont devenues nouvelles. »

13. Comment ne seraient-elles pas nouvelles et inouïes, lorsque celui qui hier et avant-hier vivait dans la mollesse et les excès embrasse tout à coup la tempé­rance et la frugalité ? Comment toutes choses ne seraient — elles pas nouvelles et inouïes, lorsque celui qui était jusqu’à présent libertin et qui se dispersait aux plaisirs de la vie présente maîtrise tout à coup ses passions et s’attache à la tempérance et à la chasteté comme s’il n’était plus enferme dans un corps ?

14. Tu as vu comment ce qui s’est passé là est en vérité une nouvelle création ? La grâce de Dieu a fait son entrée : elle a remodelé et retourné les âmes et elle les a rendues autres qu’elles n’étaient, non en transformant la nature, mais en changeant la volonté ; elle ne permet plus au tribunal des regards de l’esprit de porter désormais des jugements au rebours des réalités : comme si elle avait fait disparaître une taie, elle permet au regard de voir avec précision la laideur et la difformité du vice et la beauté et l’éclat de la vertu.

15. Tu as vu comment chaque jour le Maître opère une nouvelle création ? Qui, dis-moi. Sinon lui, a su per­suader l’homme qui souvent a passé toute sa vie dans les plaisirs de ce monde, qui adorait les idoles de pierre et de bois et les prenait pour des dieux, de s’élever tout à coup à un tel degré de vertu qu’il les méprise maintenant et s’en moque et qu’il tienne les pierres pour des pierres et le bois pour du bois, tandis qu’il adore le créateur de l’univers et mette la foi en Lui bien au-dessus de toutes les choses de cette vie ?

16. Tu as vu comment la foi dans le Christ et le retour à la vertu sont appelés une nouvelle création ? Écoutons donc tous, je vous en prie, et vous qui avez été initiés autrefois, et vous qui venez de mériter cette grâce du Maître, écoutons l’exhortation de l’Apôtre qui nous dit : « Les choses anciennes sont passées ; voici que toutes choses sont devenues nouvelles. » Oublions tout notre passé, opérons le retournement de notre vie comme des citoyens appelés à une vie nouvelle. Dans toutes nos paroles et actions, considérons la dignité de celui qui habite en nous.
 

Le néophyte doit briller surtout par l’éclat de sa conduite.

17. Les hommes qui exercent des charges temporelles et qui souvent et qui souvent portent sur l’habit dont ils sont revêtus la marque des images impériales, sont respectables de ce fait aux yeux de tous ; ils n’accepteraient pas de faire une chose qui serait indigne du vêtement qui porte ces marques royales ; et si jamais eux-mêmes le tentaient, ils ont bien des gens qui les en empêchent ; ou bien, si tel ou tel voulait les maltraiter, ils ont dans le vêlement qu’ils portent une assurance suffisante qu’il ne leur arri­vera rien d’indigne. À plus forte raison est-il juste que ceux qui ont le Christ, non pas représenté sur un vêtement mais à demeure dans leur âme, et avec le Christ son Père et la présence de l’Esprit Saint, fassent preuve d’une ferme assurance et montrent à tous par l’exactitude de leur conduite et la surveillance de leur vie qu’ils portent l’image royale.

18. Et de même que ceux qui arborent sur le devant de leurs habits les images royales sont reconnus de tous, ainsi, pour peu que nous le voulions, nous qui avons une fois pour toutes revêtu le Christ et mérité de l’avoir à demeure, nous pourrons montrer à tous, même sans dire un mot, simplement par l’exactitude de notre vie, la puissance de celui qui habite en nous. Et de la même manière que maintenant le déploiement de votre vêtement et l’éclat de vos habits attirent tous les regards, ainsi et pour toujours vous pourrez, si vous le voulez et à con­dition de conserver l’éclat de ce vêlement royal, plus efficacement encore que maintenant, par une conduite selon Dieu et une grande application, entraîner tous ceux qui vous voient montrer un même zèle et rendre gloire au Maître.

19. C’est pour cette raison que le Christ a dit : « Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » Tu vois comment il nous invite à faire briller la lumière qui est en nous, non par les vêtements mais par les œuvres ? En effet, après avoir dit : « Que votre lumière brille », il a ajouté : « Afin que l’on voie vos bonnes œuvres. » La lumière dont il parle ne s’arrête pas aux sens corporels, elle éclaire les âmes et l’intelli­gence de ceux qui la regardent ; elle dissipe les ténèbres du mal et elle appelle ceux qui la reçoivent à briller de leur propre lumière et à imiter la vertu.

20. « Que votre lumière brille devant les hommes. » Le Christ a dit justement « devant les hommes ». Que votre lumière soit si grande qu’elle n’éclaire pas seu­lement vous-mêmes ; qu’elle brille aussi devant les hommes qui ont besoin qu’elle les guide. De même donc que la lumière matérielle met en fuite les ténèbres et permet de marcher droit à ceux qui cheminent sur les routes matérielles, ainsi la lumière intellectuelle qui provient d’une conduite parfaite éclaire ceux qui ont le regard de l’âme obscurci par l’erreur et qui ne savent pas voir exactement le chemin de la vertu ; elle dessille et purifie les yeux de leur intelligence, les remet en droit chemin et les fait marcher désormais dans la voie de la vertu.

21. « Afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glo­rifient votre Père qui est dans les cieux. » Que votre vertu, dit le Christ, et l’exactitude dans la conduite, que la droiture des bonnes œuvres excitent ceux qui vous voient à rendre gloire au Maître commun de tous. Que chacun de vous par conséquent, je vous prie, s’efforce de vivre avec une telle exactitude qu’il entraîne ceux qui vous observent à bénir le Maître.

22. C’est pourquoi ce bienheureux apôtre, imitateur du Christ et docteur de la conduite parfaite, qui par­courait le monde en faisant tout pour le salut des hommes, écrivait : « Si quelqu’un est dans le Christ, il est une nou­velle création ; les choses anciennes sont passées, voici que toutes choses sont devenues nouvelles », comme s’il nous exhortait ainsi : « Tu as déposé le vieux vêtement et tu as reçu le nouveau, dont l’éclat rivalise avec les rayons même du soleil. Prends soin de conserver toujours en ce même éclat la beauté de ce vêtement. Car aussi longtemps que le démon pervers, ennemi de notre salut, voit étinceler notre vêtement spirituel, il n’ose même pas s’approcher, tant il redoute son éclat : l’éclair qui en jaillit aveugle son regard. »

23. C’est pourquoi, je vous le demande, d’emblée et dès le commencement, livrez un combat généreux, faites preuve d’un grand éclat, rendant par tous les moyens plus brillante et plus éclatante la beauté de votre vê­tement. Que nulle parole futile ou vaine ne s’échappe de votre bouche. Mais voyons d’abord si elle offre quelque utilité et si elle est en mesure d’apporter quelque édi­fication à ceux qui l’entendent. Même alors, ne la pro­nonçons qu’avec beaucoup de circonspection, comme si quelqu’un était là, écrivant sous notre dictée ; et sou­venons-nous de la parole du Seigneur : « Je vous le dis, de toute parole vaine qu’ils auront dite, les hommes rendront compte au jour du jugement. »

24. Qu’il n’y ait point par conséquent de conver­sation terrestre, futile et inutile, car nous avons désor­mais choisi une vie nouvelle et toute différente ; il convient d’agir en conformité avec cette vie afin de ne pas en devenir indignes. Ne voyez-vous pas comment dans les dignités terrestres ceux qui visent à prendre place dans ce qu’ils appellent, eux, 1’Assemblée [= le Sénat] sont empêchés par les lois humaines de faire telle ou telle action parfaitement permise aux autres. Ainsi nous-mêmes, aussi bien ceux qui viennent d’être initiés que ceux qui ont mérité cette grâce autrefois, il serait juste qu’inscrits une fois pour toutes dans cette Assemblée spirituelle, nous ne nous permettions plus ce que les autres se permettent, mais que nous montrions de la vigilance dans nos paroles et une grande pureté de cœur et que nous instruisions chacun de nos membres à ne rien entreprendre qui ne procure un grand profit spi­rituel.

25. Que veux-je dire par là ? Que nos lèvres soient uniquement occupées aux louanges, à la lecture des divines Écritures, aux entretiens spirituels. « Si vous parlez, que ce soit une parole bonne, propre à édifier, et qui apporte une grâce à ceux qui l’entendent. Et ne con­tristez pas l’Esprit de Dieu dont vous avez reçu le sceau. » Vous avez vu ? agir autrement, cela tend à contrister le Saint-Esprit. C’est pourquoi, je vous en prie, efforçons-nous de ne rien faire qui puisse contrister l’Esprit-Saint. Si nous avons à sortir de notre maison, ne fréquentons pas les réunions nuisibles, les rendez-vous déraisonnables et pleins de futilités : mais que rien ne nous soit plus précieux que les églises de Dieu et les maisons de prière, et que les réunions qui comportent des entretiens spi­rituels.

26. Que chacune de nos actions soit empreinte de modestie. « L’accoutrement de l’homme, dit l’Écriture, le rire de ses dents et sa façon de poser le pied révèlent ce qu’il est. » Oui, de la disposition de l’âme l’attitude extérieure serait bien l’image exacte ; et ce sont nos attitudes corporelles qui montrent le mieux la beauté de notre âme. Si donc nous marchons sur la grande place, que notre démarche soit tellement empreinte de sérénité et de pondération qu’elle frappe les regards de ceux que nous rencontrons. Que l’œil ne papillonne point, que notre démarche ne soit pas désordonnée, que notre bouche profère les paroles avec calme et douceur et, pour tout dire en un mot, que tout notre extérieur traduise la beauté intérieure de l’âme. Que toute notre conduite soit transfigurée et comme étrangère, puisque nouvelle et étrangère est la vie que nous avons assumée, comme le montre le bienheureux Paul quand il dit : « Si quelqu’un est dans le Christ, il est une nouvelle créature. »

27. Et pour que lu saches que les dons qui nous sont faits sont nouveaux et inouïs, vois : nous qui naguère étions plus vils que la boue et qui pour ainsi dire ram­pions à terre, nous sommes devenus subitement plus brillants que l’or et nous avons échangé la terre pour le ciel. C’est pourquoi tous les dons qui nous sont faits sont spirituels : spirituel est notre vêtement, spirituelle notre nourriture, spirituel notre breuvage. Il est donc logique que désormais toutes nos œuvres et toutes nos actions soient spirituelles. — Car celles-ci sont le fruit de l’Esprit, comme saint Paul le dit : « Le fruit de l’esprit est charité, joie, paix, patience, bénignité, bonté, fidélité, douceur, tempérance. Contre de telles choses il n’y a pas de loi. » Il a bien raison de parler ainsi, car ceux qui pratiquent la vertu sont au-dessus de la loi et ils ne sont pas soumis à la loi. « La loi, dit l’Écriture, n’est pas posée pour le juste. »

28. Ensuite, expliquant le fruit de l’esprit, l’Apôtre a ajouté : « Ceux qui appartiennent au Christ ont cru­cifié leur chair avec ses passions et ses convoitises. » Comme qui dirait : ils l’ont rendue incapable d’ac­complir Je mal et paralysée en cela. Ils l’ont tellement combattue qu’ils se sont rendus supérieurs même aux passions et aux convoitises. C’est là ce que Paul donne à entendre en disant : « Ils l’ont crucifiée. » De même que celui qui est attaché à la croix et qui est transpercé par les clous ne saurait être assailli par les désirs de la chair, brisé qu’il est par les souffrances et transpercé pour ainsi dire de part en part, mais toutes passions et tout mauvais désir sont mis en déroute, la douleur ne leur laissant pas la moindre place : ainsi ceux qui se sont consacrés au Christ ont su s’attacher si étroitement à lui, se rire à tel point des exigences du corps qu’ils se sont crucifiés eux-mêmes avec leurs passions et leurs con­voitises.

29. Nous qui sommes devenus du Christ et qui l’avons revêtu, nous qui avons mérité de recevoir sa nour­riture et son breuvage spirituels, réglons notre vie en gens qui n’ont rien de commun avec les choses de ce monde. Nous sommes en effet devenus membres d’une autre cité, de la Jérusalem céleste. C’est pourquoi, je vous prie, montrons des œuvres dignes de cette cité nou­velle, pour que par la vertu que nous mettons nous-mêmes en pratique, par l’appel à glorifier le Maître que les autres trouvent en nous, nous méritions une abon­dante grâce céleste. Lorsqu’en effet, notre maître est glorifié, à son tour il répand lui-même sur nous en abon­dance les propres largesses dont il dispose, parce qu’il agrée notre bonne volonté et qu’il sait que ses bienfaits ne rencontrent pas ingratitude ni mauvais vouloir.

 

Rappel du contrat du baptême

30.Je sais, j’ai été long. Pardonnez-moi, c’est la grande tendresse que j’ai pour vous, qui vous a valu cette trop longue instruction. En effet, si je vois votre richesse spirituelle, je connais bien la fureur du diable pervers ; c’est maintenant surtout, je le sais, qu’il vous faut grande circonspection et bonne garde : aussi vous ai-je exhorté à pratiquer sans cesse la sobriété spirituelle et la vigilance, à veiller cons­tamment sur voire trésor spirituel pour le protéger, pour que l’ennemi de votre salut ne puisse trouver aucune brèche.

31. Les traités que vous avez passés avec le Maître, écrits non avec de l’encre sur du papier, mais par la foi et la confession, tenez-les fermes et inébranlables. Efforcez-vous de demeurer tout le temps de votre vie dans ce même éclat. Car il est possible, si nous acceptons d’y mettre constamment du nôtre, non seulement de conserver le même brillant, mais encore de rendre plus éclatante l’étoffe de notre vêtement spirituel, puisque Paul lui aussi, après la grâce du baptême, à mesure que le temps avançait, apparaissait toujours plus brillant et plus éclatant par la grâce qui s’épanouissait en lui.

32. Nous aussi, par conséquent, appliquons-nous à surveiller chaque jour notre vêlement de lumière, de peur qu’il ne subisse quelque tache ou souillure. Montons bonne garde jusque dans les choses que l’on juge petites, pour être en mesure d’échapper aux choses plus graves qui sont péchés. Car si nous commençons par mépriser certaines choses comme négligeables, peu à peu, en allant sur cette voie, nous arriverons aux chutes graves. C’est pourquoi je vous demande d’avoir toujours présent à l’esprit le souvenir de vos engagements cl de fuir sans répit la contagion des maux auxquels vous avez renoncé, je veux dire les fastes diaboliques et toutes les autres ruses du Malin ; gardez incorruptibles vos engagements envers le Christ, afin de jouir sans cesse de la table spi­rituelle et, forts de cette nourriture, d’être hors d’at­teinte des embûches du diable.

33. Par la perfection de votre conduite, attirez à vous la grâce de l’Esprit au point de devenir vous-mêmes inexpugnables, et de faire par votre progrès l’allégresse et la joie de l’Église, en sorte que notre maître à tous soit glorifié et que nous soyons tous trouvés dignes du royaume des cieux Par la grâce, les miséricordes et la bonté de son Fils unique notre Seigneur Jésus-Christ, avec qui soit au Père et au Saint-Esprit, gloire, puis­sance, honneur, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il !

 

 


 

Saint Jean Chrysostome, Huit catéchèses baptismales inédites, Introduction, texte critique, traduction et notes de A. Wenger, pp. 182-199, Sources chrétiennes, no. 50, les éditions du Cerf, Paris, 1957

Cet ouvrage peut être consulté également sur le site de la bibliothèque numérique Internet Archive

 


 

 

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