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Saint Païssius Velichkovsky – Fleurs spirituelles. II

18 novembre 2020

2.

La lutte contre le découragement, l’indolence et les faiblesses

Quand on est pris par le découragement ou l’indolence, il faut penser à la mort. Porte-toi mentalement à la fosse. En voici un qui est mort depuis quatre jours, regarde comme il devient sombre, boursouflé ; il en émane une odeur nauséabonde, les vers commencent à le ronger ; il a perdu tout attrait et toute beauté.

Porte maintenant ton regard ailleurs : dans ces fosses reposent les ossements de jeunes gens et de vieillards, certains très beaux, certains très laids ; et maintenant, demande-toi lequel était beau, lequel était laid ? Lequel a jeûné, a été continent, ascétique ; lequel a été sans attention ? Quel bénéfice ont eu les hommes riches à jouir dans ce monde de la tranquillité et des plaisirs ? Rappelle-toi alors les tourments sans fin dont parlent les Livres Saints : les feux de la géhenne, les ténèbres extérieures, les grincements de dents, le tartare infernal, le ver qui ne dort point. Pense aux pécheurs qui versent des larmes amères, et que personne ne soulage. Ils se lamentent et pleurent sur eux-mêmes, et personne ne les prend en pitié. Ils gémissent du plus profond de leur cœur, mais n’inspirent nulle compassion. Ils appellent à l’aide, se plaignent de leurs peines, mais personne n’a souci d’eux. Réfléchis à la manière dont chaque être créé sert sans faillir le Seigneur son Créateur. Pense aux très nombreux miracles que Dieu accomplit sur Ses esclaves depuis le commencement du monde ; en particulier, pense au Seigneur qui s’est humilié et qui a souffert pour nous sauver, qui a apporté le bien et a sanctifié la race des hommes. Pour tout cela rends grâce à Dieu, l’ami des hommes. Rappelle-toi la vie à venir qui est sans fin ainsi que le royaume des cieux, repos et joie inexprimables. Sois ferme, ne néglige pas la prière de Jésus. Si tu gardes tout cela présent à l’esprit, alors le découragement, l’indolence et les faiblesses disparaîtront, et ton âme reviendra à la vie, par la Grâce du Christ.

 

3.

Instructions pour accéder à la contrition, éloigner l’orgueil et l’élévation de soi et convertir l’âme aux larmes

Si tu veux accéder à la contrition, il est très doux et très profitable à l’âme de porter attention à cette instruction sur l’exode de l’âme. Aujourd’hui, ô homme, tu te réjouis de la beauté, du charme, de la gloire, et ta vie se répand en vaines apparences, espérant passer ainsi heure après heure, jour après jour, mois après mois, année après année. O homme, ta vie s’achève à tout moment ! La vie passe ; le temps s’écoule petit à petit ; le trône très redoutable du Seigneur est préparé ; le juge suprême s’avance. O homme ! Le jugement est proche, à la porte ; attends-toi à entendre une sentence redoutable. Le fleuve de feu, bouillant, avance dans les crépitements et les étincelles. Des supplices effrayants se font entendre, prêts à torturer les pécheurs. O homme ! Travaille, donne-toi de la peine, acharne-toi. Aucun héraut ne viendra t’annoncer l’approche de la mort ! La récompense des Saints, toi aussi, tu peux la recevoir ; pour les justes, des couronnes sont préparées ; le Royaume des Cieux est ouvert à ceux qui ont peiné et ont enduré les épreuves ; le repos éternel est à portée de main et une joie inexprimable se prépare. Ce que Dieu a préparé pour ceux qui L’aiment, l’œil ne l’a pas vu, l’oreille ne l’a pas entendu, et cela n’est pas monté au cœur de l’homme. O homme ! As-tu entendu parler des supplices, pourquoi ne trembles-tu pas, et n’es-tu pas saisi de crainte ?

O homme ! As-tu ouï parler de la joie sans fin ? Pourquoi ne t’acharnes-tu pas ? Pourquoi gaspilles-tu les jours de ta vie dans le tumulte et la vanité ? Tu ne trouveras pas d’autres jours plus tard, même si tu cherches dans les larmes. O homme ! Quand bien même tu vivrais dans ce monde cent ans, mille ans, engraissé comme un veau et lustré comme un renard, lorsque la fin terrible — la mort — arrivera, ta vie sera comme si elle avait duré un jour ; la satiété et les belles apparences disparaîtront comme disparaissent les fleurs des champs, sans laisser de traces. O homme ! De la naissance à l’âge mûr et à la vieillesse, ta vie est comme un seul jour qui s’achève très vite et de façon inattendue. O homme ! Demande-toi ceci : où sont tes grands-parents et tes arrière-grands-parents, où sont ton père, ta mère, tes frères, ta famille et tes amis ? N’ont-ils pas tous quitté cette vie ? N’auraient-ils pas tous souhaité vivre un peu plus longtemps dans ce monde pour jouir des plaisirs, se parer et se divertir ? Mais vois plutôt : ils ont été emportés malgré leur propre désir ; rappelle-toi que tu es terre, que la terre te nourrit, et que tu retourneras à la terre : ta chair se décomposera et pourrira, elle sera mangée par les vers et tes os se réduiront en poussière. Garde à l’esprit les jours de l’éternité, et les années des générations passées. Combien de rois et de princes ont vécu dans les plaisirs et les magnificences ? En quoi cela les a-t-il aidés lorsqu’ils ont quitté cette vie éphémère ? Que sont alors devenus plaisirs et magnificences ? Car ils sont maintenant terre et cendres !

Combien de jeunes gens forts, riches, courageux, éclatants de jeunesse et de beauté y a-t-il eu dans ce monde ? En quoi leur force robuste et la fleur de leur jeunesse et l’éclat de leur beauté les ont-ils aidés ? C’est comme si rien de tout cela n’avait existé. Il a existé des hommes de toute espèce, par milliers et par milliers, par dizaines de milliers, autant que le sable de la mer ; et ils ont tous quitté cette vie. Certains, qui n’avaient aucune idée de l’heure de leur mort, ont été emportés de façon inattendue, alors qu’ils se tenaient debout ou assis. Certains étaient en train de manger ou de boire ; d’autres sont morts subitement en voyage ; d’autres encore, qui s’étaient allongés pour trouver un peu de repos dans un sommeil rapide et passager, se sont endormis pour toujours. Certains enfin ont connu l’agonie à leur dernière heure et ont été témoins de visions effrayantes, dont la seule description nous cause une terreur sans borne. Et il y a tant d’autres morts soudaines !

Malheur à toi ! Comme l’âme se lamente à l’approche de la mort, levant les yeux vers les anges, tendant les bras vers les hommes, implorant la pitié – mais elle ne reçoit aucune aide ! Quelle vanité de l’homme, en vérité !

Malheur à toi ! C’est une chose terrible et effrayante que l’âme soit séparée du corps par la force. L’âme s’en va dans les lamentations et le corps est abandonné à la terre. Tous les espoirs mis dans la vanité, le charme, la gloire et les plaisirs des choses terrestres sont alors réduits à néant.

Malheur à toi ! La séparation de l’âme se fait dans les larmes et les lamentations, dans les gémissements et l’affliction ! Malheur à toi ! Ce chemin que nous parcourons avec le corps pour compagnon est très court. La vie n’est que fumée, vapeur, saleté, poussière, cendres, puanteur ; Comme la fumée se disperse au vent, comme la fleur des champs décline et se fane, comme le cheval file au galop, comme l’eau s’écoule, comme le brouillard monte de la terre, comme la rosée du matin s’évapore, ou comme l’oiseau fuit à tire-d’aile, ainsi passe la vie dans ce monde. Comme le vent, le temps s’enfuit et les jours de notre vie arrivent à leur terme. Mieux vaut tenir bon plus longtemps et accepter avec amour des épreuves très pénibles dans ce monde plutôt que de se complaire dans mille ans de réjouissances, pour gagner un seul jour du monde à venir. Car le chemin de notre vie sur terre est très court ; il n’apparaît que pour quelque temps, et puis il disparaît. En vérité tout ce qui est agréable, beau et glorieux dans ce monde n’est que vanité et corruption. Car ces choses passent, telle une ombre, et elles sont dans ce monde comme dans un rêve. Celui-ci est en vie, et bientôt il est mort ; aujourd’hui il est parmi nous, et demain il est dans la tombe.

Malheur à toi ! Comme les hommes nés sur cette terre se tracassent en vain ! Nous changeons tous et nous mourrons tous : rois et princes, juges et seigneurs, riches et pauvres, tous tant que nous sommes. Aujourd’hui il se réjouit avec nous, il participe à tous les plaisirs et prend soin de lui-même, et demain nous pleurons tous sa mort, dans le deuil et les larmes. O homme ! Viens à la tombe. Contemple celui qui gît. Il n’est pas glorieux, il a perdu sa prestance et sa beauté. Il est tout boursouflé et il commence à empester ! La chair pourrit et se corrompt ; elle est rongée par les vers ; les os apparaissent et le corps est réduit en poussière.

Malheur à toi ! O âme pécheresse, quelle vision effrayante ! Malheur à toi ! Toi qui fus enrichie des sens de l’âme et du corps, créée pleine de sagesse, il n’y a plus en toi ni splendeur, ni prestance, ni beauté. Comment la beauté du corps et la jeunesse splendide ont-elles disparu ? Où est le visage souriant, où sont les yeux qui brillaient, Où est la langue éloquente d’Aristote, Où est le souffle, où est la voix douce et agréable ? Où sont les beaux discours de la sagesse, la démarche altière ? Où sont les rêves, les désirs et les vains soucis, Tout cela a disparu et est mangé des vers. Vois : il en sort de la bouche et des narines, d’autres sortent des yeux et des oreilles, d’autres des intestins ; tout n’est qu’horreur et puanteur.

Malheur à toi ! Contemplant la poussière de la tombe, demandons-nous : « Lequel est roi et noble, lequel est pauvre ? Lequel est maître, lequel esclave ? Lequel a connu la gloire, lequel l’ignominie, lequel est sage, lequel fou ? Où sont passés la beauté et les plaisirs de ce monde ? Où sont passées la puissance et la sagesse de cet âge ? Que sont devenus les rêves et les charmes éphémères ? Qu’est devenue la richesse vaine et corruptible ? Où sont les ornements d’or et d’argent ? Où sont les armées d’esclaves prêtes à obéir ? À quoi bon les soins pris dans ce monde ? Il ne reste rien de tout cela. L’homme a tout perdu. »

Malheur à toi ! C’est en vain que les hommes nés sur cette terre se tracassent ; Je te regarde dans la tombe et je me mets à trembler et à verser des larmes de tout mon cœur. O mort cruelle et sans pitié ! Qui peut t’échapper ? Tu dissous la race des hommes comme du blé vert.

Ainsi donc, frères, ayant pris conscience de la brièveté de notre vie et de la vanité de ce temps, tenons-nous prêts pour l’heure de la mort ; quittons le tumulte de ce monde et des soucis inutiles ; car ni les richesses, ni la gloire, ni les plaisirs ne seront avec nous après la mort ; rien de tout cela ne descendra avec nous dans la tombe.

 

Seules les bonnes actions nous accompagneront, et nous défendront. Nous étions nus à la naissance, et nous partirons nus. Entendant cela, il ne devrait pas nous suffire de rester assis en silence dans notre cellule, de garder notre langue, de prendre soin de notre âme et de nous lamenter sur nos péchés dans la prière : nous devrions nous cacher sous terre pour pleurer nos péchés tant que nous sommes encore en vie, et vivre en luttant jusqu’à la mort pour l’amour de Dieu.

 

Nous savons que nous devons bientôt mourir ; quittons donc avant la mort ce corps corruptible, puisqu’après la mort, il restera corruptible jusqu’au Jour où le Seigneur Dieu nous ressuscitera d’entre les morts et nous accordera la vie immortelle dans le Royaume éternel. Amen.

 

4.
La Grâce de Dieu : comment peut-on savoir si l’on a acquis la Grâce parfaite ?

Là où il y a la Grâce, source de vie, là aussi les bonnes actions viennent du cœur. Quand on est visité par le Saint Esprit, toutes les tâches deviennent aisées, la prière émane du cœur sans discontinuer et les yeux sont continuellement inondés de larmes ; Cela s’accompagne de clarté spirituelle et de réflexion pure et calme, car c’est alors le Saint Esprit qui agit en nous. Quiconque s’adonne aux passions suscite en lui-même de nouvelles passions ; il permet ainsi à l’esprit malin de s’emparer de son âme et de la rendre sombre et pesante.

Quant à savoir qui est Saint, c’est-à-dire qui fait l’expérience de telles manifestations de la Grâce, on peut répondre ceci : est Saint celui qui a de façon irréprochable respecté et suivi les commandements, a maîtrisé les passions et renoncé à tous plaisirs. Quel est celui qui a renoncé à tous plaisirs ? Celui qui a complètement renoncé à l’amour de soi dans toute la mesure de ses moyens ; celui qui, dès cette courte vie, a commencé à se haïr lui-même pour accéder au Royaume des Cieux et à la vie éternelle ; celui qui a acquis une foi inébranlable ; celui qui, dans la peine et le besoin, s’en remet à Dieu fermement et complètement. Cet homme-là est véritablement Saint et dénué de passions.

5.
Sur les sens de l’âme et du corps, les vertus et la manière dont elles se succèdent

Avec la création de l’homme, l’amour de Dieu envers la race humaine s’est manifesté de façon inexprimable et inappréciable, car Dieu a doté l’âme et le corps de divers sens. Les sens de l’âme sont : la vue, l’odorat, l’ouïe, le goût, le toucher. En utilisant les uns et les autres de ces sens, nous pratiquions les vertus de l’âme et du corps. Le Christ notre Dieu a approuvé l’écriture de livres qui permettent à l’homme de raisonner justement et de s’instruire dans la crainte de Dieu, par quoi commence la sagesse spirituelle ; la crainte de Dieu engendre la foi ; la foi engendre l’espérance ; l’espérance engendre l’amour de Dieu et des hommes ; l’amour engendre la patience et bien d’autres vertus ; la patience engendre l’obéissance et toutes vertus ; l’obéissance engendre la confiance ; la confiance conduit au jeûne, le jeûne à la purification et au silence ; le silence fait naître la continence, la prière, les larmes, la veille, les lamentations, la vigilance, la tempérance ; il ôte de notre bouche les paroles mauvaises. Les lamentations conduisent au détachement de toutes choses ; le détachement de toutes choses conduit à la droiture et éloigne de toute dispute. La prière donne naissance à la compréhension, à la tranquillité de l’esprit, aux larmes, à la joie, à l’humilité du cœur et à la douceur. L’humilité donne naissance à une sagesse humble, à la solitude ; une sagesse humble éloigne de l’orgueil, de la vanité et fait pousser les fruits spirituels. Par ces vertus, toutes les passions de l’âme et du corps sont annihilées et, progressivement, la Grâce gagne en nous. Ces vertus sont indispensables à tous ceux qui ont un corps en bonne santé et qui sont soumis aux passions de la chair.

 

Michel Aubry, Saint Païssius Velichkovsky, L’Âge d’Homme, La Lumière du Thabor, 1992
Version électronique [html] disponible sur le site de Presbytera Anna
Saint Paisius Velichkovsky, Little Russian Philokalia, Volume IV, St. Herman Press, St. Paisius Abbey Press, New Valaam Monastery, Alaska, 1994

 


 

 


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