Aujourd’hui, il n’y a plus de demande pour le fruit de mon obéissance, car le monde d’aujourd’hui est las des livres et des cahiers. Dans les temps anciens, dans les ermitages, l’occupation principale des moines était d’écrire et de copier des livres, car le monde cherchait les livres comme l’or et l’argent!
A cette époque l’imprimerie n’était pas inventée, pour rivaliser avec les écrivains, ni la radio et la télévision pour divertir les lecteurs. Maintenant le monde, le pauvre, est très pressé, il n’a pas le temps de se ruiner les yeux avec les lettres moisies des moines ! Aujourd’hui, on peut dire que les livres sont plus demandés par les commerçants pour emballer le fromage et les olives, que par les lecteurs.
Je me souviens qu’il y a environ 25 ans, un père pieux du monastère de Neamţ (à savoir Iov Burlacul, le pharmacien du monastère) m’a dit qu’il avait découvert près de la Sainte Métropole de Iaşi, un marchand juif avec une cave remplie de livres d’église (pidalions, livres de prières, psautiers, etc.) qu’il avait pris pour trois fois rien à des curés de mode et maintenant il s’en servait comme emballage. Il n’avait pas l’autorisation de vendre les livres à personne. J’ai aussi appris de certains qu’à Jérusalem, vous pouvez trouver chez les marchands païens de nombreux livres d’églises précieux qui remplacent les vieux journaux. C’est l’esprit du monde d’aujourd’hui et on ne peut rien y faire.
S’il y a maintenant un moine qui fait tomber quelques gouttes de mots spirituels sur du papier, en secouant ses vieux livres, cela pourrait provoquer la risée de quelques-uns. Et je suis d’accord avec eux, car au bruit de la radio et de la télévision, on ne peut plus entendre la parole de l’Évangile ou des Saints Pères. Et dans la lumière électrique, dans le luxe éclatant, nous ne pouvons plus comprendre l’obscurité et la misère de l’âme. Et je dis cela pour ceux du monde moderne, mais nous aussi, nous en faisons partie !
Certains diront peut-être qu’on peut écouter l’Évangile, la liturgie et les sermons à la radio ! C’est sûr, c’est sûr ! Vous les entendez très bien, après avoir écouté beugler comme des bœufs les bouffons du monde et regardé leurs pitreries païennes, ils se mettent à transmettre les chants sacrés, tout comme le diable, tentant le Sauveur de toutes les manières dans le désert, à la fin il mentionne également les paroles de l’Écriture. Mais, le fait-il par piété ?
Laissons maintenant la mode tranquille et revenons à notre propos. Je crois qu’une occupation que même les anciens parents avaient, ne nuit pas au monde pressé aujourd’hui, surtout si les matériaux (c’est-à-dire les feuilles) pour ce travail sont tirés des Saintes Écritures et n’ont rien d’étranger à la foi orthodoxe.
Il y en a peut-être beaucoup qui sont rassasiés et n’ont pas besoin d’une pauvre collation que je leur propose en toute humilité ! Et il n’y a pas là raison pour se fâcher. Je ne peux forcer personne à recevoir mon travail. Je partage le fruit de mon travail avec toute personne, sans aucune prétention d’être payé, car maintenant le paiement me ferait plus de mal que de bien.
Un ancien d’Egypte tressait des paniers et les jetait sur l’eau parce qu’il n’avait personne à qui les vendre. Moi aussi, je tresse ce que je peux, et sans moyen de les vendre, je les jette gracieusement aux passants. Celui qui en a besoin reçoit ces feuilles et cherche à les partager avec les autres. D’autres reçoivent les papiers pour les poser proprement sur la table ou sur le fond d’un coffre, et enfin il y a des plus maladroits (plus pressés dans la vie) qui dans leur grande hâte piétinent mes pauvres feuilles, ou les déchirent joliment, et poursuivent leur chemin.
Puis-je dire quelque chose à de telles personnes ? Pas du tout. Car c’est moi qui les leur ai proposés, sans qu’ils le demandent. Tout comme il est inutile d’exiger le paiement de ceux qui en font un bon usage, je ne peux donc pas me défendre si quelqu’un les diffame ou les détruit. Dans le Saint Evangile, le Seigneur nous montre à travers la parabole du semeur que la graine est jetée dans toutes les directions : à côté du chemin, entre les épines, sur les endroits caillouteux, et dans la bonne terre. Car, de toutes les graines que je lance, quelque chose va finir par germer à la fin (bien que la graine soit assez faible).
De ce que Dieu m’a donné et de ce que j’ai recueilli dans les livres des Saints Pères, je m’efforce de faire de petits livres ou feuilles que j’ai sous la main pour mon bénéfice et pour ceux qui peuvent être dépourvus de livres, ou, s’ils en ont, ils n’auraient peut-être pas le temps de les lire en intégralité. C’est pourquoi les écrits sont brefs, pour plus de facilité. Ces feuilles et cahiers sont comme des pépins spirituels pour ceux qui ont une âme nécessiteuse comme moi.
Ceux qui sont rassasiés des fruits charnus ne regardent pas les pépins, bien sûr. Mais je leur demande, pour l’amour de Dieu, de ne pas piétiner ni d’égarer ces graines qui sont cueillies par la sueur et les larmes. Car les jours viendront où les bons livres seront ramassés par les ennemis, et alors les nécessiteux chercheront les vieux pépins et ne pourront pas les trouver.
Le temps viendra où il y aura une grande famine de la parole de Dieu et où l’Église se réfugiera dans le désert, dans les fissures de la terre. C’est pourquoi je vous demande de garder les livres saints comme les yeux de la tête, et de ne pas diffamer les feuilles que nous en avons extraites, à moins qu’ils n’aient quelque chose d’étranger à la sainte foi.
Saint Jean Jacob de Neamț – de Chozéba (1913 – † 1960), Viața și opere complete, p.21-24, Editura Doxologia, Iași, 2010
Traduction : hesychia.eu
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