Sur le Ciel très pur de notre Église, parmi les étoiles les plus brillantes, c’est-à-dire les Saints connus, beaucoup sont de l’ordre des laïcs. En plus des Martyrs et des Nouveaux Martyrs, dont la plupart sont des laïcs, il y a de nombreux saints laïcs.
La sainteté n’est donc pas un privilège exclusif des moines et des hiérarques, mais tout chrétien qui a une foi véritable et un zèle pour les labeurs ascétiques peut l’atteindre.
Iconographe: Elena Murariu
En examinant l’histoire de l’Église, nous pouvons observer que, lorsque les persécutions ont cessé, les chrétiens les plus ardents ne se sont pas contentés du simple respect des commandements dans le monde, mais sont allés dans le désert, cherchant le martyre de la conscience, la prière incessante, et la perfection évangélique. Ainsi est né l’ordre des moines.
Leur mode de vie fut un prototype pour les laïcs les plus zélés. Ils sont devenus une lumière et un exemple pour les chrétiens œuvrant dans le monde. Ainsi se forma une tradition ascétique qui eut pour point de départ les moines du désert, tradition vivifiée et renforcée par l’exemple de leurs vies.
Cette tradition, c’est-à-dire ce mode de vie ascétique, a été transmise par les parents aux enfants d’une manière naturelle et sans artifices, à travers l’exemple de leurs vies.
Par conséquent la famille orthodoxe, « l’Église domestique », fut la gardienne, l’enseignante de ce mode de vie évangélique et ascétique. Habituellement, derrière chaque saint se trouve une sainte mère qui a abreuvé son fils aux sources de l’ascèse orthodoxe.
La tradition est généralement la mémoire du peuple, et de ses visages les plus purs se forme la tradition ascétique orthodoxe. C’est la jeune pousse et la terre féconde qui ont produit de belles fleurs et des lys parfumés, les ascètes du siècle qui, bien qu’exerçant leurs combats au milieu des tentations du monde, ont atteint de grandes hauteurs spirituelles, et beaucoup ont été sanctifiés. Et ce bon parfum de l’ascèse et de la piété des laïcs remonte jusqu’à nous, car il y a, même aujourd’hui, beaucoup de ces ascètes qui parviennent à vivre une vie spirituelle élevée, semblable à ceux des monastères, malgré toutes les difficultés.
Le présent recueil est publié par amour et dévotion pour ces âmes bienheureuses et par nostalgie de cet esprit patristique qui régnait autrefois […]
Tous ceux qui sont présentés, sauf quelques rares exceptions, appartiennent déjà à l’Église victorieuse. Les noms de famille sont également cités afin que la véracité de ce qui est écrit puisse être vérifiée. Nous avons eu la bénédiction de connaître et de rencontrer pour notre avancement spirituel certains d’entre eux. Pour les autres nous avons les récits des témoins crédibles, qui se sont chargés de rédiger leurs biographies. Nous nous émerveillons de leurs labeurs ascétiques et nous avons pris l’exemple de leurs exploits.
Ceux que nous présentons ont vécu dans différentes parties de la Grèce et au-delà, à différentes époques, de l’occupation ottomane à nos jours. Ils étaient d’âges et de catégories sociales différentes (clercs ou laïcs, mariés ou moines dans le monde) et chacun d’eux a eu son caractère et ses efforts personnels, mais ils ont eu également des caractéristiques communes. Tous ont eu une foi forte et un grand amour pour Christ. Ces vertus les ont poussés à garder les commandements divins et à accomplir de grands labeurs ascétiques (jeûne jusqu’à l’épuisement, veillées nocturnes, prosternations et prières). Ils avaient aussi de la piété et étaient toujours présents aux offices. Ils étaient très miséricordieux, même s’ils étaient très pauvres. Ils étaient très patients dans les tentations et les épreuves, pardonnaient quand ils étaient lésés et glorifiaient Dieu dans leurs ennuis. Ils avaient de la simplicité, de l’humilité et ne se mettaient jamais en valeur. Ils se considéraient comme les derniers, ne sachant rien et ne faisant rien de bien. Ils étaient généralement sans instruction ou avec peu de science livresque. Ils avaient peu de connaissances, mais beaucoup de sentiments.
Ils vécurent dans l’ascèse, au vrai sens du terme, c’est pourquoi on peut les appeler ascètes, mais ils furent également de vrais ascètes au sens plus large du terme. Ascètes de la patience, de l’amour, de l’humilité, cultivant d’une manière ou d’une autre l’intégralité des vertus. Ils eurent, d’une certaine façon, la justice des Justes de l’Ancien Testament, la pensée crucifiée des saints martyrs, vivant le martyre sans verser de sang, une patience sans limites dans les épreuves et la confession silencieuse et laborieuse de la foi, surtout à notre époque déchue, et l’ardeur ascétique des Saints-Pères du désert. Leurs actes, plus que leurs paroles, prêchent aux autres Dieu et son royaume et exhortent à la repentance et aux labeurs ascétiques.
Certains, comme on le verra, ont reçu le charisme de la vision qui traverse le temps et l’espace, selon les besoins et les circonstances requis par la situation. D’autres, par leurs prières humbles et puissantes, firent des miracles. De simples prêtres, réceptacles de la Grâce divine, guérirent les malades et chassèrent les démons. D’autres, dans leur simplicité et leur pureté, sont devenus dignes d’apercevoir la Lumière incréée, de voir les Saints, la Mère de Dieu, et même le Christ lui-même.
Enfin, d’autres ont été honorés après leur exhumation du bon parfum de l’incorruptibilité de leur corps.
Leurs charismes divins n’ont rien à voir avec les signes des sorciers et des exorcistes trompeurs. Les signes de la Grâce n’ont pas de lien avec ceux du diable. Comme le dit le Seigneur, ils sont connus par leurs fruits. Ainsi, les ascètes mentionnés sont humbles et détachés des richesses terrestres. Ils recherchent la gloire de Dieu et le bien des hommes. Ils transmettent la joie, la paix, la bénédiction, la consolation, et non pas l’agitation, la confusion et la peur. Ils sont grands dans leur humilité et humbles dans leurs triomphes spirituels. Pour la foule ils sont insignifiants et méprisés, mais « Dieu n’a-t-Il pas choisi ceux qui sont pauvres selon le monde, pour qu’ils soient riches dans la foi, et héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux qui L’aiment ? » [Jac II.5]. Ce sont les enfants et ceux que le monde méprise, les piliers invisibles qui soutiennent toute l’humanité, la lumière et le sel du monde. Leurs âmes remplies de simplicité sont devenues les vases de la Grâce et les gardiens de toutes les richesses spirituelles. Dans la vie et la foi de ces personnes sont montrés toute la théologie orthodoxe, toutes les valeurs et les idéaux de notre peuple. Sur les visages et dans les labeurs de ces âmes pieuses se montre notre Tradition orthodoxe, la grandeur de notre Foi, et même le Christ Lui-même, Qui œuvre et parle à travers elles et les remplit de Grâce. Bien qu’ils aient acquis la Grâce en surabondance, ils se confessent, obéissent et suivent les conseils des hiérarques. Dieu le veut ainsi et c’est la règle de notre Église.
Pour nous, leurs triomphes spirituels sont non seulement merveilleux et utiles, mais ils nous transmettent un esprit et une pensée différents des nôtres. Nous voulons gagner le Ciel, mais garder en même temps tout le confort de cette vie, alors qu’ils eurent un très grand amour pour Christ, qui brûla toutes les choses pécheresses du monde. Nous voulons être sauvés sans nous sacrifier, avec un tout petit effort, alors qu’ils ont tous sacrifiés pour le Christ, et certains ont même atteint le martyre qu’ils désiraient. Pour résumer, les ascètes que nous vous présentons sont nos guides vers le Royaume des Cieux, en nous montrant le chemin de la sainteté, le chemin qu’ils ont eux-mêmes emprunté. Ils sont les preuves vivantes qu’on peut se sanctifier encore de nos jours dans le siècle. Christ a à toute époque Ses élus. Heureusement, de telles âmes ne manquent pas encore aujourd’hui, et grâce à ces saints, le monde continue d’exister.
Leur condition spirituelle œuvra silencieusement dans leur environnement familial. Par la Grâce et l’audace qu’ils eurent devant Dieu, pendant leurs vies terrestres, ils aidèrent beaucoup de fidèles à se repentir et à croire en Dieu. Mais encore maintenant, après qu’ils se soient endormis, ils nous aident toujours, car leurs prières ont une grande valeur devant Dieu et les prières des ancêtres contribuent au repentir et au salut des descendants. Dieu a eu pitié de la nation juive pour la vertu du prophète David. « Mais le Seigneur ne voulut pas perdre entièrement Juda, à cause de David Son serviteur » [II Rois VIII.19].
L’état spirituel de ces âmes influence même la nature, comme le dit le Psalmiste : « [Le Seigneur] a changé les déserts en nappes d’eaux, et la terre aride en eaux courantes. » [Psaume CVI.35]. C’est-à-dire que Dieu rend féconds le désert et la terre aride, parce qu’il donne sa bénédiction à travers les personnes de bonne volonté, tandis qu’Il transforme « la terre fertile en plaine de sel, à cause de la malice de ses habitants.] » [Psaume CVI.34].
L’homme sans foi est comme un aveugle tâtonnant dans l’obscurité. Une société sans valeurs ni idéaux est un corps inanimé qui se décompose. Aujourd’hui, beaucoup de gens sans foi « ont disparu soudain ; ils ont péri à cause de leur iniquité. » [Psaume LXXII.19]. Notre société, malheureusement, montre des signes de décadence et d’autodestruction. Quelle est la cause de tout mal ? « C’est parce que Dieu n’est point avec moi, que je suis tombé dans tous ces maux » [Deutéronome XXXI.17]. Beaucoup proposent des thérapies différentes, mais seule une société nouvelle avec de personnes nouvelles, nées à nouveau en Christ, peut durer. L’esprit qui donne la vie, préserve et sauve l’homme et notre nation, c’est vivre dans le repentir de notre foi orthodoxe. C’est la vérité que les ascètes dans le siècle nous montrent.
Bien qu’ils aient vécu des temps difficiles et affronté des guerres, des migrations, des occupations, des famines et des persécutions, ils ont réussi non seulement à traverser tout cela, mais aussi à « vivre dans la foi ». Grâce à la bénédiction divine qui les accompagna dans leurs vies, les maux qui caractérisent notre société d’aujourd’hui leur furent inconnus : stress, maladie mentale, drogues, divorces, avortements, prise de poids et régimes excessifs, manque de sens et de but dans la vie, désespoir et suicide.
Les personnes présentées ne sont pas des vestiges d’un passé pieux révolu, mais sont des icônes animées, pures et remplies de la Grâce du Prototype, qui nous transmettent la Grâce et la bénédiction de Dieu et sont ainsi dignes d’être suivies.
Nous avons besoin de tels modèles lumineux surtout aujourd’hui, lorsqu’un autre type d’homme est en train d’émerger, épris de soi et égocentrique. Le fait de faire connaître leurs vies et de les suivre contribuera à renforcer la tradition ascétique des laïcs, afin qu’en la vivant, ils retrouvent notre beauté primaire que nous avons reçue à la création, et fassent ressurgir à nouveau la ressemblance de Celui qui est le modèle parfait, mais qui, malheureusement, est caché par nos passions et les justifications d’une vie entièrement charnelle. Ainsi soit-il !
Ieromonahul Eftimie Athonitul, Asceți în lume, Editura Evanghelismos, Bucarest, 2009, pp. 9-16
Traduction: hesychia.eu
Iconographe: Elena Murariu
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