Il faut user de vigilance contre le démon. Les princes de ce monde sont le démon et ses anges. Quels sont ceux qui habitent les airs. Le démon a été chassé des cœurs des fidèles.
La solennité seule de cette sainte nuit, mes bien-aimés, est une exhortation à veiller et à prier; cependant nous n’en devons pas moins vous adresser la parole comme nous le faisons d’ordinaire, afin que la voix du pasteur excite la vigilance du troupeau du Seigneur contre les bêtes nocturnes, c’est-à-dire contre les puissances ennemies et jalouses, contre les princes des ténèbres, « car nous avons à combattre, dit F Apôtre, non contre la chair et le sang, » c’est-à-dire contre des hommes faibles, parce qu’ils sont revêtus d’un corps mortel, « mais contre les principautés, contre les puissances, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans le ciel. » (Ephés VI.12.) N’allez pas croire, cependant, que le démon et ses anges, dont l’Apôtre veut parler ici, soient les maîtres de ce monde, dont il est écrit : « Et le monde a été fait par lui. » (Jean I.10) Car, après qu’il les a appelés les princes de ce monde, dans la crainte qu’on n’entendit ce monde de celui que les Écritures désignent si souvent sous le nom de ciel et de terre, il ajoute aussitôt, comme pour s’expliquer : « De ces ténèbres, » c’est-à-dire des infidèles. Voilà pourquoi il dit à ceux qui dès lors étaient fidèles : « Vous avez été autrefois ténèbres, mais vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur. » (Ephés V.8.) Ces esprits de malice sont donc répandus dans le ciel, non pas dans le ciel où brillent les astres dans un ordre si admirable, et qui est le séjour des anges, mais dans les couches basses et ténébreuses de l’atmosphère, où se rassemblent les nuages, et dont il est écrit : « Il couvre le ciel de nuages; » (Ps cxlvi, 8; xlix, 11) c’est dans cette partie de l’air que volent les oiseaux, et cependant on les appelle les oiseaux du ciel. C’est dans ce ciel inférieur, et non dans la tranquillité des sphères célestes supérieures qu’habitent ces esprits de malice contre lesquels on nous commande de combattre, afin de mériter, comme récompense de notre victoire sur les mauvais anges d’être associés à l’immortelle félicité des bons anges. Voilà pourquoi le même Apôtre, voulant exprimer, dans un autre endroit, l’empire ténébreux du démon, dit : « Selon l’esprit de ce monde, selon le prince des puissances de l’air, cet esprit qui exerce maintenant son pouvoir sur les enfants de rébellion. » (Ephés II.2.) L’esprit de ce monde a donc le même sens que les princes du monde. L’Apôtre explique ce qu’il entend par le monde, en ajoutant : « Sur les enfants de rébellion; » de même ici, en ajoutant ; « De ces ténèbres. » Et cette expression : « Le prince des puissances de l’air, » a la même signification que cette autre dont il fait usage ici : « Répandus dans les airs. » « Grâces donc soient rendues au Seigneur notre Dieu, qui nous a arrachés de la puissance des ténèbres, et nous a transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé. » (Colos I.13.) Et vous, qui avez été séparés de ces ténèbres par la lumière de l’Évangile, et rachetés pur un sang précieux de la tyrannie de ces puissances, veillez et priez pour ne point entrer en tentation. Dès lors que vous avez la foi qui opère par la charité, le prince de ce monde a été chassé de vos cœurs; mais « il tourne encore au dehors autour de vous, comme un lion rugissant, cherchant quelqu’un à dévorer. » (I Pierre V.8.) Ne lui laissez donc aucune ouverture, par quelque endroit qu’il veuille entrer dans votre âme; mais que Celui qui l’a chassé dehors en souffrant pour vous, habite dans vos cœurs pour vous défendre contre lui. Lorsque vous étiez sous le joug du démon, « vous étiez ténèbres ; mais vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur; marchez donc comme des enfants de lumière. » Veillez contre ces ténèbres et les puissances des ténèbres, à la clarté de la lumière, qui est votre mère, et du sein de cette lumière qui vient de vous enfanter à la vie, implorez le secours du Père des lumières.
Œuvres complètes de Saint-Augustin, évêque d’Hippone, traduites en français et annotées, renfermant le texte latin et les notes de l’Édition des bénédictins, tome dix-huitième, Librairie de Louis Vivès, Éditeur, Paris, 1872, pp. 176-177
Pas de commentaire