Bref exposé des pensées qui disposent au repentir
Souviens-toi, mon âme, de ce prodige redoutable et terrifiant : par amour pour toi, ton Créateur s’est fait homme, et Il a daigné souffrir pour ton Salut. Ses anges tremblent, les Chérubins sont saisis d’effroi, les Séraphins sont dans la crainte ; toutes les puissances célestes Le célèbrent sans fin ; et toi, malheureuse âme, tu te complais dans la paresse.
Mon âme bien-aimée, relève-toi dès à présent et ne diffère pas le saint repentir, la contrition du cœur et la pénitence de tes péchés. Si tu remets d’année en année, de mois en mois, de jour en jour, tu ne pourras bientôt plus désirer de tout ton cœur la pénitence et personne ne compatira sur toi. Quelle torture alors ce sera d’essayer de te repentir, sans y parvenir ! Si tu peux faire le bien aujourd’hui, ô mon âme bien-aimée, ne renvoie pas à demain la sainte repentance car tu ne sais ce que ce jour te donnera ni ce qui peut « arriver cette nuit même. Tu ignores ce que le jour ou la nuit t’apporteront ; tu ne sais si une longue vie est devant toi, ou si tu vas, au contraire, trouver de façon soudaine et inattendue une mort rapide et misérable. Le temps est venu, mon âme bien-aimée, de faire preuve de patience, d’endurer les peines, de respecter les commandements et d’être vertueuse ; le temps est venu de gémir dans le deuil et de goûter la douceur des larmes. Mon âme, si tu veux vraiment être sauvée, aime les peines et les soupirs autant que tu as jadis aimé la tranquillité ! Vis comme si tu mourais chaque jour ; ta vie aura bientôt passé comme l’ombre d’un nuage devant le soleil et tu seras oubliée. Chaque jour de notre vie paraît s’évanouir dans l’atmosphère. Ainsi donc, que rien ne t’arrête, même les plus grandes épreuves.
A propos de nos semblables : ne parlons pas de nos peines, qu’elles soient déraisonnables ou même qu’elles soient sensées, et ne nous abandonnons pas au chagrin ; ne nous laissons pas distraire et ne nous dérobons pas ; considérons que nous sommes comme de la poussière sous les pieds des autres. Nous ne pouvons être sauvés autrement, ni échapper aux tourments éternels ; car notre vie passe comme un seul jour, pour s’achever bientôt. Celui qui ne meurtrit pas son âme dans la vertu et ne sacrifie pas sa vie au respect des commandements divins et de la tradition des Pères, celui-là ne peut être sauvé.
Mon âme bien-aimée, souviens-toi de tous les saints : Apôtres, Martyrs et Prophètes, Hiérarques, Justes et Saints, Moines et Fols en Christ et tous ceux qui dans tous les siècles ont plu à Dieu. Où sont les Saints qui n’ont pas soumis la chair à l’esprit ou qui n’ont pas souffert de grandes calamités ou de cruelles afflictions ? En abondance ils ont reçu leur lot quotidien d’infortunes. Ils ont connu la faim et la soif ; ils ont veillé et prié jour et nuit ; ils ont gardé l’humilité avec un cœur contrit ; ils ont été sans arrière-pensées, tels des enfants, remplis de pitié ; ils sont venus en aide à ceux qui étaient dans les souffrances ou dans le besoin, ils ont fait des dons et des aumônes, autant qu’ils le pouvaient. En un mot, ils avaient toutes les vertus et aimaient d’un amour désintéressé. Ils ne faisaient pas à autrui ce qu’ils ne voulaient pas qu’on leur fît. Ils étaient tout d’obéissance, tels des serviteurs soumis, au service non pas d’un homme mais de Dieu, avec une simplicité vraie et pleine de sagesse, uniquement tournée vers le Salut.
O homme ! La mort est là devant toi. Si tu te donnes de la peine, tu seras récompensé dans le futur par la vie éternelle. C’est en se forçant soi-même qu’on acquiert la vertu. Si donc tu veux maîtriser tes passions, finis-en avec « amour des plaisirs ; si tu cherches constamment à te nourrir, ta vie ne sera faite que de passions. L’âme ne sera humiliée que si le corps est privé de pain. Il est impossible de sauver l’âme de la perdition tout en autorisant au corps ce qui lui plaît. Commençons par le commencement. Mon âme, si tu désires être sauvée et suivre le chemin des épreuves que je viens de décrire, si tu veux entrer au Royaume des Cieux et atteindre la vie éternelle, commence par purifier ton corps, goûte à l’amertume volontaire et souffre les plus grandes peines, ainsi que tous les Saints ont fait et enduré. Quand un homme se roidit et se commande à lui-même d’endurer les pires épreuves par amour pour Dieu, dès lors toutes les peines, les souffrances et les attaques des hommes et des démons lui paraissent légères et ne l’affectent pas. Il ne craint pas la mort, et rien ne peut le séparer de l’amour du Christ.
Sais-tu, mon âme bien-aimée, comment les Saints Pères ont mené leur vie ? O mon âme ! Imite-les au moins quelque peu. N’ont-ils pas versé des larmes ? Pauvre de toi, mon âme ! Leur corps n’a-t-il pas connu affliction, maigreur et épuisement ? Pauvre de toi, mon âme ! N’ont-ils pas souffert les maladies du corps, ne se sont-ils pas lamentés avec larmes sur les blessures de l’âme ?
Pauvre de toi, mon âme ! N’ont-ils pas été vêtus du même corps infirme que nous ? N’ont-ils pas désiré la tranquillité facile et pleine de douceurs de ce monde, de même que le repos du corps ? Oui, ils ont désiré cela, et leurs corps en vérité furent affligés ; mais ils ont changé leur désir en patience et remplacé leur chagrin par la joie à venir. Séparés de tout une fois pour toutes, ils se considéraient comme morts, et ils étaient sans pitié envers eux-mêmes, dans leur lutte spirituelle. Vois-tu, mon âme, combien les Saints Pères se sont donnés de peine, refusant tout repos et endurant toutes sortes d’épreuves ? Ayant soumis la chair à l’esprit et suivi tous les commandements divins, ils ont été sauvés. Mais toi, âme misérable, tu ne cherches assurément pas à te contraindre ; tu défailles aux plus légères épreuves ; tu te laisses abattre sans te rappeler l’heure de la mort ni pleurer sur tes péchés ; car tu as pris l’habitude, âme pitoyable, de manger et de boire à satiété et de vivre dans l’indolence. Ne sais-tu pas que tu es appelée à la mortification volontaire ? Mais tu es incapable de rien endurer ! Comment donc peux-tu espérer être sauvée ?
Dès maintenant, donc, relève-toi, mon âme bien-aimée, et fais ce que je te dis. Si tu ne peux faire tout ce que les Saints Pères ont fait, commence au moins, selon tes propres forces. Sers chacun avec humilité et simplicité de cœur. Reconnais ton infirmité et, avec humilité, répète ceci : « Pauvre de toi, âme misérable ; pauvre de toi, vile âme ; pauvre de toi, âme souillée, indolente, négligente, endormie et cruelle ; pauvre de toi, qui a péri ». Et ainsi, progressivement, l’âme va s’attendrir ; ayant versé beaucoup de larmes, elle reviendra à elle, et se repentira.
Michel Aubry, Saint Païssius Velichkovsky, L’Âge d’Homme, La Lumière du Thabor, 1992
Version électronique [html] disponible sur le site de Presbytera Anna
Saint Paisius Velichkovsky, Little Russian Philokalia, Volume IV, St. Herman Press, St. Paisius Abbey Press, New Valaam Monastery, Alaska, 1994
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