Enfin, on commence à discerner qui vient à ces entretiens. Ce sont principalement des jeunes, des incroyants aussi, et des gens qui ne sont peut-être jamais entrés dans une église auparavant ; il y a aussi des personnes qui ne sont pas russes et parmi elles beaucoup de Juifs. J’en suis très content.
La dernière fois, quand je parlais avec vous et que je vous ai regardés, j’ai été attendri et touché par ce tableau : certains se tenaient debout, appuyés sur quelque chose, d’autres étaient même assis, et tous écoutaient attentivement. La scène respirait une simplicité antique. Je m’attendrissais, et en même temps je fus pris d’une crainte : j’avais attiré des gens, les voilà qui m’écoutaient
… mais qu’est-ce que j’allais pouvoir leur donner ? Que puis-je vous donner, alors que je suis moi-même si pauvre spirituellement, et que bon nombre d’entre vous en savent bien plus que moi et comprennent tout mieux que moi ?
Ensuite, j’ai pensé que j’étais prêtre, et que la grâce que j’ai reçu par le sacrement de l’ordination suppléerait à mes insuffisances. Et puis, dois-je apprendre moi-même ? Notre tâche principale, c’est de trouver une langue commune, la langue de l’amour et de la justice, celle que nous devrions tous utiliser dans notre dialogue avec Dieu. Et alors Dieu nous donnera à tous ce dont nous avons besoin. Le principal, c’est de parler la même langue.
Un jour, je parlais avec un prêtre qui m’a demandé : « Alors, tu continues à prêcher… et tu n’as pas peur ? » Comment ça, lui dis-je, mais c’est notre devoir, la prédication est notre premier devoir. « Continue, m’a-t-il répondu en acquiesçant, car, vois-tu, nous ne savons plus parler la même langue, nos ouailles et nous ; on finit de dire la messe, on débite son sermon et vite, à la maison. »
Alors voilà, je veux trouver une langue commune avec mes ouailles.
Dimitri Doudko, L’Espérance qui est en nous, p. 78, Éditions du Seuil, Paris, 1976
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